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Une résistante de la guerre 1940-1945: Maria Lennertz.

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Une résistante de la guerre 1940-1945: Maria Lennertz.

point  [article]
Maria durant la guerre.

L’entrée du cimetière de Lorette à Visé

Chapelle devant la pelouse d’honneur 1940-1945

La pelouse d’honneur 1940-1945

La pelouse d’honneur 1940-1945

La pierre tombale dans la pelouse d’honneur au cimetière de Lorette

Gros plan sur la plaque funéraire

Une résistante de la guerre 1940-1945 : Maria Lennertz[1]

 

Antoine Léonard

 

La guerre traditionnelle en 1914 avait connu deux aspects de ce que l’on n’appelait pas encore vraiment « résistance » à savoir  le renseignement et la presse clandestine.

En 1940, le premier va se poursuivre sans faille, comme s’il n’avait pas été interrompu et la deuxième va reprendre à nouveau quinze jours après la capitulation.

Durant la guerre 40-45, la résistance à l’occupant va prendre deux formes principales et comprendre des « mouvements » et des « réseaux ». Pour ces derniers, il y aura des réseaux spécialisés dans les renseignements et d’autres dans les évasions.

*   *   *

Mais avant de développer cette diversification, nous allons mettre à l’honneur une femme de chez nous : Maria LENNERTZ. Nos lecteurs apprécieront certainement de mieux connaître cette dame car, son nom revient  à la « Une » de Visé-Magazine une fois par an.


Maria durant la guerre.

En effet, cette résistante proposa à la ville de créer un prix pour récompenser le meilleur comportement civique parmi les élèves de 6ème primaire. Voici son histoire.

Maria (Marie) Lennertz naquit à Welkenraedt le 31 décembre 1919, un peu plus d’un an après l’Armistice du 11 novembre 1918. Durant ses vingt premières années, elle vécut au sein d’une Belgique qui s’efforçait de panser ses plaies ouvertes par les quatre années d’occupation de l’armée sanguinaire du Kaiser Guillaume II. Mais les années passant, des bruits de bottes se firent entendre de plus en plus du côté de l’Est de nos frontières. Un certain Hitler, nommé chancelier de l’Allemagne en 1933 puis « Führer » (guide) en 1934, envisagea une politique expansionniste qui fut à l’origine de la seconde guerre mondiale.

Et c’est ainsi qu’au matin du 10 mai 1940, la Belgique se voyait à nouveau violée par l’arrivée des troupes allemandes.

La jeune Maria Lennertz ressentit alors un immense besoin de combattre ces envahisseurs tant détestés et, dès le mois de juillet de la même année, elle rejoignait un groupe de Belges décidés à combattre les nazis par tous les moyens possibles.

Elle fut ainsi chargée de dactylographier des tracts, de distribuer des journaux clandestins, notamment La Libre Belgique. Tous ces écrits rendaient courage à la population et nuisaient à l’occupant.

Elle s’occupait également des prisonniers évadés afin de les faire passer en zone libre en France pour que ceux-ci puissent rejoindre la Grande Bretagne.

Malheureusement, le 9 janvier 1943, dénoncée par des traîtres, elle fut arrêtée par la Gestapo. Interrogée, torturée par des SS, elle  résista stoïquement aux interrogatoires sans jamais  rien révéler. Ne trouvant pas de preuves, elle fut remise en liberté le 2 février suivant.

Durant une courte période, Marie Lennertz resta inactive, le temps de se faire un peu oublier sans doute ! Ensuite, n’y tenant plus, elle reprit comme précédemment ses activités clandestines dans la région bruxelloise et entra dans l’organisation  qui s’appelait « FRONT DE L’INDEPENDANCE ». Ce mouvement de résistance avait pour but de réunir les Belges résistants de toutes opinions et tendances. Il mit en place des opérations de sabotage, des chaînes d’évasion, un service de faux documents et diffusa 250 publications clandestines différentes[2].

Le 10 février 1944, Maria Lennertz est à nouveau arrêtée par la GESTAPO de l’Avenue Louise. S’en suit des interrogatoires brutaux, des menaces de mort, mais elle résiste une fois de plus aux brutalités et ne dit rien. Trois mois plus tard, en juin 1944, elle est transférée au sinistre camp de RAVENSBRUCK, le seul grand camp de concentration réservé aux femmes et porte le numéro matricule « 42764 ».

Grâce à la sollicitude du comte Folk Bernadotte, alors président de la Croix-Rouge internationale, elle sera libérée le 5 mai 1945 et envoyée, très malade, en Suède. Elle y restera pratiquement deux mois durant lesquels elle recevra des traitements appropriés. Elle rentrera en Belgique le 30 juin 1945 mais gardera des séquelles suite aux traitements subis au cours de son incarcération.

C’est par son mariage avec monsieur LION célébré le 13 août 1953 qu’elle devint visétoise.

Madame LION-LENNERTZ a voulu honorer la mémoire de toutes les femmes qui ne sont pas revenues des camps de concentration. Pour cela, elle a remis en 1990 à la section des Prisonniers politiques visétois et des environs, la somme de 500 000 FB. Elle a demandé que, sous le titre de « Prix de civisme Maria Lennertz et des prisonniers Politiques Visétois », les intérêts de cette somme récompensent les enfants méritants des classes de 6ème primaire de toutes les écoles de l’entité visétoise.

A cet effet, une A.S.B.L. « Prix Maria Lennertz et des Prisonniers Politiques de Visé » a vu le jour.

Dans l’article 3 des statuts de cette A.S.B.L. on peut lire :

« 3.1. L’association a pour but d’encourager et de susciter les efforts scolaires des écoles des élèves primaires de l’entité visétoise appréciés du point de vue de leur esprit civique et de leur comportement à l’égard de leurs condisciples, de leurs familles ou éventuellement du corps professoral.

  3.2. L’association s’efforcera d’atteindre ce but en récompensant annuellement par un prix, l’élève jugé par ses professeurs comme le plus méritant de chaque sixième année primaire des divers établissements situés dans l’entité visétoise, au regard des critères visés ci-dessus.

Maria Lennerz, veuve depuis 1997 décéda le 31 mai 1999.

En reconnaissance de ses mérites, le Gouvernement belge lui a décerné, en plus du titre de  Prisonnière Politique, celui d’Officier de la Résistance, la Croix de Chevalier de l’Ordre de Léopold II avec la barrette en vermeil ainsi que la Croix de Guerre 1940-1945 avec palmes.


La pierre tombale dans la pelouse d’honneur au cimetière de Lorette

Maria Lennertz est enterrée avec son époux dans la pelouse d’honneur au cimetière de Lorette avec d’autres résistants et/ou prisonniers de guerre.

  

 (Je tiens à remercier Madame Isabelle Jeukens, épouse Pirson ainsi que Monsieur Bellem  pour les informations et documents qu’ils m’ont transmis et qui m’ont aidé à écrire cet article.)

Les commandements militaires belge et allié s’attendaient dans les années 1930 à une invasion allemande aux environs de Liège, à une réédition du plan Schlieffen-Moltke de 1914. Dans cette optique, le fort d’Eben-Emael jouerait un rôle central dans la défense.Jusqu’en février 1940, le commandant militaire allemand prévoyait effectivement une réédition de ce vieux plan. Après cela, une variante a été développée : le fort d’Eben-Emael et ses environs devraient être attaqués pour attirer les troupes alliées en Belgique. Entretemps, le gros des troupes motorisées allemandes aurait en réalité progressé au travers des Ardennes, franchi la Meuse à proximité de Sedan et ensuite poursuivi sa marche vers la côte.


Ainsi, la plupart des troupes alliées parviendrait à être encerclée en Belgique.Pour permettre la réussite de ce plan, un succès à Eben-Emael était nécessaire. Mais comment le plus puissant fort d’Europe pouvait-il être éliminé? La 6ème armée allemande (sous le commandement du Général Reichenau) reçut aussitôt la mission, en partant d’une ligne Aix-la-Chapelle – Venlo, de franchir rapidement la Meuse et de rompre le plus rapidement possible les positions belges. La direction générale de l’attaque visait Tirlemont.

 

Les plans d’attaque du Fort d’Eben-Emael et de ses environs furent imaginés par Hitler même.

Pour les réaliser, furent engagés :

 

Les objectifs de ces unités étaient respectivement :

 

Les ponts de Maastricht ne pouvaient pas être pris par des troupes aéroportées (parachutistes). Pour cette raison, le bataillon « Zur besonderen Verwendung 100 » a été engagé. Son plan d’action comportait 3 parties :

Aux 3 ponts du Canal Albert et sur le fort d’Eben-Emael, des troupes aéroportées seraient engagées. Celles-ci seraient transportées à bord de planeurs qui étaient jusqu’alors utilisés à des fins sportives ou pour des observations météorologiques. Les ingénieurs allemands réussirent à transformer ces planeurs en une version de transport lourd, le DFS 230.

 

Ce dernier pouvait transporter une charge de 1150 Kg correspondant à 8 ou 9 parachutistes avec leur armement et équipement. Une attaque par planeur offrait l’avantage par rapport à une attaque par parachutistes que l’attaque se déroulerait par surprise (les moteurs des avions de transport nécessaires à une attaque par des parachutistes déclencheraient l’alerte chez les défenseurs avant leur largage).

 

En outre, les parachutistes resteraient groupés grâce aux planeurs de telle manière que leur attaque pourrait immédiatement débuter. Les planeurs pouvaient également amener groupé un matériel plus lourd (armement, explosifs, vivres….). Sous la direction du Capitaine Walter Koch, 4 groupes de planeurs furent ainsi constitués au sein du Sturmabteilung Koch : un groupe pour chacun des 3 ponts du Canal Albert et un groupe spécifique pour le fort d’Eben-Emael (sous le commandement du Lt Rudolf Witzig) :

 

Après des exercices d’entraînement avec planeur à Hildesheim, les parachutistes s’entraînèrent aux explosifs contre  une ligne de fortifications tchèques installée dans la région des Sudètes et en Pologne. Plus tard, une maquette en verre du fort d’Eben-Emael fut utilisée destinée à restituer clairement le relief. Ensuite, ils s’entraînèrent encore près de Stolberg sur un terrain qui présentait des ressemblances avec celui du fort. Les informations concernant le fort étaient principalement fournies par des photos aériennes. Coupés de tout contact et isolés dans leur casernement, ils s’entraînèrent à porter de lourdes pierres pour remplacer le poids des charges creuses si bien que les autres militaires les croyaient punis. L’instruction était poussée et pénible : ils devaient pouvoir manier toutes sortes d’armes étrangères, connaître le fonctionnement des services publiques, pouvoir conduire un tram belge… Les pilotes des planeurs, parmi lesquels plusieurs avaient remporté des championnats de vol à voile ou établi des records durant l’Entre-deux-guerres, durent également suivre une formation de pionnier. Pour conserver l’effet de surprise, le maintien du secret était extrêmement important. Aussi, le nom du fort resta secret pour les parachutistes jusqu’au moment de sa chute le 11 mai 1940. Ces hommes vécurent comme des prisonniers du 1er novembre 1939 au 10 mai 1940 : pas de courrier, pas de contact avec les autres unités, aucun insigne d’unité sur leur uniforme…

 

L’armement des parachutistes allemands comprenait des mitrailleuses, des pistolets, des carabines, des mitraillettes, des lance-flammes, des grenades spéciales (appelées « eierhandgranaten »), des échelles pliantes, des fusées éclairantes, des drapeaux à croix gammée, une radio et surtout de nombreuses charges creuses, ces nouveaux types d’explosif dont les plus lourdes pesaient 50 kg. La charge creuse se présentait comme une demi sphère avec une cavité creuse en son centre. La charge creuse de 50 Kg se composait de 2 parties pour des raisons pratiques d’emploi. Chaque partie contenait du TNT comme explosif. La partie inférieure comprenait la cavité. Le principe de la charge creuse réside dans sa forme. Lors de la mise à feu, les forces libérées par l’explosion se concentrent au centre de la sphère où se trouve cette cavité creuse.

 

En pratique, cette arme pouvait percer +/- 25 cm d’acier ou +/- 35 cm de béton grâce à sa forme et sa cavité. Il était essentiel que la charge creuse soit placée intacte et avec soin contre l’objectif à détruire. La moindre détérioration ou déformation réduisait considérablement la force de l’explosif.Le groupe Granit disposait :

 

La mission du groupe Granit consistait à :

Pour maintenir la surprise, l’atterrissage des planeurs devait avoir lieu sans déclaration de guerre (à la Belgique et à la Hollande neutres) et à l’aube avant le franchissement de la frontière Germano-Hollandaise par les troupes terrestres. Celui-ci avait été fixé au vendredi 10 mai 1940 à 4 Hrs 30, heure belge (soit 5 Hrs 30 à l’heure allemande).

Le décollage des planeurs tirés par des avions de transport se ferait à partir de 2 champs d’aviation proches de Cologne : Ostheim et Bützweilerhof. Des projecteurs baliseraient de nuit la route aérienne entre Cologne à Aix-la-Chapelle. Sur ce trajet de +/- 72 km, les planeurs devaient être remorqués à une vitesse de 140 Km/H jusqu’à une altitude de 2 500 m en 32 minutes. A proximité d’Aix-la-Chapelle et de la frontière hollandaise, les planeurs seraient détachés de leur avion tracteur, des « Junkers 52 » et devraient descendre dans le silence absolu pour se poser sur leur objectif. La distance restante entre Aix-la-Chapelle et les objectifs était de 30 Km environ et devait être parcourue en 12 à 15 minutes à une vitesse moyenne de 124 Km/Hr.

La surprise fut complète : les ponts de Veldwezelt et de Vroenhoven furent pris intacts respectivement par les parachutistes des groupes « Stahl » et « Beton ». Quant au pont de Kanne, ce dernier a sauté à temps sur ordre du Commandant du fort d’Eben-Emael. Là, les parachutistes du groupe « Eisen » ont échoué et subi de lourdes pertes contre les Grenadiers belges qui y avaient installé leurs positions et leurs tranchées.Des 11 planeurs destinés à l’attaque du fort, seulement 9 y sont initialement arrivés. Le planeur du chef du groupe « Granit » a dû atterrir juste après Cologne à la suite d’une rupture du câble de remorquage lors d’une violente manœuvre effectuée pour éviter une collision en vol. Malgré cela, le lieutenant Witzig a pu obtenir un  nouveau Junker 52 et un train de roues pour son planeur qui a pu décoller à nouveau et atterrir vers 6 Hrs 30 sur le fort d’Eben-Emael. L’autre planeur s’est décroché trop tôt de son Junker 52 et a atterri à proximité de Düren en Allemagne. Son équipage a progressé avec les premières troupes de reconnaissance allemandes jusqu’à la frontière et a poursuivi son chemin en combattant jusqu’à Eben-Emael.

Dès son atterrissage, le groupe « Granit » a immédiatement éliminé les 4 mitrailleuses antiaériennes et, endéans les +/- 15 minutes, a pris ou neutralisé les ouvrages de combat dont les canons pouvaient tirer en direction du nord ou gêner leurs mouvements sur le fort, à savoir :

Durant la journée du 10 mai, les artilleurs belges du fort ont effectué plusieurs contre-attaques. Par manque d’armes automatiques et d’entraînement aux procédés de combat de l’infanterie et à cause d’un terrain très défavorable (les parachutistes allemands s’étant solidement retranchés en position dominante au-dessus du fort dans les ouvrages de combat conquis et bénéficiant d’un appui aérien à la demande), toutes les contre-attaques furent vouées à l’échec. Plus tard dans la journée, le fort de Pontisse tira vainement +/- 1000 obus de 105 mm et le fort de Barchon +/- 250 obus de 150 mm pour dégager la superstructure du fort. Les parachutistes  cherchèrent alors à nouveau protection dans les casemates et blocs conquis.Une autre contre-attaque menée par un peloton d’infanterie belge appelé à la rescousse échoua également. Le 11 mai à l’aube, le canal Albert fut franchi par les troupes terrestres allemandes et la jonction fut réalisée. Les parachutistes placèrent ensuite une charge creuse au pied de la cage d’escaliers de la casemate Maastricht 1 et une autre au pied de celle du bloc de mitrailleuses MiNord pour prévenir d’éventuelles contre-attaques venant de l’intérieur du fort. De même, le pied de la cage d’escaliers du bloc de mitrailleuses MiSud fut partiellement détruit par l’explosion de la porte d’accès au bloc. Entretemps, d’autres objectifs secondaires furent également détruits par les parachutistes allemands et bientôt le fort fut complètement investi par les troupes terrestres. Peu avant midi, le 11 mai 1940, il n’y avait plus que 2 ouvrages d’artillerie en action : la casemate Visé 2 (avec son secteur de tir vers le sud) et la coupole Sud. Peu auparavant, trois blocs de défense rapprochée avaient été neutralisés (bloc 2, Canal Nord et bloc 6) et deux cloches de guet avaient été détruites ou obstruées (celles du bloc 2 et Canal Nord) de telle façon que le pointage des tirs défensifs devint inefficace.

 

Le fort se rendit vers midi le 11 mai 1940 car la situation était devenue critique. La majorité des bunkers était neutralisée, le fort était complètement encerclé par les troupes terrestres allemandes et la garnison était sous le choc des terrifiantes explosions des charges creuses aux effets ravageurs.  De nombreux soldats avaient été tués, gravement brûlés ou blessés par les nouveaux explosifs allemands.La prise du fort d’Eben-Emael constituera indéniablement une brillante victoire allemande que leur propagande de guerre ne se privera pas d’ailleurs pas d’exploiter pour démoraliser les troupes alliées et glorifier la puissance des troupes du 3ème Reich.

 



[1] Article parut dans « Le Papegaie » le journal des Anciens Arquebusiers de Visé.

[2] Le faux Soir est un faux numéro du journal Le Soir publié le 9 novembre 1943 par le Front de l'Indépendance, une organisation de la résistance belge. Utilisant contre l'occupant nazi l'arme de l'humour et de la dérision, le faux Soir fut un acte de résistance qui coûta la vie à certains de ses acteurs.

 



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