Maison du Souvenir

Berchtesgaden, le repaire de l'Aigle Nazi.

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Berchtesgaden, le repaire de l'Aigle Nazi.

point  [article]
Une vue générale de Berchtesgaden situé dans les montagnes bavaroises.

Tel que le monde aurait voulu le voir

La villa du Führer – Un côté latéral

1916

Hitler, dans sa villa à Berchtesgaden, étudie les cartes avec son Etat-Major.

Une aile de la villa d’Hitler après la destruction. Des soldats américains remplacent le pavillon nazi par celui des Etats-Unis.

1921

La même aile, mais vue de la façade arrière avant sa destruction

1923

Des soldats français et américains devant la fenêtre de la salle à manger de l’ancienne résidence d’Hitler.

Hitler et son Etat-Major devant la même fenêtre, avant la destruction de sa villa.

1926

La résidence du Führer brûle

La photo montre les soldats américains à l’entrée de la partie sous-terraine de Berchtesgaden. C’est dans cette cave que l’on a retrouvé une énorme quantité d’armes et de munitions et autres objets précieux.

Une vue du centre de Berchtesgaden.

Les SS ont attaqué, de ce bâtiment, les troupes américaines qui s’approchaient. Les lance-flammes sont entrés en action et ont fait de ce paysage un désert de dévastations.

1928

Hitler sort de sa prison de Landsberg, après le coup d’Etat raté de Munich. Il a en poche le manuscrit de « Mein Kampf », le livre qui changera la face du monde.

1929

Guerre de 1914 – Hitler est soldat, bon soldat de deuxième classe. Il est renfermé. Les camarades ne l’aiment pas beaucoup. Il est décoré de la Croix de fer de première classe.

1931

Après sa prise de pouvoir, le Führer salue le Président Maréchal von Hindenburg.

Hitler en parade devant sa garde de corps.

Dans les montagnes de Berchtesgaden Hitler rend visite à son peuple et lui prodigue des paroles consolatrices

1933

Nous ne sommes pas coupables, gémit le peuple allemand, nous n’avons jamais aimé notre Führer !!!

Les non coupables !!!

1934

1935

Hitler assiste au défilé des futurs aviateurs allemands

En mars 1938, au milieu des acclamations de la foule, le Führer pénètre à Vienne, alors qu’en 1924, lorsqu’il écrivait son livre, Hitler pensait que l’annexion de l’Autriche ne pouvait se faire sans guerre.

1936

Hitler, malgré tout, reste enclin à la tendresse féminine.

Le regard dur et haineux, le gangster Führer prépare un nouveau mauvais coup.

BERCHTESGADEN[1]

Le repaire de l’Aigle Nazi

Vie privée d’Hitler

       A l'âge de 24 ans, Hitler tomba gravement malade, atteint d'une pneumonie. Il fut d'abord soigné à la Lùdwig Klinik, où on lui conseilla d'aller se reposer quelques temps au grand air. Il chercha donc un asile pas trop cher où il pût se remettre et son choix tomba sur un charmant coin du magnifique pays de l'Obersalzberg, Berchtesgaden, petite ville qui, depuis lors, conserva toujours les faveurs du futur chancelier du Reich.

       Berchtesgaden fait penser au Tyrol. Située en Haute-Bavière, à deux pas de la frontière germano-autrichienne, le site du « Nid de l'Aigle » est un grand cirque de montagnes dont les sommets se perdent dans les nuages. On y accède par une suite de longues routes montantes, en lacets, toutes entourées de corps de garde. Avant les « grands jours », Hitler habitait un simple chalet, propre et pittoresque – lequel, par après, s'est transformé en une forteresse voisine d'autres sévères habitations, celles des SS et de la suite personnelle du Führer.

       Ici, nous sommes loin de la grande Allemagne, avec ses Heil, ses Gott mit uns, ses croix gammées géantes et ses discours spectaculaires. C'est le lieu de quiétude où Hitler vient chercher le calme, où il vient méditer longuement sur les grands coups qu'il prépare – ou sur les grands coups qu'il a ratés...

       Mais pénétrons plutôt dans la demeure, et passons quelques heures avec le chancelier, à une époque où la tourmente n'était pas encore si défavorable pour l'Allemagne et où il était encore permis au chef d'Etat de passer quelques instants à rêver sans être immédiatement assailli de tumultes intérieurs et d'horribles cauchemars d'avenir.

       Le bureau personnel du Führer était meublé fort simplement (on peut bien dire « était » : pour ce qu'il en reste !) Une grande table de travail avec le strict nécessaire. Au mur, quelques aquarelles personnelles du propriétaire (qui, d'ailleurs, ne peignait pas mal). Sur la table, aussi, une photographie, dans un cadre de bois brut : une photo de jeune femme dont personne n'a jamais su qui elle était. Otto Wink, un des indigènes de Berchtesgaden et proches d'Hitler, prétend qu'elle est l'effigie d'une jeune fille que le chef de l'Allemagne avait connue dans sa jeunesse (un premier amour, peut-être) et qui serait morte dans un accident. Mais on ne sait au juste...

       Il y avait aussi la grande salle à manger, avec une immense table d'acajou où Hitler étudiait ses cartes d'Etat-Major quand il convoquait ses officiers. Cette salle était éclairée par une immense baie qui donnait sur le paysage magnifique du pays, qu'Adolphe Hitler contemplait parfois, dans ses moments de romantisme.

       Mais comment était-il, dans le privé, dans sa vie paisible de Berchtesgaden ? Ecoutons ce que disent ses domestiques et tous ceux à qui il était donné de le côtoyer.

       Hitler est constamment entouré de membres de la police secrète d'Etat (Geheime Stattspolizei ou Gestapo). II ne peut ni ne veut rester seul en aucun moment, sauf quand il s'en va songer devant, le ciel – rarement, il est vrai – dans un coin perdu de la montagne voisine de sa résidence.

       Il lui arrive de descendre dans le village, en civil, et accompagné de gardes de corps civils. Il porte alors un chapeau tyrolien, de gros souliers cloutés et une veste d'alpiniste. Les gens de Berchtesgaden le connaissent bien et il leur dit bonjour de la main. Là, il ne risque pas grand’ chose et sa vie n'est pas trop en danger. Mais il n'est tout de même jamais tranquille. On a observé qu'il se sentait toujours inquiet, qu'il regardait derrière lui à maintes reprises.

       Adolphe Hitler se lève tôt. Tous les matins, il s'éveille à sept heures, sans qu'on ait besoin de le tirer de son sommeil. Il se lève, fait toilette et déjeune. Comme il mène une vie saine et ascétique, ses repas ne sont pas très consistants. Une assiette de flocons d'avoine au lait fait tout son déjeuner. Il déjeune rarement seul. Il a toujours avec lui quelques-uns de ses collaborateurs (voilà un mot bien choisi !) – car, comme il a horreur de perdre du temps, même pendant les repas il veut expédier les affaires courantes. Les dits collaborateurs, eux, ingurgitent force mets odorants et épicés, sous les yeux attendris de leur Führer qui, lui, se sert encore un peu de porridge... Quand son déjeuner est terminé, il ne fait pas comme nous : il n'allume pas de cigarette. Il ne fume pas, ne boit pas. Il ne prendra plus de repas avant le début de l'après-midi. Il lui arrive même de ne pas manger de tout le jour et de prendre une simple collation quand le soir est tombé. Chaque soir, il mange de la salade, des œufs, puis, il boit du jus de fruits. On raconte que la seule friandise vers laquelle vont ses suffrages est une tartelette. Comme on le voit, Hitler n'est pas gourmand. Il ne pourrait pas, d'ailleurs, se permettre de l'être, vu les charges écrasantes qui lui incombent. Mais nous sommes toujours à Berchtesgaden, lieu de repos et de vacances du chancelier et seules, ses activités à Berchtesgaden  nous intéressent dans ce chapitre-ci.

       Après son petit déjeuner, Hitler appelle son secrétaire et commence une longue conversation avec lui. Celui-ci lui répond, la discussion prend parfois un tour inattendu et il arrive que le ton monte. Car Hitler a horreur qu'on lui donne raison par politesse et aime discuter. Il demande ce que l'on raconte en Allemagne, ce qui s'est passé hier à Z..., pourquoi tel capitaine a été rayé de ses droits. Il lit les journaux, au grand air, souligne des phrases au crayon rouge dans les traductions de journaux étrangers qu’on lui remet tous les matins, puis, se prend à réfléchir profondément et, quelquefois, à noter certaines idées sur des morceaux de papier.

       Il lui arrive de faire appeler quelqu'un pour jouer aux échecs. C'est le seul jeu qui l'intéresse et il va d'ailleurs rarement jusqu'à la fin d'une partie.

       Le soir, il fait venir des musiciens – parfois un seul – qui lui jouent des vieux airs de la Bavière. Il aime la musique. L'Allemagne est le pays de la grande et belle musique. Il est fort regrettable qu'elle n'ait pas continué dans ce domaine qui lui seyait si bien...

R.L.

LA VIE D'HITLER

       Adolphe Hitler naquit à Braunau sur l'Inn, à la frontière austro-bavaroise, le 21 avril 1889, d'un père de 55 ans et d'une mère de 26 ans.

       Son père s'appelait Aloïs Schicklgrüber. C'était un homme d'une grande taille, au corps gros, avec une figure grosse et rouge, et doté d'une moustache d'envergure. Cordonnier de métier, il avait réussi à obtenir une place de douanier vers la quarantaine. Le soir, il se rendait à la brasserie, buvait ferme de gros pots de bière et de grosses gouttes de genièvre.

       Il avait maintenant cinquante-cinq ans. Il avait débuté dans la vie comme le fils bâtard d'une paysanne et d'un meunier. Devenu adulte, il avait acheté les papiers nécessaires permettant de le « légitimer » c'est-à-dire de lui donner le droit de porter le nom de son père « Hitler » en lieu de celui de sa mère « Schicklgrüber ». Il avait eu deux épouses. Quant aux enfants, ceux-ci, devenus adultes, avaient quitté le pays. Et maintenant il avait une troisième épouse, une jeune et jolie femme de vingt-six ans.

       Hitler, enfant, haïssait son père, mais il adorait sa mère. C'était un enfant délicat, super-sensible, que bien peu parvenaient à comprendre. Jamais le père n'eut la moindre joie de l'enfant, lui qui, pourtant, avait été si fier d'avoir eu un fils de cette troisième femme ; jamais il ne put folâtrer avec lui, l'enfant manifestant une sorte de crainte devant son costaud de père. C'est ainsi qu'un dimanche, le père ayant voulu jouer avec l'enfant, celui-ci s'était mis à hurler de terreur, et pendant tout un temps, continue à crier de façon horrible, enfonçant ses petits poings dans ses yeux, fixant son père à travers ses larmes, tout peureux et avec des regards de haine. Même une gorgée de bière – que les enfants aiment toujours – n'avait pu le consoler : criant d'une façon hystérique, il repoussait le pot de bière de sa petite main, – une petite main à la peau douce et blanche, aux longs doigts effilés, une main qui ressemblait plutôt à une main de femme.

       Sa mère était une grande et forte femme, aux traits frappants, avec de grands yeux lumineux, et une magnifique chevelure blonde. L'enfant aimait passionnément sa mère ; il adorait se tenir sur ses genoux, hagard, perdu dans des rêveries, égaré comme dans une extase.

       Un soir, – le petit avait sept ans – le père revenait du café. Il était onze heures. Il trouva le petit Adolphe couché sur les genoux de sa maman. L'enfant venait d'avoir une de ces attaques bilieuses auxquelles il était sujet et sa mère le berçait en fredonnant une chanson. A la vue de son père, le petit Adolphe ouvrant de grands yeux larmoyants, des yeux comme ceux de sa mère, s'était mis à crier, cachant sa petite tête dans le sein de sa mère, comme un enfant qui a peur. Décidément, le père et le fils n'étaient pas faits pour s'entendre.

       Maintenant le gamin avait onze ans. Un conflit vraiment sérieux, s’éleva entre le père et le fils. Comme beaucoup de pères, le père d'Adolphe nourrissait ce vœu : voir son fils embrasser la même carrière que lui : un jour son fils deviendrait un fonctionnaire attitré du gouvernement, avec son uniforme aux beaux boutons brillants, un salaire assuré, en somme une situation « honorable qui lui permettrait de faire son entrée dons tous les milieux ». Mais voilà... Adolphe ne voulait pas être « comme son père ». Tout récemment encore, il avait éclaté en larmes – c'était vraiment une habitude chez ce gamin – rien qu'à l'idée de devenir un fonctionnaire « comme son père ». « Non, non… et non » avait-il dit, d'une manière étrange … d'une manière bien à lui. « Mais que veux-tu donc devenir, en fin de compte ? » lui avait crié son père à son tour. Et le gamin avait répondu avec fierté : « Je veux devenir un artiste ... » « Un artiste ?… un peintre ?... Voyons... tu blagues, mon garçon ?...

       Mais le gamin ne riait pas. Déjà il avait montré à son père quelques aquarelles montrant la maison paternelle, avec sa rangée impressionnante de fenêtres datant du dix-huitième siècle, et les arbres bordant la rivière.

       Mais « quel intérêt pouvaient-elles avoir » se demandait le père. « Un artiste ?... ah non jamais ça... jamais tant que je vivrai... » avait-il crié ; et, dans sa rage, et de peur de frapper l'enfant, il avait pris son chapeau et s'en était allé au café pour y boire et réfléchir. Ainsi la lutte se poursuivait entre le père et le fils. Aloïs Schicklgrüber n'était pas un homme à passer les fantaisies d'un gamin hystérique. Pour lui ôter l'idée de devenir artiste, il le battait fréquemment, surtout quand le gamin rapportait de mauvaises notes de l’école. La bataille continuait. Le gamin était sensible, et délicat, mais il n'était pas couard. Plus entêté que jamais, il continuait de saboter ses études. De son propre aveu, il fut un mauvais écolier, mais il professait un véritable engouement pour la géographie, l'histoire, le dessin et l'architecture. Il avait juré de devenir un artiste-peintre... et il avait horreur des chiffres et de la vie de bureau. Il supportait les coups avec des larmes, soit, mais aussi avec une haine et un courage désespérés. Et maintenant il commençait à détester son propre père, et tout ce que faisait son père, et tout ce que celui-ci aimait. C'est ainsi qu'entre autres, il décida qu'il ne boirait jamais quand il serait grand, de même qu'il éviterait toute grossièreté et toute vulgarité.

       Son amour pour sa mère ne connut plus de bornes. Elle était à ses yeux le seul être décent qu'il connût. Elle était la seule personne qu'il aimât au sein d'un monde hideux à ses yeux, qui, semblait-il, voulait le mâter et l'abattre. C'était sa mère qui le consolait, qui le gâtait. Il lui semblait que jamais il n'aimerait un autre être, fut-ce une femme, comme il aimait sa mère. Et ainsi, de plus en plus, il cherchait le repos en lui-même, c'est ainsi qu'il rêvait… de choses à venir, plongé dans des fantaisies, dans des extases dont son cerveau d'enfant créait l'image ; c'est ainsi qu'il rêvait de la vie qu'il mènerait « comme artiste » comme membre d'une autre classe, d'une classe qui méprisait cette « bourgeoisie » si ridicule dont son père était issu.

       A l'école, Adolphe Hitler avait peu de camarades. Il était d'un caractère très ombrageux, et ne jouait guère avec d'autres gamins parce que leur grossièreté l'offensait... et qu'il préférait sa propre compagnie. Il avait de lui-même un sentiment assez flatteur et ses compagnons d'enfance lui reprochaient sa fierté et son esprit hautain et orgueilleux.

       C'est ainsi qu'il apprit à devenir un égoïste.

       Il avait cependant deux qualités fondamentales : le courage et l'esprit de travail.

       Le père ayant pris sa retraite, toute la famille partit pour un village situé près de Linz. Adolphe négligeait toujours ses études et le père continuait de le fouetter. En 1903, quand Adolphe eut quatorze ans, son père mourut subitement d'une attaque d'apoplexie, la tête penchée sur la table d'un café.

       Enfin Adolphe allait pouvoir faire à sa guise – il allait pouvoir devenir un artiste.

       Le premier allié d'Adolphe avait été sa mère. Or voici qu'un second allié l'avait aidé : la mort. La mort avait emporté son premier ennemi : son père... Pour Adolphe Hitler, la mort était devenue amie...

       Sa mère lui avait laissé entendre qu'elle l'enverrait à l'Académie quand il aurait atteint l'âge. A l'école, sa conduite était « passable » et les bulletins de l'école notent « élève travailleur et courageux, d'une intelligence moyenne, et d'un caractère assez personnel ». En allemand, en mathématiques, comme en physique, il était « passable ». Plus tard, il fut  « suffisant » en mathématique et en physique, mais seulement « passable » en allemand. En géométrie et en dessin mécanique, il était d'abord « passable » mais plus tard il « laissait à désirer ». En dessin il était « bon », et, plus tard, « excellent ». Son travail « écrit » était « non satisfaisant ».

       Adolphe Hitler était un garçon irritable, sujet à des crises de pleurs et de cris incontrôlés. Il restait une grande partie de son temps renfermé en lui-même. Il lisait au hasard, et, durant tout un temps, s'intéressa surtout à une histoire populaire de la guerre franco-allemande, s'identifiant avec les héros allemands de cette guerre, comme font en général les garçons, et regrettant que son propre pays, l'Autriche, ne fût pas une grande puissance comme l'Allemagne. Déjà enfant, il aurait voulu, comme beaucoup d'Autrichiens, être Allemand, ou, encore, que l'Autriche, la Hongrie et l'Allemagne fussent un seul et grand empire qui ne le cèderait en rien devant les autres grandes nations du monde.

       Jusqu'ici Hitler n'avait jamais beaucoup travaillé en quoi que ce fût. Il dessinait, il peignait, mais sans effort apparent. Lorsqu’il se rendit à Vienne, l'Académie n'eût pas très bonne opinion de ses peintures et lui opposa un refus. C'était en 1907. Il avait maintenant dix-huit ans, et les rapports disent que l'Académie ne considérait pas ses peintures comme suffisamment réussies pour lui permettre de subir même l'examen d'entrée. Il essaya une nouvelle fois, mais l'Académie affirma cette fois « qu'il n'avait point de talent ». Ce fut un choc brutal pour ce jeune homme égoïste, pour ce garçon qui avait tout misé sur la carrière de peintre, une carrière « qu'il avait choisie lui-même ».

       Le Directeur de l'Académie lui fit comprendre que le métier d'artiste ne lui convenait pas et que – vu ses beaux dessins – « il ferait mieux d'essayer l'architecture ». Tout comme un Chef de l'Ecole de Médecine aurait conseillé à un jeune homme sans dispositions spéciales pour la médecine d'apprendre le métier de dentiste.

       Et que conclut de tout cela notre jeune homme ? Disons d'abord qu'Hitler avait une manière toute particulière de « tourner les choses à sa façon », il n'était pas de ces jeunes gens à forte tête, qui défient leur père, mais qui avouent ensuite qu'ils ont eu tort et qui finissent par accepter la vie médiocre qu'ils vivront plus tard. Hitler se dit que, pour devenir architecte, il n'avait pas reçu l'instruction qui convenait, que quelqu'un était à blâmer... quelqu'un... oui... mais certes pas lui.

       Il retourna à Vienne, muni du peu d'argent qu'il avait pu rassembler après la mort de sa mère. Il n'aimait pas Vienne. Ses souvenirs avouent : « Plus je voyais cette ville avec son étalage de pauvreté, plus je sentais croître en moi mon dédain pour cette cité qui d'abord vous attire pour ensuite vous repousser de si horrible façon. »

       Quelques mois plus tard, ce garçon qui n'avait pas voulu devenir fonctionnaire, qui avait juré qu'il serait mieux qu'un simple membre de la « bourgeoisie » se trouva démuni de tout il tomba plus bas que le rang d'où était sorti son père, puis, plus bas encore : de vingt à vingt-trois ans, Adolphe Hitler fut effectivement une sorte d'épave, un vagabond. Il dut se contenter de vivre dans des espèces de pensions de famille comparables à celles de Whitechapel.

       Dans un couvent de la Gumpendorfer strasse, il recevait chaque jour un bol de soupe gratuite. En hiver, il se fit balayeur de rue, et, par intervalles, il alla jusqu'à mendier aux passants.

       Il nous laisse à ce sujet cette remarquable sentence sur l'état de pauvreté : « il semble que le corps s'habitue petit à petit à bien vivre en des temps d'opulence, et à supporter la faim par des temps durs ».

       Il nous donne cette autre image sur le paupérisme dans les grandes villes, l'image « d'un gosse de trois ans au sein d'une famille de sept personnes, habitant une cave, et grandissant dans ce milieu jusqu'à l'âge de quinze ans. »

       Beaucoup de ses ennemis nous disent que, durant cette période, il fut un débauché. A cette époque, en effet, tous ceux qui le connurent croyaient bien que Hitler ne serait jamais mieux qu'un « raté ». Ainsi raconta-t-on des histoires sur son compte relatant qu'il avait fait le tapissier, le peintre – on le tenait pour un véritable artiste de lettres gothiques, et c'est lui qui fit à ce moment les plus belles enseignes de Munich. De même circula la légende qu'il était homosexuel, qu'il était fou, ou qu'il ne tarderait pas à le devenir. Mais voilà... Hitler n'était pas un débauché comme un autre. C'était un raté mais un raté qui trouvait toujours autrui à blâmer pour sa faillite.

       Amoureux de conquêtes, mais ne réussissant dans rien, il devint toujours de plus en plus mécontent du monde – ce qui est bien dans la tradition du would be conqueror. Avant de devenir vagabond, le jeune Adolphe avait travaillé comme manœuvre-maçon à Vienne. Il racontait à qui voulait l'entendre que, de cette façon, il s'élèverait jusqu'à la position d'architecte. Il portait le costume d'un étudiant et se tenait à l'écart des autres ouvriers. Il était, suivant sa propre expression, « d'une tenue réservée ». Des ouvriers lui demandèrent de se joindre à leur syndicat, mais il refusa. Il était bien au-dessus de ça, « lui qui allait devenir architecte ! » Pendant le repas de midi, il se tenait assis, à l'écart, buvant du lait ; mangeant son pain avec du fromage. Jamais il ne buvait de bière. Il écrivit à ce propos : « Je buvais ma bouteille de lait, et je mangeais ma croûte de pain, me tenant à l'écart, et ruminant sur mon sort misérable. » Les ouvriers virent en lui un type assez curieux. Ils lui parlèrent, tâchant d'en savoir plus long sur son compte. Ils lui dirent leur avis sur la politique du pays et sur celle de l'étranger, comme les ouvriers ont coutume de faire. Ses compagnons de travail étaient vaguement socialistes. Ils vouaient aux gémonies et le capitalisme et la bourgeoisie. Il leur arrivait même de toucher aux questions religieuses et morales. La réaction d'Hitler devant leurs arguments était celle d'un jeune homme qui se, croyait trop de qualités pour devenir un fonctionnaire du gouvernement et qui se proposait de devenir un jour un artiste – ou du moins un architecte. Certes, lui aussi était contre la bourgeoisie, mais il était tout autant contre cet autre système de dictature, celle du prolétariat, c'est-à-dire d'un gouvernement « par les ouvriers ». Ce dont il rêvait, c'était d'une union de toutes les nations germaniques, c'est-à-dire d'un empire tellement grand, tellement puissant qu'enfin lui-même n'aurait pas honte d'y appartenir. Et ainsi, durant ces repas de midi, il restait accroupi sur l'échafaudage du bâtiment, écoutant en silence les ouvriers discutant d'un monde meilleur. Puis, soudain, il se mettait à les haranguer avec un esprit de vindicte, avec une pointe de son ancienne hystérie. Avec emphase, il s'efforçait alors d'exprimer ses sentiments à lui, des sentiments enracinés et puissants, mais qu'il ne parvenait pas à exprimer avec toute la clarté voulue. En effet, il n'avait alors que vingt ans ; il avait peu lu, et il ne possédait aucun de ces faits concrets, aucune de ces théories plausibles sur quoi établir ses arguments en somme purement émotionnels. Les ouvriers riaient de lui, et, peu à peu, le méprisèrent. Un jour, ils l'arrêtèrent au beau milieu d'une de ses tirades et le forcèrent à quitter le chantier, faute de quoi « ils le jetteraient bas de l'échafaudage ». Et voilà comment il fut renié par ses premiers auditeurs. Il quitta son emploi.

       C'est alors qu'il devint un vagabond. C'est à cette époque qu'il commença de lire d'une façon systématique pour la première fois de sa vie. Il avait une façon « bien à lui » de lire un livre, façon qu'il nous a décrite d'une manière assez candide. A ses yeux, s'il n'avait pas réussi à gagner les ouvriers par ses arguments, c'était uniquement parce qu'il manquait de faits et de théories pour soutenir ses propres idées. A partir de ce moment, il n'eut plus d'autre idée que de lire. Toujours il avait présente cette image d'une grande nation allemande, d'une nation où il ne ferait pas le vagabond, ni même l'ouvrier. « La lecture », nous dit-il dans son allemand défectueux, «  la lecture ne doit pas être un but, mais un moyen vers un but... Un orateur, par exemple, qui ne meuble pas son intelligence par une espèce de mosaïque de faits concrets, ne sera jamais en mesure, en cas de contradiction, de présenter son opinion d'une manière convaincante, cette opinion dût-elle correspondre mille fois à la vérité. Sa mémoire lui fera honteusement défaut, et jamais il ne trouvera les arguments nécessaires pour confondre ses adversaires. »

       Et ainsi le jeune Hitler lisait sans relâche, cherchant des arguments qui lui permettraient de confondre les vagabonds au milieu desquels il vivait. Il commença maintenant à ébaucher du monde une image « bien à lui ». Quoique d'une pauvreté misérable, il se consolait par un amour-propre toujours grandissant. Il souffrait de la faim, du froid, mais ce dont il souffrait le plus, c'était de voir son « ego » battu à tous les vents. Or... son « ego », c'était tout ce qu'il possédait.

       Il commença d'assembler les pièces de cette formidable mosaïque qu'il se créait en son propre cerveau en vue de se représenter le monde tel qu'il préférait le voir en réalité. D'abord, il découvrit les communistes. Il lut Karl Marx. A ses yeux, les communistes étaient en dessous des syndicats ; or, il haïssait les syndicats parce que c'était des syndiqués qui avaient menacé de le jeter bas de l'échafaudage. Puis, il découvrit les juifs. Il décida que les juifs étaient en dessous des communistes. Les juifs étaient même, pensa-t-il, en dessous des bourgeois... cette classe qu'il haïssait en pensant aux diplômes, symboles de l'éducation bourgeoise, ces diplômes qui l'avaient empêché de devenir architecte, et aussi... parce que feu son père en était. Il décida encore que les juifs étaient en dessous des capitalistes, qui, eux, trompaient la bourgeoisie et les ouvriers, puisqu'ils l'empêchaient de devenir riche lui-même.

       Il lut sur toutes ces choses ; il y réfléchit, vivant entre-temps dans quelque pension de famille, gagnant quelques sous de-ci de-là, en peignant des cartes postales qu'un sien ami vendait dans les rues. Il lui arrivait aussi de peindre une aquarelle plus grande, qu'il séchait près du feu, où elle prenait, un ton jaunâtre de sorte qu'elle avait l'air d'une peinture faite depuis plusieurs années. Il posait ensuite dans le coin du tableau le nom de quelque artiste défunt, pas trop bien connu ; et le copain de la pension s'arrangeait alors pour vendre le tableau à quelque touriste de passage dans le café.

       Tous ces chômeurs, copains d'Hitler, étaient de grands bavards. Le plus grand bavard était Hitler. Après leurs conférences du soir, les hommes se mettaient au lit, non sans avoir, au préalable, lavé leur chemise et leurs chaussettes. Certains parmi eux ne la lavaient qu'occasionnellement. C'est ainsi qu'un petit paysan de la pension avait fait cette plaisanterie ; « Ha... Hitler lave sa chemise ... il va faire beau demain. »

       Le jeune Hitler avait maintenant 23 ans. Il avait séjourné trois ans à Vienne. Parlant de cette période de sa vie, il a écrit : « Quand la déesse Misère me prit dans ses bras – et ce fut plus d'une fois que cela m'arriva – et qu'elle menaça de me broyer, chaque fois ma volonté s'accrut ; ce fut celle-ci qui enfin l'emporta. Je dois beaucoup à cette époque durant laquelle j'appris à devenir dur, que j'appris comment être dur. Je lui sais gré à cette époque de m'avoir épargné une vie facile, et d'avoir ôté de son nid de plumes la poule mouillée que j'étais pour la confier à Notre-Dame-des-Chagrins comme mère nourricière, me jetant ainsi dans un monde de misère et de pauvreté, et me rendant ainsi familier avec ceux pour qui j'allais lutter plus tard . »

       Puis, il ajouta encore quelques autres sujets de haine à sa liste déjà longue.

       A la pension il était connu comme un homme qui jamais ne recherchait une femme. Les autres habitués de la pension se déshabillaient en commun, sans honte, tandis que le jeune Hitler s'en allait dans quelque coin éloigné, y changeait furtivement ses vêtements, comme embarrassé de sorte que jamais personne ne vit son corps. Il avait aussi ses idées sur la nourriture, sur le régime, dont il prétendait exclure la viande, parce que, disait-il, « manger de la chair était une chose dépravée et malpropre ». Il mangeait uniquement des légumes et du gruau de grain. Il ne buvait pas. Ses grands yeux ; toujours mouillés, semblaient briller d'extase. Il avait une allure souple, élancée, avec une tête qu'on décrivait alors comme « presque belle » une barbe et des moustaches filandreuses et touffues ; avec cela une démarche pressée et sautillante. Souvent il déambulait ainsi dans Vienne, parlant avec lui-même. Sa seule distraction, lorsqu'il avait un peu d'argent, était l'Opéra. Il avait lu cette œuvre curieuse et pleurnicharde « La Science raciale » du Comte de Gobineau, ce Français qui fut, plus tard, honoré par l'Allemagne nazie pour ses théories sur la supériorité raciale. Il avait également lu Houston-Stewart Chamberlain, cet Anglais qui embrassa le germanisme et qui introduisit les ouvrages de Gobineau auprès de Wagner. Il tomba aussi amoureux de la musique de Wagner et vit une signification personnelle dans les trames des opéras qu'il allait voir. Il décida que Brunehilde, c'était le peuple allemand trompé par Loki, le juif communiste. Elle – Brünehilde – attendait la venue d'un Siegfried qui engagerait le combat avec le dragon et qui braverait le feu afin de la sauver. Ainsi tout se mêlait dans son esprit.

       Il avait appris à haïr non seulement les communistes et les juifs, mais aussi les parlementaires. Il avait pour coutume d'aller à la Chambre de Vienne. Il était furieux de voir que tant de parlementaires étaient des non-Allemands, de sang mêlé, ce qui le dégoûtait. Son aversion était réelle pour « cet Etat habsbourgeois » et tout aussi répugnant lui paraissait le hochepot de Tchèques, de Hongrois, de Ruthènes, de Serbes, de Croates... avec, au milieu : les juifs, encore et toujours les juifs. A ses yeux, cette grande ville qu'était Vienne lui semblait, suivant ses propres mots « l'incarnation de l'inceste ».

       A vingt ans ... déjà l'orgueil perce : pour la première fois, il emploie ces mots «à MON peuple ».

       Lorsqu'il eut vingt-trois ans, il quitta Vienne pour se rendre à Munich. Là, il s'occupa de divers métiers ; peintre de maisons, aide-tapissier. Comme patrons, on cite Braun, Bruder, Zweiger, et Jacob Rosen, un entrepreneur juif avec lequel il eut des querelles. Est-ce de cette époque que datent ses sentiments d'antisémitisme ?... La question reste ouverte... Sa spécialité restait malgré tout les enseignes et la peinture de lettres gothiques. Il adorait ces caractères gothiques, et, plus tard, dès son arrivée au pouvoir, il exigea que tous les journaux allemands fussent imprimés en caractères médiévaux.

       A vingt-quatre ans, après son service militaire, Hitler tomba malade. Pour se reposer, il choisit Berchtesgaden, coin charmant dans l'Obersalzberg, qui, depuis lors a gardé sa faveur auprès de lui.

       Puis, ce fut la guerre... Le jeune Hitler s'engagea dans l'armée allemande. Il nous dit dans ses souvenirs : « Lorsque j'appris l'ultimatum à la Serbie, je tombai à genoux, remerciant le Seigneur de m'avoir permis de vivre à une telle époque »… Puis : « J'endossai l'uniforme que je ne devais quitter que six ans plus tard. Et alors commença pour moi l'époque « la plus inoubliable et la plus grandiose de ma vie terrestre ».

       Il fit son service et devint caporal, comme chacun sait. Il se montra patriote d'une façon vraiment hystérique, toujours pour la cause de la grande Allemagne. C'est comme un «  illuminé » qu'il raconte son arrivée au front de Flandre. Ses chefs prirent avantage de sa ferveur en l'employant pour des besognes dangereuses : missions privées ; reconnaissances solitaires. Il fut blessé deux fois et gazé d'assez mauvaise façon. Durant toute la guerre, il porta sur lui le portrait de sa mère, dans la poche gauche de son uniforme, et, même à l'époque des congés, il continua de mener une vie d'ascète. Il avait maintenant rasé sa barbe et ne portait que la simple moustache. Au front, Hitler ne réclamait jamais. Jamais il ne parlait sur un ton amer, ni ne se plaignait de ses supérieurs. Ses compagnons d'armes le trouvaient insupportable. Un jour, porteur d'un message à un poste situé à l'arrière des lignes, il fit la rencontre d'un soldat occupé à faire marcher un téléphone de campagne et qui lui dit d'un air maussade « qu'il se souciait bien peu de savoir qui gagnerait la guerre... ». Hitler lui infligea une bonne raclée, ce dont il fut complimenté par ses supérieurs. Hitler gagna la croix de fer de première classe pour avoir capturé, seul, quelques soldats français. Certains lieutenants étaient d'avis qu'on aurait pu faire un officier de ce brave soldat. « Jamais je ne ferai un officier de ce gaillard hystérique » leur avait répondu le capitaine.

       Il avoue pourtant que lui aussi connut la peur. Chez lui aussi le côté « romantique » de la guerre fit place à la terreur (Grauen). Il dit à cet endroit : « Mon enthousiasme se calma ; étouffé par la peur de la mort. Mais la conscience du devoir l'emporta. »

       La défaite de l'Allemagne fut une défaite personnelle pour le jeune Adolphe. A ce moment, il se trouvait au lazaret. Il écrit : « Lorsque j'appris la nouvelle de la capitulation... ma vision soudain s'obscurcit ; je me jetai sur mon lit, et je cachai ma tête brûlante dans les coussins. Depuis le jour où j'avais enterré ma mère, je n'avais plus pleuré, et, plus tard, le sort le plus impitoyable ne réussit qu'à enflammer mon orgueil... Mais maintenant, je n'en pouvais plus... maintenant seulement je vis comment la douleur personnelle s'efface devant le malheur de la patrie. » Il savait aussi « qui » il convenait de blâmer pour ce désastre : les communistes et les juifs, c'étaient eux qui avalent perdu l'Allemagne ; c'étaient eux qui avaient détruit le moral de l'armée à l'arrière, c'étaient eux qui avaient poignardé le kaiser dans le dos. Une fois qu'il eut posé le blâme, il se sentit mieux. Il continue... « Puis, en moi, ce fut la colère, ce fut la honte, puis la haine, oui, toute la haine contre ces misérables criminels. » « Puis il me vint un rire à l'idée de mon propre avenir... Puisque ce qui venait d'arriver était ce que j'avais craint depuis toujours ... « Avec les juifs ... pas de pacte possible » m'écriai-je. Et dès ce jour je résolus de devenir un « P o l i t i k e r ».

       A l'armistice, Hitler avait vingt-neuf ans. Il était beaucoup plus mûr à cet âge que la plupart des conquérants-amateurs de l'histoire ne le furent au début de leurs longues conquêtes. Pourtant, il allait devoir attendre jusqu'à l'âge de cinquante ans avant de pouvoir essayer à son tour ses propres conquêtes. A vingt-neuf ans il avait cependant beaucoup de choses en commun avec les conquérants du passé. A vingt-neuf ans, il avait déjà une personnalité qui ressemblait assez bien à celle d'Alexandre le Grand, de Genghis Khan, de Mahomet, de Guillaume le Conquérant et de Napoléon. Seule, la légende a haussé sur un piédestal héroïque ces conquérants ; les faits pourtant montrent clairement qu'ils furent tous des êtres vaniteux, égoïstes et profondément antisociaux, quoiqu'ils prétendissent, tout comme Hitler, qu'ils n'avaient en vue que le seul bien de l'humanité.

       A vingt-neuf ans, Hitler possédait tous les atouts d'un conquérant ; il en avait même beaucoup plus que n'en eurent jamais la plupart de ses prédécesseurs. Il était sans la moindre responsabilité personnelle. Il n'avait point de famille, point d'amis. Il n'était pas tenu par .les liens de l'amour ni par ceux du mariage. Il n'était ni buveur, ni débauché. Son ascétisme lui donnait l'aspect d'un mystique. Il avait cultivé à un suprême degré cette espèce de malice de «  tourner l'adversaire en un rêve de triomphe, rêve d'une telle intensité qu'il pût y croire lui-même » Il avait lu suffisamment pour être à même de donner un semblant de vérité historique à n'importe quelle théorie qu'il jugerait bon de prêcher. Et, par-dessus tout, il aimait avec ferveur son propre rêve... ce rêve pur et sans tâche, ce rêve d'une Allemagne au-dessus de tout, et même, si possible, d'un monde qui serait entièrement allemand. Il n'était pas un homme à se laisser impressionner par le dehors, mais il était impressionnable par le dedans.

       Ce fut au début de 1919 qu'Adolphe Hitler assista pour la première fois à la réunion d'un petit groupe d'ouvriers qui se qualifiaient d'antisémitiques, anticapitalistes, anticommunistes, en somme, anti-n'importe quoi, à Munich. Il alla à ce meeting en tant qu'espion pour le compte de ses supérieurs de l'armée – maintenant  devenue la Reichswehr – afin de savoir quelle était l'opinion courante parmi les divers groupes d'ouvriers, à cette époque. Les membres de ce groupe particulier crurent avoir trouvé une espèce de panacée nouvelle pour l'Allemagne défaite et misérable. Ils étaient d'avis que le chef de la nation devait-être avant tout un « conducteur » une sorte de « F ü h r e r » comme ils disaient, Hitler, assis, écouta... avec ses grands yeux aqueux, ses cheveux pendant sur son front, sa petite moustache, ses mains de femme, son hystérie toute intérieure, Hitler écoutait ... tel un fanatique, un patriote exacerbé, comme l'exemple classique du futur conquérant.

       Hitler retourna au second meeting du même groupe. Mais cette fois ce n'était plus en qualité d'espion pour le fait de l'armée – de cette armée qui n'avait pas su tenir, de cette armée qui avait failli... suivant son expression. Il joignit le groupe en qualité de septième membre. Ayant raté dans tous le reste, Hitler venait de décider de devenir un véritable « politicien ». Bien vite ce furent des harangues devant un certain public, étonnamment familier à ses yeux. Quant au sujet de ces discours : la révolution, les clauses du Traité de Versailles, l'inflation, et comme résultat, l'Allemagne ulcérée comme par un complexe d'infériorité (toute l'Allemagne avait été en effet réduite dans un état de vagabondage, état que lui, Hitler, avait connu mieux que quiconque). En somme un énorme chaudron de soupe, mais où il n'y en avait pas assez pour tout le monde...

       Et le peuple allemand, en désespoir de cause, commença d'écouter cet Hitler avec le même espoir sauvage que ces vagabonds du dortoir de Vienne lorsque le peintre de cartes postales leur avait exposé ses projets « qui devaient les rendre tous heureux ». Il leur parla du fond de son cœur, faisant vibrer toutes les cordes intérieures de son propre « ego » incommensurable... Tout ce qu'il s’était dit à lui-même, il le dit au peuple allemand. Il leur dit que l'Allemagne « aurait pu gagner la guerre » si elle n'avait pas été poignardée dans le dos. Il leur dit que la race allemande, pure entre toutes, était une nation exaltée, une nation capable de dicter sa volonté au monde pourvu qu'elle fût purgée de tous ces individus qui n'étaient pas exactement comme lui, Hitler.

       Ce n'était pas Hitler qui s'était haussé jusqu'au faîte d'où il aurait pu s'adresser au peuple allemand ; non, c'était le peuple allemand qui, lui, était descendu au niveau de Hitler, c'est-à-dire au niveau du vagabond – certes pas un vagabond ordinaire, mais d'une espèce qui n'avait pas encore vu le jour.

       En 1923, il essaya un putsch, qui échoua de la façon ridicule qu'on sait. Il fut envoyé à la forteresse de Landsberg pour trahison. Il y vécut mieux qu'il ne l'avait fait depuis son enfance. Maniaque de l'ordre et de la propreté, il y passa des heures à nettoyer et à raccommoder ses vêtements. Ce fut là aussi qu'il écrivit « Mein Kampf ». C'est le seul exemple d'un conquérant-amateur dans l'histoire écrivant dans un livre chaque détail de son vaste plan de conquête futur. Après treize mois, il fut relâché. En 1933, sa puissance était telle qu'il put devenir chancelier par des moyens techniquement constitutionnels. Aussitôt qu'il fut à la tête du pouvoir, il se mit à détruire de façon caractéristique toutes les voies de l'avancement politique qui permettraient à un opposant de prendre sa place. Il devint effectivement le dictateur, le conducteur, en un mot « le F ü h r e r. » Lorsqu'il eut enfin créé l'unité du peuple allemand, il s'occupa de son vrai programme... celui de conquérir l'Europe.

HITLER INTIME

       Hitler est né le 21 avril 1889. Il a 1 m. 75 et pèse environ 79 kg. Il porte les cheveux peignés vers la gauche, pour cacher une cicatrice à cet endroit du crâne. Ceci à la suite d'une blessure occasionnée par une chute à l'école, à Braunau. Son bras gauche ayant été fracturé, lors d'une chute à Ratisbonne où il faisait le peintre, il a le bras droit beaucoup plus solide que le bras gauche. A l'école, il était toujours vêtu de vêtements bruns et d'une chemise de même teinte. Le brun est du reste sa couleur préférée... comme chacun sait ! Devenu adulte, il a toujours manifesté une préférence marquée pour les tons chauds : le brun, l'orange, le vert. Il avait une prédilection pour le dessin et tous ses compagnons d'école se rappellent l'avoir entendu exprimer le désir de devenir artiste-peintre ou architecte. S'il est vrai qu'il passait pour un « gobeur », tout le monde reconnaît qu'il était un courageux. Il n'aimait pas les rois. Quant au genre de gouvernement qui avait ses suffrages... n'insistons pas : le Belge en sait quelque chose... Il avait la gaîté expansive – quand il lui arrivait d'être gai, bien entendu, et il savait chanter tout en travaillant.

       Hitler était un homme impulsif et total. « Tout ou rien » tel semblait être son leitmotiv, Streicher, un de ses compagnons de prison, dit de lui « qu'il était avant tout un idéaliste féroce et que sa ferveur déplaçait des montagnes. Avec cela un véritable magnétisme qui émane de toute sa personne, sous forme de la confiance... ou de la terreur qu'il inspire à tous ceux qui l'approchent. » Selon d'autres, c'est surtout son courage qui a groupé tant d'adeptes autour de lui. Son frère celui qui, jadis, garçon de café à Munich, lui prêtait quelques francs sur ses pourboires pour le sauver de la famine – le trouve « surnaturel ». Sa sœur croit qu'il est un dieu dans un corps d'homme. Tout ceci à titre purement documentaire, évidemment... Le journaliste n'est-il pas désigné pour tout dire, tout divulguer ? Quant à ce qu'il pense lui-même de sa propre personne ? Il se considère tout simplement « comme le dernier homme de son temps, qui a du poil ».

       Hitler est, dit-on, gaucher. Il tient son crayon par le bout. Lorsqu'il boit, il rejette la tête fort en arrière. Il a une manie de croiser les jambes en appuyant sa tête sur sa main gauche. Il tousse assez fréquemment. Il ne sourit qu'à moitié, et de côté. Comme beaucoup de médecins, il se pince le nez lorsqu'il réfléchit profondément. On dit encore qu'il ne supporte pas l'odeur du tabac (serait-il un peu femme ?... ça se remarque chez certains hommes ; on en conclut un tas de choses... évidemment... mais nous ne déciderons rien en la matière). Il ne porte jamais de souliers, mais toujours des bottines. Il ne veut pas de chapeaux noirs, et, en auto, il n'aime pas les grandes vitesses. Il descend toujours les marches de l'escalier par le pied gauche et monte par le pied droit. En quoi il n'est pas seul, je pense. Il est depuis toujours un maniaque de l'ordre et de la propreté ; il se baisse pour ramasser un fétu de paille au jardin, et il exige des chiffons présents dans son mobilier, car il a une horreur instinctive de la poussière ; c'est pour cela aussi qu'il souffle invariablement sur tous les documents avant de les lire.

Recueilli par Juve.

UNE ANECDOTE

ADOLF HITLER ET LA JEUNE INCONNUE.

       Les chroniqueurs racontent ...

       Mais que ne dit-on pas...

       C'était un soir d'été, dans une auberge tout à fait « Ober-Bayern »  d'Allemagne. La nuit tombait avec des courants d'air chauds et des airs de musique langoureuse qui mettaient de l'ambiance.

       Devant une fenêtre ouverte, Adolphe Hitler était assis dans la salle, avec des amis, jouant aux dés en buvant de la bière. C'était à l'époque de sa jeunesse, il n'avait, alors, encore rien de célèbre et passait inaperçu auprès des autres voyageurs et consommateurs de toutes sortes qui emplissaient la salle. Les ragots allaient bon train. La fumée était épaisse et il fallait parler haut pour couvrir le bruit des voix et se faire comprendre de son voisin.

       Adolf Hitler jouait, sans presque parler. Une syllabe ; de temps en temps. Il n'était pas connu comme bavard.

       Une jeune fille, soudain, entra dans la salle et fit tourner toutes les têtes. Elle était blonde et mince, et élégante, – le type même de l'Allemande, de la femme nordique, mais en plus raffiné. Hitler, lui aussi, avait tourné la tête, puis, comme les autres, il s'était remis à jouer, peut-être un peu plus distraitement.

       La jeune fille, des yeux cherchait une place libre où elle pût s'asseoir et consommer. Il n'y en avait plus qu'une ou deux, dons la salle, dont une sur la banquette, à côté, du vis-à-vis d’Hitler, qui jouait aux dés. C'est celle-là que choisit la jeune femme blonde – et Hitler ne la quitta plus des yeux de toute la soirée.

       Vint la nuit. Chacun monta à sa chambre – et la jeune fille, elle aussi, logeait en cette auberge.

       Le noir. La chaleur d'une nuit d'été. Un couloir sombre, au premier étage de l'auberge, baigné de clair de lune.

       Il doit être trois heures du matin. Une porte s'entrouvre, et Hitler paraît, en peignoir. Sûr de lui, sans aucune timidité, il traverse le corridor, se dirige vers la porte de la jeune blonde – et frappe, lentement, trois coups.

       Pas de réponse.

       Il refrappe, un peu plus fort, nullement inquiet. La porte s'ouvre, lentement, et un visage de femme se montre dans l'entrebâillement, les cheveux défaits et l'air un peu ahuri.

       Hitler n'a qu'une phrase :

       - Voulez-vous venir avec moi faire une promenade dans la forêt ?

       Elle le considère, stupéfaite d'une telle demande, à une telle heure, et répond :

       - Vous êtes fou !

       - Non, dit-il, vous vous méprenez sur le sens de mes paroles. Mais cela suffit, excusez-moi.

       Et il se retire. Elle le suit des yeux, le voit rentrer dans sa chambre et en ressortir quelques secondes après en culottes d'équitation et en veston. Il descend les escaliers, doucement, et sort de l'auberge, dans la fraîcheur de la nuit.

       Cette femme, dit-on, était Eva Braun...

R. L.

L'HOMME AU MASQUE DE SANG

     Sic transit gloria…

       Jamais homme, au cours de l'Histoire, croyons-nous, n'a pu se dire célèbre comme Adolphe Hitler. Ne serait-ce qu'en mal, il est et restera la grande figure du vingtième siècle – et aussi, comme on l'appelle en Amérique, « l'homme le plus haï du monde ».

       Jamais homme, au cours de l'Histoire, n'a eu à son actif d'aussi éclatantes victoires militaires – et jamais soldat n'a subi d'aussi cinglantes défaites.

       Adolphe Hitler est le symbole même du paradoxe. Tout, en lui n'est que mélange de grandeurs et de décadences, de gloires et de décrépitudes, de réussites déconcertantes et de gaffes monumentales.

       Cet homme ne prête pas à rire. On en a même beaucoup trop ri et c'est par là qu'il a pu aller si loin. Quand le cinéma nous le montre haranguant la foule au Sportpalast de Berlin, dans une attitude d'exaltation rabique, nous ne comprenons vraiment pas pourquoi on rit, dans la salle. « Fou ! » On le traite de fou !

       Non ! Là n'est pas la vérité. Pourquoi donc parler de folie ? Hitler traitait de fou le Président Roosevelt. Mesquinerie : dépit de l'ennemi qui ne sait comment déprécier son adversaire. Non : pas fou ! Viendrait-il à l'idée de quelqu'un de rire d'un gangster, ennemi public n° 1, sous prétexte que la police ne peut pas s'en saisir et qu'il commet crime sur crime pour le bien-être de son portefeuille ?

       Adolphe Hitler était l'ennemi public n°1. Et il faut, lorsqu'il paraît sur un écran, sentir monter en soi une rage sourde et insultante, un désir de haine et de châtiment – et non une douce ironie qui tend à dire : « Pauvre aliéné ... si tu savais comme tu prêtes à rire ! »

       A présent, il est grand temps de comprendre. Il est grand temps de comprendre qu'il faut passer par les armes tous les criminels de guerre et non faire croire aux publics qu'ils se sont suicidés.

       A notre avis, Adolphe Hitler est en vie ainsi que tous ses satellites. Nous ne croyons pas à cette soudaine épidémie de suicides. Nous  ne croyons qu'en la Justice.

       Dieu sait si elle triomphera...

Roger Minne.



[1] Editions Perce Neige. Numéro spécial. Juillet 1945.



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