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Jacques de Prévaux, pilote de
dirigeable durant la Grande Guerre, mourut en résistant le 19 août 1944. La vie du résistant Jacques Trolley de Prévaux remise à
l’honneur deux fois dans les années 1990. 1) Jacques Rolley
de Prévaux fut remis en honneur, par sa fille Aude, en 1995. Vers 1966, une jeune femme
de 23 ans, est abordée par un voisin de son coin lecture à la Bibliothèque
Nationale. Il s’agit d’un vieux monsieur qui vient de lire le nom de la jeune
fille « Aude de Prévaux » sur sa fiche de lecture. Ce personnage lui
demande si elle n’est pas la fille du grand résistant Jacques Trolley de
Prévaux ? La conversation est
entamée et à la fin de celle-ci, Aude apprend que ses vrais parents sont Lotka et Jacques de Prévaux et non, le général François de
prévaux et son épouse Micheline. On imagine le choc de la jeune femme qui
ignorait tout de sa vraie filiation en apprenant qu’elle avait été élevée par
le frère aîné de son vrai père. Ses
parents adoptifs furent alors obligés de lui avouer la vérité mais une vérité
réduite au minimum de détails. Aude ne sait toujours que très peu sur la vie de
Jacques et Lotka fusillés par les Allemands quelques
jours avant que l’armée de de Lattre ne libère Lyon.
Elle réalise alors sa propre enquête et retrouve un membre de la famille de sa
mère Lotka, installé au Maroc, et qui a conservé deux
caisses de bois contenant les archives et souvenirs de son père. Ces caisses
lui sont envoyées et les livres, les centaines de photos et de lettres qui y
sont contenues vont lui permettre de composer la biographie complète de son
père mais aussi de découvrir le véritable roman d’amour dont elle est le fruit.
Aude remettra en honneur ses parents en publiant le récit de leur vie en 1998.
Je vous en donne ci-dessous le résumé. Jacques et Lotka de Prévaux Le récit d’Aude Yung-de Prévaux Jacques Trolley de Prévaux eut une
enfance très triste. Il perd sa mère à l’âge de 11 ans et son père, professeur
à la Faculté de Droit de Lille est d’un naturel austère et sévère. Il est placé
la semaine en pension chez les Pères Jésuites de l’école Saint-joseph où le
régime disciplinaire ne l’épanouit pas. Il se console en rêvant d’aventures
dans les mers comme celles vécues par
son lointain aïeul, le corsaire Nicola Febvrier de Mésaillet. La vie
rêvée en mer se concrétisera, à 18 ans, lorsqu’il rentrera à l’Ecole navale à
Brest après un examen d’entrée dont il sort le troisième de sa promotion. Après
un an de cours, Jacques navigue enfin lors de son stage sur le navire-école
« Bougainville ». C’est sa première expérience maritime et elle le
conforte dans sa vocation. Quand il sort de l’Ecole Navale, il fera son tour du
monde sur le « Duguay-Tronin », navire
servant d’école d’application pour les nouveaux officiers de marine. Jacques prend plaisir à sa nouvelle vie.
Aux escales, il participe aux sorties de ses collègues mais, bien vite, il se
met à préférer les visites culturelles. Sa soif d’apprendre est vive. Le jeune
officier se fait d’ailleurs rapidement remarquer de ses chefs par son goût de
la lecture et la qualité de ses rapports écrits. Sa première affectation, il la
reçoit en 1910 sur le cuirassé « Charlemagne ». C’est l’époque d’une
grande amitié avec son collège Jean Toulier (Jean Toulier sera tué le 15 aout 1916 dans son hydravion dans un
combat au-dessus de Trieste) épris comme lui de poésie et de littérature. Il
apprendra aussi l’usage relaxant de l’opium dont fait grand usage la majorité
des marins, y compris les officiers, à l’époque où l’on ne parlait pas encore
de « dépendance ». L’opium n’est pas seulement fumé dans les ports
asiatiques comme le prouve le port de Toulon comptant, à cette époque, plus de
200 fumeries ayant quasi pignon sur rue ! Jacques mettra plusieurs années avant d’abandonner l’opium après en
avoir découvert les effets délétères sur sa santé. Quand la guerre éclate Jacques de
Prévaux est désigné officier canonnier et de manœuvre sur le torpilleur
d'escadre « Chasseur », et en juin 1916, officier en second sur la
canonnière « Diligente » affecté en Méditerranée. Un an plus tard, il
obtient l'affectation qu'il avait demandée dans l'aéronautique navale. Il
effectue alors un stage de formation au pilotage des ballons dirigeables, à
Saint-Cyr. St Cyr : Lt de Vaisseau de Prévaux en tenue de vol Breveté d'aéronautique et nommé
lieutenant de vaisseau, il prend, à 29 ans, son premier commandement, celui du
centre de dirigeables de Marquise-Rinxent dans le
Pas-de-Calais, près de Boulogne-sur-Mer (octobre 1917 – novembre 1919). Il a
sous ses ordres une centaine de personnes. S’il a été nommé de suite commandant
d’un centre d’aérostation sans avoir commandé un dirigeable, c’est grâce à son
ancienneté dans l’aéronautique navale, alors en plein développement (fin 1917,
l'aéronautique navale atteignit une importance jamais égalée depuis, avec 700 avions,
460 pilotes et une vingtaine de dirigeables). Le dirigeable était devenu une arme très
efficace de protection des navires qui au début de la Grande Guerre, se
trouvaient dépourvus de défense antiaérienne. Le dirigeable servait à guider
les navires, à régler les tirs, à détecter les mines et à la lutte
anti-sous-marine. Les dirigeables possédaient un immense avantage sur
l’aviation naissante : ils pouvaient rester en vols durant des heures
contrairement aux avions ! Durant
cette période, Jacques de Prévaux effectue de nombreuses heures de vol grâce aux quatre dirigeables
« Vedettes » que le centre de
Marquise-Rinxent abrite. Il devient un officier apprécié
de tous ses subalternes et obtient la Légion d'honneur et la Croix de guerre
pour la qualité de son commandement et pour ses nombreuses missions en
dirigeable. Au début de l'entre-deux-guerres,
Trolley de Prévaux prend le commandement du centre de dirigeables d’Ecausseville-Montebourg dans la Manche qui est en voie de
démantèlement (novembre 1919 – février 1920). Ce poste ne lui convient que très
peu et en février 1920, il obtient le
poste d’officier d’état-major auprès du Ministre de la Marine à Paris. Le 12 avril 1920 à Paris, il épouse
Blandine Ollivier, issue de la haute bourgeoisie et petite-fille du député
Émile Ollivier, ancien ministre et chef du Gouvernement sous Napoléon III.
C'est le cousin germain de Jacques, Roland de Margerie qui a fait les
présentations. Blandine est cultivée et
est une remarquable musicienne. Ils auront deux filles mais, malheureusement,
leur vie de couple ne sera pas heureuse. Jacques Prévaux restera en poste deux
ans auprès du Ministre de la Marine puis est nommé en janvier 1922 à la tête
d'une escadrille de dragage de la flottille de Toulon tout en commandant la canonnière
« Diligente ». En juillet 1923, il est capitaine de corvette puis, le
1er juin 1924, devient le commandant de la base d'aéronautique
navale de Cuers-Pierrefeu dans le Var. Il y restera
deux ans. À ce titre, il est responsable du grand dirigeable, le Zeppelin
« Méditerranée » (anciennement Nordstern),
cédé à la France par l'Allemagne en compensation des dommages de guerre (Le
deuxième zeppelin allemand cédé à la France,
rebaptisé « Dixmude », 226 mètres de long, avait sombré, six
mois avant l’arrivée de Prévaux à Cuers, en décembre 1923, frappé par la foudre
en Méditerranée). La base de Cuers avait été conçue spécialement pour les deux
Zeppelins qui disposaient de hangars longs de 25 mètres et haut de 45 mètres
mais Cuers abritait aussi une escadrille de Goliath, avions de bombardement qui
participèrent à la guerre du Rif. Le capitaine de corvette Jacques de Prévaux, commandant de la base de Cuers, assis au milieu – Novembre 1924 De 1926 à 1930, Jacques occupe le poste
d'attaché naval à Berlin. Sa mission est de faire du renseignement sur
l’aéronautique militaire allemande. Alors que le traité de Versailles avait
interdit à l’Allemagne d’avoir une aviation, les ingénieurs allemands
surveillaient à Vigo, Cronstadt et Sébastopol le montage d’une nouvelle
génération de sous-marins… La vie à Berlin est fastueuse et l’ambassadeur de
France a fait de son ambassade le carrefour du Berlin huppé. C’est durant cette
période que Prévaux fait partie d’un Comité-franco-allemand essayant de promouvoir une paix durable
entre l’Allemagne et la France, seul moyen d’éviter une nouvelle confrontation.
Les efforts de ce comité seront malheureusement vains et, celui-ci, sera
dissous en 1933. Une grosse ombre assombrit la belle vie à Berlin : une
mésentente profonde entre Jacques et son épouse. Malgré les infidélités de
Jacques, le couple essaie néanmoins de
sauver les apparences. A cette époque, le divorce est extrêmement mal considéré
par toute la société et en particuliers dans le cercle des officiers. Dans cette ambiance familiale difficile,
Jacques Prévaux est finalement heureux de quitter la vie diplomatique pour un
nouveau commandement. De mai 1931 à juillet 1933, il commande l'aviso « Altaïr » affecté à la défense de la concession
française de Shanghai. Il profite de ses loisirs lors des escales pour se
plonger dans l’étude du bouddhisme. Sa mission militaire est importante :
protéger la concession française contre d’éventuels belligérants alors que la
guerre fait rage entre Chinois et Japonais. En 1933, il est muté en France pour une
période de quatre mois de congé. Jacques et Blondine visitent la Toscane avec
leurs deux filles puis, ces dernières rentrées en France chez les parents de
Blondine, le couple s’installe en appartement dans Rome. Blandine Ollivier, qui
parle italien, écrit alors un livre sur la jeunesse fasciste italienne,
« Jeunesse fasciste » (Gallimard, 1934). Pour rédiger cet
ouvrage, elle effectue des enquêtes et reportages et obtient des interviews de
Ciano, gendre de Mussolini. Pendant ce temps, Jacques visite Rome. Le couple
rentre à Paris durant l’automne. Malgré les vacances passées en famille, le
couple reste divisé. Jacques va alors rencontrer celle qui va devenir sa
seconde épouse, une jeune Juive d'origine polonaise, naturalisée française en
1934, Lotka (Charlotte) Leitner.
Lotka est arrivée en France en 1924. Elle y est envoyée par sa mère, pour y suivre
un stage chez le modiste très renommé Reboux. Bien vite, Lotka est
repérée par une cliente, Madeleine Vionnet, célèbre
couturière. Elle lui propose un travail de mannequin pour présenter ses collections.
Lotka accepte et fera ce métier quatre ans avant de
le quitter pour travailler comme esthéticienne chez Elisabeth Arden. Lotka en 1929 exerça la profession de mannequin pour la couturière Madeleine Vionnet C’est chez une jeune artiste excentrique
allemande surnommée « Mopse » que Lotka rencontra Jacques un soir de novembre 1933. Jacques connaissait
en effet Mopse pour l’avoir rencontrée côtoyée alors
qu’il était en poste à Berlin. Son vrai nom était Dorothea
Sterheim, fille du dramaturge Carl Sternheim. Mopse était alors fort connue sur la scène culturelle du
Berlin des années 20, notamment à cause de son attitude très libérée. Jacques,
revenu de son congé d’Italie, était venu la saluer ce soir- là et eut le coup
de foudre pour Lotka, l’invitée de « Mopse ». Lotka était alors
en partance pour un long congé en Pologne. Jacques dut alors se contenter d’une
correspondance assidue mais quand elle revint à Paris, en février 1934, le bel
officier de 45 ans, était présent sur le quai. Les retrouvailles furent
émouvantes et, au cours de celles-ci, Jacques et Lotka
s’avouèrent ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre. Jacques après son congé a été muté à
Rochefort pour prendre le commandement d’un grand centre aéronautique où sont
stationnés les derniers dirigeables dont la dernière sortie s’effectuera en
1937. Mais Rochefort dispose aussi d’une base d’hydravions. Jacques commande
dès lors à plus de mille personnes. Il est surchargé d’un travail qu’il
apprécie et se fait estimer bien vote par son charisme et sa disponibilité. A
Rochefort, Prévaux habite dans une belle villa avec sa femme et ses deux filles
qui ont enfin leur père auprès d’elles. Le couple est cependant toujours factice.
Chaque fois qu’il en a la possibilité, Jacques se rend à Paris pour passer quelques
jours avec Lotka. Cette double vie est difficile à
mener et Jacques cherche à se rapprocher de Paris. Officier très bien côté, il
obtient de suivre les cours durant un an au Centre des hautes études navales
(CHEN), surnommée l’école des amiraux. Il peut ainsi voir Lotka
tous les jours. A l’automne 1938, Blondine accepte enfin le divorce. Lotka est rassurée mais la route sera encore longue avant
son mariage avec Jacques car l’armée pour tout mariage d’officier exige une
longue procédure faite notamment d’enquêtes sur la moralité de la fiancée et ses proches parents. Nommé capitaine de vaisseau (août 1937),
Jacques obtient l’année suivante, le commandement du croiseur « Duguay-Trouin »,
basé à Toulon, portant le même nom que celui sur lequel il avait fait ses
premières armes. En 1939, son navire est chargé de protéger les convois d'AOF,
puis est affecté à la division navale du Levant. Jacques possède, comme commandant du vaisseau, un
vaste et luxueux appartement dans lequel il écrit son journal et sa
correspondance volumineuse. C’est aussi l’époque où il lit une quantité
impressionnante de livres religieux. Jacques doute sur la divinité du Christ
mais il possède la foi, il croit en un Dieu bon et en la supériorité de
l’Esprit sur le Mal. Le 12 mars 39, en permission, il peut
enfin se marier avec Lotka mais, après six semaines
de vie commune, ils sont à nouveau séparés car Jacques doit rejoindre son
navire. Lors de la Seconde Guerre mondiale, au
moment de l'armistice du 22 juin 1940, avec son croiseur
le « Duguay-Trouin », il se trouve à Alexandrie sous les ordres
de l'amiral Godfroy commandant d'une escadre, la
« Force X ». Jacques envoie à Lotka la
photo de sa mère, morte quand il était enfant. Lotka
lui répond : « Tous les jours, je
prie dieu de nous envoyer un miracle pour arrêter cette guerre. J’embrasse et
je mouille de mes larmes l’image de ta mère chérie, en la suppliant de te bénir
et de veiller sur toi. » Suite à l’armistice du 22 juin, survient
l'opération « Catapult », déclenchée le 2
juillet 1940, par le Premier ministre britannique Winston Churchill. A Mers el-Kebir, les navires français de la « Force H »
sont priés de rallier l’Angleterre. L’amiral Gensoul refuse.
Les Anglais ouvrent le feu et coule le « Bretagne » tout en
endommagent grandement trois autres bâtiments. Il y aura, ce jour-là, 1.300
marins français qui succomberont dans la bataille ! Il en sera heureusement autrement pour
la flotte d’Alexandrie qui est mise hors de combat pacifiquement, le 7 juillet,
après un accord entre les deux amiraux français et anglais, Godfroy
et Cunningham. Certains officiers et soldats rallient en ce moment la France
libre mais, malgré son envie de les imiter, Jacques ne veut pas abandonner son
équipage. Il le devra cependant car il tombe malade à la suite d'une grave
anémie. Il doit alors être rapatrié en France (à Toulon), en novembre 1940. Ses
adieux sont émouvants. Un photographe d’Alexandrie a réalisé sa photo et n’en
revient pas du succès de celle-ci : ils sont quatre cents marins à faire
la queue devant son échoppe pour en avoir un exemplaire que parfois ils font
agrandir à leur frais ! Photo de Jacques de Prévaux, faite à Alexandrie à l’occasion de son rapatriement Jacques débarque à Toulon et après un
séjour à l’hôpital militaire, entame sa convalescence. Jacques et Lotka peuvent enfin poursuivre une vie commune, sept ans
après s’être épris l’un de l’autre… Pour combien de temps ? Ils n’en
savent trop rien car Jacques voudrait rejoindre le Général De Gaulle. En
juillet 1941, il est nommé président du tribunal maritime de Toulon. Mais
rapidement, il sera vite déconsidéré par ses supérieurs, adeptes du Régime de
Vichy, pour avoir jugé avec clémence des marins accusés d’avoir déserter
afin de tenter de rejoindre l’Angleterre. C'est alors que Jacques prend contact
avec la Résistance en se rapprochant du réseau de renseignement « F2 » à qui il
fait part de son désir de gagner l’Angleterre pour reprendre le combat. Au même moment, en décembre 1941,
il est limogé de son poste et mis en disponibilité par l'amiral Darlan, vice-président
du Conseil du Gouvernement de Vichy, et cela en raison de ses sympathies
gaullistes. Début 1942, Jacques renonce à l’idée de
rejoindre l’Angleterre car on a fait appel à lui dans le réseau « F2 ». Il prend le pseudonyme
« Vox » et son épouse celui de « Kalo ». Jacques, officier supérieur, capitaine de
vaisseau, accepte sans rechigner que son supérieur dans la résistance ne soit qu’un simple ouvrier. Comme informateur, il fournit à son
réseau des renseignements très importants sur la marine allemande. Après une
première dispersion du réseau, consécutive à l'occupation de la zone sud en
novembre 1942 par les Allemands et les Italiens et à de nombreuses
arrestations, Jacques Trolley de Prévaux accepte les risques énormes de
participer à sa reconstruction au lieu de se mettre à l’abri. Pour les
renseignements de la plus haute importance qu'il fait parvenir à Londres, les
Britanniques lui décernent la « Distinguished Service Order » en 1943. Jacques
finit par diriger le réseau « Anne », branche « Méditerranée » (Marseille,
Toulon, Nice), du « F2 » reconstitué en mai 1943. Ce réseau, très actif pendant
plus d'un an, transmet à Londres quantité de renseignements sur les mouvements
des unités allemandes navales et aériennes ainsi que sur les travaux de
fortifications. Ces renseignements seront très utiles pour le débarquement
allié en Provence. En juin 1943, leur chère enfant, Aude voit le jour. Malgré
cette maternité, Lotka, sous son nom de guerre « Kalo » a choisi de continuer à collaborer au réseau de façon très active. Les conséquences de leurs choix sont
tragiques. Jacques et sa femme Lotka sont
malheureusement arrêtés par la Gestapo, le 29 mars 1944 à Marseille. Leur
petite fille de neuf mois est emmenée par la nourrice qui la soignera pendant
plusieurs semaines avant de pouvoir la
remettre au frère de Jacques. Emprisonné aux Baumettes
puis à la prison Montluc à Lyon, Jacques est torturé.
Il ne parle pas et endosse la responsabilité des actions de son réseau. A Montluc, partir de la mi-août, les
massacres des détenus deviennent quotidiens. Toutes les nuits, des prisonniers sont embarqués pour une
destination inconnue. Le 19 août, l’appel « sans bagage » retentit
dans le fort pour 24 résistants :
vingt hommes et quatre femmes dont Jacques et Lotka. Lotka, 36 ans,
au milieu des pleurs de ses trois compagnes, reste digne. Les condamnés sont
poussés dans un camion qui les dépose sur le terrain d’aviation de Bron à 10 km
du centre de Lyon. Là, les prisonniers sont abattus devant des trous d’obus. Au
total 109 prisonniers du fort de Montluc dont 72 juifs furent massacrés sur
ordre de Klaus Barbie au terrain d’aviation de Bron. Le lendemain, ce seront
encore 120 détenus qui seront emmenés, cette fois dans les bois de
Saint-Genis-Laval, pour y être exécutés. Quatre jours plus tard, le fort de
Montluc est abandonné par la Gestapo et 800 survivants sont libérés. Le 3
septembre, le général de Lattre rentre dans Lyon libéré. Jacques de Prévaux et son épouse sont
inhumés à Villeurbanne, à la nécropole nationale de la Doua. Les tombes de Jacques de Prévaux et de son épouse Le monument de Bron en hommage aux victimes du massacre du 19 août 1944 2) Jacques De Prévaux,
remis en honneur une deuxième fois, en 2008, par la découverte d’un reportage filmé extraordinaire. Il s’agissait d’un
film réalisé en 1919 par un cameraman du haut d’un dirigeable commandé par
Jacques de Prévaux et survolant l’ancienne ligne de front. Vue du dirigeable Jacques de Prévaux au pilotage du dirigeable Les halles d’Ypres en 1919, vues du dirigeable (image colorisée) En 2008, un vieux film conservé dans les
archives Kahn fut numérisé pour devenir un film « En dirigeable sur
les champs de bataille ». Ce reportage
exceptionnel effectué début 1919 à partir d’un dirigeable, montrait, les villes
martyrs du front de la guerre 14-18 à
l’état de ruines. La ville d'Ypres, notamment, est
survolée et révèle une véritable vision d’apocalypse. Non de loin de là, la
vision du champ de bataille de Passendaele avec son
aspect lunaire de par ses centaines de cratères montre toute l’horreur de la
guerre. Le cameraman, Lucien Le Saint,
opère à la demande du gouvernement français afin d’obtenir des allemands des
dédommagements de guerre. Ce film de 78 minutes est montré dans les années
vingt, en France et peut-être en Allemagne, pour être finalement déposé au musée Albert-Kahn à Boulogne-Billancourt. En 2009,
Sarah Davies et Nick Andrews de BBC Wales découvrent l’existence de ce film
inédit qui venait d’être restauré, numérisé et montré en France dans le cadre
universitaire. La BBC confie à Alice Doyard une enquête sur ce film. Rapidement, elle retrouve
la piste du documentaire. Le film est en réalité une production conjointe de
l'armée et de la fondation créée par le banquier Albert Kahn, mécène qui constitua
l'un des plus importants fonds photographiques au début du XXe
siècle. Son auteur s'appelle Lucien Le Saint, Alice Doyard
entre en contact avec son petit-fils, Olivier, qui détient les carnets du
cinéaste. Les carnets, comme les images, apprennent que deux pilotes différents
étaient aux côtés de Lucien Le Saint pendant le tournage, mais on ne savait pas
qui ils étaient. Alice Doyard rentre alors en contact
avec Robert Feuilloy, auteur d'un livre intitulé
« Les Dirigeables de la marine
française (1915-1937) ». Ce
dernier reconnait dans les photos du film immédiatement l'un des pilotes : Jacques Trolley de
Prévaux. » Cette
découverte est émouvante : l'amiral Jacques Trolley de Prévaux, résistant
français, fut fusillé par les nazis avec sa femme Lotka
Leitner, le 19 août 1944. Alice Doyard
se rend alors aux archives militaires de Vincennes, où elle retrouve les
carnets de vol du pilote. Le pilote y a consciencieusement décrit chaque vol du
tournage. Une mine d'informations qui permet de dater et localiser chaque
séquence. Alice Doyard retrouve ensuite Aude Yung-de Prévaux, la fille du
pilote. Recueillie et élevée dans la famille d'un frère de son père, le général
François Trolley de Prévaux, fidèle au régime de Vichy, elle a ignoré sa
filiation jusqu'à l'âge de 23 ans, en 1966. On a du mal à imaginer la surprise
de cette jeune femme, elle aussi journaliste. On présente
à Aude le reportage de 1919. La BBC filme Aude qui pleure devant les images de son père qu'elle n'avait jamais
vues. Une superproduction voit alors le jour et sera diffusée à plusieurs reprises sur différentes
chaînes, en Angleterre et en France. Conclusions Jacques de Prévaux était certes un
brillant officier, fidèle à son devoir, mais
il était aussi un homme tourmenté par sa vie privée chaotique. Il ne trouva
stabilité et bonheur avec Lotka que très tard, à la veille de ces cinquante ans. Mais le « destin de masse », l’empêcha de
profiter longuement de sa deuxième vie. Jacques et Lotka
auraient pu consacrer toute leur énergie commune à fuir et à se cacher pour
essayer de vivre le plus longtemps possible une vie de famille heureuse qui
venait à peine de commencer. Il n’en fût rien. Ils décidèrent finalement de
risquer ce à quoi ils tenaient le plus ! C’est uniquement pour cette raison
qu’ils sont devenus des héros. Noyés dans la masse impressionnante des
résistants exécutés par l’ennemi dont le souvenir souvent se résume à un nom,
la vie entière de Jacques et Lotka furent mis en
mémoire longtemps après leur mort par leur fille Aude. Jacques et Lotka, sortis par miracle du lot des oubliés, sont des
dignes représentants de tous ces résistants qui sacrifièrent les intérêts
auxquels ils tenaient le plus au profit du retour de la liberté. Le grade
militaire de Jacques et sa belle carrière militaire agréable à raconter, n’ont finalement
que peu à voir avec son héroïsme. Lui et sa femme furent des héros simplement
parce qu’ils savaient qu’ils mettaient tout leur acquis en péril en faisant le
choix de rentrer dans la résistance. « Vox » et « Kalo », parce que nous connaissons leurs cheminements,
nous rappellent, de façon très concrète, les choix douloureux et l’énormité des sacrifices librement consentis pour une juste cause. Dr P. Loodts |