Maison du Souvenir

Ferdinand Marcas et Germaine Godeau créèrent l’hôpital N.D. des Anges à Glain et y cachèrent pilotes et pourchassés des Nazis.

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Ferdinand Marcas et Germaine Godeau créèrent l’hôpital N.D. des Anges à Glain et y cachèrent pilotes et pourchassés des Nazis.

       En 1923, l’abbé Ferdinand Marcas est désigné dans la paroisse St Nicolas à Namur pour remplacer le curé qui vient d’être accidenté à cause de sa chute d’une échelle !  On lui demande d’aller donner la communion journalière à une jeune fille handicapée peu banale, Germaine Godeau qui réside rue du Parc et qui rassemble autour d’elle un groupe d’amies pour prier et vivre ensemble leur foi. Cette rencontre va bouleverser leurs vies et aboutir à la fondation d’une institution remarquable, à Glain, au service des malades souffrant de maladies psychiatriques. Ferdinand et Germaine, quand ils se rencontrent, ont déjà vécus pas mal de choses. Ils ont des points communs : une solide Foi chrétienne, une grande intelligence construite sur une mémoire remarquable (Ferdinand est polyglotte et Germaine se souvient des noms de toutes les personnes rencontrées) et l’expérience peu banale de grandes vicissitudes déjà rencontrées dans leurs vies. Ferdinand, quand il rencontre Germaine, est âgé de 37 ans. Il a déjà réalisé une partie de ses rêves : le jour de sa première communion, il avait décidé de devenir prêtre et malgré les récriminations de son père et de son oncle médecin qui voyait en lui son successeur, il était parvenu à devenir prêtre en aout 1909. Un deuxième rêve avait été aussi réalisé : un peu avant son ordination, il avait décidé de devenir missionnaire. Ce vœu se réalisa rapidement après son ordination puisqu’il se mettait, en septembre de la même année, au service de l’évêque de Louisiane, Monseigneur Van de Ven (d’origine hollandaise), désireux de propager la « Bonne Nouvelle de l’Evangile » en Haïti. Le jeune prêtre, arrivé en Amérique dut d’abord apprendre à maîtriser la langue anglaise ; c’est pourquoi on lui fit commencer son apostolat dans la célèbre paroisse St-Patrick de New-York où il devint le 17ème curé. Nous n’avons pas beaucoup de détails sur sa période missionnaire car Ferdinand était d’une grande humilité. Le peu que nous savons c’est, qu’après sa période d’apprentissage de l’anglais, il fut nommé curé en Louisiane pour participer activement à la vie d’une communauté noire catholique dans la ville d’Alexandria. Il y construisit une église, une école et une coopérative d’achat. (Voir « Les spiritains aux Etats-Unis au service des afro-américains (noirs) en Louisiane (1911-1935) par Henry. J Koren »).



L’abbé Marcas et son école en Louisiane (vers 1912)

       C’est sans doute de la Louisine qu’il partit enfin à Haïti pour y exercer son apostolat missionnaire et cela, jusqu’en1917, date de l’entrée en guerre des Etats-Unis. A ce moment, il est alors appelé par sa hiérarchie américaine à servir comme aumônier dans la marine américaine. A nouveau, nous ne savons que peu de détails sur cet engagement peu banal qui durera jusqu’à la fin de la guerre et qui le mena bien souvent à confesser les marins et à célébrer dans les navires et sous-marins. En 1919, il s’apprêtait à revenir voir les siens en Belgique quand l’archevêque de New-York lui demanda de retarder son départ pour accompagner le cardinal Mercier dans son périple aux Etats-Unis et dont le but était de faire connaître aux américains le calvaire vécu par les Belges durant la Grande Guerre. Voilà donc l’abbé Marcas devenu le compagnon du célèbre cardinal Mercier. Ferdinand va connaître des moments extraordinaires dans ce voyage grâce à l’accueil très chaleureux que les Américains réservèrent au cardinal belge très apprécié pour l’esprit de résistance qu’il avait montré devant l’ennemi. Ainsi, faisant une tournée en voiture découverte à New-York, le Cardinal Mercier et l’abbé Marcas furent littéralement submergé par une pluie de sacoches, billets, montres, bijoux que les Américains jetaient à leur passage…



Voyage de S.EM. le cardinal Mercier aux Etats-Unis et au Canada. Sur la photo centrale, figure assis la cardinal Mercier et à gauche l’abbé Marcas

       Après ce voyage inoubliable du 9 septembre au 3 novembre, l’abbé Marcas effectua encore deux années de mission en Haïti avant de rejoindre enfin la Belgique en 1922.

       Voilà donc présenté le prêtre peu banal que Germaine Godeau rencontra en février 1923 en sa maison paternelle de Namur ! Elle, non plus, n’était pas sans histoire ! Née le 06 août 1899, à peine âgée d’un an, elle va souffrir de la terrible poliomyélite qui va la priver à vie de l’usage normal de sa jambe droite ! Guérie après une neuvaine à Saint-Gérard, elle peut enfin marcher et remercier les Rédomptrices de Liège ; elle pourra aller à l'école ! Germaine est très volontaire et parvient néanmoins à terminer ses études d’institutrice à l’école de la providence de Champion. Jeune diplômée de 1917, elle est âgée de 17 ans quand une tuberculose osseuse va casser le bel avenir qui s’offrait à elle. La colonne vertébrale (maladie de Pott) est particulièrement atteinte. Commence alors pour Germaine un long calvaire car les médecins lui prescrivent un alitement strict avec corset plâtré. A l’époque, le repos absolu est le seul moyen de surmonter cette affection… Il va durer plus de dix ans !

       Bien vite, l’attitude de la malade va susciter l’admiration tout autour d’elle. Plutôt que de se replier sur son malheur, Germaine s’ouvre aux autres et trouve sa joie dans la prière et la méditation. En novembre 1918, Dom Marmion, célèbre moine bénédictin, abbé de l’abbaye de Maredsous (aujourd’hui béatifié) vient lui rendre visite, puis en 1919, le père Mattéo, infatigable voyageur péruvien, connu pour être un propagateur infatigable de la vénération du Sacré-Cœur de Jésus (œuvre qu’il nomme « Intronisation du Sacré-Cœur dans les familles »). En 1920, Germaine accomplit un pèlerinage à Lourdes et y rencontre le non moins célèbre abbé Thellier de Poncheville, connu pour son courage lorsqu’il était aumônier des poilus durant la bataille de Verdun et qui deviendra un pionnier du catholicisme social. Cet abbé, impressionné par Germaine, lui rendra visite, un an plus tard, à Namur. Autour de Germaine, toute une série d’amies se regroupe et vont la visiter très régulièrement car plusieurs d’entre elles, blessées aussi par la vie, trouvent en Germaine une force, une joie contagieuse.



Trois illustres visiteurs de Germaine Godeau : de gauche à droite l’abbé Thellier de Poncheville, Dom Marmion et le Père Matteo.

       L’abbé Marcas, venu lui apporter la communion en février 1923 va aussi trouver la jeune malade admirable. Peu à peu, grâce aux visites régulières qu’il lui rend, une estime mutuelle va naître. Germaine, avec l’aide de l’abbé Marcas, va alors demander à ses amies de s’assembler avec elle en un groupe de prière qu’elle va appeler « Les hosties du cœur sacerdotal de Jésus ».  A partir de 1924, on  célèbrera chez elle des offices, on y fera des conférences, des lectures édifiantes. L’abbé Marcas lira notamment l’histoire d’une âme de Thérèse de Lisieux tandis que Germaine lira les écrits d’Elisabeth de la Trinité.



Cette belle photo montre Germaine et son amie Madeleine Lathouwers qui deviendra Sœur Aimée à Glain, hélas décédée en 1929.

       Quatorze mois après la première rencontre de l’abbé Marcas avec Germaine, c’est le cardinal Mercier qui demande à la rencontrer. Germaine s’apprête à refuser prétextant avec raison son état de santé mais une de ses sœurs la convainc d’accepter l’invitation et son entourage se débrouille pour lui confectionner un brancard. Le 20 juin 1924, Germaine est donc reçue par le cardinal Mercier. La jeune femme s’attendait à des conseils d’acceptation et de soumission devant sa maladie mais, à sa grande surprise, ce ne fut pas le cas. Le cardinal, la voyant si mal en point, rendit d’abord hommage à son courage puis, lui prédit des jours meilleurs car, expliqua-t-il, le Bon Dieu comptait sur elle pour réaliser une œuvre féconde !




Le Cardinal Mercier, quelques jours avant sa mort fit envoyer sa calotte à Mère Marie Magdeleine. Ce geste prouve à lui seul toute l’admiration que le grand homme éprouva devant Germaine Godeau. Manifestement le Cardinal pressentit l’œuvre qu’elle parviendrait à réaliser !

       Encouragée de cette façon, Germaine quitte le domicile paternel peu après pour créer une véritable communauté religieuse (rue du quai à Namur puis avenue Prince Albert). Elle devient alors Mère Marie-Magdeleine assistée par sœur Aimée le 30 avril 1925, par Sœur Bernadette, le 15 aout 1925 et, par Sœur Michèle, le 22 février 1926. Bien entendu l’accompagnement spirituel est donné par le dévoué abbé Marcas !



Les quatre jeunes femmes, fondatrices de la congrégation Notre-Dame des anges. On reconnait au centre Germaine Godeau, Mère Marie-Magdeleine, à droite Sœur Aimée. Debout, Sœur Michèle à gauche et Sœur Bernadette à droite

       En mai 1927, la communauté des quatre jeunes femmes déménage pour Rixensart mais ce ne sera pas pour longtemps. En octobre, un Bref du Pape Pie XI bénit l’œuvre commencée. Survient alors l’amélioration sensible de l’état de santé de Germaine qui commence à se mouvoir plus facilement et peut enfin mettre fin à un alitement qui aura duré plus de dix années. Elle est enfin déplâtrée mais doit garder un double appareil enserrant la jambe droite et le thorax en plus d’une minerve pour lui soutenir la tête. Se fatiguant très vite, elle usera aussi d’une voiturette. Il s’agit maintenant pour les jeunes religieuses de trouver un travail au service de leur prochain. Ce sera chose faite le 15 juin 1928, date à laquelle la communauté qui se dénomme « Notre-Dame des Anges » arrive à Liège pour créer un service de soins dans le Sanatorium du Haut-Pré de la ville de Liège, une institution qui avait dû fermer à cause de la première guerre Mondiale. Le docteur de Block accueille Germaine et ses consœurs. Une amusante conversation s’ensuit :
-
 Je ne connais pas la psychiatrie, mais la volonté est là et je ne suis pas seule dit-elle au docteur.
-
 Ca ira, répond le psychiatre, prenez ces deux livres et vous en saurez autant que moi !

       Il est vrai qu’à l’époque la psychiatrie était à ses débuts et se résumait encore au monde fermé des asiles où le personnel consistait en une majorité de simples surveillants.

       Tout est à faire à Glain, accueillir les premiers malades mais aussi tracer des chemins, s’occuper de la chaudière, repeindre les chambres du premier bâtiment très vétuste etc… « Pas de barreaux, pas de grille, pas de murs blancs » décrète Mère Marie-Madeleine qui, avant-gardiste, promeut une hospitalisation ouverte.

        Les difficultés ne manqueront pas : il y a la faiblesse physique de la fondatrice qui néanmoins assume l’administration et la cuisine, le décès de sœur Aimée, la difficulté d’insérer l’institution dans le réseau hospitalier en raison de la nouveauté des soins psychiatriques qui y sont pratiqués, et ensuite la position attentiste de l’Evêché qui a déjà beaucoup à s’occuper avec les cliniques existantes et qui demande à voir.

       Mais tous les obstacles seront franchis progressivement. En novembre 1928, rentre dans la communauté Sœur Andrée (Marthe Gillot). Le 26 mars 1929, la communauté éprouve une grande tristesse avec le décès d’une des compagnes de la première heure, la chère Sœur Aimée. Des nouvelles novices heureusement prendront le relais de l’absente. Il y aura, en 1929, l’entrée de Sœur Bénigna (Thérèse Fléron) et en 1931, l’entrée de Sœur Raphaëlle (Gilberte Braham) qui, paralysée des deux jambes depuis l’enfance, deviendra malgré son handicap maîtresse des novices durant… plus de 35 ans. Ce renfort était bien nécessaire car l’Institut Notre-Dame des Anges pour la congrégation des sœurs de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus connaît une extension rapide. En 1933, l’institut s’agrandit en ouvrant le bâtiment central (appelé aussi château) qui a été rénové et qui abritera aussi une petite clinique chirurgicale (celle-ci sera supprimée après la guerre). Mère Marie-Magdeleine peut aussi compter sur sa famille. Ainsi, madame Larivière, sa sœur, quittera Namur, avec son mari, pour se mettre totalement au service de la fondation à Glain.



Les remarquables jeunes femmes qui passeront leur vie au service des malades, peu après leur arrivée à Glain.

       Le 11 février 1933 est une date qui comptera pour la communauté. Mère Marie Magdeleine, Sœur Michèle et l’abbé Marcas sont à Banneux et assistent à l’une des dernières apparitions de la Vierge à la voyante Mariette. Mariette est entraînée sur la route. L’enfant s’agenouille deux fois, trempe ses mains dans l’eau à la source et fait un signe de croix. Elle se lève brusquement, court vers la maison et pleure. Elle ne comprend pas ce que la Vierge lui a dit : Je viens soulager la souffrance. Elle ne comprend pas le mot « soulager ». Mais elle sait que c’est quelque chose de bon, puisque la Vierge a souri.

       Le message de la vierge conforte la communauté de Glain dans le choix de sa vocation. Etrange et mystérieuse anecdote, en principe, la vierge n’a été visible que par la voyante mais Mère Marie-Madeleine a noté que, lors de cet évènement, la Sainte Vierge « rit » à l’abbé Marcas.

       Le Père Marcas devient le premier directeur de l’institut mais, en 1934, il est nommé curé à Porcheresse en Condroz. Il ne veut pas abandonner Glain ! On le comprend ! Il parvient à cumuler ses deux missions. Le professeur de psychiatrie de l’Ulg, le docteur Divry, qui rencontre souvent l’abbé Marcas dira d’ailleurs de lui : « C’est un homme comme on n’en rencontre qu’un dans sa vie ». L’abbé va même se surpasser en créant en 1937, à Porcheresse, une succursale de Glain, le « Sanatorium St-Michel », pour le soin des personnes habitant le campagne et pour le repos des convalescents opérés à la clinique de l’Institut.



L’abbé Marcas et les communiants de Porcheresse

       Mais la Deuxième Guerre mondiale éclate. Le 10 mai 40. Glain accueille le service de chérurgie de l'hôpital Cockerill et les blessés provenant du fort d’Eben-Emael. Mère Marie-Madeleine fait étançonner les sous-sols du bâtiment central. Cette amélioration permettra à tous les hospitalisés et à tout le personnel de trouver là un abri sûr lorsque les V1 tomberont sur la ville à la fin de la guerre.

       Après quelques semaines de guerre, les Allemands visiteront l’hôpital dans un but de le réquisitionner. A l’officier qui déclare : « Ici plus beau que tout, je prends », la Mère rétorque « vous ne prendrez rien du tout, ici hôpital ! Malades ! ». Impressionné l’officier s’exclame en partant : « Vous, madame lion ! » 

       Juifs, jeunes gens des pays rédimés, aviateurs alliés transitent à Glain et à Porcheresse. Des traces de tous ces passages existent sans doute dans les archives mais n’ont jamais été exhumées, vraisemblablement à cause de la modestie de la Communauté des religieuses et de l’abbé Marcas.



Cette carte postale montre le sanatorium St Michel, annexe de Glain et créé par l’abbé Marcas à Porcheresse-en-Condroz. Aujourd’hui ce bâtiment abrite une unité de vie pour une vingtaine de garçons qui dépendent de l’Institut de Schaltin

       Deux aviateurs alliés sont en tout cas cachés dans l’ancien cimetière qui jouxte l’institut puis ils sont convoyés jusque Porcheresse chez l’abbé Marcas. Est-ce cet acte de résistance qui est découvert par l’ennemi ? Le 25 novembre 1942, l’abbé est arrêté et conduit à la prison de Saint-Gilles. Après six mois de mise au secret, il est envoyé dans divers camps en Allemagne : Esterwegen, Bochum, Popenbrug, Untermassfeld. Parti avec 87 kg pour 1m 87, il rentra avec 47 kg ! Sa famille, ses amis ne le reconnaissent plus qu’à sa voix ! Et à son habitude, il refusera toujours de raconter ce qu’il avait vécu ! Tout ce que l’on sait, c’est que le jour de la libération de son camp, il invita les prisonniers à respecter leurs anciens bourreaux et qu’il refusa d’être rapatrié directement en donnant sa place (dans un avion affrété pour lui par un ami) à un vieux prêtre mourant.

       Le retour à la santé est lent. En 1949, il est suffisamment rétabli pour partir en pèlerinage à Fatima avec Mère Marie-Madeleine et quelques autres religieuses. C’est avec grande surprise que les religieuses entendent parler leur abbé aux douaniers portugais dans leur langue. En fait, l’humble Ferdinand Marcas connaissait le néerlandais, l’allemand, l’Italien, le portugais, l’anglais. Dès lors, ses qualités de polyglotte furent très vite connues dans le centre marial et Ferdinand fut réquisitionné pour une longue après-midi de confession dans toutes les langues, confession qui se termina bien tard dans la soirée !



L’abbé Ferdinand Marcas

En 1953, notre abbé a la joie de bénir le nouveau pavillon de Glain. Homme de prière, il consacre alors beaucoup de temps à la théologie. Sa porte est toujours ouverte et son portefeuille toujours vide. Son dernier souhait est de ne pas mourir dans son lit. 

       « J’ai vécu des années chez les noirs américains des conditions difficiles. J’ai fait la guerre dans les premiers sous-marins où seule l’épaisseur de la coque nous séparait des torpilles ennemies. En déportation, j’ai été mis au mur combien de fois pour être fusillé, je trouve si bête de mourir dans un lit, je voudrais mourir debout ». Le 16 décembre 1953, son vœu sera exaucé.

       Quant à sa protégée, Mère Marie-Madeleine dont la devise est « A Dieu me fie, rien ne crains », elle continuera son œuvre avec grande énergie malgré une santé qui restera fragile. Son institut devint véritablement « pionnier » dans les soins psychiatriques. Avec le concours de l’université de Liège, on appliqua les meilleurs techniques de chaque époque : les cures de Sakel (coma hypoglycémique provoqué par de l’insuline), les techniques de choc et, les premiers en Belgique, les électrochocs sous narcoses. Malgré la rudesse de ces thérapies, elles étaient les premières à pouvoir soulager (parfois très transitoirement, hélas!) les patients souffrant de schizophrénie C’étaient les seules thérapeutiques qui existaient avant que l’on bénéficie au début des années cinquante des premiers traitements médicamenteux avec les tricycliques, les benzodiazépines, les neuroleptiques (tous expérimentés à Glain par le service universitaire). Malgré les critiques que l’on peut leur attribuer aujourd’hui, ces techniques apportèrent de l’espoir et firent de la psychiatrie une vraie spécialité. Elles nécessitaient en tout cas des infirmiers qualifiés et spécialisés qui remplacèrent alors les simples gardiens d’asile.



Peinture de Mère Marie-Magdeleine représentée debout et épanouie dans la force de l’âge

       En 1957, la communauté accueille en son sein 20 jeunes coréennes ! L’œuvre de Germaine a pris une tournure internationale. En novembre 1962, la Congrégation entre officiellement dans l'Eglise en étant érigée canoniquement dans la famille franciscaine.

       En 1969, elle n’hésite pas à moderniser l’hôpital en abattant les bâtiments du début pour construire un beau pavillon, le pavillon Divry beaucoup plus adapté aux soins psychiatriques.

       Tous garderont d’elle un souvenir impérissable. Elle était impressionnante avec son grand voile qui différait des autres religieuses. Bien, qu'elle fut en chaise roulante, il émanait d'elle une grande force. Le Dr Henri Collon qui travaillait dans l’institut nous donna en 2004, un témoignage de cette énergie. Lorsque le gouvernement belge envisageait de démolir la clinique pour construire une bretelle d’autoroute. Mère Marie-Madeleine invita la ministre des travaux publics (Joseph-Jean Merlot Ministre des Travaux publics, 1961-1963) à un repas pour discuter de ce projet. Celui-ci accepta l’invitation. Le Dr Collon Henri était dans les invités : « Au cours d’un repas arrosé de bon vin, j’assistai à une joyeuse joute entre le dirigeant des valeurs sociales et la mère supérieure, défendant fermement sa congrégation et ses malades. Elle était animée par ses sentiments spirituels qu’elle a décrit ; « Aimez vos frères, sans réserve, sans exception, avec l’amour du Christ ». A la fin de cette discussion, on obtint un compromis ; on ne détruirait rien mais on nous demanda de dénommer la rue qui mène à la clinique, rue Emile Vandervelde, évoquant la personnalité d’un ministre qui fut président du parti ouvrier belge, ce que Mère Marie-Madeleine accepta. »

       Elle parlait simplement à tous par quelques mots « Vous allez bien ?, Votre travail vous plaît-il ? » Elle s’intéressait aux familles de ses collaborateurs et terminait souvent la conversation avec les infirmières par « Allez, mes filles dans la Paix et que Dieu vous aide ! ». Douée d’une mémoire surprenante, elle appelait chacun par son nom et quand elle s’adressait à quelqu’un, c’était toujours nominativement. Elle exposait avec simplicité ses dialogues avec Dieu : « Servez-vous de Jésus pour pénétrer et couvrir vos vies, pour suppléer à vos manques d’amour ». Elle aimait donner et recevoir, assister aux fêtes communautaires et familiales et adorait les enfants. Les objets de l'atelier d’ergothérapie que l’on vendait lors d’expositions avaient sa prédilection. Elle en était une grande acheteuse, non pour les reprendre dans son couvent mais pour les offrir. Dès qu’elle voyait un jeune enfant, elle avait l’habitude de lui demander quelle peluche il préférait afin de la lui donner. Passionnée, elle adorait la poésie de Maurice Carême qu’elle eut la joie de rencontrer un jour et admirait énormément Eddy Merkx dont elle suivait les exploits.

       Quand elle avait une entrevue, témoigne monsieur Smeets, qui travailla longtemps comme kiné, « elle avait l’habitude de s’incliner vers la personne, de lui prendre la main ou l’avant-bras comme pour s’accaparer de son attention en faisant pression pour que passe encore mieux sa force de conviction (…) ». A moins que ce soit dans la volonté de transmettre à l’autre, à son prochain un peu de la grâce abondante qu’elle avait reçue de son Dieu.

       Elle supportait ses souffrances et savait les mettre de côté mais il arrivait que parfois qu’elle découvre sa jambe pour qu’on perçoive, qu’au-delà de la Mère Supérieure, il fallait voir aussi en sa personne une simple malade, une handicapée comme il y en avait tant dans son institut… En 1968, son médecin avait confirmé que Mère Marie-Madeleine avait souffert de 17 factures en 13 ans ! A ce propos, voici le témoignage de Thierry Lottin, psychologue, qui dans les années septante, venait d’être engagé à l’institut : « Du haut de ma vingtaine d’année à l’époque, elle m’a pour le moins surpris lorsqu’elle m’a montré sa jambe tellement douloureuse. Sur le coup, j’ai été suffoqué puis j’ai compris. Compris toute la spontanéité de son geste, toute la simplicité qui habitait encore notre Mère. Malgré son grand âge, elle entretenait toujours au plus profond d’elle-même cette âme d’enfant dont elle tirait aussi sûrement une grande force : spontanéité et grâce qui ne sont que le reflet de la confiance en la bonté présente en chacun de nous (…) ». Aussi humble que l’abbé Marcas, douée de la même intelligence, et comme lui, elle ne voulut pas écrire l’histoire de son cheminement.

       Mère Marie-Magdeleine s’éteindra paisiblement le 7 avril 1984. Après sa mort, le rayonnement et l’extension de la communauté et de l’institut (qui compte plus de 300 patients) continueront grâce à ses courageuses consœurs et grâce au personnel médical et paramédical de l’institut. Citons quelques dates : en 1989 est ouvert en Corée du Sud à Suwon, une communauté belgo-coréenne qui gérera un home de personnes âgées. La même année, voit la création d’habitations protégées. En 2000, on inaugure un nouveau pavillon, le pavillon « Abbé Marcas ». En 2006, démarre une communauté aux Philippines. Aujourd’hui en 2022, des travaux importants sont toujours en cours pour la structure hospitalière.



Mère Marie-Magdeleine

 

Conclusion :

Notre patrimoine religieux possède des héros méconnus qui ont gardé toute leur vie une humilité exemplaire malgré des réalisations remarquables. Manifestement Germaine Godeau (Mère Marie-Magdeleine) et Ferdinand Marcas en font partie ! Chacun à leur façon ont traversé des épreuves terribles grâce à leur courage mais aussi grâce à leur espérance en la voie tracée par le Christ. Ils méritent d’être connus car leurs exemples sont précieux pour inspirer notre propre cheminement.

Dr Loodts P.

 

 



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