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Docteur
Yong-Ho Chae 1930 - 2022 채영호 Ce qu’une vie raconte Marc-Aurel
Dardenne Bernard
Dardenne Janvier 2022 Janvier 2023 Vous
ne saurez jamais que votre âme voyage Marguerite
Yourcenar (1903 - 1987) Les
charités d’Alcippe, 1956 Avant-propos Le 4 août 2022, le Docteur Yong-Ho Chae décède à Bruxelles et lors de ses
obsèques, un hommage unanime lui est rendu. La vie hors
du commun du Docteur Chae est évoquée par plusieurs intervenants, retraçant le
chemin difficile qui l’a conduit, si jeune encore, à quitter sa famille un soir
d’été. C’était, en juillet 1950, le début d’une guerre idéologique et
fratricide, qui fut nommée « la guerre oubliée ». Cette guerre
lui fit connaître la Belgique, où il fut accueilli en octobre 1954 et où il a
mené jusqu’à son terme et dans des conditions difficiles des études de médecine
et une formation de chirurgien. Cette vie
faite de déchirements raconte l’Histoire. Son récit interpelle tant il est
marqué par un courage impressionnant et une détermination étonnante. Le hasard
fit qu’en novembre 2021, je fus amené à mettre en relation cet ami de longue
date avec mon petit-fils Marc-Aurel, qui devait rédiger un travail scolaire
pour le cours d’Histoire de sa dernière année d’Humanités au Collège de Loppem.
Il rencontra avec moi le Docteur Chae, et avec l’aide de sa compagne Ria, il
raconta son histoire, pour évoquer aussi l’Histoire, celle d’une Corée divisée
et déchirée par les guerres. Le texte que
je livre ici reprend et amplifie le travail scolaire présenté par Marc-Aurel en
février 2022. Il est porté par l’amitié qui s’est tissée entre Yong-Ho Chae et
sa compagne Ria, avec mon épouse et toute notre famille, qui fut un peu la
sienne au cours des dernières décennies. Le début de notre histoire commune et
d’un parcours sans ombre se situe dans les années 70, à l’Hôpital Militaire
belge de Cologne, où le docteur Chae exerce sa profession de chirurgien et où
mon chemin d’officier et de médecin croise le sien. L’essence de
ce récit biographique est de faire apparaître les qualités de l’homme, du
médecin et celles de l’ami qu’il fut pour tous. Il veut aussi mettre, le mieux
qu’il soit possible, une histoire personnelle dans le contexte et la
perspective de l’Histoire. La
première partie sera dédiée à décrire les grandes lignes de l’histoire
récente de la péninsule coréenne. Le récit est succinct, forcément incomplet,
et sans aucun doute, n’a pas la rigueur du travail qu’écrirait un historien.
Les choix arbitraires qui ont été les miens visent surtout à éclairer les
divers épisodes de la vie du docteur Chae, mais aussi à ramener à nous cette
« guerre oubliée », dont les drames se répètent et, on peut le
craindre, se répéteront demain encore. La
seconde partie, la biographie, s’est construite au fil de conversations,
reprises maintes fois, des mille confidences sans cesse ajustées de Yong-Ho et
de sa compagne Ria, et qui ont émaillé notre parcours commun. Sa rédaction
s’est élaborée aussi en relisant ses manuscrits, des discours, des lettres, les
documents soigneusement consignés dans leurs archives personnelles. Le texte
biographique a pu être illustré de photos et autres souvenirs que Ria a eu la
gentillesse de me confier. A travers
cet hommage à Yong-Ho, je tiens à exprimer à Ria toute mon amitié, celle de ma
famille, et ma profonde reconnaissance. B.
Dardenne, janvier 2023 Première partie Contexte historique La
biographie du Dr Chae s’inscrit dès son tout début dans l’histoire de la Corée,
histoire récente mais plus ancienne aussi, et celle de toute cette vaste région
d’Asie. A la fin du XIXe siècle et tout au long de la première
moitié du XXe siècle, cette histoire est marquée par
l’expansionnisme du Japon, par les guerres sino-japonaises, mais aussi par la
seconde guerre mondiale. Celle-ci elle se prolonge cruellement par la guerre de
Corée elle-même, à l’issue de laquelle le Dr Chae quitte définitivement son
pays natal et va poursuivre sa vie en Europe. Je m’attacherai à décrire ici
les aspects essentiels de cette « Grande Histoire » relatifs, de loin
ou de près, à l’histoire personnelle du docteur Yong-Ho Chae. 1. L’histoire
de la Corée depuis le début du second millénaire au début du XXe siècle 2.
La seconde
guerre sino-japonaise, en y incluant la seconde guerre mondiale 3.
La guerre de
Corée 4. Le corps des volontaires belges en Corée 1. COMMENT LA
CORÉE PASSE DE LA PÉRIODE FÉODALE À l’ANNEXION JAPONAISE (1910) 1.1. Période Joseon (1393-1910) Ti-Taejp of Joseon, 1412 En 1393, alors que la péninsule de Corée
est sous domination mongole (Royaume de Goryeo), le général coréen Yi Seongyye
prend le pouvoir, fonde et installe la dynastie Joseon (dénommée aussi dynastie
Yi) qui régnera jusqu’au tout début du XXe siècle. Une administration centralisée est
développée (création de 8 provinces). Les valeurs du confucianisme reviennent
en force (néoconfucianisme, Jo Gwang-jo, 1520). Le système d’éducation se
renforce, une école supérieure pour fonctionnaire est notamment installée.
L’alphabet coréen (Hangul) est créé. Une période de prospérité s’installe dans
la péninsule coréenne. Jo Gwandg-jo Entre 1494 et 1644, les coréens
partisans d’un néo-confucianisme rigoureux imposent des purges successives à
l’encontre des lettrés. Une guerre de 7 ans (la guerre de l’Imijn) est menée
contre une invasion japonaise sous la férule du shogun Toyomi. Deux invasions
mandchoues sont repoussées et la Corée s’isole progressivement, ce que les
historiens stigmatiseront en « Royaume Ermite ». A la fin du XVIIème siècle,
un mouvement intellectuel prend le pas, les arts se développent et s’exportent,
principalement par l’action des pères jésuites. La société coréenne divisée en
classes sociales se sclérose, des contestations et révoltes internes
affaiblissent le pays. 1.2. Le Japon prend progressivement le pouvoir en
Corée Le XIXe siècle voit
le déclin de la Corée : les élites sont accrochées à leurs privilèges, les
puissances étrangères se montrent de plus en plus agressives, et cela, jusqu’à
la colonisation japonaise en 1905. Peu à peu, La Corée devient l’enjeu de
rivalités entre la Chine et le Japon. A l’issue d’une campagne
navale et du traité de Gangwha, le Japon ouvre la Corée au commerce nippon en
même temps qu’aux Européens et Nord-américains. Des élites coréennes
progressistes veulent moderniser la Corée à l’image du Japon. Des frustrations
sociales et une révolte paysanne dans le Sud (mouvement Donghak, 1894)
conduisent le roi Kojong à demander l’aide de la Chine, Le Japon réagit et, en
Août 1894, déclare la guerre à la Chine. Jules Grandin, le Monde, 2016 En
1895, selon le traité de Shimonoseki, La Chine n’est plus souveraine de la
Corée ; la Russie prend le pas comme rivale du Japon, et notamment en
contrôlant la Mandchourie et la Corée. L’épouse du roi coréen Kojong est
assassinée sur l’ordre de l’ambassadeur japonais Gabo. Celui-ci impose des
réformes sévères à la Corée.
Le Japon sort victorieux d’une guerre russo-japonaise, fait reconnaître
sa domination sur la Corée au traité de Portsmouth (1905). Le traité de protectorat est ratifié par
l’empereur Gojong, qui abdique en faveur de son fils Sunjong. Celui-ci et son
frère seront déportés au Japon, comme otages. Le protectorat japonais n’est pas
accepté par la population coréenne et le représentant du Japon en Corée est
assassiné (1909). Le Japon réagit en annexant la Corée le 29 Août 1910. 2. LA SECONDE GUERRE SINO-JAPONAISE (1937 -
1945) 2.1. Les prémices : invasion de la Mandchourie
par le Japon En
1931, le Japon envahit la Mandchourie en 3 jours en prenant comme prétexte
« l’incident de Mukden » :
le 18 septembre, les japonais sabotent une voie ferrée sans grande importance
près de la frontière avec la Chine et provoquent la réaction des troupes
chinoises, à laquelle ils répondent au nom de la légitime défense. En
1932, et dans la foulée, ils créent l’état fantoche de Mandchoukoou,
indépendant pour la forme et sous l’autorité très théorique de l’ex-empereur de
Chine Puyi. La Mandchourie est passée de facto sous protectorat japonais. Dans
la série célèbre des bandes dessinées « Les aventures de Tintin », en
particulier dans l’album « Le Lotus
Bleu », il est intéressant de se rappeler que Hergé a mis en scène cet
épisode (incident de Mukden) et plus largement l’invasion de la
Mandchourie par les troupes japonaises 2.2. La guerre
sino-japonaise proprement dite (1937 - 1945) Prémisses
Conscients des intentions belliqueuses japonaises, dès 1936, les Chinois
mettent provisoirement fin à la guerre civile qui oppose depuis 10 ans les
communistes au parti nationaliste chinois ou Kuomintang (KMT)[1] . Ils créent le
« deuxième front uni » (accord de Xi’an) visant l’intégration des
forces armées communistes aux troupes régulières nationalistes chinoises. Le déclenchement de la guerre
La seconde guerre sino-japonaise va se déclencher le 7 juillet 1937, au
moment de l’incident du « Pont
Marco Polo », connue aussi comme « bataille du pont Logou », près de Wanping, à 16 km de
Pékin. Par une provocation bien orchestrée, les japonais accusent les chinois
d’avoir enlevé un de leurs soldats. Les chinois leurs refusent le droit de
fouiller les maisons, les japonais font venir des renforts. La guerre est
déclarée le 28 juillet 1937. Les grands affrontements et
l’enlisement du conflit Pékin tombe entre les mains japonaises le 7 août
1937. Très rapidement, les japonais se rendent maîtres de Taiyuan, de Shanghai,
qui est bombardé, au prix de milliers de vies humaines dans la population
civile. Les Japonais décident de s’attaquer ensuite à la capitale de la
République Chinoise, Nankin, où ils commettent des atrocités inouïes, connues
comme « viol de Nankin » : on y dénombrera 300.000 victimes
chinoises, massacrées, mais aussi des viols massifs et systématiques. FlyingTigers, 1941
Conscientes que les chinois ne pourront pas poursuivre seuls l’effort de
guerre face aux japonais, les puissances étrangères (dont l’Allemagne nazie et
l’URSS) vont offrir leur aide à la Chine, aide en armement, aide par levée de
troupes notamment d’aviation, ou encore aide économique. Les américains qui ne
sont pas encore en guerre, mettront sur pied un corps de volontaires connu sous
le nom de « Flying Tigers ». Les armées communistes
chinoises et nationalistes mènent des offensives souvent non cordonnées. En
1938, la bataille de Wuhan, qui dure 4 mois, ne permet pas aux japonais
d’anéantir comme ils l’escomptaient, le gros des troupes chinoises. Des chocs
de forces conventionnelles et guérillas se succèdent, le conflit s’éternise. En
1940, avec un effet de surprise, les troupes communistes mènent dans le nord
une offensive connue comme « Hunderd Regiments Campain ». La
victoire chinoise aboutit à des représailles atroces : en 1942, Le général
japonais Okamura met en action une politique de « terre brûlée » dite des
« Trois Tout » (tue tout, brûle tout, pille tout). Cette politique
entraînera la mort de 2,7 millions chinois. Les troupes communistes
poursuivront le conflit en mode guérilla surtout, sous la conduite notamment de
Mao Zedong. Le gouvernement nationaliste,
dirigée par Tchang Kaï-chek, et qui a fait de Chongqing sa capitale, évite à
son armée les affrontements avec les japonais. Chongping sera cependant
l’objet de bombardements intensifs par les japonais, mettant le gouvernement
chinois sous pression. La coopération et coordination
stratégique entre communistes et nationalistes chinois, qui ont en
arrière-pensée de s’attaquer l’un à l’autre à la fin du conflit sino-japonais,
ne se réalise pas. Le conflit va ainsi s’enliser, les communistes menant la
guérilla au nord-est, les nationalistes chinois dans le sud-ouest. La seconde guerre mondiale Le 7 décembre 1941, l’aviation
japonaise mène une attaque surprise et très destructrice sur la flotte
américaine basée à Pearl Harbour sur l’ile d’Oahu, dans le territoire américain
d’Hawaï. Les États-Unis entrent officiellement en guerre. Ils reconnaissent
officiellement la chine nationaliste. La défaite japonaise La situation des japonais se
détériore ensuite. Ils mènent en avril 1944 une opération de grande ampleur
(opération Ichi-Go) sur le territoire chinois, visant l’armée révolutionnaire
chinoise et l’armée de l’air américaine (à Hunan, Henan, Guangxi), dans
l’intention d’ouvrir une route vers l’Indochine Française et de s'emparer des
bases du sud-est de la chine d’où les américains lancent des attaques
aériennes. La victoire japonaise sera
relative : les japonais atteignent l’Indochine en décembre 1944 et en
délogent les bases américaines. Les japonais devront ensuite disperser
davantage leurs troupes et passer à la défensive. La défaite japonaise En 1945, l’armée chinoise reprend
l’initiative, secondée par l’armée américaine. Les japonais sont refoulés dans
le Hunan, les chinois mènent une contre-offensive dans le Guangxi. Le 6 août 1945, les américains lancent
la première bombe atomique sur Hiroshima. Le 8 août 45, dans la suite des accords
de Yalta, les Russes liés jusque-là par le pacte de non-agression
nippo-soviétique du 13 avril 1941, déclarent la guerre au Japon. Ils envahissent
la Mandchourie, la Mongolie Intérieure et écrasent de façon décisive le groupe
d’armées japonaises du Guandong. Le 9 août, la seconde bombe atomique anéantit
Nagasaki. L’Empereur Hirohito annonce la
capitulation du Japon le 15 août 1945. Bilan effroyable Au terme de 97 mois de combats, 22
combats majeurs[2] ont été menés par l’armée
nationaliste chinoise. Les pertes japonaises sont évaluées à 1.100.000
victimes, incluant les disparus et blessés graves. Les pertes chinoises ont
été estimées à 3.290.000 soldats et 9.000 000 de victimes civiles. Conséquences
3. LA
GUERRE DE CORÉE (1950 - 1953)
La guerre de Corée est un
conflit meurtrier, il fait plus de 2.500.000 victimes. Les trois années de
conflit ont coûté la vie à 142.000 soldats de l’ONU, et 1.000.000 coréens Il
est révélateur du contexte de Guerre froide qui oppose les deux Grands (USA et
Russie) depuis 1947. Pourtant
l’histoire du conflit est traitée de façon marginale et souvent ignorée
(« La guerre oubliée », « The Forgotten War »). 3 .1. La genèse de la guerre de Corée Le sort à réserver à la Corée après la
défaite du Japon a été discuté par les troupes alliées à trois moments
successifs. C‘est à partir de là que l’on peut comprendre la genèse de la
guerre de Corée qui va éclater en 1950. A la conférence du Caire en novembre
1943, Roosevelt, Churchill et Tchang Kai-shek[3]
conviennent que, dès que le moment sera venu, la Corée doit redevenir libre et
indépendante. Churchill, Roosevelt, Staline Attlee, Truman, Staline A la conférence de Yalta en
février 1945, la question coréenne est remise en discussion entre les alliés.
Staline est forcé à déclencher la guerre contre le Japon et il impose ses
conditions : occuper la base portuaire de Port-Arthur, récupérer la
totalité de l‘archipel des îles Kouriles et l’île Sakhaline. De plus il exige
de récupérer son droit sur les chemins de fer de Mandchourie. Pour la Corée,
tout comme les américains, il est partisan de l’instauration d’une mise
« sous tutelle » de la Corée, sous les auspices des États-Unis et de
la Russie et même de la Chine et de la Grande-Bretagne. Ceci serait un état
transitoire qui permettrait la mise en place d’un gouvernement démocratique en
Corée, en attendant son accession à l’indépendance. A la conférence de Postdam (17
juillet au 2 août 1945), qui réunit Staline, Truman, Churchill, lui-même
remplacé par Attlee, est adoptée la résolution que la Corée, Taiwan et
Mandchoukouo seront libérés de l’emprise japonaise. A partir de là,
l’indépendance de la Corée définitivement. Le 8 août 1945, se basant sur les
accords de la conférence de Yalta (février1945), les Russes entrent officiellement
en guerre contre le Japon. Ils envahissent la Manchourie, pénètrent dans le
nord de la Corée et l’occupent. Les américains débarquent au sud de la
Corée le 8 septembre 1945. Le 38e parallèle En vue de la capitulation du Japon (15
Août 1945), un comité des chefs d’état-major est chargé de définir les actes de
capitulation japonaise qui seront présentés aux japonais lors de la cérémonie
de reddition. Pour rédiger le document final, et en ce qui concerne les
affaires coréennes, le comité donne mission à deux officiers supérieurs
américains (Dean Rusk et Charles Bonesteel) de déterminer une ligne de
démarcation entre la zone soviétique et américaine. Le choix du 38e parallèle
ne correspondra pas à une justification ni militaire, ni reliée à l’histoire
séculaire de la Corée mais sera dicté pragmatiquement par le souci de
maintenir la capitale du sud, Séoul, à distance suffisante de cette nouvelle
ligne de démarcation et de garder en zone américaine des sites portuaires en
eau profonde (Inchon et Pusan). Un tel choix créera un certain déséquilibre,
laissant au nord une activité industrielle bien plus développée et au sud une
activité agricole prédominante mais avec une démographie plus favorable (21
millions d’habitants au Sud pour 9 millions au nord) Le 2 septembre 1945, la capitulation du Japon ne restitue cependant pas
à la Corée son entière indépendance. Sur place, les règlements de comptes entre
les résistants et les collaborateurs dégénèrent en guerre civile. En 1947, la question, la
question coréenne est portée devant les Nations Unies. Une commission
est chargée d’organiser et de superviser des élections libres, préliminaires à
la formation d’un gouvernement national. Les soviétiques s’y opposent sur le
terrain. Les élections surveillées par l’ONU auront lieu dans le sud et
porteront au pouvoir Syngman Rhee. La République de Corée est proclamée
en avril 1948, Séoul en devient la capitale. En réponse, au Nord, une assemblée
du peuple de toute la Corée est élue, ce qui aboutit à la fondation d’une
République populaire de Corée, siégeant à Pyongyang, reconnue par la Chine et
l’Union soviétique. Kim-II Sung en prend la tête. En 1948, dans ce contexte
tendu, l’ONU entérine la création de deux états distincts : ·
La République
démocratique populaire de Corée au nord (Corée du Nord), capitale :
Pyongyang, dirigée par le secrétaire général du Parti des
travailleurs (communiste), Kim Il - Sung, âgé de 38 ans. ·
La République
de Corée (ROK), au sud (capitale : Séoul), dirigée de façon au moins aussi
autoritaire par Syngman Rhee homme vénal et corrompu, alors âgé de 75 ans. Les Russes évacuent le Nord en 1948,
laissant derrière eux un gouvernement communiste et une « Armée du
Peuple » de 100.000 hommes environ, bien entraînée et bien équipée
(canons, chars, avions russes).Les troupes américaines quittent la Corée en
juin 1949 et y laissent 70.000 sud-coréens peu entraînés et manquant de
matériel lourd. 3.2. Le point de départ
de la guerre Alors que des négociations se
poursuivent pour la réunification, des escarmouches surviennent et des
incidents transfrontaliers s’intensifient. La
stratégie de Kim II-Sung peut être décrite en 3 étapes : concentrer des
troupes, dont il a renforcé fortement l’armement, le long du 38e
parallèle, proposer au Sud une réunification pacifique, puis entamer des
opérations militaires, en cas de rejet de sa proposition par le Sud. 3.3. L’assaut éclair nord-coréen Sur
décision de Kim II-Sung, impatient, le 25 juin 1950, les forces du Nord
franchissent le 38e parallèle, justifiant cette entrée par une
riposte à une incursion sud-coréenne, quelques jours plus tôt, et présumée
avoir été réalisée avec l’assistance de conseillers américains. Conseillée et équipée par les Soviétiques, l’attaque est fulgurante :
7 divisons sont engagées, ainsi que quelques 150 blindés, 1700 pièces
d’artillerie et 200 avions de combat. En face, l’armée du Sud est « en
permission » pour la majorité de son effectif, bien inférieur par
ailleurs. En quelques jours, les forces sudistes sont mises en déroute,
l’aéroport de Séoul (Gimpo) est bombardé. Séoul tombe le 28 juin 1950. Tank T 34-85 Chasseur Yak 9 3.4. La contre-attaque des troupes de l’ONU Le 27
juin 1950, au conseil de sécurité de l’ONU et en l’absence des Russes[4],
les américains font adopter « la résolution 83 » condamnant
l’invasion nord-coréenne, ordonnant un cessez-le-feu et le repli des
Nord-Coréens au nord du 38ème parallèle. Le 3 juillet 1950, les américains lancent une contrattaque aéronavale. Le 7
juillet 1950, la « résolution 84 » du conseil de sécurité confie aux
américains le commandement des forces de l’ONU en vue de la riposte. Vingt et
un pays ne tardent pas à rallier les forces alliées autour des
américains : 16 pays, dont la Belgique et le Luxembourg, vont engager des
forces armées et 5 pays des formations sanitaires uniquement. Septembre 1950 - x BUSAN Novembre 1950 - 1 : FLEUVE YALU - 2 : INCHEON Le 14
septembre 1950, les forces armées nord-coréennes occupent 90 % du territoire de
la Corée du Sud. Seule reste inoccupée la poche de Busan, où se sont repliées
les forces sud-coréennes et la 8ème armée américaine appelée en
renfort. Le 15 septembre 1950, le général Mac Arthur et ses marines débarquent à
Incheon, et en dix jours, récupèrent Séoul, puis désenclavent la poche de
Busan. Le 30
septembre 1950, les effectifs de l’armée onusienne atteignent 230.000 hommes
dont 85.000 pour la marine et l’aviation. Le 1er
octobre 1950, les troupes onusiennes franchissent le 38e parallèle,
et en moins de deux mois conquièrent la plus grande partie des villes et le
territoire du Nord jusqu’au fleuve Yalu à la frontière chinoise. 3.4. L’intervention chinoise et l’évacuation
maritime des troupes onusiennes Les Chinois
entrent directement dans le conflit en engageant au combat 270.000 hommes appartenant
à la IVe armée populaire. Les Américains et Sud-coréens sont
refoulés puis reprennent leur offensive. Ils doivent cependant se replier sous
une pression accrue de l’armée chinoise (un demi-million de soldats), appuyés
par l’aviation russe. Dans leur repli, les onusiens emmènent avec eux plus d’un
million de Coréens fuyant le régime communiste. Séoul est reprise le 4 janvier
1951. Les troupes onusiennes et
sud-coréennes évacuent par la mer à Hungnam et Chinnampo (opération connue comme
« Miracles of Christmas », décembre 1950). 3.5. Retour au statuquo d’avant la guerre. Juillet 1953. Général MacArthur Général Matthew Ridgway En
mars 1951 Mac Arthur suggère un bombardement nucléaire massif de la Mandchourie
et des troupes chinoises. Le Président américain Truman refuse[5]
et le limoge le 11 avril 1951. Son successeur, le général Ridgway, reprend
Séoul le 14 mars, puis Chunchéon et repousse les forces communistes au-delà du
38ème parallèle. Cette offensive se poursuit au nord jusqu’aux
portes de Cheorwon et Hwacheon. Dans leur contre-offensive du printemps, les
chinois reprennent Chunchéon, puis progressent jusqu’à Yangyang à 20 kms de
Séoul. La dernière offensive des troupes de l’ONU repousse à nouveau les
communistes, et leur reprend plusieurs villes (Goseong, Cheorwon, Hwacheon). Le
front se stabilise alors sur une ligne de démarcation, les
troupes onusiennes s’établissant sur la rive droite de la rivière Imijn. 3.6. Le temps des négociations En
juin 1951, Jacob Malik, délégué de l’URSS à l’ONU, suggère une négociation
visant le retour à la situation antérieure. Dès juillet 1951, des émissaires
des deux camps se rencontrent à Kaesŏng mais les négociations stagnent.
Elles se débloquent après la mort de Staline le 5 mars 1953. En rouge - La zone démilitarisée Le 27 juillet 1953, les
clauses d’un traité de paix sont convenues à Panmunjeom : ce sera
un retour au « statu quo ante bellum ». Une zone démilitarisée (DMZ)
est instaurée, large de 4 km, s’étendant sur 249 km en coupant le 38e
parallèle. 3.7. Le bilan Ce
conflit a provoqué le mort de 1, 5 millions de militaires. L’armée sud-coréenne
a perdu 147.000 hommes, celle du Nord 520.000, les forces de l’ONU 55.000
hommes, américains pour la plupart. Les pertes
chinoises sont estimées à 200.000 hommes, les soviétiques ont perdu 315 hommes.
Les pertes civiles sont estimées à quelques 3 millions de morts, sur les 30
millions d’habitants que comptait la péninsule coréenne. La Corée du Nord a été extrêmement dévastée (bombardements massifs,
avec largage de 450.000 tonnes de bombe, utilisation du Napalm[6]). Il
faut acter aussi des déplacements importants de population et des destructions
massives, surtout des villes du nord. L’échange
le plus important de prisonniers (dénommé Big Switch) sera réalisé entre avril
et décembre 1953. Détenus au sud, et issus du nord, 5.823 prisonniers, dont
5640 chinois peuvent rentrer dans leur contrée respective. De nombreux soldats
communistes - 22.600 - ont refusé de rentrer chez eux. Le gouvernement
communiste nord-coréen rapatriera 12.773 prisonniers parmi lesquels 3597
américains et 945 britanniques. 4. LE CORPS DE VOLONTAIRES POUR LA CORÉE[7] Lors
l’appel de l’Onu, en juillet 1950 en vue de constituer un corps militaire
d‘aide à la Corée, le Premier Ministre belge Joseph Pholien propose de recruter
un corps de volontaires (Belgian United Nations Command) (BUNC) qui sera
formé de volontaires belges et luxembourgeois. En
pleine état de crise liée à la « La Question Royale », la réponse
belge se fera attendre jusqu’au 26 août 1950. Quelques
3171 volontaires Belges et 78 Luxembourgeois vont aller combattre en Corée. APPEL DE VOLONTAIRES ET SÉLECTION Un
appel aux volontaires est diffusé dans la presse dès le 29 août 1950, il est
adressé aussi aux officiers de réserve et autres militaires en congé illimité.
L’âge limite pour être engagé sera de 35 ans, sauf pour les officiers, sa durée
d’un an. Un accord sera signé le 1er septembre 1950 avec le
Grand-Duché de Luxembourg pour incorporer environ cinquante luxembourgeois dans
le bataillon belge. Plus de deux mille candidatures seront actées (dont 240
incomplètes seront jugées inacceptables). Chaque candidat sera soumis à un
examen et une enquête relative à ses attitudes et à son passé. Le processus de
sélection lui-même sera effectué à Gand et Namur, portant sur les aptitudes
physiques mais aussi morales (le passé judiciaire notamment). Fin. Septembre,
1050 candidats auront été écartés ou refusés (40 % à leur demande, 20 % pour
raisons politiques, 25 % pour inaptitude d’ordre physique, 10 % pour problème
de nationalité, 5 % pour raisons diverses). La participation des miliaires du
cadre actif sera délibérément limitée afin de ne pas affaiblir les Forces
d’Occupation en Allemagne (FBA), dans le contexte de la guerre froide. Six volontaires féminines seront acceptées et seront acheminées en DC4 en
janvier 1951 dès janvier 1951 (deux infirmières et quatre employées des
cantines militaires[8]).
Les infirmières seront assimilées au rang de lieutenant ou de capitaine. DESIGNATION DU CADRE INITIAL DU BATAILLON Le 28
septembre 1950, le lieutenant-colonel B.E.M Albert Crahay, artilleur et
professeur à l’École de Guerre, est nommé pour la première période de
commandement. Il sera secondé par le major B.E.M Georges Vivario, Commandant du
Régiment commando caserné à Namur et Marche-les-Dames. Le
père Vandergoten, « padre », parachutiste et ancien aumônier très
apprécié des paras, est désigné comme aumônier du bataillon. Le père Arkens, ancien missionnaire scheutiste, familier de l’Extrême-Orient, âgé de
50 ans, accepte d’accompagner le Bataillon comme interprète. Un auditeur militaire est aussi désigné (Yvan Roggen) Le père Vandergoten Un
seul médecin accompagnera initialement le bataillon, pendant son transfert en
Corée (Le sous-lieutenant médecin Derom), et sera du voyage à bord du Kamina.
Le major médecin Guérisse le rejoindra le 15 avril 1951. Le docteur Derom LA PRÉPARATION Après
le processus de sélection, 700 candidats seront retenus pour former le premier
contingent, dont 40 officiers (12 du cadre actif) et 130 sous-officiers (la
moitié du cadre actif). La
nouvelle unité est parrainée par le Régiment Commando caserné à Namur et à
Marche-les-Dames. Les officiers du cadre actif (10), ceux de la réserve et des
sous-lieutenants miliciens tous volontaires sont appelés le 18 septembre 1950,
suivis le 19 et 20 septembre par les sous-officiers Ils suivent ensembles un
entraînement intensif pendant dix jours. Le cadre
ainsi constitué, sous le commandement du Lieutenant-Colonel B.E.M Crahay,
rejoint Bourg-Léopold le 2 octobre 1950 et accueille la troupe le 2
octobre. Tous seront soumis à l’entraînement intensif relatif à toutes les
matières nécessaires à un fantassin. Le
bataillon sera équipé initialement avec le matériel disponible d’origine
anglaise. Il a été convenu que les américains livreront sur place du matériel
de base. Par
Arrêté Royal, (Moniteur Belge le 11 novembre 1950), un drapeau est attribué au
Corps de Volontaires pour la Corée. Il sera remis au bataillon le 8
novembre1950 lors de la visite du Prince Royal Baudouin à Bourg-Léopold. Le
Corps des volontaires défilera à Bruxelles le 11 novembre. La
préparation se poursuit jusque fin novembre au camp d’Elsenborn dans l’Eifel,
terrain plus accidenté permettant des exercices à feux réels, avec utilisation
d’un charroi américain et appuis d’artillerie. L’instruction se terminera à
Brasschaat, sous le feu de grenades d’artillerie. Une marche forcée de 16
kilomètres, en deux heures, avec armes et équipement terminera la préparation,
épreuve dont la réussite conditionnera l’octroi du « béret
brun », personnalisé par un écusson propre (entrecroisement d’une massue
de bataille « goedendag » flamande et d’une francisque wallonne). L’ORGANISATION DU CORPS DES VOLONTAIRES POUR LA CORÉE Le
Bataillon comprendra initialement un État-major de Bataillon, une compagnie
état-major, trois compagnies de fusiliers (Compagnies A et B et C,
composées de trois pelotons à 3 sections de fusiliers), une
compagnie d’armes lourdes. Le peloton luxembourgeois intègre la compagnie
A. La
compagnie état-major comprend : une section administrative, un peloton
de transmission, un peloton M.T.[9],
un peloton de ravitaillement en vivres et habillement, un peloton
médical, une section de tireur d’élite, une section d’aumônerie. Une
section auditorat militaire en campagne est rattachée à la compagnie
état-major. LE TRANSFERT D’ANVERS A PUSAN Le 18
décembre 1950, le bataillon embarque à Anvers à bord de l’AP 907 Kamina, navire
de 4500 tonnes, de construction belge, long de 114 mètres, large de 15 mètres,
construit en 1939 à Hoboken pour un armateur polonais. Saisi par les allemands
en 1943, il sera récupéré par les anglais en 1945 puis par la Force Navale
belge en 1950. Il sera hâtivement aménagé pour le transport de troupes, pendant
plus d’un mois Des essais à Rotterdam vont contribuer à retarder le départ du
Bataillon belge impatient de rejoindre la Corée du Sud. Le
bateau fera escale à Gibraltar, Port Saïd, Colombo, Singapour, Manille et enfin
Sasebo au Japon. Le voyage lui-même sera mouvementé, dans des conditions de
confort difficiles pour la troupe (exiguïté des dortoirs notamment), avec
interdiction de descendre à terre lors des diverses escales. Après
ce voyage de 45 jours, le contingent belge débarquera le 31 janvier à l’aube à
Pusan, accueilli parle major Moreau de Melen[10]
et le commandant Poswick, envoyés en avant-garde au Japon et en Corée. Il est
composé de 672 volontaires, dont 44 officiers, 123 sous-officiers et 505
caporaux et soldats. Parmi eux, 43 volontaires du Grand-Duché de Luxembourg. Le
matériel lourd (charroi composé de 56 jeeps, 25 motos, 19 camionnettes, 25
camions), transporté par des navires hollandais, sera débarqué le 15 février
1951. INSTALLATION AU CAMP DE TRANSIT -TONGNAE-DONG Véhiculé
par des 10 camions GMC débâchés, des camions légers et 10 jeeps, le bataillon
est acheminé vers TONGNAE-DONG et installé dans un camp de transit assez
confortable (tentes chauffées, infrastructures d’hygiène de bonne facture,
nourriture très appréciée). L’entraînement
se poursuit dans les collines escarpées avoisinantes et dans des conditions
climatiques hivernales. Il
s’agit aussi de s’adapter à la stratégie et aux armes américaines. Le
lieutenant-colonel B.E.M. Crahay rencontre le général Mac-Arthur à Tokyo et y
insiste d’emblée sur la problématique des renforts pour combler les pertes
potentielles. DEPLOIEMENT ET MISE EN ACTION PROGRESSIVE Le 11
février, le Bataillon qui n’a pas encore reçu son charroi, se déplace dans 30
camions américains vers WAEGWAN, à l’ouest de TAEGU sur le fleuve NAK-TONG.
Encore loin du front, il a comme mission de sécuriser le réseau ferroviaire
reliant TAEGU-WAEGWAN-KUMCHON et le secteur routier, contre des attaques de
guérillas, protégeant ainsi l’arrière-garde des troupes de l’ONU. Le
général Ridgway visitera le bataillon. Le premier contact avec l’ennemi
(restant invisible) aura lieu le 12 février, sans perte. Fin février l’effectif
total du bataillon est de 636 volontaires aptes à servir (compte-tenu des
blessés et des malades). MISE EN PLACE : DU FLEUVE HAN A LA RIVIERE IMIJN En
mars 1951, le bataillon fait mouvement vers SUWON, et est rattaché au 15ième
régiment d’Infanterie américaine appartenant à la 3ème Division du 1er
corps d’Armée US. Le bataillon, renforcé d’un escadron de blindés et un peloton
de mortiers, de camions et jeeps américains, relève le 15ème
Régiment et prend position sur le fleuve Han en face de Séoul. Des patrouilles
de reconnaissance belges traversent le fleuve Han. Séoul est repris le 14 mars
1951. Lieutenant Beauprez Lors
d’une mission au nord de la Han près de SEOUL (repris le 18 Mars 1951), le
lieutenant Beauprez est tué par l’explosion d’une mine anti-personnel en bois
indétectable, placée par les Nord-Coréens en repli. LA GUERRE DE MOUVEMENT : DE MARS à OCTOBRE 1951 Le Bataillon monte en ligne Le 21
mars 1951, le Bataillon se déplace vers le 38ème parallèle et doit
prendre position à 10 kilomètres au nord du fleuve HAN (à SUWON près de
NUNG-HI). Il doit être rattaché à la 29ème Brigade britannique[11]
sous commandement de la 3ème Division US. Lors d’une mission de
ravitaillement, un belge est porté disparu[12]. Une
offensive américaine s’engage le 23 et 24 mars 1951 Les trois compagnies d’infanterie du bataillon belge y sont associées, et
se déplacent dans une vallée en pleine montagne et parcourent une vallée
secondaire vers un col : ils entrent en contact avec des troupes chinoises
et déplorent leurs premiers blessés dès ce baptême du feu. Le
général Mac Arthur est relevé de ses fonctions le 10 avril 1951 par le
Président Truman (décision très controversée) peu après qu’il ait proposé
d’utiliser des frappes atomiques sur l’ennemi et sur la Chine. Il fera visite
au Bataillon belge le 24 mars 1951, peu avant de quitter le sol coréen en avril
1951. Lors
de l’occupation de la colline 155, le 21 mars, un soldat de la Compagnie C
du bataillon est tué d’un coup de baïonnette[13]. Le
Bataillon belge est mis sous les ordres du 7ème Régiment US
et participe à la progression américaine vers le Nord, en protégeant les flans,
puis il prend la relève de troupes US. Le 2
avril 1951, le Bataillon belge atteint KWANGSUWON et se positionne avec les
trois bataillons de la 29ème Brigade Britannique[14]
remontée en ligne, et qui est sous les ordres de la 3ème Division
américaine. Le Bataillon belge se positionne dès le 10 avril sur la RIVIERE IMIJN.
Des sweeps[15],
vont être menés et l’Imijn sera franchie le 14 avril par une patrouille belge
de reconnaissance sans rencontrer de résistance (le repli stratégique chinois
créant un vaste no man’s land). L’effectif global du bataillon belge est alors
de 671 hommes. Le 17
avril, les patrouilles belges s’insinuent de 3 à 8 kilomètres dans ce no man’s
land sans contact avec les chinois. Le bruit court que ceux-ci préparent une
vaste offensive. Ce même jour, le major médecin Guérisse rejoint le Bataillon
belge et prend ses fonctions de commandant du Peloton médical qui n’avait pu
compter jusque-là que sur un seul médecin[16]. Les
belges reçoivent le 18 avril 1951 l’ordre du commandant de la 29ème
brigade de remplacer les 800 hommes Royal Ulster britannique sur la colline
194, de l’autre côté de l’IMIJN, relève considérée au Bataillon comme
« déséquilibrée » à la veille présumée d’une offensive chinoise. Positions belges au-delà de l’Imijn. Au centre, la colline 196 La bataille de l’Imijn (22 au 25 avril 1951) Quelques jours plus tard, le 22 avril 1951 l’enfer se déclenche. En
début de soirée, une patrouille belge engage le combat avec l’ennemi à deux
kilomètres des positions du bataillon. L’ennemi tente de s’infiltrer. À 3
heures du matin, un premier assaut frontal est lancé par les Chinois mais
échoue. Les différentes compagnies du bataillon belge subissent des attaques.
Dans la nuit et au matin du 23 avril, les attaques chinoises se succèdent. Une
section de six belges tombe aux mains des Chinois[17].
La situation du bataillon est critique, les ponts sont contrôlés par les
chinois, qui encerclent les positions belges. Vers midi, l’ordre de repli est
donné au bataillon. Deux escadrons de blindés Centurion, un bataillon américain
et des attaques aériennes vont couvrir le repli, par un pont pour la plupart
des véhicules et à gué pour les hommes. Le bataillon aura perdu 12 hommes et
déplore 29 blessés dans cette bataille. Un des bataillons britanniques, les
« Glosters », isolé, sera anéanti, les deux autres[18]
pourront se désincarcérer. Le 25
avril, le lieutenant-colonel B.E.M. Crahay sera blessé sur un char centurion
par un projectile au phosphore tombé à ses pieds et qui met le feu à son
pantalon (éteint en se roulant sur le sol) mais qui le brûle sévèrement au
visage et à la main. Les premiers pansements seront faits par le major médecin
Guérisse. Le père Vandergoten (à gauche) - Le lieutenant-colonel B.E.M Crahay blessé - Le soldat André Kuborn Le lieutenant-colonel
B.E.M. Crahay restera au combat pendant deux heures encore dans un char avant
de pouvoir être soigné à nouveau au poste de secours, puis véhiculé à Séoul où
il dira être resté plusieurs heures dans un couloir sur un brancard, avant
d’être évacué par avion à Pusan, et de là, à Osaka (Japon) puis à Tokyo dans la
section spéciale pour brûlés du Army General Hospital. Il y bénéficiera de
pansements répétés et de traitements antibiotiques, puis après quelques
semaines, des greffes de peau seront réalisées au niveau des doigts. Le lieutenant-colonel
B.E.M. Crahay a remis son commandement au major B.E.M. Vivarois[19]. Pendant
un mois, le bataillon occupera des positions défensives sur la rivière HAN
entre KIMPO et CHANGO RI. Mai 1951 à Août 1951 : dans la péninsule de
Kimpo Fin
avril 1951, le bataillon belge s’est porté sur la péninsule de KIMPO, entre
SEOUL et INCHON, sur la rive gauche du HAN, avec comme mission, la surveillance
des points de passages (gués) sur le fleuve. Le 23 mai il fait mouvement sur
SEOUL. De nombreux problèmes médicaux surviennent, huit volontaires seront
réformés. On totalise fin mai 14 tués, 1 disparu, 47 blessés, 62 malades et
l’effectif s’est réduit à 542 combattants[20].
Un camp de repos est organisé. Fin
mai 1951, le bataillon belge se repositionne sur l’IMIJN avec la 29ème
Brigade (britannique), sur une position « solide » à 4 kilomètres au sud
de la rivière. Le 8
Juillet 1951, débarquent 150 volontaires moins bien sélectionnés, moins bien
entraînés (à KAULILLE, en Campine). Ils rejoignent le camp d’entraînement du
bataillon (PUSAN) 10
juillet 1951. Le lieutenant-colonel B.E.M. Crahay reprend le commandement. Août
et septembre 1951. Le
temps est venu pour quelques 450 hommes (officiers, sous-officiers et soldats)
de rentrer en Belgique (départ le 21 Août de Inchon sur le navire US Mac Rae).
Avec 500 hommes[21],
restant en place, le bataillon ne peut dès lors plus répondre aux exigences
américaines (constituer un bataillon d’infanterie complet.) Le général
Van Fleet qui dirige la 8e Armée remet le bataillon belge aux ordres
de la 3e division US et lui enjoint de réaliser à CHANGO-RI une
réorganisation et un entraînement selon l’organisation américaine (2
compagnies), avec l’armement américain et en intégrant et formant les nouvelles
recrues belges. Le général Van Fleet Le 14
septembre 1951, le Lieutenant-Colonel B.E.M. Crahay qui, suite à ses blessures
par brûlure, doit subir des greffes au Japon remet le commandement au major
B.E.M. Vivario (jusqu’au 29 Octobre 1951), secondé par le major Moreau de
Melen. Dans le triangle de fer – Les combats de
HAKTANG-NI Le major BEM Vivario (à droite) Du 9 au 13 octobre
1951, sous commandement de la 1st US Cavalery Division, le bataillon, commandé
par le major B.E.M. Vivario et réduit à 560 hommes, remonte au feu dans le
« triangle de fer », formé par les villes de CHORWON, PYONGGANG
et KUMWHA.À quatre kilomètres des positions amies, les belges se verront
chargés d’une mission de défense des collines de HAKTANG-NI, qui doivent
devenir une base de patrouilles et de surveillance de la plaine, utile si
l’offensive chinoise devait reprendre. Les Américains désigneront l’opération
comme « Broken Arrow », flèche brisée, évoquant la forme de la
colline 391, une crête qui s’étend sur 1500 mètres, et où les volontaires
belges ont ordre de prendre position. Le 10 octobre 1951, des chars
couvrent l’installation de deux compagnies du Bataillon (B et C), sur le haut
de la colline et celle du poste de commandement ainsi que du poste de secours
dans le ravin avoisinant. Sous les tirs ennemis d’une colline proche, un soldat
est tué[22], quatre
volontaires sont blessés par des tirs de harcèlement chinois. Broken Arrow Dans la nuit, après le départ
des chars, des porteurs coréens et des patrouilles voisines, le bataillon isolé
va subir des tirs de mortiers puis des essais d’incursion chinoises, explorant
le dispositif belge, et qui seront
refoulés avec sang-froid et méthode. Le 11 0ctobre, dès l’aube, les tirs
reprennent et un coup d’obus qui a ricoché, sur la falaise tue 4 hommes[23] et en
blesse neuf autres, qui seront héliportés vers l’Hôpital avancé. La nuit suivante du 11 au 12
octobre, des attaques chinoises sont refoulées, un soldat est tué [24] et six
hommes blessés. Dans la soirée, avant que la nuit ne tombe, les chinois
mèneront des opérations très intrusives sur la colline 317. La situation des
belges devient critique, un officier est tué en portant aide à ses hommes un
sergent est abattu[25].En allant
à son secours, un volontaire belge[26]
est tué à la baïonnette. Un autre[27] est
touché mortellement par une salve de mitrailleuse. Les hommes sont presque
encerclés ; une vingtaine de volontaires mènent une contrattaque,
provoquant le tumulte chez les chinois et reprennent la position. Ce sang-froid
remarquable arrêtera des assauts répétés des chinois. Le général Soule Dans la journée du 13 Octobre
1951, Le Commandement de la 3ème division - le général H. SOULE -
ordonne le repli des deux compagnies. Dix belges ont perdus la vie
lors des combats de HAKTANG-NI. Les combats menés à HAKTANG-NI
seront épinglés d’une citation belge et d’une citation par le Président de la
République de Corée. UNE
GUERRE DE POSITION : FIN DE L’ANNEE 1951 - PREMIER TRIMESTRE 1952 En Octobre 1951, les 244
coréens du Civilian Transport Corps sont attachés au bataillon et
travaillent comme porteurs pour le transport des munitions et d’équipement,
pour l’entretien des chemins et des positions, et quelques-uns incorporés comme
fantassins. On passe progressivement d’une
guerre de mouvement à une guerre de position. Les adversaires s’enterrent face
à face. Le lieutenant-colonel B.E.M.
Crahay reprend le commandement le 29 Octobre 1951. Le 21 novembre, il le cède
au lieutenant-colonel B.E.M. Cools, qui sera rapatrié ensuite le 23 février
1952 pour « motifs de santé ». Le Bataillon belge est
incorporé à la 1ère Division d’infanterie Américaine, puis en
novembre 1951, à la 3ème Division d’infanterie, en y devant de facto
le 4ème bataillon du 15ème régiment. Pendant cette
période où les belges sont chargés de patrouilles, ils perdront encore deux des
leurs à KOJAK-KOL[28]. Ils
participeront efficacement à l’opération de reconnaissance
« Camelia ». Un volontaire belge sera tué par un éclat de bombe le 22
décembre à NALGUNG-DONG NI[29]. Fin décembre 1951, le bataillon compte 701
volontaires. Le 19 janvier 1952, le bataillon
retourne aux positions de front. Fin janvier lors d’une reconnaissance, un
volontaire disparaît[30], après un
contact avec l’ennemi pendant une patrouille de combat. Le 23 février 1952, le
lieutenant-colonel B.E.M. Vivario prend le commandement (il le gardera jusqu’au
29 décembre 1952). Le bataillon belge devient « réserve division » à
CHANGO-RI. Des volontaires seront blessés dans le no-man’s land par des mines
anti-blindées chinoises. Un volontaire sera tué dans un exercice de tir[31]. En juillet 1952, le bataillon
quitte sa fonction de réserve et relève le 2ème bataillon du 15ème
régiment de la 1ère Division sud-coréenne à KOJAK-KOL, au bord de
l’IMIJN, avec mission d’observer le no-man’s land. Le bataillon effectue chaque
jour une patrouille de reconnaissance et tous les trois jours, une compagnie
effectue une patrouille de contact, visant à prendre des prisonniers.
L’effectif global du bataillon est de 690 hommes dont 52 officiers et 155
sous-officiers. Plusieurs volontaires mourront accidentellement[32]. L’opération Moonlight, le 24 et 25 juillet 1952 Le
24 et 25 juillet 1952, le bataillon exécute l’opération Moonlight, afin
d’occuper une colline[33]. La compagnie C entre en action ; trois
volontaires seront tués[34]
et un autre porté disparu[35].
Sur les bords de la rivière YOKKOK Le
19 août 1952, les belges relèvent le 3ème bataillon du 65ème
régiment US de la 1ère Division sud-coréenne, à proximité de la
rivière YOKKOK, en position très avancée et sont exposés à la vue de
l’artillerie chinoise. Cinq volontaires seront tués en quelques semaines[36],
par des tirs ennemis aux mortiers et canons légers, ceci survenant de façon
inattendue lors de travaux de réparation des abris, et bien d’autres seront
blessés. L’opération Mariette Le
24 et 26 septembre 1952, la compagnie B du bataillon belge est engagée en vue
d’occuper une colline puis de préparer une attaque sur une autre colline[37].
L’attaque est menée sans grande connaissance du terrain par la Compagnie B du
bataillon, sans avoir le temps d’organiser les retranchements et bases de feu,
sans bonne coordination avec les unités voisines, avec coupure des lignes de
téléphone. La liaison radio fonctionne mal dans les collines, au point que
l’appui de l’artillerie amie ne peut prêter son assistance. Une attaque
chinoise en masse (de l’ordre de deux compagnies) submerge les belges, et neuf
volontaires seront tués dans des combats au corps à corps, outre deux
américains et trois coréens, et vingt hommes seront blessés.[38] Sur le White Horse Hill en décembre 1952 Le 25
novembre 1952, le bataillon qui compte 782 volontaires est replacé dans une
position de front sur le massif de montagne « White Horse », du côté
gauche de CHORWON, pour relever le 1er bataillon du 3ème
régiment de la 7ème Division Américaine, et y mener des patrouilles.
Plusieurs soldats décéderont[39]. LA GUERRE DE POSITION : 1953 Un mois en blocking position Le
28 janvier 1953, le bataillon relève un bataillon de la brigade turque et est
en « blocking position »[40] près de
CHATKOL avec le 7ème Régiment de la 3ème Division
d’Infanterie Américaine, occupant la base du « triangle de
fer » formé par les villes de CHORWON, KUMWHA ET PJONGGANG et
dominé par les 1062 mètres du PAPASAN. Le 1er février, le bataillon
est mis en réserve régimentaire[41],
se préparant à une éventuelle contre-attaque. Le
13 février 1953, le lieutenant-colonel GATHY prend le commandement du bataillon[42]
(et le gardera jusqu’au 12 juillet 1953). Son commandant en second est le
lieutenant-colonel Bodart. Les 55 nuits de CHATKOL (26 février au 21 avril
1953) Le 26 février, le bataillon se déplace vers le
secteur central du front, le triangle de fer, et y occupe « aux premières
loges » un terrain de 4 kilomètres, dans un dispositif très étiré et
en équerre, mettant ses quatre compagnies en position. Chaque nuit est marquée
par un accrochage ou une attaque ennemie. Du 8 au 18 avril, le bataillon est
bombardé chaque nuit[43].
Onze volontaires meurent, dix-huit sont blessés. L’avion léger, un Piper de
reconnaissance, du Capitaine Pierre GAILLY est abattu le 30 mars. Refusant
d’être relevés, les belges tiennent leurs positions pendant 55 jours avec
sang-froid, détermination et une bonne discipline de feu. Ils acceptent la
relève pour le 21 avril. Connu comme les « 55 nights of Chatkol »,
ce combat sera décisif pour le contrôle des voies de communication. Les belges
y paieront un lourd tribut avec 24 morts, 2 disparus et de très nombreux
blessés, dans un combat qui ne fut pas sans rappeler ceux de la Première Guerre
Mondiale en Europe. DERNIERS COMBATS Le bataillon remonte en ligne du 15 mai au 25 juin
1953. Le
12 juillet, le commandement est remis au lieutenant-colonel Bodart. Jusqu’à
l’armistice, le bataillon n’est plus engagé, occupant en réserve des
« « blocking-positions », jusqu’au cessez-le-feu, prononcé
le 27 juillet 1953. L’armistice L’armistice
est signé le 27 juillet 1953 à Panmunjeom. Une zone démilitarisée est créée en
évacuant les troupes de chaque côté du front. APRES L’ARMISTICE Le 7 Août 1953, avec la 3èmeDivision
US dont il fait partie, le bataillon belge s’installe au camp de PANG-RI à 25
kilomètres de la ligne de démarcation, et il y restera jusqu’au 25 mai 1954. Le 27 février 1954, le commandement
détenu par le major Bodart est remis au lieutenant-colonel Pirlot. Le 1er mai 1954, la 3ème
Division monte enligne. Le bataillon belge occupe le secteur ouest de CHORWON,
dans des positions dominant la plaine qui, de CHORWON à PYONG-YANG, est la voie
principale d’invasion nord-sud. Il surveille en continu la zone démilitarisée. Le 1er juin 1954, le
bataillon belge est relevé par le 65ème régiment US et est mis en
réserve, organisant une blocking position. Il remonte en ligne le 28 juillet, à
l’est de CHORWON, en pleine saison des pluies, et vit dans les bourbiers.[44] Le 15 septembre 1954, avec la 3ème
Division mise en réserve d’Armée, le bataillon belge quitte définitivement
CHORWON. Il est incorporé fin octobre au 17e Régiment d’Infanterie
de la 7ème Division Américaine. Retour au pays et
maintien d’un contingent belge en Corée Le 25 décembre 1954, 450 volontaires
embarquent à Pusan sur le Kamina pour Ostende où ils arrivent le 8 février mais
où ils débarqueront seulement le 9 février 1955 pour l’accueil officiel. Deux cents vingt belges restent en Corée[45],
rattachés au 17ème Régiment d’Infanterie US. Ils quittent la Corée le 15 juin sur le
« Laos »[46],
débarquent à Marseille le 15 juillet tôt le matin et sont transportés à
Melsbroek par six avions miliaires. Ils seront salués par le Roi, dans une
cérémonie à la Place du Cinquantenaire, sous le commandement du
lieutenant-colonel Pirlot. Dissolution du Bataillon En juin 1955, la décision est prise de
remettre le drapeau et les traditions du bataillon belge au 3ème
Régiment Para-commando[47],
ce qui est réalisé le 14 juillet 1955. Le bataillon belge sera dissout en Août
1955. Les commandants du
bataillon belge Le bataillon belge aura été mis
successivement sous le commandement des lieutenants-colonels Albert Crahay[48],
Norbert Cools (21 novembre 1951), Georges Vivario (23 février 1952), Robert
Gathy (13 février 1953), le major Claude Bodart (12 juillet 1953) et le
lieutenant-colonel Raymond Pirlot (27 février 1954). Major B.E.M. Vivario - Lieutenant-colonel B.E.M. Crahay Lieutenant-colonel B.E.M. Crahay Lieutenant-colonel Gathy Médecins et Infirmières Au départ du Kamina le service médical
est commandé par le sous-lieutenant médecin Paul Derom, seul médecin du
Bataillon, et qui reste en poste jusqu’au mois d’Août 1951. Il sera remplacé
par le lieutenant médecin Serge Kalgout. Sous-lieutenant Med Derom En Avril 1951, le docteur Paul Derom est
rejoint par le major médecin Guérisse qui prendra le commandement du peloton
médical jusqu’au23 juillet 1952. Major médecin Guérisse En 1952, le major médecin Eugène
Dewaelheyns prend le commandement et le lieutenant médecin Wagner remplace le docteur
Kalgout. Dr Dewaelheyns, Dr Guérisse, Dr Wagner En Novembre 1952, le docteur Wagner est
remplacé par le lieutenant-médecin Pierre Himmer. En mars 1953, le major médecin
Dewaelheynsest remplacé par le capitaine-médecin Robert de Lille. Après
l’armistice, le service médical sera assuré successivement par le
sous-lieutenant médecin Alphonse Van Schoote, le capitaine médecin Frédéric
Thérasse et le lieutenant médecin Jacques Lecarte. Les infirmières.
Six volontaires féminines ont été
acceptées au moment du recrutement, dont deux infirmières[49]
et seront transportées en DC4 en Corée en janvier 1951. Leur statut a été
assimilé à celui d’officiers subalternes. Elles serviront initialement sur le
sol coréen puis seront affectées à l’hôpital américain de Tokyo. Ce sont :
Martha De Backere et Andrée Duroy, pour le premier contingent, Marie-Louise de
Lille, Ghislaine Leclercq et Thérèse Cambier[50]
ensuite. Les assistants coréens Dès le début du conflit les américains
incorporent des miliaires sud-coréens dans leurs unités, sous le nom de KATUSA
(Korean Augmentation to U.S. Army) Deux compagnies de porteurs coréens ont été données en
renfort pour le bataillon belge dès l’été de 1951. Elles appartiennent au C.T.C.[51].
Incorporés dans les compagnies du Bataillon, avec un statut mixte
civil-militaire, ces civils coréens sont affectés initialement à des tâches
d’approvisionnement, de transport de charges et de radios, des travaux de route
et dans les positions (creuser des tranchées notamment), ou même comme
brancardiers de renfort. Certains reçoivent une formation de combattant et sont
armés. D’autres sont chauffeurs ou affectés au contact avec la population, à la
collecte de renseignements de terrain, tâche pour lesquelles leur connaissance
intuitive du pays s’est avérée très utile. D’autres ont eu des fonctions
d’interprète. Ils ont été fort appréciés par les Volontaires belges et ils ont
été cités aux ordres du bataillon. Neuf d’entre eux ont été tués. Les assistants coréens au sein du Bataillon belge Lors de la transformation du C.T.C. en
le K.S.C.[52],
en septembre 1951, l’autorité militaire coréenne régularise la situation de ces
hommes, considérés désormais comme servant l’Armée Coréenne mais mis aux ordres
du Bataillon belge. En 1952, 250 « assistants militaires » coréens au
total ont fait partie du Bataillon, dont 150 à l’ « échelon feu ». Les belges ont fait aussi appel à du personnel
civil, pour des fonctions de chauffeurs, de magasiniers, d’ouvriers
spécialisés, de cuistots (150 en 1952). Citations du corps des
volontaires pour La Corée Le Corps des Volontaires
belgo-luxembourgeois aura les honneurs d’une citation américaine l’US
(Presidential Unit Citation), de deux citations coréennes et de quatre
citations belges. La citation américaine (Presidential
unit citation) est accordée par le Président des États-Unis le 6 septembre
1951 : « The
Belgian battalion with the Luxembourg detachment of the UN Forces in Korea is
mentioned for exceptional execution of its missions and for its remarkable
heroism in its actions against the enemy on the Imjin, near Hantangang, Korea during
the period from 20 till 26 April 1951. The Belgian battalion with the
Luxembourg detachment, one of the smallest units of the UNO in Korea, has
inflicted thirty-fold losses on the enemy compared to its own, due to its
aggressive and courageous actions against the Communist Chinese. During this
period considerable enemy forces, supported by fire by machine guns, mortars
and artillery, repeatedly and heavily attacked the positions held by the
battalion but, Belgians and Luxembourgers have continuously and bravely
repulsed these fanatic attacks by inflicting heavy losses to the enemy
forces...The extraordinary courage shown by the members of this units during
this period has bestowed extraordinary honor on their country and on themselves”
Henry Hodes US Army Chief odStaf, By order of General
Van Fleet. Les
deux citations coréennes sont accordées 1951, après la bataille de
l’Imijn (avril 1951) par le Président Syngman Rhee et après le combat de
Haktang-Ni (octobre 1951) Les quatre citations belges ont été
accordées après la bataille de l’Imijn, pour le combat de HAKTANG-NI, Broken
Arrow), pour le combat de Chaktol (mars 1953) et pour la Campagne de Corée dans
son ensemble. Les effectifs et les pertes
belgo-luxembourgeoises En terme d‘effectif,
le Corps des volontaires pour la Corée a compté sur toute la durée de la guerre
un engagement de 3587[53]
militaires dont 89 Luxembourgeois. Le nombre réel de volontaires sur le sol
coréen fut de 3549 hommes, réellement embarqués. L’effectif a compris 199
officiers, 516 sous-officiers et 2872 hommes de troupes (caporaux et
soldats).Certains volontaires (352) sont retournés en Corée deux fois (11% des
hommes), et même trois fois (18 volontaires), d’autres ont renouvelé leur
engagement sur le sol coréen[54]. Les pertes seront
importantes : 101 soldats belges, 2 luxembourgeois et 9 sud-coréens
attachés au contingent belge seront tués dans les combats ou dans des
accidents. Il faut noter aussi que 5 Belges seront portés disparus et que2
Belges[55]
décèderont dans les camps de prisonniers de guerre nord-coréens. Les blessures graves
au combat ont en outre concerné 478 Belges et 17 Luxembourgeois. Reconnaissances et
autres souvenirs L’intérêt pour ce conflit est resté
assez limité en Belgique. Il a fallu attendre 1996 pour que les vétérans de la
guerre de Corée obtiennent une reconnaissance nationale du ministre de la
Défense. Une « Fraternelle
Nationale du Corps des Volontaires de Corée » est créée en 1952 et
ses statuts publiés dans le Moniteur. Ces statuts seront adaptés en 1965 et
publiés au Moniteur belge, pour être modifiés pour des détails en 1989, 1994,
2004 et 2002 (loi sur les ASBL). Parution d’une publication « De
Stille Morgen » en Mai 1958, bulletin de sections provinciales
d’une « Fraternelle Nationale des Volontaires de Corée », qui veut se
détacher de » l’Association des Volontaires de Guerre 1940-1945 ». En 1959, de « De Stille morgen »
est bilingue et est publié sous le nom de « Le matin calme. De
Stille Morgen », qui paraîtra jusqu’en juin 1978. Le 18 décembre 1990, un monument Corée est
inauguré à Anvers, en commémorant le départ du Kamina. 1966. Débuts de la Nouvelle
Fraternelle nationale (3 sections de fonctionnement et 5 sections
provinciales). 5 juin 1966. Inauguration par le Roi
Baudouin d’un Monument National à Woluwe Saint-Pierre, Avenue
César. Le 26 septembre 1975, le Ministre de la
Défense Nationale de Corée inaugure à YON CHON, au nord de Séoul, un
monument élevé à la gloire du corps des Volontaires Belgo-Luxembourgeois. Le
général Richard STILWELL, commandant en Corée d’une brigade de la 3ème
Division, y évoque en présence du lieutenant général CRAHAY, l’esprit militaire
des Volontaires belges et luxembourgeois, leur efficacité au combat au prix de
lourds sacrifices en vie humaine ; il loue leur volonté et leur courage. Juin 1982. Le statut de
« reconnaissance nationale » est octroyé aux volontaires
(Moniteur du 27 juin). Ce dossier sera réouvert en Janvier 1999 et fera l’objet
d’une loi promulguée en Janvier 2006 relative notamment à la gratuité des soins
médicaux pour les volontaires de Corée[56]. En juin 2000, les volontaires reçoivent une
lettre de remerciement de Kim-Dae-jung, Président de la Corée du Sud. Un musée coréen a été créé à Tielen
dans les locaux du 3ème Bataillon Para. 5. LA COREE ET LE MAJOR
MEDECIN ALBERT GUÉRISSE (1911 - 1989) L’appui médical en
Corée fut dirigé dès avril 1951[57]
par le major médecin Albert Guérisse considéré comme un héros de la Seconde
guerre Mondiale. Biographie Albert-Marie Guérisse est né à Bruxelles
en 1911. Entre 1922 et 1928, il fait ses Humanités anciennes au collège de
Basse-Wavre et ensuite au collège de Floreffe. Entre 1928, il entame ses études
de médecine à l’Université de Louvain, et il se classe en ordre utile au
concours d’examen d’entrée à l’École du Service de Santé où il est admis en
1930. Il accomplira ses trois dernières études à l’Université Libre de
Bruxelles, y sera diplômé en 1935 et nommé sous-lieutenant Il est affecté au Régiment de Cavalerie
du 1er Lanciers, qui va devenir une unité blindée, casernée à Spa,
et il y sera nommé lieutenant médecin. La guerre de 1940 -1945 En 1940, il participe comme capitaine
médecin à la campagne des dix-huit jours et il s’y distingue particulièrement
dès le 11 mai à Juprelle, en portant secours aux blessés, sous le feu de
bombardements aériens violents. Il montre le même mépris du danger, le 25 et 26
mai 1940, lors du repli du Régiment sur la Lys, à Passendaele et Geluwe, en se
portant sur la ligne de feu à de nombreuses reprises. Le 29 mai, quelques heures après la
capitulation de la Belgique, il obtient l’autorisation de rejoindre les troupes
anglaises. Avec deux officiers, il passe en France, rejoint les lignes
anglaises et parvient à s’embarquer à Dunkerque avec les troupes anglaises en
repli. Il atteint l’Angleterre le 1er juin 1940. Il s’enrôle dans la Royal Navy. Dès le 6
juin 1940, il embarque à Milford-Haven sur le Batavier II, débarque à Brest
puis gagne la zone libre, prenant contact à Poitiers avec les autorités belges,
et delà, aux Sables d’Olonne où des troupes belges ont organisé un Centre
d’Instruction du Service de Santé. Après la capitulation de la France, il
refuse de se constituer prisonnier. Le 27 juin, il fuit la France et s’embarque
à Sète avec vingt officiers belges, sur un bateau charbonnier en compagnie de
militaires de la Légion Tchèque. Il atteint Gibraltar le 28 juin et il y
embarque sur « Le Rhin ». Ce bâtiment civil est en partance pour
l’Angleterre. Par un coup de force, un officier français nommé Peri prend le
contrôle du bâtiment et engage Albert Guérisse comme Premier Officier. Le navire
finit par accoster à Barry Docks. Remis aux britanniques, le « Rhin »
va désormais naviguer sous pavillon de la Royal Navy avec le « Blue Enseign »[58]. Albert Guérisse est alors nommé par
l’Amirauté Britannique au grade de « Lieutenant-commander » de la
Royal Navy Volunteer Reserve. Il reçoit un entraînement pour des missions
d’infiltration en territoire ennemi. Pour protéger sa famille en Belgique, il
veut éviter d’être reconnu comme belge en cas de capture et il prend alors un
nom d’emprunt, de consonance irlandaise, O’ Leary, nom d’un ami canadien côtoyé
pendant ses études. Les anglais lui attribuent le prénom de Patrick. Le « Rhin » est armé et prend
le nom de H.M.S. Fidelity. Le navire va opérer en mer Méditerranée, participant
à des opérations de sabotage, des opérations de dépose et récupération d’agents
qui appartiennent au « Special Operations Executive » (SOE). Le 26 avril 1941, près de Collioure, une
embarcation où se trouve Albert Guérisse est prise en chasse par les
garde-côtes et les policiers du régime de Vichy. Arrêté sous le nom de Patrick
O’ Leary, Guérisse est transféré à la prison de Saint-Hippolyte-du-Fort près de
Nîmes, dont il s’évade le juillet 1941. Sous le nom d’Adolphe Cartier, il est
mis en contact à Marseille avec l’officier écossais Ian Garrow, qui lui propose
de devenir son adjoint. Pat O’Leary rejoint une vaste organisation[59]
qui vise à récupérer les pilotes abattus au cours de leur mission en France et
en Belgique. Après la capture de Ian Garrow, Pat O’
Leary est désigné comme son successeur. De nombreux pilotes suivront la
filière, notamment celle qui passe par Canet-plage et les bateaux fantômes
comme le H.M.S. Fidelity. Le réseau va organiser en Août 1942 à l’évasion d’un
chef d’escadrille enfermé au fort de la Révère près de Nice. L’évasion de
Garrow est aussi une réussite, et celui-ci va rejoindre l’Angleterre. Au mépris
du danger, Albert Guérisse étend le réseau qui va exfiltrer près de 600
aviateurs, tombés en France, en Belgique et même aux Pays-Bas. Il se voit
attribuer en 1952 la « Distinguished Service Order » (DSO). En Mars 1953, Albert Guérisse est trahi
par un nouveau collaborateur corrompu et arrêté à Toulouse.[60]
Soumis à des interrogatoires et à la torture à Marseille pendant deux mois, il
ne révélera jamais son identité. Il brouille les pistes. Le réseau est décapité
mais sauvé. Il sera déporté, au camp de travail de Neue-Bren puis à Mauthausen,
puis à Natzweiler-Struhof près de Strasbourg, à Saarbrücken, à Buchenwaldet
enfin à Dachau, près de Munich. Il n’y révélera pas son identité, et rendra de
nombreux services aux malades. En décembre 1944, les 31.000 prisonniers
prennent connaissance de l’échec de l’offensive Von Rundstedt et de l’avancée
des russes vers Berlin. Ils décident de s’organiser en vue de la libération et
fondent « l’International Prisonners Comittee » dont Pat O’
Leary devient le Président, soutenu par les sept membres anglais et américains.
Le camp sera libéré le 29 avril 1945, et Albert Guérisse y restera encore
pendant trois semaines, pour organiser la vie au camp et le retour des
prisonniers. Retour à Paris et
l’après-guerre En 16 mai 1945, il quitte Dachau pour
Paris où il est accueilli par Mrs Sylvia-Cooper Smith, qui représente le
Bureau du M.I.9. Il l’accompagnera à Londres et il l’épousera en décembre 1947.
Le 26 juin 1946, le commandant médecin
Albert Guérisse est attaché à l’Hôpital Militaire de Bruxelles. En avril 1947,
il rejoint son ancien Régiment, le 1er lancier, comme chef du
service de santé du régiment. La guerre de Corée En avril 1951, il se
porte volontaire pour rejoindre le Bataillon belge de Corée[61].
Commissionné major médecin[62],
il rejoint le bataillon et en prend le commandement du peloton médical le 17
avril 1951[63].
Il va s’illustrer à nouveau par de nombreux actes de bravoure, notamment quand
il porte secours à des blessés en première ligne ; le 21 avril 1951 il va
lui-même chercher un blessé grave à moins de 150 mètres des lignes
ennemies. Major médecin Guérisse « Pendant toute la journée, nos
blessés sont évacués en hélicoptère vers les formations sanitaires
divisionnaires. Le major médecin Guérisse, ayant appris qu’un blessé se trouve
abandonné entre les deux ponts sous le feu des Chinois, vient me demander
d’aller le rechercher. Je refuse d’abord, ne voulant pas l’exposer à une mort
presque certaine. Mais après avoir pris contact avec le peloton de tanks,
j’obtiens qu’un de ceux-ci y conduise le vaillant docteur. Le sauvetage aura
lieu sous une grêle de balles qui blessent une deuxième fois le blessé ainsi
qu’un des équipiers du tank. Tous deux seront transportés sains et saufs au
poste de secours du 7ème bataillon et, peu à près, le docteur
Guérisse rejoindra le P.C. du bataillon en hélicoptère (Albert Crahay, Les
Belges en Corée, 1966) Le médecin major Guérisse quittera le sol
coréen en juillet 1952. La suite de la carrière
militaire En 1952, il est
adjoint au Commandement Médical des FBA[64] En 1961, il en est
nommé le commandant En 1964, il est promu
au grade de général-major médecin En 1966, il accède à
la fonction de Directeur Inter-Forces du Service de Santé de l’armée (DIS) La retraite en 1970 Il jouera encore rôle déterminant au
centre hospitalier des anciens Prisonniers de Guerre et prisonniers politiques
de Saint Ode[65]
. Albert Guérisse décède à Waterloo le
26 mars 1989, à l’âge de 77 ans. Le New York Times lui consacre un article
le 29 mars 1989. Distinctions Le général-major Guérisse sera anobli
par la Reine Elisabeth II le 19 juin 1979 au titre de « Sir Albert
Guérisse, “ Knight Commander of
the British Empire » (le 19 juin 1979). Il
est anobli au titre de chevalier en Belgique en 1980. Il est anobli par Sa Majesté le Roi
Baudouin Ier au titre de comte avec concession héréditaire, le 21
Août 1986. Décorations La 3è de g. à d : Georg Cross Les honneurs du New-York
Times en 1989 A son décès, le 29 mars 1989, le New
York Times consacre un article et qualifie Albert Guérisse pas moins de
héros. Seconde partie Biographie du docteur Yong-Ho Chae 1. Le berceau familial et la première enfance A
la naissance de Yong-Ho Chae, en 1930[66],
voilà vingt ans déjà que la Corée a perdu son indépendance, après son annexion
en 1910 par l’Empire du Japon en constante expansion. Yong-Ho
Chae garde le souvenir que l’on lui avait dit que sa naissance eut lieu dans la
maison de sa grand-mère. Son
village natal et le berceau familial, SAN-DU-RI en langue coréenne,
KAI-SHU en langue japonaise, se situent dans l’actuelle Corée du Nord. Ce lieu
est assez proche du 38e parallèle et de la ligne de démarcation,
fixée en 1948, et qui a séparé la Corée en deux états, la République
Démocratique de Corée, au nord, et la République de Corée au sud. Son lieu de naissance officiel est situé
au 37, Sanduri, Kwae-Kung-Myon, à Yon-Baek-Kun,préfecture de Whang-Hae-Do près
de la ville de HAEJU, dans la Province de HWANGHAE SOUTH, qui, à sa naissance,
est sous le contrôle total du Japon. « Moi, Yong-Ho Chae,
suis né le 16 janvier 1930 dans la maison de ma grand-mère. J’appartenais à une
famille qui depuis plusieurs générations était celle de grands propriétaires
terriens. Nous avions des travailleurs, des fermiers pour cultiver nos terres.
Mon père n’avait nul besoin de travailler, c’était purement un érudit, un homme
de lettres. J’avais quatre frères et deux sœurs » (Y-H Chae, Interview, Décembre 2021) Le
père de Yong-ho s’appelle CHAE
Chang-hi. Yong-Ho
est le second d’une fratrie de six enfants. Sa sœur aînée s’appelle
OK-HI, sa seconde sœur JE-SU et ses jeunes trois frères YOUNG-CHOL, YOUNG-IL et
YOUNG-KWON. Yong-Ho
dira qu’il craignait la sévérité de son père, ce qu’il compensait par la très
grande affection qu’il nourrissait à l’encontre de sa chère maman. Min Chung Si L’oncle
maternel de Yong-Ho, MIN Chung Si, est médecin et grand amateur d’art et de
littérature. Il parle allemand. Yong-Ho expliqua qu’il fut très influencé par
cet oncle maternel dans le choix des études de médecine, à laquelle il consacra
sa vie. Yong-Ho
apprenait régulièrement l’allemand et son choix de travailler à Cologne ne fut
sans doute pas complètement étranger au souvenir de son oncle, qu’il espérait
revoir un jour. Cette
photo de Chung Si MIN fut remise à Yong-Ho par sa fille, cousine de Yong-Ho,
qu’il retrouva par le plus grand des hasards et rencontra en Corée du Sud en
2001. Son
grand-père - le chef de famille en Corée - est un érudit, professe la
pensée de Confucius et est adepte de la philosophie chinoise. Il a un sens
profond de la patrie, sa Corée, et est un opposant très déterminé non seulement
de l’intégration imposée par l’envahisseur - l’Empire japonais -mais aussi de l’adhésion
aux valeurs véhiculées (vision plus moderne de la société). Il fait opposition
à l’apprentissage devenu obligatoire de la langue japonaise dans
l’enseignement. Confucius (685-758) “ C’est la raison pour laquelle mon grand-père
paternel a tenté de ne pas m’inscrire à ma naissance dans les registres de
l’état civil, pour que je ne devienne pas un citoyen japonais et devenir un
jour un soldat de l’empire d’agression » « Par contre à la maison, mon grand-père
parlait un tout autre langage. Il était un grand patriote. Il avait connu une
autre époque et une autre réalité et ses explications nous faisaient perdre le
nord « « Ses idées
traditionnalistes et patriotiques obligent mon père à m’inscrire dans une école
d’écriture chinoise et apprendre la pensée de Confucius » (Y-H Chae,
Écrits, 2000) Photo scolaire, vers 1937 --Yong-Ho Chae “ Pour l’ensemble de la
famille dirigée par mon grand-père, c’est seulement la culture qui comptait,
ainsi que les valeurs de civilisation véhiculées à partir du confucianisme. C’est
ainsi que je fréquentai les écoles où la pensée de Confucius était enseignée“. (Y-H Chae, Interview,
décembre 2021) 2. Sa jeunesse Âgé
de 93 ans, au moment de dernières interviews, en janvier 2022, le docteur Chae
semble avoir gardé peu de souvenirs précis de sa première jeunesse, de la
période qui précède son adolescence. Ses
écrits décrivent le climat oppressif et de confusion qui régnait en Corée dans
les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale. Young-Ho souligne volontiers que sa
famille appartenait clairement à la classe favorisée et nantie des grands
propriétaires fonciers et que les membres de la famille vivaient dans une
aisance relative. Il met spécialement l’accent sur le contexte géopolitique
dans lequel baigne sa jeunesse et qui la conditionne en quelque sorte. “Je me souviens que nous étions restés figés
alors à l’époque féodale. Je n’avais pas vraiment à cette période de ma vie le
sentiment d’être coréen. Ceci est expliqué, je crois, par le fait que nous
vivions alors sous le régime de l’occupation territoriale par le Japon, et son
intransigeance. Il avait été strictement interdit d‘enseigner à l’école
l’histoire de la Corée » « Je n’avais pas de
notion claire de mon pays » (Y-H
Chae, Écrits, 2000) « Ils nous donnaient une éducation très
stricte et sévère pour que nous soyons convaincus de leur grandeur et nous
devions nous consacrer à la gloire de l’Empire du Japon » Nous étions préparés à devenir des citoyens
japonais. Ceci alla jusqu’à devoir changer de nom. Le mien - Yong-Ho Chae - fut
transformé en Kawamoto Eiko. L’intention était sans doute de faire de nous en
profondeur des « sujets » japonais, et de nous préparer à devenir
ensuite des fidèles soldats dévoués à l’Empire d’Orient (Y-H Chae,interview, Décembre 2021) « Nous nous rappelons
encore cette innocente illusion, tout ce que notre maître nous faisait croire,
le brillant avenir et la puissance de l’Empire » (Y-H Chae, Écrits, 2000) Après
le degré élémentaire de sa scolarité, Yong-ho est inscrit dans l’enseignement
moyen (qu’il termine en mars 1944) puis supérieur à Hae-ju. C’est à cette
période surtout qu’il comprendra combien le régime japonais a pris le contrôle
profond et insidieux de l’enseignement tout entier. « Nous étions obligés d’apprendre et de
parler le japonais. La culture et les sciences modernes étaient certes enseignées mais je me souviens que
l’accent était mis sur l‘apprentissage de l’histoire du Japon » (Y-H Chae, Interview, Décembre 2021) « Nous nous rappelons
encore cette innocente illusion, tout ce que notre maître nous faisait croire,
le brillant avenir et la puissance de l’Empire » (Y-H Chae, Écrits, 2000) Sa
scolarité est extrêmement perturbée née au cours des années de guerre
(1940-1945). Ses études sont négligées par les impératifs de guerre. Les jeunes
élèves doivent notamment quitter régulièrement les bancs de l’école pour
accomplir des tâches en soutien de la guerre. « Nous avons
été presque continuellement mobilisés pour des exercices militaires en vue de
l’enrôlement dans la guerre en cas d’aggravation de celle-ci en défaveur du
pays. En plus il fallait soutenir l’industrie de guerre, autant en ville que
dans la paysannerie. Beaucoup de jeunes mains d’œuvre sont mobilisées pour le
front et dans les mines et usines d’armement. Nous étions mobilisés de façon
continue pour la construction de routes, l’aéroport, la construction de
tranchées » « Quand la saison des moissons
est arrivée, nous étions mobilisés dans les campagnes » « Marqué par mon
éducation tant familiale essentiellement confucianiste que scolaire basée sur
le shintoïsme - n’oublions pas que la Corée était annexée depuis le début du
siècle - nous subissions une éducation très sévère, soumis à une discipline
militaire. Le Japon exigeait des soldats forts, au moral d’acier, prêts à
sacrifier leur vie (Harakiri) pour l’empereur quasi déifié. Pour ce faire,
l’éducation des jeunes écrasait l’individualité, vantait le collectivisme
social, imposait l’obéissance et la soumission totale jusqu’à accepter sa
propre destruction. Cette éducation draconienne refusait toute sensibilité,
sentimentalité » « D’autre part,
l’éducation familiale basée sur le confucianisme n’était pas plus favorable à
l’épanouissement de l’individu. Depuis l’enfance et inlassablement, on nous
répétait qu’il était interdit de montrer quelque forme de faiblesse et que nous
devions, à tout prix, garder dignité et maîtrise de soi. Pressions familiales,
scolaires et sociales mirent des œillères aux jeunes, comme la grenouille au
fond du puits, ne connaissant que son petit monde » (Y-H Chae, extrait du texte « Souvenirs
ineffaçables d’un ami d’université, le docteur Christian Dupuis » 3. L’adolescence et l’éveil La seconde guerre sino-japonaise (1937 -1945).
Le communisme se met en place au Nord La
guerre sino-japonaise conduit à installer au pouvoir les communistes coréens
dans la partie nord de la Corée. Cette domination communiste est notamment la
conséquence de la tactique de guérilla menée par les troupes chinoises de Mao
Tse Dung dans la reconquête de la péninsule coréenne, et qui permet aux
communistes de recueillir toutes les faveurs de la population du nord de la
péninsule et de les porter au pouvoir. Un climat d’intransigeance sur fond de
communisme s’installe donc dans les territoires du nord où habite précisément
Young-Ho et la famille CHAE. Se
souvenant de cette époque, Yong-Ho évoque le souvenir de son oncle paternel
CHAE Tal-Hee, le frère unique de son père, professeur d’université et qui sera
sauvagement exécuté par le régime communiste en raison de ses idées et opinions
philosophiques. (Il enseigne en effet le confucianisme). En 2017, Yong-Ho se recueille sur la tombe de son oncle CHAE TAL-HEE sur la petite île de KAN-WHADO En 2017, Yong-Ho se recueille sur la tombe de
son oncle CHAE TAL-HEE sur la petite île de KAN-WHADO Cette
tombe se situe sur une petite île proche de la côte, KAN-HWADO, où ont été
enterrés d’autres membres de la famille CHAE. En 1971, lors d’un voyage en
Corée, Yong-Ho ira se recueillir sur la tombe de son oncle et sur le monument
que ses étudiants lui ont offert. C’est de cette île en eaux territoriales
sud-coréennes et toute proche de l’actuelle ligne et zone de démarcation que
Yong-Ho pourra apercevoir son pays natal, dans le lointain, avec une profonde
nostalgie, puisqu’il pressent à ce moment qu’il ne pourra pas y retourner. Après la seconde guerre mondiale (1945 -
1950) : liberté éphémère et occupation russe La
seconde guerre mondiale prend fin en 1945, tant en Europe que dans le Pacifique
et en Asie. Le moment est venu pour la Corée de se libérer définitivement des
contraintes imposées par l’occupation de son territoire par l’Empire japonais
et qui a duré pas loin d’un demi-siècle. A la fin de la seconde guerre mondiale,
Yong-Ho est âgé précisément de 15 ans et donc en pleine adolescence. Il relève
encore de l’enseignement secondaire et, sans doute influencé par son oncle
maternel médecin, il se sent attiré par des études de médecine. C’est le moment où, dans le sillage de
la défaite, l’administration japonaise s’efface. Les japonais sont assez vite
remplacés par les troupes russes qui occupent la partie nord du pays. Ceci va
entraîner de nouvelles perturbations dans la scolarité et les études de
Yong-Ho. « Pendant ma
jeunesse perturbée, je fus obligé non seulement de changer trois fois de
langue mais en outre mes études se sont déroulées pendant une période
essentiellement dominée par la guerre. Après la seconde guerre mondiale, il fut
strictement interdit de parler et d’utiliser la langue japonaise et
l’enseignement bascula vers la langue coréenne ». « L’administration soviétique ne tarda pas à
imposer la connaissance de la langue russe pour être autorisé à fréquenter tant
les collèges que les universités » « Il est interdit de
parler la langue japonaise. Nous devions brûler tous les livres écrits en
japonais (Y-H Chae, Interview
Décembre 2021) Yong-Ho décrit l’étonnement des jeunes
quand l’arrivée des russes leur fait découvrir des personnes d’apparence très
différente. Il décrit aussi son désarroi quand il est confronté à une nouvelle
forme de violence, l’attitude des vainqueurs face aux vaincus. « A l’école, ils nous avaient tant parlé des
européens. C’est la première fois que j’en voyais avec curiosité.
Effectivement, ils avaient la peau blanche, avec les cheveux blonds et le nez
est plus long et haut. Ils sont aussi nettement de plus grande taille. Ils sont
différents par rapport à nous mais ils rigolent comme nous » (Y-H Chae, Écrits) « La nuit arrivait et
ils devenaient violents et brutaux, en arrachant montres et portefeuilles. Les
femmes sont surtout leurs victimes. La police est incapable d’intervenir et est
devenue totalement impuissante du jour au lendemain car ils sont armés de part et d’autre part ils sont vainqueurs.
Ainsi nous apprenions une autre facette de la guerre, la vie entre vainqueurs
et vaincus …Ils ont pouvoir sur la loi de la vie » (Y-H Chae, Écrits, 2000) Yong-Ho Chae met à nouveau l’accent, avec
beaucoup d’insistance, sur une autre conséquence du changement de régime: le partage
de la Corée en deux zones d’influence, à la suite des négociations qui se
sont poursuivies après l’armistice et la défaite du Japon en 1945. “ Comme je l’ai
évoqué précédemment, par le fait de la victoire des alliés, le territoire de la
Corée fut divisé en deux zones, le territoire Nord-coréen et le territoire
Sud-coréen » « Ceci conduisit
inévitablement à l’émergence d’un double système politique, communisme au nord
et démocratie au sud, une situation rendant impossible tout espoir et tentative
de conciliation. Ceci créa aussi les conditions d’une nouvelle guerre au printemps
de l’année 1950 (Y-H Chae, Interview,
décembre 2021) C’est
dans ce climat très perturbé d’après-guerre que Yong-Ho s’inscrit à
l’université de HAE-JU et y entame en 1948 sa première année de médecine. 3. LA GUERRE DE COREE (1950 -1953) Période de déchirement. Yong-HO CHAE quitte la
Corée pour l’EUROPE Au
moment où la guerre de Corée éclate, le 25 juin 1950, Yong-Ho vient d’avoir 20
ans. Il est étudiant en médecine à l’université de Hae-ju. Il voit que le pays
est divisé. L’économie est exsangue et les gens sont réduits à une extrême
pauvreté. Les besoins journaliers sont assurés au minimum, via un rationnement.
Le nord est mieux équipé industriellement, le sud est plus agricole. Les
échanges commerciaux sont impossibles à travers une frontière étanche. Il
existe une intolérance politique et idéologique entre les deux parties de son
pays. “ … Tout en étant le même peuple depuis des
siècles, mais inconciliables comme chien et chats et très rapidement, ces deux
régimes commençaient à préparer la guerre au nom sacro-saint de la
réunification de la patrie. Ainsi, malgré la pauvreté, ils se sont lancés dans
une aventure inconnue pour préparer la guerre » (Y-H Chae,
Écrits, 2000) Décider de partir Non inscrit à l’état civil, mais en âge
de prendre les armes, Yong-Ho est dans un premier temps soustrait par son père
à l’autorité communiste. Un appel est adressé à tous les jeunes en âge de
prendre de prendre les armes. Yong-Ho est parmi ceux qui sont visés par des
traques de plus en plus fréquentes. Percevant qu’il ne pourra pas échapper à
l’enrôlement et à l’envoi au front, refusant de s’engager dans une guerre à la
fois fratricide et idéologique, Yong-Ho hésite. « Si je vais au front, il est presque certain que
je serai la victime non pas pour mon pays, mais pour une idéologie des grandes
puissances qui font la guerre par interposition de petits pays pour une
domination idéologique » (Y-H
Chae, Écrit, 2000) « J’ai décidé de me
cacher dans ma maison ou dans la nature espérant que la guerre prenne fin
rapidement » (Y-H Chae,
Écrits, 2000) Comme
d’autres, il espère que le conflit qui se prépare sera de courte durée, car les
pays belligérants sont pauvres. C’est sans compter qu’ils sont soutenus par de
grandes puissances. Yong-Ho se cache mais entend que beaucoup de jeunes et des
amis fuient vers la mer, qui est assez éloignée du front. Le bruit court aussi
que les marines américains vont débarquer bientôt. Il hésite, discute avec ses
parents et, malgré un certain désaccord, il prend la décision de quitter le
berceau familial, espérant revenir bien vite auprès des siens. C’est le début
d’une véritable odyssée … Le départ, la séparation L’âme
en peine, rempli d’angoisse et de tristesse, Yong-Ho fait ses adieux à sa maman
et ses sœurs en pleurs. Il prend la fuite avec quatre amis. « Ma famille avait préparé un sac à dos avec
des vivres pour deux semaines. On a choisi une
nuit noire, pour ne pas éveiller les soupçons des voisins. J’embrasse ma
mère et mes sœurs qui sont occupées de pleurer mon départ pour une aventure
pleine de danger. Pour les consoler, je les embrasse encore et je promets que
je serai de retour, sans faute. Elles insistent pour que je prenne soin de ma
santé, et me disent qu’elles sont impatientes de me revoir bientôt. Elles
imaginaient que ce serait la dernière fois que nous nous tenions les mains, si
la guerre tournait dans le mauvais sens » « Dès que je pensais ainsi, je devenais
terriblement triste et les larmes montaient » « Je disais : sois tranquille, je serai
de retour dans quelques jours » « Je répète ma promesse mais sans être
sûr » « Comme mes amis
attendaient, je les embrasse une dernière fois, leur redis « à
bientôt » et je disparais dans la nuit » (Y-H Chae, Écrits, 2000) La fuite La fuite se fait par une nuit sans lune,
accompagné d’un guide, à travers collines, bois
et champs. Les cinq fuyards se sont attachés par une corde pour ne pas
se perdre et sont accompagnés d’un guide. Après une marche qui a duré toute la
nuit, le groupe atteint la proximité de la mer. Le guide leur donne les
dernières instructions pour atteindre le bras de mer et s’éloigne. Yong-Ho a
des doutes sur sa sincérité. Il trouve un fossé profond où se dissimuler et
faire du feu. Il pense qu’il pourra y rester quelques semaines et rentrer
ensuite chez lui. Ses amis se sont dispersés, et tout autour, Yong-Ho découvre
beaucoup d’autres jeunes hommes bien dissimulés et qui fuient eux aussi la
guerre. « J’avais sorti le
paquet de mon déjeuner préparé par ma famille, j’avais très faim après la
marche de nuit. Je commençais à mordre quand j’entends soudain des bruits de
mitraillage et des explosions de grenade venant de la colline dont nous venions
de descendre » (Y-H Chae, Écrits,
2000) En mer Yong-Ho
pense qu’ils ont été suivis et que des espions ont renseigné l’armée, qui les
encercle face à la mer et qui a bien compris leur évasion. Pour l’armée du
nord, les fuyards sont des traîtres, et des exploitants des couches
prolétaires, pour lesquels il n’y a pas de pardon. Il imagine que tous les
fuyards seront massacrés au moment de s’embarquer sur un bateau qui les
emmènera vers le sud de la péninsule. Toujours terré dans le fossé, il entend
des cris de douleur partout. Il ne peut plus rester caché et il décide de se
glisser en se faisant tout petit vers le bras de mer. Il a abandonné son sac,
ses petites provisions, ses papiers et le peu d’argent qu’il avait reçu en
quittant sa famille. Il plonge dans l’eau, tout habillé. La marée monte
rapidement et l’emporte. Ses vêtements sont alourdis et l’empêchent de regagner
la rive à la nage. Désespéré, il aperçoit un petit bateau de pêche. Au bord
de l’épuisement, il parvient à s’en
approcher, à en agripper le bord. Le pêcheur hésite à le faire monter à bord et
finit par le faire. “ Il m’a fait monter dans le bateau. J’ai dû
vomir toute l’eau que j’avais avalée et peu à peu j’ai commencé à respirer
normalement. Lorsque je me sens mieux, nous avons ramé ensemble. Au bout de la
journée, nous sommes arrivés sur une petite île. Il me fait descendre du
bateau. Il doit repartir et rejoindre sa famille qui doit l’attendre avec
beaucoup d’inquiétude » « Je ne pouvais pas payer car j’avais
laissé tout sur la rive. Je le remercie infiniment. Il m’a donné son nom et
celui de son village. Grâce à lui, j’étais sauvé. Nous nous sommes quittés sans
savoir si je pourrais le revoir un jour » « Tout ce que j’avais
emporté pour survivre est resté sur place. Je suis épuisé, je n’ai rien mangé
depuis le jour précédent. Je n’ai qu’un costume mouillé, sans sous et sans
papier. Je suis devenu un mendiant » (Y-H Chae, Écrits, 2000) Sur une petite île Les
habitants de l’île paraissent très pauvres et ont eux-mêmes beaucoup de mal
pour survivre. Yong-Ho hésite à regagner la rive d’où il vient, espérant
trouver un bateau de pêche qui l’emmènerait à hauteur de sa région natale.
Aucun pêcheur n’accepte, craignant d’être capturé, accusé de trahison et
d’espionnage. « Au bout de l’île, je
vois un paquet de maisons de pêcheurs, là où je dois quémander de quoi me
mettre sous la dent car je suis déjà très affaibli et je souffre de faim. Il
faut plusieurs maisons pour que je reçoive un peu de quoi manger mais c’est
infiniment insuffisant pour remplir l’estomac vide depuis deux jours. Le
lendemain je suis allé au bord de la mer pour ramasser des algues comestibles
et des petits crabes » (Y-H Chae, Écrits, 2000) Déterminé à regagner le continent,
Yong-Ho finit par se glisser dans un bateau et s’y dissimule dans la cargaison.
Les marins ne tardent pas à le découvrir et de l’accuser d’être un voleur. Ils
le frappent et le jettent à l’eau sans pitié. Blessé, saignant du nez, Yong-Ho
gagne difficilement la rive à la nage, où il est recueilli par des habitants de
l’île, qui écoutent son récit, l’aident à sécher ses vêtements et le
nourrissent. Ce cuisant et triste échec
m’a découragé et je n’ose plus une autre tentative. Je suis vraiment sans
espoir pour survivre. Mais où et comment faire ? (Y-H Chae, Écrits, 2000) Yong-ho
pense toujours atteindre une île plus grande, où il espère trouver du travail
mais il est conscient que ce sera de toute façon difficile, puisqu’il n’a plus
ses papiers d’identité et il conçoit que les contrôles seront nombreux.
Désespéré, il abandonne ce projet et ses illusions de retour. Errant, mendiant
de la nourriture, il sent partout de la méfiance, mais un homme âgé, qui lui
paraît sympathique, finit par l’accueillir chez lui, et le nourrit. Il
conseille à Yong-Ho de gagner le continent même, de s’y perdre dans une ville,
de tenter d’y trouver du travail pour rejoindre plus tard les siens. Il a
connaissance d’un bateau en réparation à l’autre bout de l’île et suggère à
Yong-Ho de s’y faire engager par l’équipage. En mer, le naufrage L’armateur
du bateau lui fait directement comprendre que le bateau est en mauvais état, et
subit des infiltrations d’eau, qu’il faudra évacuer de façon continue, ce sera
son travail, écoper. Le bateau prend ainsi la mer par un beau matin, le soleil
brille, le ciel est bleu, la mer est calme. Dans la soirée, une tempête se
déclenche, les vents se déchaînent, des vagues terribles créent bien vite un
balancement en tous sens de l’embarcation. L’eau s’y infiltre de plus en plus.
Malgré des moments d’accalmie, la tempête ne faiblit pas. Des jours effroyables
se passent. Le mât se brise, les voiles se déchirent ainsi que les chaînes
quand le capitaine tente de jeter l’ancre. Le bateau incontrôlable part à la
dérive sans doute vers la côte dont les lueurs sont visibles. Le bateau finit
par s’échouer sur un récif, une énorme brèche dans la coque conduit le
capitaine à ordonner l’évacuation immédiate d’un équipage exténué. « Je suis entraîné de
plus en plus et je dérive progressivement, emporté par un courant fort. Il n’y
a personne autour de moi pour m’aider et me sortir de cette dérive. Tout le
monde est pressé de sauver sa peau et nage vers la côte. Je suis de plus en plus
épuisé et essoufflé et commence à avaler l’eau de mer. Je sens que mes quatre
membres deviennent complètement flaques. Je suis affolé et désespéré, je me
laisse dériver. Je suis encore conscient. Je pense à ma famille qui attend avec
impatience mon retour mais voilà, je vais me noyer ici, loin de chez moi. (Y-H Chae, Écrits, 2000) Sa
conscience s’altère, et il doit la vie à deux marins de l’équipage, et
notamment celui qui l’avait poussé à l’eau au moment du naufrage. Ces deux
marins le tirent hors de l’eau, peu conscient, sans mouvement. Ils vont le
faire vomir l’eau de mer en le frappant dans le dos, le thorax et le ventre et
finissent par le faire respirer, faiblement. « A un moment, avec un grand vomissement, il m’a parlé,
j’ai recommencé à respirer avec la toux, il a continué de me faire vomir
davantage » « Il a tout fait pour que
je reste éveillé. Heureusement grâce à sa ténacité, peu à peu j’ai
commencé à respirer et, surtout, j’ai repris la conscience » « Il m’a expliqué que je suis revenu de
loin. Plus que quiconque il était bien heureux de voir que j’avais repris
conscience » « Je les remercie à multiples
reprises » « Je décide de ne plus voyager en bateau
pour regagner mon pays si cher » (Y-H
Chae, Écrits, 2000) Sur le continent. Arrestation La
tempête, qui a duré cinq jours, s’est apaisée, la nuit est tombée et Yong-Ho et
quelques autres décident de passer la nuit au bord de la mer. Ils font un feu
pour se sécher. Il s’endort sur place. Le lendemain dès le matin, chacun décide
de partir pour l’intérieur du pays, chacun vers sa région. La plupart vont vers
le sud. Yong-Ho décide avec un ou l’autre compagnon d’infortune de se diriger
vers le nord, espérant regagner au plus vite son village, par les prairies et
des chemins de montagnes. Il mendie de village en village, de maison à maison,
pour un petit bol de riz. Il finit par gagner tard dans la nuit, une petite
ville qu’il situe a posteriori à 30 kilomètres du port d’Incheon. Il ne tarde pas à être arrêté par une
patrouille de police, alors même qu’il tâche de se dissimuler dans un buisson
pour passer la nuit. Sans papier d’identité, il a beau expliquer, il est
considéré comme un espion du nord, infiltré pour espionnage. Emmené au poste,
il est interrogé et est frappé « avec un gourdin ». Profitant de l’inattention
du policier, il s’évade et, profitant de la nuit sombre et de l’absence
d’éclairage, il se cache entre les maisons jusqu’au petit matin. Il fuit dans
les collines, puis décide de revenir le long de la côte, d’y marcher vers le
nord jusqu’à la frontière. Il suit une ligne de chemin de fer qui suit le
rivage, en direction d’Incheon. La faim se fait sentir, il traverse alors la
voie ferrée en direction d’un petit village où il pourra mendier à nouveau et
manger un peu. Soudainement il entend l’ordre de s’arrêter, d’un homme qui se
déplace en vélo le long des rails. C’est en fait un auxiliaire de police, qui
lui demande bien vite ses papiers d’identité. Yong-ho explique son histoire,
mais il est à nouveau accusé d’être un espion du nord. « Tu es un espion du
Nord. Il me menotte, crie, me gifle et me frappe. Avec une corde il m’attache à
son vélo. » « Tu vas aller à la police, tu seras mis en torture et
ainsi tu vas avouer quelle est ta mission du nord » (Y-H Chae, Écrits, 2000) Dans
les locaux de la police, il est mis en salle d’internement. Après une semaine
d’interrogatoires et de tortures, il est finalement transféré dans un autre
centre de détention. Ils y sont plusieurs centaines, enfermés dans une grande
salle, peu éclairée. Les détenus souffrent de la faim, les conditions d’hygiène
sont déplorables, des parasites pullulent. L’armée
des Nations Unies puisant dans les camps de détention des renforts pour
compenser ses pertes, vient les libérer. Yong-Ho se souvient qu’il est
transporté avec d’autres détenus en camion vers la zone de combat. Il est
enrôlé dans un premier temps dans le CT (Civilian Transport Corps), l’idée
étant d’intégrer ces recrues forcées comme combattants dans les armées du sud.
En raison de ses connaissances linguistiques – le coréen, le japonais,
l’anglais – Yong-Ho est affecté comme « interprète-agent de liaison »
auprès de l’État-Major du 15e Régiment de la 3e Division
US. Agent de liaison entre belges et coréens –
Blessure au front Carte d’identité d’assistant coréen En
1951, Yong-ho, qui a de vagues connaissances en langue française est engagé
comme interprète et il est mis à disposition du bataillon belge. Il
est ensuite détaché au Corps de Volontaires belges pour la Corée, comme
« Assistant coréen ». Se rendant sympathique et utile, il reçoit des
affectations surtout au niveau de l’État-major comme personne de liaison avec
l’armée de Corée, et occasionnellement au sein de l’infirmerie (il avait fait
valoir qu’il avait entamé précédemment des études de médecine). Yong-Ho et les « aides Coréens » du C.T.C. Major médecin Guérisse Détaché
à la Compagnie B du Bataillon belge, Yong-ho est envoyé au front à plusieurs
reprises. Il sera blessé par un éclat de projectile au niveau de
l’épaule gauche. Transporté jusqu’à l’antenne médicale, il y sera opéré par le
major médecin Guérisse, qui commande le peloton médical du Bataillon, depuis
avril 1951, moment où il a rejoint le sous-lieutenant médecin Paul Derom,
arrivé en Corée avec le premier contingent belge en janvier 1951. « Un jour, au cours
d’une patrouille, dégénérée en combat, j’étais blessé au bras gauche par un
éclat de bombe. A cause d’une forte hémorragie, due à une plaie profonde, un
pansement compressif était appliqué et l’on me transporta à l’infirmerie du P.C.
Immédiatement, le major Guérisse était avisé. Il est venu vers moi. C’est la
première fois que je le voyais. J’avais déjà entendu parler de lui par des
soldats coréens qui m’avaient vanté sa gentillesse. En effet, il me souriait et
réconfortait par quelques mots aimables. Il m’examinait minutieusement en
vérifiant si une artère ou un nerf n'avait pas été touché dans la région
axillaire. Après une hémostase, il suturait la plaie ». « It’s
OK ! Dont’worry, votre bras est sauvé et vous serez guéri » (Discours du docteur
Chae, Hommage au docteur Guérisse, Bruxelles, le 21 octobre 2011) Intégré dans le bataillon belge Cette blessure va sans doute contribuer à
infléchir le destin de Yong-Ho Chae. Repéré par le major médecin Guérisse,
Yong-Ho est intégré comme brancardier dans le contingent belge de Corée. « En reconnaissance, après m’être rétabli, je me
rendais régulièrement chez lui pour lui apporter mon aide. Les blessés et les
accidentés du front y étaient soignés ainsi que beaucoup d’entre nous, affaiblis
et malades, à cause de la sous-alimentation dans les camps de réfugiés » « Souvent, le major Guérisse se rendait dans les
villages, pour soigner les malades et les civils avec énormément de
compassion » « Le temps avançant, j’ai été accepté comme brancardier » (Discours du docteur
Chae, Hommage au docteur Guérisse, Bruxelles, le 21 octobre 2011) « Tous les matins, j’avais la chance de le côtoyer,
d’admirer son humanisme et son art de pratiquer la médecine occidentale. Il
soignait et soulageait la population, sous le feu de guerre, sans distinction
ni d’origine ni de race » (Discours du docteur
Chae, Hommage au docteur Guérisse, Bruxelles, le 21 octobre 2011) Yong-Ho n’a pas renoncé au projet de
rejoindre sa famille au nord et d’y continuer sa vie. Il confie au major
médecin Guérisse que lorsque la guerre sera terminée, il rentrera chez lui pour
y poursuivre les études de médecine, « comme son oncle, gynécologue,
qui enseignait aussi dans une université ».
C’est pour cela, dira-t-il au docteur Guérisse, « qu’il aimait travailler dans son service ». « Le major Guérisse
m’écoutait attentivement et me disait : « You’rewelcome,
anytime » (Discours du docteur Chae, Hommage au docteur Guérisse,
Bruxelles, le 21 octobre 2011) Il nourrit des idées de retour même au
prix d’une éventuelle désertion mais il est déchiré car il en perçoit le danger
et peu à peu l’impossibilité. « Je n’ai pu
donner aucune nouvelle et ma famille attend avec angoisse de mes nouvelles.
Mais je suis un déserteur du nord, passible de peine de mort. J’ai rejoint
l’armée de leur ennemi pour combattre le Nord, c.à.d. ma patrie » « Si j’ai fui le régime communiste, ce n’est pas pour y retourner » (Y-H Chae, Écrits,
2000)
Young-Ho est alors muté dans une des compagnies du Bataillon belge. Il
revient de temps en temps au PC du bataillon, pour se rendre à l’infirmerie. Un soir, alors que son unité est en
poste sur la rivière Imijn, en mission d’observation. Une patrouille de cinq
hommes est organisée et doit patrouiller sur la rive. Le lieutenant impose à
Yong-Ho de les accompagner comme brancardier. Il refuse l’ordre. Menacé de
Conseil de Guerre pour désobéissance, il est enjoint de rejoindre les
patrouilleurs. « Cette guerre insensée me révoltait de plus en
plus » « Je voulais survivre à
tout prix pour retourner au nord rejoindre ma famille, et j’ai pris la décision
de fuir l’armée » (Y-H Chae, Écrits, 2000)
Yong-Ho décide de fuir et gagne Séoul, où il erre, et n’a pas de point
de chute. Il retrouve un ami qui travaille dans un orphelinat, près de la gare.
Cet ami l’héberge, le nourrit et le cache. Se débarrassant de l’uniforme
militaire, Yong-Ho « accepte toutes
les besognes ».
Il sera ensuite repéré, et un militaire belge vient le chercher. Il
explique à Yong-Ho désemparé que le Major Guérisse se porte garant qu’il ne
sera pas traduit en Conseil de Guerre, s’il reprend ses fonctions au sein de la
Compagnie B du bataillon. « Étant donné la confiance qu’il m’inspirait depuis
toujours, j’ai accepté » « Le major Guérisse, une fois de plus, me sauvait
d’une situation dramatique » (Discours du docteur Chae, Hommage au docteur Guérisse,
Bruxelles, le 21 octobre 2011) Au
service de la Croix-Rouge
Le commandant du contingent belge lui propose de se joindre au
détachement de la Croix-Rouge de Belgique. La mission est de venir en aide aux
nombreux enfants blessés et orphelins, notamment dans la ville de Séoul. Rencontre
avec Monsieur Freddy Franck
A Séoul, Yong-Ho fait
connaissance du Major Alfred-Julien Franck[67]
chef de Mission de la Croix-Rouge de Belgique en Corée. C’était un homme
« charmant et gentil »,
écrira Young-Ho. L’activité ne tarde pas à se mettre en place dans un Centre
Médical, le Dispensaire belge de Séoul. Du personnel y est recruté, des
équipements sont déployés. Yong-ho va y exercer une fonction de
secrétaire-interprète. Alfred-Julien Franck et le détachement belge de la Croix-Rouge à Séoul Les deux derniers à droite – de g à d. Le major Franck et Yong-Ho
Yong-Ho raconte à Mr Frank son terrible parcours et il lui fait part de
son espoir secret de retrouver au plus tôt toute sa famille. Mr Franck lui fait
comprendre avec une « grande
lucidité » que ce projet est irréaliste, impossible et serait sans
doute fatal pour lui.
La frontière entre les deux Corées a en effet été fixée autour du 38e
parallèle, ne laissant entrevoir de facto aucune possibilité réelle de
retrouver les siens au Nord, et dont il n’a plus aucune nouvelle. Yong-Ho
craint aussi que le statut de sa famille, qui appartenait à la classe aisée de
grands propriétaires terriens, n’ait été complètement bouleversé voire anéanti
dans un régime dominé par l’idéologie communiste. Yong-Ho
prend conscience peu à peu qu’il n’a aucun avenir en Corée du Sud, alors qu’il
y est sans famille, dans un pays dévasté et qu’il sera long de reconstruire. Ce
qui devient ainsi une terrible évidence le conduit à discuter et envisager avec
Mr Frank le projet de quitter la Corée pour se réfugier dans un pays de l’Occident,
en l’occurrence la Belgique. Immigration
en Belgique
La guerre prend fin en 1953. « Devant ma
situation sans issue, Monsieur Franck a tenté de me faire inscrire dans un
système scolaire : en vain, car tout était en ruine et le système éducatif
complètement désorganisé » « Voyant tous ses
efforts sans résultat, Monsieur Franck a imaginé de me faire venir en Belgique
et de m’y faire poursuivre mes études » (Y-H Chae, Écrits, 2000)
Yong-Ho reste très hésitant devant cette proposition. A le lire, il s’en
défend presque, et on peut imaginer qu’il comprend et perçoit que quitter la
Corée signifie aussi abandonner les siens, peut-être pour toujours. Il essaie
sans doute de résister mais il réalise qu’il n’y a pas d’autre solution pour
lui. Décider
de partir et organiser le départ « Cependant, la
Belgique, en pleine période de reconstruction après la guerre, n’était pas
favorable à l’accueil d’étrangers » « cela paraissait une aventure
aussi insensée qu’impensable ». « De surcroît, je ne connaissais pas
suffisamment le français et ma vie à l’armée m’avait coupé complètement de la
vie d’un étudiant » « Tout cela
me désespérait, je perdais toute confiance en moi et mon avenir me paraissait
sans issue « A l’époque, la Belgique de l’autre côté de la terre semblait
un pays si lointain dont les traditions et les coutumes m’étaient complètement
inconnues sinon par quelques contacts que j’avais eus avec des soldats
belges » (Y-H Chae,
Écrits, 2000) « Au moment où la
Corée semblait politiquement et économiquement sans avenir, ma vie me
paraissait tellement incertaine que je n’avais d’autre choix. J’ai donc pris
courageusement le risque de cette aventure » (Y-H Chae, Écrits, 2000)
Yong-Ho se rend finalement à l’évidence. Le major Frank subit des
critiques et une opposition de son entourage mais il y résiste. Rentré en
Belgique, il exerce la fonction d’administrateur de sociétés. Il a cédé la
direction de la Mission de la Croix-Rouge à Séoul à Monsieur Guy van Vyve.
Ensemble ils organisent un plan d’avenir pour Yong-Ho, celui de le ramener en
Belgique et de contribuer à réaliser son rêve, poursuivre des études de
médecin, en l’occurrence à l’Université de Louvain.
Ce projet ambitieux nécessite des engagements de financement du séjour
et des études. Monsieur Frank prend des contacts en ce sens s’engage
personnellement et rédige une attestation à Bruxelles, à la date du 31 mars
1954, affirmant que le coût des études sera assuré par le Comité d’entraide de
l’association des anciens élèves de l’Université de Louvain. Il y stipule que
« l’hébergement, logement, repas,
vêtements et argent de poche » seront assurés par lui-même et il
s’engage à « prendre l’entière
responsabilité de sa subsistance jusqu’à l’obtention de son diplôme de Docteur
en médecine ».
Dans une note datée du 16 juin 1954, le recteur des Facultés N-D de Paix
à Namur, fait savoir que Young-Ho Chae est « inscrit et accepté pour suivre les cours de Sciences Naturelles et
Médicales qui commenceront le 5 Octobre 1954 ». Il stipule aussi que
« l’intéressé a été pris entièrement
à charge pour ce qui concerne frais d’études, hébergement et nourriture par le
Foyer des Facultés ».
Monsieur van Vyve appuie le dossier de l’obtention d’un visa. Dans une
note émanant de la Croix-Rouge, Il souligne la « parfaite connaissance de la langue française » de
Yong-ho, « sa parfaite intégrité »,
et « sa capacité de travail ».
Une bourse lui sera octroyée. « Ceci
a changé mon destin », écrira Yong-Ho.
D’autres difficultés vont apparaître et d’autres obstacles devront être
franchis. Celui d’obtenir un passeport n’est pas le moindre. Yong-Ho parlera
« d’acrobatie diplomatique ».
Ce précieux passeport lui sera accordé, dira-t-il, « par le gouvernement généreux, pour des raisons humanitaires ».
Yong-Ho se soumettra aussi à des examens imposés pour pouvoir quitter le
pays, au Ministère des affaires Étrangères et au Ministère de l’Éducation
nationale.
Il faudra pas mal de tractations, expliquera Young-Ho, pour obtenir une
place dans un avion. De surcroît il expliquera plus tard que cette place lui
sera octroyée à crédit : le prix du transport restera dû lorsqu’il sera
arrivé en Belgique.
Yong-Ho sera autorisé à quitter la Corée, étant assimilé à un membre du
contingent belge sous la bannière des Nations Unies, comme l’affirme une note
émanant du commandement du Bataillon belge rédigée le 20 Août 1954
(Lieutenant-colonel Gathy).
Une note enjoignant de lui accorder un VISA provisoire est rédigée à
Tokyo le 26 Août 1954.
Yong-Ho embarquera finalement à bord d’un DC 6 de l’armée belge,
rapatriant des soldats, destination Bruxelles. Yong-Ho s’est souvenu d’avoir
fait escale à Bangkok, Colombo, Abadan, Athènes. Il atterrira à Melsbroek, le
29 Octobre 1954, exténué. Certificat de vaccination estampillé à l’arrivée à Melsbroek - Mr Frank, le père Colmant, Yong-ho Chae
Il y sera accueilli par Mr Frank, et par une délégation des Pères
jésuites des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur, plus
précisément par le Père Colmant et le Père Sonnet. Les jésuites s’étaient
engagés à l’héberger, le nourrir et le mettre en condition pour réussir ses
examens académiques … 4. En Belgique Des premiers pas très compliqués Poursuivre et mener à bien ses études de
médecine Devenir chirurgien Les
premiers pas en Belgique en 1954. Le doute ne tarde pas à s’installer.
En Belgique, Yong-Ho bénéficie dans un premier temps du soutien
d’officiers et d’anciens chefs de Corps du Corps des Volontaires Belges, et
notamment des généraux Crahay et Vivario, mais aussi du major médecin Guérisse
avec lequel il parvient à reprendre contact.
En décembre 1955, la Croix-Rouge coréenne a chargé Yong-Chae de remettre,
une cloche de cuivre à la Croix Rouge belge, représentée par son Président, le
Prince de Merode, en reconnaissance pour le travail
immense accompli pendant la guerre de Corée, et notamment en créant un
dispensaire où 18.000 enfants ont été pris en charge. On reconnaît ci-contre le Père
J. Sonet SJ et Mr Franck. Au-delà
de ces premiers pas et d’un accueil officiel, Yong-Ho se sent néanmoins assez
vite déstabilisé. Il se dit inadapté. Il manque aussi de moyens financiers,
au-delà des promesses. Il se décrit lui-même comme dépressif. «
Il ne suffisait pas de décider de venir
en Belgique, mon but était d’étudier la médecine ». «
Venant de l’Extrême-Orient d’il y a
cinquante ans, venant d’une Corée à
peine éveillée d’un long sommeil et faisant timidement ses premiers pas dans le
monde, tout me semblait si différent dans ce nouveau monde que je découvrais » « Adaptation et intégration dans ce
nouvel environnement dont le système social était très différent m’étaient
particulièrement difficiles au début » «
L’intention de Mr Franck et de ses amis était excellente au départ mais ils ont
commencé à regretter de m’avoir fait venir de si loin ; ils m’ont proposé
de retourner dans mon pays mais je n’en n’avais malheureusement pas les
moyens » (Interview
de Yong-Ho Chae, 2021)
Le doute s’installe en lui. Yong-Ho écrira que les études lui
paraissaient dépasser ses capacités. « Je
perdais pied et me dirigeais vers une grave dépression » .
Mais il bénéficie en même temps de l’aide d’amis et de quelques
familles, pour le « soigner et le
soutenir ». Il sent autour de lui de la générosité. Il soulignera
l’aide de Monsieur Franck et de sa famille, il remontra assez rapidement la
pente et sera ainsi à même de poursuivre ses études de médecine. « Cette amitié, cette chaleur humaine
m’ont appris l’amour des hommes et j’ai commencé à apprécier vraiment le peuple
belge. En effet si mon pays m’a donné corps physique, une enfance et
adolescence heureuses, la Belgique m’a donné le reste pour me développer
intellectuellement et spirituellement » (Y-H
Chae, Écrits, 2000) Yong-Ho
est baptisé (religion chrétienne) en 1954
Le baptême sera présidé et administré par le Père Jean Sonet SJ, le 10
janvier 1954, en l’église Notre-Dame de la Paix à Namur. Monsieur et Madame Alfred
FRANK seront respectivement parrain et marraine. Yong-ho recevra le prénom de
baptême d’Emmanuel. Études
de médecine : 1954 -1961 Avec
l’aide financière de la Croix-Rouge, Monsieur Franck est parvenu à faire
inscrire Yong-Ho - âgé de 31 ans - aux
Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur, qui s’étaient engagés à l’accueillir.
Les jésuites vont assurer sa mise à niveau en sciences et en langue française.
Yong-Ho se souvient particulièrement du Père Sonnet SJ mais aussi du père P.
Colmant SJ, qui lui prodigue des leçons particulières, notamment en sciences. Il
y bénéficie aussi du soutien matériel et moral des condisciples étudiants »
Sa première « candidature
en médecine » (novembre 1954-juin 1955) se déroule avec succès à
Namur.
Les études vont se poursuivre à l’Université Catholique de Louvain :
la seconde candidature d’octobre 1955 à juin 1956, la troisième
candidature, en 1956-1957.
Yong-Ho entame alors le cycle
des quatre doctorats : le
premier doctorat est effectué en 1957-1958, le deuxième doctorat en 1958-1959,
le troisième doctorat en 1959-1960.
A Louvain, il sera hébergé à la « Maison Médicale », rue
Notre-Dame, où il nouera de solides amitiés. Les équipes
« Hippocrate » vont l’entourer particulièrement. Il bénéficiera aussi
de subsides provenant de la Croix-Rouge et de particuliers. Malgré cela,
Yong-Ho racontera qu’il a vécu à Louvain dans une certaine précarité. Jobiste
avant l’heure, il ne pourra se passer de petits boulots continus pour survivre
et pour financer son cursus. Il confiera un jour – non sans honte – que son
dénuement et la faim le pousseront à « marauder » de temps à autre
des légumes dans les champs de l’entreprise de production de légumes en
conserves Marie Thumas, installée non loin de Louvain, dans les campagnes de
Wilsele.
Début 1958, il fête le Half-Time, festivités qui marquent
traditionnellement le moment où la moitié du cursus en Médecine a été effectué.
Le quatrième doctorat
est effectué entre en 1960-1961 et comporte quatre stages :
Le stage d’obstétrique et gynécologie sera effectué du 1er
juillet 1960 au 31 octobre 1960, à la maternité de l’Hôpital Saint-Antoine,
Service du professeur M. Mayer). Il sera validé par le Professeur J. Schokaert.
Pendant ce stage, Yong-Ho séjournera à la Fondation Biermans-Lapotre (Cité
universitaire, Boulevard Jourdan, Paris XIVe).
Le stage de Médecine interne (service
du professeur J. Hoet) sera effectué conjointement avec le stage de Pédiatrie (Service du
Professeur Denys) du 1ernovembre 1960 au 28 février 1961.
Le stage de Chirurgie se dérouleradu 1er mars au
30 juin 1961, à l’Hôpital Français à Bruxelles (Docteur Wiringer), stage validé
par le professeur J. Morelle.
Yong-Ho est promu et proclamé médecin à Louvain le 7 juillet 1961,
mais à titre scientifique seulement. Le titre légal ne peut en effet lui être
décerné car, en 1961, Yong-Ho ne possède pas (encore) la nationalité belge. Un
nouveau défi s’annonce à lui, et non le moindre : obtenir la légalisation
de ce diplôme de médecin. Ceci ne sera réalisé qu’en 1971 seulement. Les médecins de la promotion 1961 (UCL). Quelques-uns de leurs professeurs Halles universitaires de Louvain Première formation
chirurgicale : la chirurgie générale (1961- 1965) L’Hôpital Français Bruxelles Yong-Ho veut
devenir chirurgien. Il entame son cycle de chirurgie générale à
Bruxelles à l’Hôpital Français Reine Élisabeth sous la direction du Docteur
Wiringer, cycle qui s’étale sur quatre ans (juillet 1961 - juillet 1965). Il
bénéficie à ce moment du statut d’« Assistant étranger ». Dans son
évaluation datée du 29 septembre 1967,
Le docteur Wiringer déclare que le docteur Chae « a fait preuve d’excellentes qualités professionnelles et d’un esprit
scientifique aigu, d’une correction totale, d’une grande honnêteté et d’un
dévouement absolu aux malades » « Il
est doué d’une grande habileté technique ». Il considère que « le docteur Chae possède toutes les
qualifications désirées pour obtenir la reconnaissance de spécialiste en
chirurgie générale » Délivrance du permis de travail (1966) En Mars 1966,
le Ministère de l’emploi et du travail accorde au docteur Chae un PERMIS DE
TRAVAIL. Ce permis l’autorise à exercer en Belgique « toutes professions
pour le compte de tous employeurs pour un terme illimité », ce permis
prenant cours le 1er mars 1966.
Seconde formation chirurgicale : Orthopédie et
traumatologie (1965 - 1969) Entre juillet
1965 et octobre 1969, il poursuit sa spécialisation en chirurgie
orthopédique et traumatologique dans le même hôpital sous la direction du
Professeur Görtz, dont il est le premier collaborateur. Cette formation sera
reconnue par l’octroi du titre de « médecin spécialiste en Orthopédie
et Traumatologie ». Des compléments
pendant l’assistanat en Orthopédie En 1966 (12 au
19 mars) et en 1967 (17 au 22 avril), le docteur Chae suit le Cours
Supérieur d’Actualités Orthopédiques, dans le service du professeur Robert
Merle d’Aubigné à l’Hôpital Cochin à Paris. En 1968, (18 au
23 novembre), il suit un Cours International de Chirurgie de la Main
sous la direction du professeur M. Iselin) à Rome A la fin de cette
double formation à Bruxelles, Young-Ho est honoré par le personnel « Les membres du Personnel de l’Hôpital
Français souhaitent un heureux séjour au docteur Yong-Ho Chae dans sa nouvelle
charge et le remercient de la gentillesse qu’il leur a toujours manifestée ».
Le docteur
Albert ANCIAUX, anesthésiste, écrira le 30 janvier 1968 : « Je me plais à certifier son sens
profond de l’humain, son parfait dévouement vis-à-vis de la souffrance et ses
excellentes aptitudes chirurgicales » Des compléments de
formation chirurgicale Entre 1969 et
1970, il complète sa formation par un STAGE EN NEUROCHIRURGIE à
Montpellier dans le service du professeur Gros, stage qu’il combine avec un
STAGE EN ORTHOPÉDIE ET TRAUMATOLOGIE à la Clinique du Parc dans le Service du
professeur Picard. (15 octobre 1969 - 27 avril 1970). Il y rédige un mémoire
sur les traumatismes graves de la colonne cervicale. Il a reçu au
préalable le statut de « Résident étranger » (21 octobre 1969), pour
une période de 6 mois. Le professeur Gros
affirme au terme du stage : “Je n’ai
eu qu’à me louer du sérieux, de l’assiduité, et des qualités morales de M.
Yong-Ho CHAE dont le départ du service sera regretté par mes collaborateurs et
par moi-même » En 1970
(23 octobre au 20 novembre), il effectue
un stage de post-graduat ROYAL NATIONAL ORTHOPEDIC HOSPITAL, Great Portland
Streetde Londres (Docteur J.N. Wilson). En 1971 (5
juillet au 6 août), il est attaché au AIRDALE GENERAL HOSPITAL, Eastburn, Keighley
Yorkshire, chez le professeur Kilburn,
consultant et chirurgien en Orthopédie et traumatologie, en tant que
« Senior House Officer ». En août 1971,
il effectue un stage de courte durée (deux jours) au HIP JOINT RESEARCH CENTER
DE WRIGHTINGTON dans le service du professeur John Charnley, figure essentielle
et pionnier dans le développement des prothèses de la hanche. E.C.F.M.G. - Rêve
américain Vers 1969, un
des amis de Yong-Ho installé à Cleveland
lui suggère de faire une carrière médicale aux USA. Pour réaliser un tel
projet, Il faut obligatoirement se soumettre à l’examen national, organisé par
les États-Unis et connu sous le nom de « Educational Council for Foreign Medical
Graduates (E.C.F.M.G) ». Yong-Ho s’y soumet
et le réussit le 12 février 1969 (Bruxelles). En possession
de ce laissez-passer, Yong-Ho hésite cependant à émigrer en Amérique. En pleine
guerre du Vietnam et il craint d’être enrôlé comme chirurgien au sein des
troupes américaines. Le rêve américain s’est envolé en fumée. « Je n’avais pas quitté la guerre pour y
retourner » écrira-t-il. Nationalisation belge
et légalisation des diplômes et certificats Dans la foulée
de la réussite de l’ECFMG, Yong-Ho acquiert la nationalité belge le 14 mai
1970. (naturalisation ordinaire). La réussite de
l’ECFMG va accélérer, au niveau de la Commission d’équivalence des diplômes, la
reconnaissance à titre légal de son diplôme de médecin ainsi que la
reconnaissance au grade de légal de sa spécialisation en chirurgie. Cette
légalisation est obtenue le 1er décembre 1971. Âgé de
presque 49 ans, le docteur Chae pourra désormais pratiquer la médecine et la
chirurgie de façon autonome, et non plus sous la houlette et tutelle exclusive
d’un patron qui « couvre » ses activités. Chirurgien à la
recherche d’un job Muni de ses
diplômes belges légalisés et à l’appui de
formations dans des centres prestigieux en France et en Grande Bretagne,
le docteur Yong-Ho CHAE se met à la recherche d’un job et d’un employeur. Il postulera et
travaillera ainsi en Suède, dans le grand nord au climat fort rude et aux
éphémérides assez ingrates, puis au Maroc (Ksar el Souk) où il souffre
d’isolement et d’une chaleur trop intense, puis au Congo (Stanleyville) et à
nouveau en Angleterre dans le West Yorkshire (Airdale General Hospital). En 1971, il
participe à une mission médico-chirurgicale à Kisangani (Zaïre). En septembre
1972, il postule comme assistant à l’Hôpital Universitaire, Institut Docteur
Thérasse, situé à Mont-Godinne, en Belgique. Il y est attaché au service de
chirurgie thoracique et vasculaire (Professeur Schoevaerdts) où jusqu’en fin
février 1972. C’est le moment
où, renseigné et appuyé par des amis en milieu militaire, il apprend que
l’Hôpital Militaire de Cologne recrute un chirurgien. Il saisit cette
opportunité et y débute officiellement son activité le 1er mars
1972, avec le statut de « Main d’Œuvre Civile » (MOC). 5.
À l’Hôpital Militaire de Cologne Soigner et guérir Le Docteur CHAE
y prend donc ses fonctions le 1er mars 1972, comme chirurgien
général. Il consulte, et pratique des interventions chirurgicales tant dans le
domaine de la chirurgie orthopédique et traumatologique qu’en chirurgie
viscérale et générale. Il est ainsi
amené à prodiguer son art de guérir à de nombreux patients militaires, les uns
miliciens , les autres du cadre actif, ainsi qu’à de nombreux civils, conjoints
ou enfants de militaires ou encore appartenant au personnel civil affecté aux Forces
belges d’Allemagne (FBA) Ses connaissances encyclopédiques seront très
précieuses pour ses collègues chirurgiens tant ceux du cadre permanent, déjà
chevronnés que pour les jeunes collègues « médecins miliciens », ceux
qui effectuent leur service militaire au sein des FBA[68] à
Cologne, et fraîchement sortis des écoles de chirurgie. Sa dextérité
est reconnue, son expérience de situations délicates en pratique chirurgicale
aussi. Il fait preuve d’une grande prudence dans tous les actes qu’il pose. Sa
probité, son respect du patient, un sens très aigu de la collégialité, sa
grande humilité forcent le respect de tous, médecins, pharmaciens, personnel
soignant, techniciens de laboratoire et de radiologie, personnel d’entretien et
logistique. Les adieux à Cologne : janvier 1988 Le 18 janvier 1988, une cérémonie d’adieux pleine d’émotion et de solennité
est organisée à l’Hôpital Militaire de Cologne en présence d’instances
diplomatiques, dont le Consul-général à Francfort, Monsieur Vercauteren,
ambassadeur de Belgique en Corée jusqu’en 1987, en présence du Commandant du
Service Médical Belge, le médecin général-major Viaene, en présence de nombreux
Chefs de Corps, d’officiers, de médecins et du personnel au complet de
l’Hôpital Militaire de Cologne. Un hommage chaleureux lui est rendu par le
médecin lieutenant-colonel Biver, chef du Service de Chirurgie de l’Hôpital de
Cologne. « Depuis 1972, le Dr Chae
travaille comme chirurgien MOC en nos murs. Je puis à l’aise parler de lui
puisque, arrivé moi-même le 23 Octobre 1972, j’ai été depuis lors et jusqu’il y
a quelques mois son chef direct. Lourde responsabilité ! » « Nos rapports ont toujours été
parfaits sur tous les plans » « Il va sans dire que les signes
extérieurs de courtoisie et de respect typiques des extrême-orientaux, et qui
n’ont absolument pas chez le docteur Chae, ou si peu, été ternis par la guerre
et le séjour en Occident, me facilitèrent les choses ».(Médecin
lieutenant- colonel Biver, Discours d’hommage, « Docteur Chae, de la Corée aux FBA », Cologne, le 18 janvier
1988) Son Excellence Mr Vercauteren - Le médecin général-major Viaene - Madame André Biver - Docteur Yong-Ho Chae : à droite Madame André Biver - Docteur Yong-Ho Chae Le médecin lieutenant-colonel Biver - Le médecin lieutenant-colonel Biver et Madame Biver - Discours d’hommage au docteur Chae - Le médecin général-major Viaene et le Docteur Chae « Mais ce qui me marqua le plus
et força mon admiration, c’est la connaissance littéralement encyclopédique
qu’il avait (et possède toujours) de la chirurgie. C’était aussi une dextérité
impressionnante, un courage physique et moral, assortis d’une audace rare chez
nos compatriotes, sans parler de son respect quasi-religieux du patient et de
ses souhait » « Je m’en voudrais de passer sous
silence une humilité proverbiale et une gentillesse toute asiatique (Médecin lieutenant-colonel Biver,
Discours d’hommage, « Docteur Chae, de la Corée aux FBA », Le docteur Chae prononce à son tour un
discours de remerciement, qu’il dédie à la Croix Rouge, à son parrain Freddy
Franck et à sa marraine Madame Franck, à ses protecteurs de Corée, les généraux
Vivario et Guérisse. « L’heureuse intervention des personnes citées ci-haut m’a fait
connaître la Belgique. Ce pays est devenu en quelque sorte ma patrie » « La générosité et dévouement de mes
nouveaux compatriotes m’ont permis de réaliser mon idéal : devenir
médecin » « J’ai connu bien des vicissitudes et des
périodes d’insécurité mais c’est ici, dans cet hôpital, que j’ai enfin pu
trouver un ancrage. La sympathie et l’amitié que tout le monde m’a témoignées
ont réconforté le nomade inquiet que j’étais » « Pendant 17 ans, je suis venu presque tous les
jours chaque matin à pied à l’hôpital et bien souvent je retrouvais l’âme de
l’étudiant en médecine se rendant à la faculté. Je me retrouvais ensuite comme
en famille avec des collègues et un personnel infirmier si sympathique et si
gentil à mon égard : je leur adresse ici un remerciement venu du fond de
mon cœur pour la compréhension et le soutien qu’ils m’ont apportés » (Discours du docteur
Chae, le 18 janvier 1988). A l’issue de cette cérémonie d’hommage,
le médecin général-major Viaene décore le Docteur Chae ; lui remettant la
médaille d’Officier de l’Ordre de Léopold II. Elle lui est octroyée « pour son
engagement à défendre les libertés démocratiques ». L’hôpital militaire et
le mess des officiers : l’univers culturel et affectif du docteur Chae Évoquer la vie
du docteur Chae, c’est inévitablement parler de ses nombreux amis. Parmi eux,
ceux qu’il rencontre pendant son long séjour à l’Hôpital militaire vont compter
beaucoup pour lui. Discret et
attentif à tout un chacun, Yong-Ho se fait en réalité très aisément des amis,
tant parmi ses collègues médecins et tout le personnel, sans distinction, de
l’hôpital militaire que dans tous le milieu des unités militaires, des familles
et des services qui gravitent autour de l’hôpital. Hébergé au mess
des officiers, Rotweiler strasse à Nippes, faubourg de la ville de Cologne
situé à deux kilomètres environ de l’Hôpital militaire, le docteur Chae y côtoie
de très nombreux collègues, médecins de toute discipline, souvent affectés à
Cologne pour quelques mois seulement selon les exigences du service militaire
ainsi que des infirmiers et des infirmières. Il noue aussi de solides amitiés
parmi les membres du cadre actif et leur famille, tout autant qu’avec le
personnel hospitalier. Yong-Ho
bénéficie au mess d‘une petite suite, où il ne tarde pas à bien s’installer.
Prévoyant un séjour de longue durée, il crée son propre univers ; il
acquiert notamment un piano, et il entame bien vite la constitution d’une
bibliothèque qui devient vite pléthorique et envahissante, mais qui s’ouvre sur
les domaines très variés qui le captivent : la médecine, la chirurgie bien
entendu, mais aussi l’histoire, la géopolitique, l’économie, l’art,
l’apprentissage des langues, de la langue allemande notamment. Sa famille se
compose en réalité de tous ces amis, de tous ceux qu’il rencontre là, et avec
qui il fraternise naturellement. Fidèle en amitié, il ne cessera jamais de rendre
volontiers et régulièrement visite à quelques familles, installées à Cologne,
mais aussi en Belgique où il passe volontiers les week-ends. Il s’attache
particulièrement aux enfants. Lors de congrès
et de cours de formation, en Europe mais aussi Outre-Atlantique et en Asie,
Yong-Horendra ensuite régulièrement visite à ses amis, assuré qu’il sera
toujours attendu et accueilli quelque part. Pour lui, le monde est devenu
progressivement un village. « Être l’ami de Yong-Ho, cela
signifiait simplement savoir faire preuve de bienveillance, avoir une capacité
d’accueil et d’écoute ». « Chacun d’entre nous qui avons eu la chance
de croiser était et fut en quelque sorte unique au monde. Voilà ce que Yong-Ho
nous a donnés et appris ». « Yong-Ho fut un homme
cultivé, ouvert sur le monde, intarissable, volontiers professoral même, quand
il commentait les grands défis ou les évolutions du monde, en géopolitique, en
économie, ses deux dadas. Gare à celui qui le lançait sur ces sujets favoris au
milieu du repas. Du grand Yong-Ho, vingt minutes non-stop minimum. Garantie
assurée de manger tout froid » (Médecin colonel er Bernard Dardenne, Hommage au docteur Chae, Zemst, le 16
Août 2022) 6.
Une vie affective toute en réserve Dès son arrivée
en Belgique et au cours de la longue période de ses études en médecine puis de
sa spécialisation en chirurgie, Yong-Ho mène bien longtemps une vie que l’on
pourrait qualifier de célibataire. Il noue sans aucun doute de grandes amitiés,
des relations affectives sur lesquelles il restera toujours assez secret. Il est vrai
que, malgré l’aide substantielle de certains amis, il est sans grande
ressource, et il peut sembler a posteriori évident qu’il ne veut pas gaspiller
trop d’énergie et de temps à autre chose que de se former. Après ses
études de médecine et de chirurgie générale et d’orthopédie se terminant à
Bruxelles en 1969, il continue à parcourir l’Europe, et il n’en finit pas de se
déplacer. Son diplôme étant reconnu en 1970, il est enfin possible pour lui,
âgé de 40 ans, de chercher un point de chute pour exercer la chirurgie générale
et l’orthopédie et en quelque sorte de stabiliser son parcours de vie. Ceci
l’amène à voyager à nouveau, à postuler en Afrique, en France, en Angleterre,
en Suède mais pour diverses raisons – le climat, l’isolement, des émoluments
manifestement insuffisants, il ne parvient pas à trouver un point de chute
acceptable pour lui. Il confiera à ce propos qu’il s’est attaché et habitué aux
réalités de la Belgique et qu’il tâche d’y revenir, après chaque tentative
avortée. L’opportunité
qui lui est présentée en 1972 d’accepter un poste de chirurgien à l’Hôpital
Militaire de Cologne, au service des forces armées belges et de leurs familles,
lui sourit donc sans doute et lui convient bien. Il y sera libéré de tout souci
logistique et matériel. Au cours des 16
années qu’il est en poste à Cologne, jusqu’à la mise à sa pension, rares sont
celles et ceux qui perçoivent en lui un désir de trouver une âme sœur, et de
fonder une famille. L’image qu’il donne est celle d’un homme dont le parcours a
été ingrat, chaotique et qui se contente de stabilité et d’un relatif confort
de vie, bien meilleur qu’il n’a connu jusque-là. Lors de la
cérémonie d’hommage et de fin de carrière du docteur Chae en janvier 1988, le
médecin lieutenant-colonel Biver parlera de lui en des termes quelque peu
acrobatiques et hasardeux, qui tentent de forcer une explication de l’isolement
affectif auquel semble s’être résigné Yong-Ho. « Avec une vie aussi mouvementée, avec
aussi peu de sécurité et de stabilité, avec des études terminées à l’âge de 40
ans, comment cet homme aurait-il pu, très déraciné qu’il reste longtemps,
trouver une compagne assez sereine pour le comprendre et le supporter ? Il
n’en trouva pas et cela lui fait mal aujourd’hui d’être seul et de n’avoir pas
de descendance, valeur très importante en Extrême-Orient » Médecin lieutenant-colonel Biver, Discours d’hommage, Cologne, « Docteur Chae, de la Corée aux FBA »,
Cologne, le 18 janvier 1988) Ces mêmes
propos tentent en même temps d’ouvrir des perspectives pour la vie sentimentale
et affective du docteur Chae… « Mon cher Yong-Ho, une compagne
se trouve à tout âge et un de mes vœux les plus chers est que l’une des femmes
qui traversent ta route s’arrête pour toi » Médecin lieutenant-colonel Biver, « Dr Chae, de la
Corée aux FBA », Discours d’hommage, « Docteur Chae, de la Corée aux FBA », Cologne, le 18 janvier
1988) Mais les choses
sont cependant différentes En effet, peu de temps après le début de sa prise de
fonction à Cologne, une femme, sa future compagne, entre progressivement dans
la vie de Yong-Ho. Fille d’un greffier en chef attaché auprès des auditorats
militaires des Forces Belges d’Allemagne, Ria[69] est
arrivée à Cologne le 15 octobre 1972. Le docteur Biver et Ria pilotent une visite officielle du bloc opératoire. - Ria en manœuvre Infirmière-chef
de la salle d’opération, Ria connaît bien toutes les arcanes de la vie
hospitalière en milieu militaire. Sage conseillère, elle peut livrer à Yong-Ho
sa lecture pertinente de l’univers des militaires et sa vison experte des
« choses de l’armée ». Mais bien au-delà, voici qu’elle découvre, en
salle d’opération, les qualités immenses d’un médecin, un chirurgien talentueux
et affable, élégant, venu d’Asie par tant de détours, et qui l’a précédée à Cologne de quelques
années seulement. Ria assiste le docteur Chae Comme Yong-Ho, elle
bénéficie d’un logement au sein du mess de l’Hôpital Militaire de Cologne,
Rotweilerstrasse. Les occasions ne manquent évidemment pas d’y faire bien plus connaissance,
de se découvrir mutuellement, petit à petit, et de s’apprécier de plus en plus,
hors du cadre professionnel, celui des salles d’opération en l’occurrence. Une idylle
solide se noue ainsi peu à peu et se précisera en Août 1974. Chacun est
conscient d’une grande différence d’âge, mais rien n’y fait, et progressivement
se tisse une toile robuste, qui résistera aux vents et marées pendant plus de
50 ans. Ria fera mutation à Bruxelles en février 1981, où elle
installera le bloc opératoire du tout nouvel Hôpital Militaire Reine Astrid,
Bruynstraat, à Neder-Over-Heembeek. Le docteur Chae
et Ria vivront ainsi cette idylle, discrète en ses débuts, et si solide. Ils
cohabiteront à Bruxelles jusqu’au décès de Yong-Ho le 4 août 2022. 7.
Le vie active du chirurgien retraité (1988 à 2022) A l’heure de sa
mise en retraite, le docteur Chae sent bien qu’il est trop jeune - 58 ans -pour
quitter le terrain de la chirurgie, à laquelle il a consacré tant d’années. Il
se propose de se tourner vers la recherche médicale, préférentiellement avec
orientation chirurgicale. Dès octobre
1988, quelques mois seulement après sa mise à la retraite, Yong-Hoest accepté
comme chercheur libre (et non rémunéré) dans le laboratoire de Chirurgie
Expérimentale, attaché à l’Université Catholique de Louvain, sous la direction
du Professeur Luc Lambotte, qui a été
jadis son condisciple à Louvain. Dans son
sillage, il suit avec assiduité les réunions scientifiques, les conférences et
congrès, en Belgique et à l’étranger. Lors de ces déplacements, notamment
outre-Atlantique, il a l’opportunité de rendre visite à ses nombreuses
collègues, notamment ceux qu’il a croisés pendant ses longues années d’études.
Il sera accueilli partout à bras ouverts et nouera sans cesse de nouveaux
contacts. Yong-Ho suit
plusieurs formations en microchirurgie de la transplantation. Il réalise
lui-même au laboratoire de nombreuses transplantations de foie, de cœur, de
pancréas et de rein chez le rat. Il participe à des travaux sur la résection
intestinale, qui aboutiront à une publication dans une revue internationale en
1999[70].
Il quittera le laboratoire en décembre 2000. Yong-Ho profite
aussi de sa retraite pour voyager, avec Ria, en Europe, mais aussi en
Extrême-Orient. Ensemble ils retourneront en Corée du Sud en 1999 et en 2008,
puis en2017, lorsque Yong-Ho y est invité officiellement par le gouvernement
coréen à participer aux commémorations de reconnaissance à Séoul et Busan. Yong-Ho et Ria
sont invités très fréquemment à des commémorations relatives la guerre de Corée
organisées sur le sol belge, notamment par les vétérans du Corps belge des
Volontaires de Corée. En 2021, La VRT[71]
fait la proposition à Yong-Ho et Ria de préparer un documentaire relatif à la
guerre de Corée. Ils reçoivent chez eux le team de la VRT en Août. Le
documentaire n’a pas été diffusé à ce jour. Ils seront
aussi invités par l’ambassadeur de Corée pour les réceptions annuelles,
notamment celles du « Liberation Day », le 15 Août, commémorant la
fin de l’annexion coréenne par le Japon. Ils y seront invités en outre pour le
« National Fundation Day » (Gaecheonjeol) célébrant chaque 3 octobre
la fondation de la Corée ancestrale et celle du premier « état
coréen » de Go Joseon en 2333 AC. 8.
Vie relationnelle, affective et intellectuelle de l’homme à la retraite Yong-Ho et Ria
installés à Laeken, dans la périphérie de la région bruxelloise, resteront en
contact régulier avec tous leurs amis, chez lesquels ils seront souvent invités
pour fêter les moments marquants de la vie familiale. Ils les recevront chez
eux régulièrement. Fred Wien et Yong-Ho, Holly et Ria Fred Wien est médecin, installé dans
l’état du New Jersey (USA) à UpperSaddle River. Il a accompli un de ses stages
de doctorat en médecine à l’Hôpital militaire de Cologne et il y a rencontré le
docteur Chae. Depuis lors, il entretient des contacts réguliers et cordiaux
avec lui et Ria auxquels il ne manque pas de rendre visite lors d’escale à
Bruxelles, avec sa compagne Holly. Yo-Ko, Ria et des amis proches Le studio et des livres Yong-Ho restera
toujours un homme avide de découvrir, d’explorer et de connaître. Il complète
ainsi progressivement, depuis son séjour à Cologne, une bibliothèque
considérable, où les traités de médecine, de chirurgie, souvent en langue
anglaise, des revues médicales s’entassent sur des étagères et côtoient des
livres d’économie, des livres d’histoire, des livres relatifs à la
géopolitique, à l’art, à la philosophie et des centaines d’ouvrages en langue
coréenne et japonaise. Sa curiosité
intellectuelle est remarquable. Il fait installer une antenne parabolique qui
lui permet de suivre en direct presque chaque jour les journaux télévisés de
Chine diffusés en langue anglaise. Au cours de sa
retraite, Yong-Ho entreprend d’écrire ses mémoires, en langue japonaise. Ce
travail n’a pas abouti complètement, suite à son décès inopiné le 4 août 2022 à
Bruxelles. 9.
Un homme profondément nostalgique Au-delà des
apparences et d’une certaine jovialité, ceux qui ont pu observer de près la vie
de Yong-Ho auront compris qu’elle fut celle d’un homme secrètement déchiré. Sa
vie affective fut marquée par une nostalgie perceptible par ses proches, mais
peu exprimée, discrète, et cependant récurrente. Certes, Yong-Ho
savait rire, plaisanter, participer aux festivités et célébrations auxquelles
il était souvent invité en compagnie de sa compagne. Mais au quotidien il
n’était jamais loin du déchirement. Ria confiera que Yong-Ho ne savait pas
vraiment profiter des « belles choses de la vie », comme s’il
craignait, en prenant lui-même du plaisir, de voler une part de bonheur qu’il
ne cessait de réserver virtuellement à sa chère famille coréenne restée là-bas. Dans tous ses
écrits, Yong-Ho fait allusion au moment des adieux à sa famille. Il leur avait
promis de revenir bien vite, mais la nature et l’évolution d’un conflit sans
merci, idéologique, n’a jamais rendu possible la réalisation de sa promesse. « Ma mère et mes sœurs en pleurs au moment de
la séparation sont inscrites dans ma mémoire, je leur avais pourtant promis
d’être de retour quatre ou cinq jours plus tard » (Young-Ho,
janvier 2022) Ce déchirement
est perceptible aussi dans ce témoignage de Madame Marie-Jacques
Dardenne-Flament (2022), une amie de longue date de Yong-Ho et de Ria. « Dans les années 1977-1980, chaque semaine,
souvent dans la soirée, Yong-Ho vient gratter au volet de bois de notre
appartement familial, au rez-de-chaussée, dans la Göppingerstrasse à
Nippes, à deux pas du mess de l’hôpital.
C’était, pensions-nous, Yong-Ho qui nous venait nous rendre visite et qui
voulait éviter de sonner pour ne pas éveiller nos trois enfants qu’il savait
endormis … ». Ces visites,
des dizaines de fois répétées, n’avaient rien d’anodin, et ne traduisaient sans
doute rien d’autre que le désir enfoui mais bien réel de retrouver un peu du
paradis perdu, de goutter encore et encore à l’atmosphère d’une famille, qui
lui rappelait sans doute sa propre famille, perdue à jamais. Dans les écrits
autobiographiques, Yong-Ho ne cessera de répéter cet attachement à sa famille,
à sa maman et à ses sœurs. Son désir de les retrouver apparaît dans tous ses
textes, où l’on ressent bien le terrible poids des moments successifs où il
réalise qu’il doit y renoncer. Yong-Ho fera de nombreux voyages en Corée du
Sud , notamment en 1974, 1984, 1992 où il voyage seul et toujours nostalgique.
Il pensera même y retrouver du travail, rêvant de revivre là-bas à courte
distance des siens, dont il ignore pourtant le destin. Mais il y renoncera,
expliquant comme par prétexte, que sa formation médicale en Europe diffère bien
trop, que les termes utilisés en médecine seront trop difficiles à transposer
en langue coréenne. Il fera même comprendre qu’il n’aurait pu s’adapter au régime
politique en vigueur et au standard de vie là-bas (Médecin lieutenant-colonel Biver, Discours
d’hommage, Cologne, 1988). Yong-Ho voyagera à nouveau en Corée du
Sud, tantôt seul, tantôt avec Ria, en 1999, en 2008 et 2017. En décembre 2000, une mission économique
est conduite en Corée du sud par le Prince Philippe et la Princesse Mathilde.
Peu auparavant, la chaîne de télévision coréenne KBS a filmé des reportages en
Belgique et interviewé Yong-Ho. Lors de la diffusion d’un de ces reportages en
Corée, le12 décembre 2000, l’oncle paternel de Yong-ho le reconnaît à l’écran.
Après une séparation qui a duré 50 ans, il prend aussitôt contact
téléphoniquement avec Yong-Ho. Yong-ho ne tarde pas à retourner donc en
Corée en 2001, et il y rencontrera ce grand-oncle qui a fui comme lui le régime
communiste ainsi que son épouse et leurs quatre enfants. Il y rencontrera aussi le fils de la
sœur de sa maman, sa tante, réfugiée en Corée du Sud ; cette tante
décédera cependant peu de temps avant l’arrivée de Yong-Ho sur le sol coréen. En 2017, Yong-Ho et Ria sont invités par
le gouvernement sud-coréen à des cérémonies de commémoration et de
reconnaissance. A cette
occasion, Yong-Ho tient à se rendre dans l’île minuscule de KAN-HWADO, proche
de la zone démilitarisée, île où est notamment enterré son oncle Tal-Hee CHAE,
seul frère de son père, professeur d’université, et assassiné par le régime
communiste parce qu’il enseigne les idées de Confucius. De cette île, Yong-Ho
pourra apercevoir au loin un coin de son pays natal, sa terre natale, dont il
scrutera longuement, silencieusement le paysage (Témoignage de Ria, 2022, cité
dans le discours d’hommage du médecin colonel er Dardenne, à Zemst, le 13 août
2022). En 2017, Yong-Ho se recueille sur la tombe de son oncle CHAE TAL-HEE, sur la petite île de KAN-WHADO Épilogue A l’heure même où ce récit a été conçu à
l’initiative d’un professeur d’Histoire[72],
une folie meurtrière et dominatrice mobilise à nouveau des armées, des avions
chargent leurs bombes, des blindés font mouvement. Quelques mois plus tard, sur
le sol européen, des villes entières sont anéanties, des innocents meurent sous
les décombres, des orphelins prostrés courent les rues sans rien comprendre. Le récit d’une guerre qui éclate en Asie
dans les années cinquante, la « guerre
oubliée » nous rappelle que l’histoire des hommes se répète, que la
cruauté, le courage, la solidarité aussi, sont toujours au rendez-vous. Le
récit de cette guerre permet aussi de comprendre au mieux l’odyssée d’un homme
qui, comme bien d’autres, fut emporté par un tourbillon de violence. Ce que « Sa vie raconte », c’est un
déchirement qui ne va jamais le quitter et s’inscrira en filigrane tout au long
d’une vie qui avait pourtant bien commencé, dans la douceur d’une famille qu’il
ne pouvait pas oublier. Ce que « Sa vie raconte »,
c’est le sens de l’humain qu’il perçoit quand il est aidé, soigné, réconforté
et compris par des soldats en campagne, et qui lui font accepter peu à peu que
son avenir est ailleurs, qu’il doit accepter de se réfugier dans une terre de
paix et d’accueil. Ce que « Sa vie raconte », c’est le
courage d’un étudiant déboussolé, parfois affamé, souvent sombre et taiseux à
ses heures, soutenu par quelques familles généreuses, par des enseignants
responsables et par des condisciples attentifs. Ce que « Sa vie raconte »,
c’est un chemin suivi pas à pas à travers tant d’obstacles et un parcours sans
faute pour réaliser finalement un rêve impossible, devenir chirurgien, comme un
oncle maternel qu’il admirait tant. Ce que « Sa vie raconte », c’est
une soif de savoir, de s’ouvrir au monde, aux sciences, à l’économie, à l’art,
aux cultures et à leur diversité, à la philosophie et aux sagesses du monde
entier, à la médecine et la chirurgie plus que tout, à la recherche médicale
qui rapproche les têtes du monde entier, devenu en quelque sorte son village. Ce que « Sa vie raconte »,
c’est la force et toute la magie de l’amitié qui atténue les maux, et reconnaît
les espoirs envolés. L’amitié, cette alchimie qui change l’eau en vin, cette
lente transfusion sans fin qui rend ses couleurs à une vie qui peu à peu s’en va.
L’amitié, cet appel à croire tout simplement à la vie « tant qu’il y
en a ». Ce que « Sa vie raconte »,
enfin, c’est l’amour que l’on donne et que l’on reçoit, toutes ces choses
mystérieuses et secrètes que l’on partage pendant une vie entière, à deux. « Aujourd’hui, au cœur de mes
souvenirs inoubliables et de la séparation dramatique que j’ai vécue, j’ai
grâce à Dieu, beaucoup d’amis, mais surtout l’amour inconditionnel et
l’affection de ma bien-aimée Ria, qui m’apporte un soutien énorme pour
poursuivre un chemin de vie parsemé d’épines »[73] . Bibliographie Breteau, P., Grandin, J. (2016), Sommet de Singapour,,
70 ans d’hostilités résumés en cartes. Consulté
le 7 janvier 2022, Cadeau, I.
(2016). La guerre de Corée (Tempus) (French Edition). Tempus
Perrin. Cartes. La guerre de
Corée 1950-1953.(2018). Revue L’Histoire. Consulté le 5 janvier 2022, Chang, I. (2007). Le
viol de Nankin. 1937 : un des plus grands massacres du XXème siècle.
Éditions Payot & Rivages, Paris. Crahay A. (1966). Bérets bruns en Corée. 1950-1953. La
Renaissance du Livre Cumin, D. (2011). Retour
sur la guerre de Corée. La découverte « Hérodote ». Consulté le 6
janvier 2022, van Deschamps, E. (1946). La guerre de Corée. Consulté le 6 janvier 2022, Drohan, B.
(2018). Imijn River 1951. Last stand of the “Glorious Glosters”. Bloomsbury
Publidhing Plc Funk, A. (1995). De
Yalta à Potsdam. Des illusions à la guerre froide. Éditions complexes Hayt (2012). Atlas d’Histoire. De Boeck, Bruxelles Hergé(1946). Le lotus bleu. Casterman (Tournai) Larané, A. (2021). 25
juin 1950-27 juillet 1953. La guerre de Corée. Les chroniques d’Hérodote.net.Consulté le 6 janvier
2022, Lemelin, B. (2003). La
guerre de Corée et son impact sur les États-Unis. Un regard analytique 50 ans
plus tard. Études Internationales, Vol 34, 3. Consulté le 8 janvier 2022, Le Roy, D. (2000). Het Belgisch Korea-Bataljon. Thesis,
Promotor Professor B. De Wever,Consulté le 9 janvier 2022, Malkasian C.
(2001), The Korean War 1950 - 1953, Osprey Publishing [1] Parti politique le plus ancien de la chine contemporaine,
créé en 1912, dont l’influence relative n’a subsisté ultérieurement que dans la
République de Chine, proclamée en 1950 à Taiwan. [2] Combats majeurs : définis comme opposant au moins 100.000 hommes de chaque camp [3] Chef du gouvernement chinois et
généralissime des forces armées chinoises [4] Le boycott du conseil de
Sécurité de l’ONU par la Russie est lié au fait que l’ONU ne reconnaît pas la
République populaire de Chine mais seulement la République de Chine (Taiwan),
qui a un siège au Conseil de Sécurité. [5]Pour
plusieurs motifs [6]3,2 millions de litres utilisés [7] Nous l’appellerons le “ Bataillon belge » (BN belge), se rapportant aux détachements combinés belge et luxembourgeois [8] CMC [9] M.T. Transport et réparations [10]Engagé en 1950, il était alors Ministre de la Défense Nationale [11]En
réserve de Corps : le Bataillon sera provisoirement rattaché
provisoirement au 15ème Régiment d’infanterie US. [12]Soldat Georges
Gobert Capturé il mourra en captivité en 1952 (témoignage
d’un officier néerlandais libéré en 1953) [13] Soldat Frans Rottiers [14]Dont l’équipement correspond le
mieux à celui des belges [15] Sweeps ou raids offensifs :
opération d’une ou deux journées consistant à faire une incursion en territoire
ennemi [16] Le sous-lieutenant Paul Derom [17]Leurs corps seront
retrouvés en mai lorsque les positions chinoises seront reconquises [18] Les « Ulsters »
et les « Northumberlans
» [19] Le Lieutenant-Colonel B.E.M.
Crahay reprendra le commandement le 10 juillet 1951. [20]Dont 470 au front, le reste à
l’Échelon B. Le major B.E.M. Vivario fera savoir au ministère Belge de la
Défense Nationale qu’un renfort de 400 hommes doit être prévu en septembre
après la fin période de juin. Le premier contingent rentera en Septembre. Il
déplore que le chiffre de 1000 hommes nécessaire au fonctionnement et voulu par
les Américains est loin d’être atteint (Il ne le sera qu’une seule fois) [21] 36 volontaires sont arrivés en
juin [22] Le soldat Bogaerts. [23]Le
lieutenant Van Driessche, le sergent Schouterden, les soldats Van Pynbroecckx
et Degroot [24]Le
soldat Chiry [25]Le
lieutenant Dehalleux et le sergent Deprez [26]Le
sergent Caudron [27] Le soldat Klausing [28]Les soldats Mottart et Wattiez [29] 1er Sergent Biron [30] Le soldat Tresnie [31] Le 1er sergent Van
der Perre [32] Le 1er lieutenant Jonet, le 1er
sergent Gennart, le caporal Veryser. [33] La colline 167 Beans [34] Les soldats Devos, Deckers et
Van Woensel [35] Le soldat De Winter [36] Le soldat Staes, le sergent
Verschraegen, les soldats Delen et Kellens. [37] Respectivement, la colline 171
et la colline 199 [38] Capitaine Loquet, lieutenant Coppens, sergent Doll, caporaux Fetro et Schmets, soldats Maes, Magnin, Stael, Vereecke. Il y aura 26 blessés [39] Soldats De Koster, Guilmot,
Wanet [40] Position défensive où une unité
empêche à un ennemi l’accès à une zone déterminée et empêche sa progression dans une certaine direction [41] Unité de seconde ligne [42] Effectif : 805 volontaires,
chaque compagnie est assistée de 25 assistants coréens. [43] A titre d’exemple, 3100 tirs
seront essuyés la nuit du 18 avril 1953. [44]Le
sergent E. Boving meurt en service commandé le 10 septembre. Les volontaires
Van de Merlen et Verleyen décèdent le 14 octobre 1954. [45]Dont
12 officiers, 60 sous-officiers, 148 caporaux et soldats et 5 membres de la
Prévôté. [46] Soit 13 officiers, 59
sous-officiers et 142 caporaux et soldats. [47] Actuellement à Tielen. Leur
caserne reçoit en 1982 le nom de « Quartier Capitaine P. Gailly » [48] Son
commandement sera interrompu à deux reprises en raison des soins et opérations
relatives aux brûlures à la main. [49] Les autres seront employées à la
Cantine Militaire [50]Thérèse
Cambier retournera à Séoul en 1954 pour soigner les enfants dans un hôpital
appuyé par les volontaires belges et y restera pendant 18 mois. Elle y
retournera encore pour fonder un hôpital à YONC-ZU et où elle travaillera
pendant 30 ans, rentant en Belgique en 1985. [51]Civilian
Transportation Corps, semi-civil, semi-militaire, dotés de cadres propres et
d’une administration autonome [52] Korean Service Corps [53] Soit 398 volontaires belges,
militaires (3179 une fois, 352 deux fois, 18 trois fois) [54] On peut considérer ainsi que les
volontaires ont rempli 3850 engagements de service. [55] Le soldat Gobert, capturé le 21
novembre 1951 est mort de dysenterie le 21 novembre 1951. Un autre (le soldat
Van den Branden) blessé et capturé le 26 mai 1953 fut soigné dans un camp de
prisonnier de l’ONU puis dans un hôpital près de la frontière chinoise [56] Statut accordé pour les
volontaires qui ont séjourné 9 mois minimum en Corée. [57]De décembre 1950 à décembre 1950
au mois d’Avril 1951, le seul médecin du bataillon est le Sous-lieutenant Derom [58] « Blue Enseign »
attribué aux navires commandés par un officier réserviste de la Royal Navy. [59] Le Bureau 900, reconnu et en
rapport avec les services secrets anglais ( M.I.9). [60] Paul Cool (qui sera abattu à
Paris fin 1944) [61]Le Général Mac Arthur mettra son
avion personnel à la disposition du Docteur Guérisse pour rejoindre le front [62]Commissionné
pour la durée de sa mission [63]Il sera
remplacé en 1952 par le Major médecin
Eugène Dewaelheyns [64]FBA :
Forces belges d’Allemagne [65]Belgique, Province de Luxembourg [66] Le certificat
de naissance en Corée du nord ayant été perdu ou inaccessible, un nouveau
certificat « original » fut réécrit pour les besoins de la cause
(octroi d’un passeport) le 12 juillet 1954 et signé par le maire de Sungdong-Ku, arrondissement de
l’Est à Séoul le 12 juillet 1954. La date de naissance officialisée sur ce
certificat est le 16 janvier 1923, la date de naissance réelle se situant en
1930. [67] Dénommé aussi Freddy Frank [68] Forces belges d’Allemagne [69] Madame Ria De
Bouver [70] La revue GUT [71]Vlaamse Radio Televisie [72] Décembre 2021 [73]
Yong-Ho, conversation avec Marc-Aurel Dardenne, janvier 2022 |