Maison du Souvenir
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Un grand merci à Monsieur Joël Fery, Administrateur président de l'A.S.B.L. « DU COTE DES CHAMPS »
et délégué du Souvenir Français pour la région de Nivelle, qui m’a permis de
mettre le fruit de son travail sur le site de la Maison du Souvenir. HOMMAGE AUX SOLDATS FRANÇAIS MORTS A BAULERS DURANT LES COMBATS DE MAI
1940 Avec l’aide du Petit Patrimoine Populaire Wallon et de
la Cellule de Gestion du Patrimoine Funéraire A Lucien,
Maurice, Roger et les autres Georges et Josée ARTIGES C’est par hasard que nous avons appris que, depuis plusieurs mois, afin
de compléter ses travaux de recherches historiques, Monsieur Joël FERY essayait
en vain de se procurer un exemplaire du livre de notre cousin Claude
ARTIGES : « Avec ceux du 43ème
Rgt d’Infanterie de la Belgique à Dunkerque ». Nous savions que les chances de retrouver ce livre étaient très
minces : il avait été imprimé en 1.000 exemplaires en 1972 et à compte
d’auteur, donc sans possibilité de réédition. Le succès qu’il avait rencontré à
l’époque auprès des anciens du 43 en avait vite épuisé le stock très limité. Aussi, comme, outre notre propre exemplaire, nous disposions d’un livre
récupéré chez des amis décédés, nous avons été heureux de l’offrir à Monsieur
FERY afin qu’il puisse y trouver et utiliser les renseignements précis et
détaillés contenus dans le livre de Claude et ainsi comparer les différents
témoignages recueillis. Claude a toujours aimé écrire et, même au cours des journées les plus
dures des combats de 1940, il a eu à cœur de tenir son « carnet de
route » au jour le jour en y donnant le plus de détails possibles, en y
citant les noms de ses compagnons d’armes et en décrivant avec précision les
lieux où se sont déroulés ces faits historiques et souvent tragiques. Claude voulait en cela prouver que, contrairement à ce que certains
défaitistes (souvent mal ou pas du tout renseignés d’ailleurs) auraient voulu faire
croire, « ceux de 40 » avaient courageusement fait leur devoir de
combattants, très souvent même de façon héroïque face à une armée allemande
mieux préparée, suréquipée et d’une puissance largement supérieure à celle des
alliés de 1940. Toute sa vie, Claude est toujours resté très fidèle et très attaché au
souvenir de ses camarades du 43 et des évènements vécus ensemble. Il est resté
fort marqué par la mort au combat de certains de ses amis et le fait d’avoir,
par son livre, pu témoigner et leur rendre hommage lui a apporté le sentiment
de leur rendre justice. Aussi, c’est par fidélité à la mémoire de Claude, décédé en 2005, qu’en
son nom, nous avons tenu à apporter notre modeste contribution à Monsieur FERY
dans la préparation de ce « devoir de mémoire ».
Nous reproduisons la
dédicace que Claude ARTIGES avait écrite sur l’exemplaire de son livre « AVEC CEUX DU 43e RGT D’INFANTERIE »
offert à son filleul Thierry, fils de Georges et Josée ARTIGES. Jacqueline Bietz (Sœur de Lucien Caudmont) J'ai conscience que ma génération est la dernière pouvant témoigner des faits qui ont concerné nos deux pays devant l'agresseur. La si courte vie de mon frère dont l'une des valeurs était la Patrie me donne à penser que sans le savoir il a un peu contribué au rapprochement des peuples européens et aussi à éviter d'autres conflits dévastateurs. Merci à tous ces bénévoles qui ont pris le temps de faire des recherches qui les ont aussi probablement passionnés. Préface Janvier 2012 Xavier Deflorenne Expert SPW, coordinateur Cellule de gestion patrimoine funéraire (DGO4),
Département de l’Aménagement du Territoire, Direction de l’Urbanisme et de
l’architecture, en collaboration transversale avec le Département du Patrimoine
(DGO4), la DGO5 (Département de la législation des pouvoirs locaux et de la
prospective) et la DGO1 (Département des infrastructures subsidiées) Par ce regard que l’on pose « C’est bizarre un homme qui meurt : ça manque bien souvent de panache » Guy Sajer, Le soldat oublié Avec le temps, nos sociétés portent un regard différent sur les deux conflits mondiaux. Un certain recul s’impose enfin et, au-delà de la vivacité des affects qui marquèrent en toute logique la génération des « survivants », un posture mémorielle se développe concernant l’ensemble des acteurs de ces conflits – et dépassant, pour le dire de façon sans doute trop abrupte, la seule « mémoire des vainqueurs ». Cette attitude conduit les historiens à créer progressivement une histoire de l’individu, de l’unité, non isolée mais aux prises avec le flux de l’histoire. Outre la diffusion de recherches relatives aux conséquences physiques, nerveuses et mentales qui frappent tout soldat ayant séjourné au front, depuis les poilus de 14-18 – « gueules cassées » ou pathologies post commotionnelles frappant le Système Postural d'Aplomb – jusqu’aux vétérans des conflits américanos-irakiens, il faudra prendre, entre autres preuves de ce glissement focal, les travaux s’attachant à retracer l’histoire des enfants issus de la collaboration et qui portèrent, en funeste héritage, la réprobation civique que s’étaient attirés leurs parents. Lorsque le phénomène historique global est maîtrisé dans ses grandes lignes, il convient de revenir à une échelle humaine préhensible. Bien mieux que l’étude de mécanismes politiques qui surplombent le commun des mortels, l’observation patiente des individus rétablit la part d’humanité dans ce qu’on ne serait plus tenté de voir qu’au travers de statistiques : un de ces aspects dérangeants, par exemple, de l’appellation toute militaire de « dégâts collatéraux ». Sans doute est-ce une des leçons qu’on tirera de ce type de recherche historique : la « grande histoire » – que certains soulignent encore, marquant bien la distinction de conceptualisation, par une majuscule – n’est pas une histoire d’hommes. Or, s’il est bien un domaine où l’addition des parties est définitivement plus riche que le Tout, c’est celui-là. En effet, par-delà un nom anonyme dans un listing funèbre, qui –ou que –furent ces individus prélevés de leurs milieux familiaux et culturels, puis précipités sans autre choix dans une histoire qui, par son ampleur, dépassa rapidement chacun d’entre eux ? Faut-il accepter sans autre perspective qu’un soldat mort au front ne soit plus que cela ? A ce titre, l’ouvrage que propose Joël Fery, témoignant lui aussi de ce nouvel axe qui estimerait que « le chas identifie l’aiguille », est passionnant pour au moins deux raisons. En premier lieu, le sujet lui-même, micro local tant il est vrai que la « Bataille de Baulers » ne fut qu’un de ces innombrables épisodes de ce qu’est « la Seconde Guerre Mondiale » – de surcroît : épisode du début du conflit et donc de débâcle –, interpelle et impose une autre façon de « faire l’histoire ». Pas de grande bataille ou de fait historique glorieux ici ; pas d’épisode aux enjeux et conséquences stratégiques décisifs. Par contre, des comportements militaires et humains s’affirment dignes de mémoire parce que, simplement et « banalement » – même si la mort d’un homme devrait toujours être hors banalité – tragiques. En second lieu, le point de départ de cette histoire est un témoin en soi : une photographie ancienne, prise dans le cimetière de Baulers, le long de la nef nord de l’église, montre un cantonnier en sabots occupé à entretenir trois sépultures neuves de soldats français. De ces trois croix blanches cocardées, aujourd’hui disparues, naît le travail de l’historien Joël Fery. Enquêteur, il invite ses lecteurs à une véritable promenade mémorielle, pas tant à la recherche de l’événementiel qu’à la rencontre des acteurs de ces événements. Trois soldats français, victimes des combats du 16 mai 1940, ont en effet été inhumés temporairement dans cet ancien petit cimetière paroissial. Ces tombes témoignent avant tout de destins certes anodins –au vu du coût mondial en vie humaines de la Seconde guerre –, mais leur examen ouvre une porte vers une proximité neuve et éclairante, produit un phénomène de questionnement. En dehors d’exceptions, de faits remarquables et de savants mouvements de stratégie, que reste-t-il des individus qui participèrent à ces événements ? Parfois, s’ils n’ont pas subi cette curieuse damnatio memoriae que rencontrent les victimes rendues anonymes par leur nombre, on peut lire un nom sur un monument aux morts, une citation d’honneur, être témoin d’une mémoire collective tronquée par l’oralité, la légende glorieuse, intentionnelle, mâtinée d’oubli et d’imprécisions[1]. En ce sens, c’est véritablement un livre de justice que propose ici Joël Fery. Rappel que nos cimetières restent les meilleures archives de ces destins croisés qui construisirent notre société contemporaine, chacun à son échelle[2], tout autant que Tombeau, au sens littéraire, pour trois soldats fauchés « dans la force de l’âge », au nom de leur patrie, mais loin d’elle, de leurs racines et de leurs proches. Avant-propos Paulette Pelsmaekers (Cercle
d’Histoire et Comité du Souvenir Franco-Belge de
Court St Etienne.) Après un conflit, une fois la paix retrouvée,
il est de coutume d’honorer la mémoire de ceux qui y ont laissé la vie ;
c’est ainsi que dans chacun de nos villages, chacune de nos villes nous
trouvons un monument ou une stèle où sont inscrits « des noms ». Sur un des monuments de Baulers, outre les noms
des Baulersois, militaires et civils, sont inscrits
les noms de trois militaires français tués dans le village en mai 1940. Des contacts noués lors d’une journée du
Souvenir Franco-Belge à Court Saint Etienne ont guidé
mes pas il y a plus d’un an déjà, vers la ferme d’Hanneliquet
dans laquelle se sont trouvés des militaires du 43ème Régiment
d’Infanterie Motorisé en Mai 1940, cette démarche pour illustrer le travail de recherche qu’a entrepris à
Lille, le Lt Colonel RASCLE ; travail dont
l’objectif est de mettre un visage sur un nom et donner la parole aux
Combattants, via leurs souvenirs, carnets de route, journaux de marche etc. Ce qui rendait Baulers important dans cette
recherche, c’est que deux soldats du 43 y ont laissé la vie la nuit du 16 au 17
mai 1940, au cours d’un sérieux accrochage avec l’ennemi. L’un d’eux, Lucien CAUDMONT avait à peine 20
ans La troisième victime française périt lors du
bombardement du château « Bouillon », où stationnait le 1er
Parc d’Artillerie Divisionnaire qui ravitaillait en munitions les 15ème
et 215ème R.A.D. positionnés sur la ligne de défense entre la Dyle
et la ligne de chemin de fer Bruxelles-Namur. On oublie trop vite sans doute, que derrière
« un nom » se trouve une
personne qui a laissé derrière elle des parents, des frères, des sœurs, une
épouse, des enfants…Que cette personne avait un vécu, une histoire ; que
sa disparition a modifié à jamais le cours de la vie de ceux « qui sont
restés ». Au fil des années, le temps patine les pierres
et les bronzes…Les témoins directs se font rares et avec leur disparition, se
referme doucement le livre de leur histoire, si nous permettons que ce livre se
referme définitivement, c’est notre propre histoire que nous renions ! C’est pourquoi une action, comme celle qui
suit, a toute sa raison d’être parce qu’elle contribue d’une manière concrète
au Passage de Mémoire de génération en génération. Note de l’auteur Fery Joël (Administrateur-président de l’A.S.B.L. « DU COTE
DES CHAMPS » Auteur de « Décors imprimés et peints sous les Mouzin », édition 2000) L’A.S.B.L. fait partie du Comité de suivi des
cimetières qui se met en place pour l’entité de Nivelles. Cette collaboration
va lui permettre de partager avec les Autorités de la Ville une nouvelle
approche des cimetières, elle espère pouvoir les rendre plus attractifs et plus
conviviaux. Le but serait de pouvoir organiser des visites de notre patrimoine
et de sensibiliser les jeunes générations à ces trésors du passé qui méritent
tout notre respect. Elle s’est investie dans plusieurs appels à
projets qui lui tenaient à cœur, notamment celui intitulé « Nos mémoires vives » qui concernait les monuments de 1914-1918 et de 1940-1945 ainsi
que toutes les sépultures afférentes de combattants, déportés et victimes
civiles, pour les villages de Thines et de Baulers. C’est un travail de mémoire, notamment par la
sauvegarde, la rénovation et la restauration de ces témoins du passé. En plus de cela, l’A.S.B.L. a introduit de
nombreux dossiers à la Région wallonne concernant le petit patrimoine populaire
wallon. La documentation de Jean Dermonne,
ancien baulersois, aujourd’hui décédé et à qui nous
rendons hommage, a permis de dresser un inventaire du patrimoine funéraire
local de Baulers et de relier des sépultures à l’histoire locale du village. Le budget qui pourrait être dégagé par la
région wallonne permettrait de restaurer notamment des sépultures des villages
de Thines et de Baulers. En accord avec la Ville de Nivelles, une
cérémonie d’inauguration d’une plaque émaillée et d’une table d’orientation a
été organisée le 16 mai 2011 à la ferme Hanneliquet. Il faut savoir que de rudes combats ont eu lieu
à Baulers en mai 1940 entre les armées française et allemande. A partir d’une photo représentant la sépulture
de trois soldats français inhumés au cimetière de Baulers, l’A.S.B.L. a réalisé
cette plaquette retraçant la bataille qui s’y est déroulée. Un des premiers projets de l’A.S.B.L. était de restaurer
la tombe de ces soldats. Les bénéfices de la vente de cette plaquette ont
permis de subsidier ce projet. Ces soldats ont des noms mais nous n’avons pu
mettre un visage que sur l’un d’eux, Lucien CAUDMONT, mort à Baulers à l’âge de
vingt-ans. Grâce à du courrier et des photos envoyés par sa sœur Jacqueline,
nous avons pu suivre son parcours depuis son engagement en 1938 jusqu’à son
décès le 16 mai 1940. Il est important de raviver la mémoire collective et aussi de la faire vivre le plus longtemps possible, de la remettre à l’honneur et de la sauvegarder. Cette mémoire locale est importante pour les générations futures qui n’auront peut-être plus la possibilité de faire ce travail. La plupart des très anciens ont déjà fait leur dernier voyage. Il sera dès lors de plus en plus difficile d’obtenir des informations (récit, documents, ...), aussi, il faut travailler avec ceux qui restent et tenter de sauver ce qu’il peut encore l’être. C’est notamment ce que l’A.S.B.L. s’est donnée pour mission. Cet ouvrage sera un des garants de la pérennité de cette mémoire auprès des générations futures, et contribuera à une certaine réhabilitation de l’image parfois négative qui avait été faite du combattant de 1940 à cette époque. L’A.S.B.L. tient à remercier : Madame BIETZ Jacqueline Monsieur THEVENIN Roger Madame PELSMAEKERS Paulette Monsieur et Madame ARTIGES Georges et Josée Monsieur Thierry ARTIGES Le Colonel Paul RASCLE Monsieur et Madame GARIN La Ville de Nivelles pour sa participation. MONUMENT 1940-1945 Comme beaucoup de villes et de villages, Baulers a son monument 1940-1945. Celui-ci est accolé au mur de l’ancienne école des Sœurs dans le bas de la rue de l’Eglise. Projet du monument réalisé à main levée par l’architecte Anse Les plans réalisés par l’architecte Anse sont datés du 20 avril 1947 « pour approbation du conseil communal de Baulers ».[3] Cérémonie du 15 mai 1947 Sur le monument, on peut lire le nom des victimes civiles et militaires tant belges que françaises, mortes pour la Patrie.[4] LA COMMUNE DE BAULERS A SES HEROS MORTS POUR LA PATRIE 1940-1945 AVERMAETE, GASTON. SOLDAT 12-V-1940 BOURGUIGNON, FERNAND. SOLDAT
16-II-1941 VANWEZEMAEL, ETIENNE. PRI. POL. 17-III-1944 CLAES, GEORGES. SOLDAT F.I. 6-IX-1944 CIVILS JANSSENS, VICTORINE. 16-V-1940 DUBOIS, MARCEL. 16-V-1940 BAUDOUX, NESTORINE. 6-VI-1940 MARCQ, VALERIE. 6-VI-1940 MARCQ, ELISABETH . 14-VI-1940 SEMAL, ODILE. II-VIII-1940 SOLDATS FRANÇAIS RICHE, ROGER. 15-V-1940 CAUDMONT, LUCIEN 17-V-1940 VAN DAELE, MAURICE. 17-V-1940 Photo du monument. On y voit Pierre PETITNIOT déposant des fleurs et Marcel LEVEQUE tenant le drapeau de la jeunesse sportive Parmi les victimes baulersoises, on trouve notamment Fernand BOURGUIGNON, Gaston AVERMAETE, Georges CLAES et Etienne VAN WEZEMAEL Trois soldats français ont été tués à Baulers. Ils ont d’abord été enterrés à l’endroit où ils ont été abattus : RICHE Roger dans le parc de RAMAIX, VANDAELE Maurice dans une prairie du hameau d’Alzémont et CAUDMONT Lucien dans une prairie proche de la ferme Hanneliquet. Leurs dépouilles ne seront rapatriées en France que plusieurs années après la fin de la guerre.[5] Sœur Thérèse-Marie indique que le 10 octobre
1944, les corps ont été transférés au cimetière de Baulers et que le lendemain
a eu lieu un service funèbre à la mémoire des trois soldats français. Le 15 mai 1945, lors de l’inauguration du monument élevé à la mémoire des victimes de la guerre 1940-1945, le Capitaine GUILLARD, délégué de l’armée française, était présent et a prononcé un discours.[6] Cette photo atteste que les dépouilles des soldats français ont été transférées au cimetière de Baulers ; pour preuve, la présence à droite de la tombe de RICHE Roger de la stèle de Maître Nicolas Bauwens, pasteur de Baulers au XVIIIème siècle. Cette stèle existe toujours, mais elle a été déplacée. En observant bien les détails des joints du mur, nous avons retrouvé l’endroit exact des trois tombes, à savoir sur le mur gauche de la Sacristie Stèle de Maître Nicolas Bauwens, pasteur de Baulers au XVIIIème siècle. Curieusement, une plume a été plantée sur la tombe ARRIVEE DES SOLDATS FRANÇAIS, PUIS DES SOLDATS
ALLEMANDS A BAULERS Le 10 mai 1940, le champ d’aviation de Nivelles est bombardé. Les
hangars sont détruits. Trois victimes sont à déplorer et l’une d’elles est
décédée. Le lendemain, l’aviation allemande bombarde la gare de Baulers, les
annexes sont détruites ainsi que deux habitations, tuant Victorine Janssens et
son garçon de cinq ans. Le 14 mai, à 15 heures, les premiers soldats français arrivent à
Baulers, en particulier au château Bouillon, chez le Bourgmestre Amaury de Ramaix. Le 1e P.A.D. (Parc d’Artillerie
Divisionnaire) y installe son Q.G. Ce même jour, une bombe incendiaire explose près de l’Ecole des Sœurs
et détériore le monument de 14-18. Le château Bouillon est bombardé à son tour,
faisant plusieurs victimes parmi les soldats français. Le 16 mai, le P.C. du 43e Régiment d’Infanterie s’installe
dans la ferme du Chapitre. La veille, une partie de la population baulersoise
avait évacué vers la France. Cependant, face à la désorganisation du service
des trains (absence d’aiguilleurs et de chef de gare), les autres habitants
sont contraints de partir à vélo ou en chariot. Certains se réfugieront à la
malterie proche de la gare. Le 17 mai, les Allemands envahissent le village et Nivelles. Les
réfugiés de la malterie et les Sœurs seront les premiers à rentrer. Madame
Ceulemans est retrouvée morte dans sa cave. Elle sera enterrée, enveloppée dans
un simple drap, car il n’y a pas de menuisier pour lui confectionner un
cercueil. Il n’y aura pas de cérémonie funéraire, le prêtre étant lui aussi
absent. Beaucoup de maisons ont été pillées, le linge, le savon, le sucre et la
farine ont été volés. Certains réfugiés rentreront bien plus tard, bloqués sur les routes de
l’exode. A leur retour, certains retrouveront leur maison occupée par les
Allemands.[7] LE
43e REGIMENT D’INFANTERIE A
BAULERS Le
43e Régiment d’Infanterie comprenait plus ou moins 3000 hommes. « Ce régiment dit « motorisé »
possédait un nombre très limité de véhicules organiques (camions et
camionnettes) pour transporter du matériel, des vivres, des munitions et des
bagages, des chenillettes pour la traction des canons anti-char de 25, des
voitures de tourisme, des motos solos, des side-cars pour les liaisons, mais il
était tributaire d’un groupement de transport composé d’autobus, de cars, de
camions mis temporairement à sa disposition par le Train des Equipages pour le
déplacement du personnel, des matériels embarqués, et des chevaux. […] Le 3 SEPTEMBRE 1939, la
mobilisation générale est décrétée et la guerre éclate. »[8] Le 43e R.I. devra se placer sur la position DYLE-NAMUR en vue d’une attaque allemande. Le 13 mai 1940, il occupe la position entre Mont-Saint-Guibert et Chastre (front de 3 Km). Ce même jour, l’ennemi a franchi la Meuse à Sedan. Ordre sera donné à la 1ère Armée de se replier pour éviter l’encerclement. Du 16 au 19 mai, l’armée se replie vers la frontière française tout en s’arrêtant successivement à Bousval, Baulers, le Roeulx et Feluy.[9] Les mouvements des troupes étaient difficiles à
régler car la transmission des ordres s’avérait parfois impossible, suite à un
manque de moyens, un important matériel avait dû être abandonné lors du repli
et les routes étaient fortement encombrées. Bray-Dunes, juin 1940, de gauche à droite : le Lieutenant LAVOINE, le Capitaine JABIOL, le Commandant CAILLARD. (Photo extraite du livre de Cl. ARTIGES) « Cette période de repli vers la frontière française est caractérisée par l’extrême difficulté de coordonner l’action des unités, due à des liaisons défectueuses, parfois même impossibles à réaliser, à des changements fréquents de destination, quand ce ne sont pas des contre-ordres. Tous les déplacements se font à pied, sans repos, avec un ravitaillement de fortune, sous la menace de l’aviation ennemie qui signale les colonnes de fantassins et parfois les bombarde, et sous la pression de l’ennemi. A cela il faut ajouter l’encombrement résultant de la rencontre sur les grands axes d’unités diverses auxquelles se mêlent les voitures des réfugiés belges. »[10] Dans son livre « Le Royal des Vaisseaux dans la tempête », le Colonel VEYRIER DU MURAUD, commandant le 43e R.I. en 1940, nous livre une série d’informations qui nous permettent de mieux suivre les évènements. Nous avons résumé très brièvement certains passages qui pourraient éclairer le déroulement de la bataille de Baulers. Deux Bataillons du 43e se trouvaient à Baulers : Le 1er Bataillon
CAILLARD occupait la partie Nord-Est de Baulers et
était composé de : - la 3e Compagnie Capitaine OHEIX, Défilé du 11 novembre 1939 à Orvillers-Sorel (dans l’Oise). Le Lieutenant POMMIER marche en tête de la C.A.1. Le sergent VOG porte le fanion du 43e R.I. (Photo extraite du livre de Cl. ARTIGES) - la Compagnie d’Accompagnement du Capitaine
JABIOL avec trois sections de Mitrailleuses et canons (25 mm), à savoir celle
du Lieutenant POMMIER, celle de l’Adjudant Chef ALLAIES et enfin celle de
l’Adjudant Chef MEMBRE. - la 6e Compagnie, - la 7e Compagnie, - la Compagnie d’Accompagnement du Lieutenant LEROUX. Défilé du tricentenaire du 43e R.I. à Lille en mai 1938. Le Capitaine JABIOL monte à cheval en tête de la C.A.1. (Photo extraite du livre de Cl. ARTIGES) Ces deux Bataillons venaient d’Hévillers-Court St Etienne-Bousval (où se trouvait le PC du Régiment), ils ont été dirigés vers Promelles (où la Division avait installé son PC à la Malplaquée), ensuite de Promelles vers Baulers. Ils étaient talonnés par les Allemands. Le 16 mai, à 08h30, le commandant CAILLARD décide que le 1er Bataillon se replie en direction de Nivelles. En cours de route, il reçoit l’ordre de se diriger vers Promelles sur le plateau de la Malplaquée. Il ne reste que la 1e compagnie. La 3e avait été mise à disposition du 110e R.I.[11] et la 2e avait effectué un repli prématuré durant la nuit, ouvrant une brèche importante dans la défense. Un premier point de regroupement du 43e R.I. s’effectue à Malplaquée. Le Régiment a ordre de développer un front
devant Nivelles, aux lisières de Baulers, face à l’Est et de le tenir coûte que
coûte jusqu’à la nuit. La mission de la 1ère D.I.M. est de ralentir
l’ennemi par des coups d’arrêt. A midi, tous les éléments du PC de la 1ère DIM quitte la Malplaquée. A partir de 13 heures, les 1/43 et 2/43 se
déplacent de Promelles vers Baulers. Le colonel
du 43e part lui aussi sur Baulers pour y effectuer
une reconnaissance du terrain. Le 2/43 s’installe au hameau d’Alzémont et
doit tenter d’entrer en liaison avec le 110e RI qui devait se situer
à hauteur de Thines. Cependant, l’unité encadrante est absente et
ordre est donné au 2/43 de s’étendre jusqu’aux lisières Est de Thines. Le 1/43 prend position sur les hauteurs de la ferme Hanneliquet.
Son unité encadrante était le 1er R.I., il
devait être positionné à l’intersection de la N6 et de la voie ferrée. La
liaison ne pourra être établie car le 1er R.I. est absent. Cela signifie que le flanc gauche du 1/43 et le flanc droit du 2/43 sont
découverts. Le CRME reçoit l’ordre de protéger le flanc droit et de surveiller la
route Nivelles-Genappe et le débouché de la route Houtain-le-Val
vers Jérusalem [entrée de Thines]. Pierre VEYRIER DU MURAUD fait le récit du déplacement du 43e
R.I. de la Malplaquée et de son installation aux
lisières de Baulers : « Le 3/43, grossi de la 9e
Compagnie libérée par le repli du 1/43 de Hévillers
vers Faux, commence ce nouveau décrochage ; mais le large emploi de fusées
fait par l’ennemi permet de situer son avance qui devient particulièrement
menaçante, surtout vers le nord, laissant présager un contact prochain, et ce
n’est en effet qu’après avoir repoussé une patrouille, que la 10e
Compagnie parvient à entamer un repli accompagné presque constamment de tirs
d’obus fusants. Mais ce repli n’est plus limité au Ry
d’Hez, le 3/43 a reçu vers 10 heures l’ordre de se
porter à Houtain-le-Val, à 7 kilomètres environ à
l’ouest de Fosty, où ses derniers éléments, pressés
par des patrouilles de contact ennemies, n’arriveront que vers 16 heures. Le 3/43 qui a couvert jusqu’à Houtain-le-Val le repli du 110e, est maintenant
chargé d’assurer la garde aux issues de cette localité où le Colonel commandant
le 110e a regroupé ses unités. L’ordre de la Division qui avait
prescrit les divers regroupements qui viennent d’être exposés, précisait que
les 1/43 et 2/43 se porteraient de Promelles sur
Baulers à partir de 13 heures lorsque tous les éléments du P.C. de la 1ère
D.I.M. - quittant la Malplaquée à 12 heures pour
gagner le nouveau P.C. de Croiseau -, auraient dégagé la route. Le
Colonel du 43, rassuré sur le regroupement de ses bataillons vers Promelles a rejoint Bousval où il
a donné à 11 heures l’ordre de départ à son P.C. et aux unités qui formaient le
point d’appui (C.R.M.E., 5e Compagnie) ; il ne marque qu’un
court arrêt à Promelles et pousse à 13 heures sur
Baulers pour reconnaître le terrain à occuper par ses bataillons. Ainsi,
lorsque les premiers éléments se présenteront à Baulers, ils seront
immédiatement dirigés vers la position à tenir. Le
terrain se prête d’ailleurs bien à la défense des lisières Est de Baulers
confiée au 43e R.I. Les vues et les champs de tir sont excellents
vers le plateau de la Malplaquée ; des talus
importants, des chemins très encaissés favorisent l’organisation de la défense
et les communications entre les divers éléments ; mais le front à tenir
est vaste pour les effectifs dont dispose le Colonel. Le
2/43 s’établira aux lisières Est du village et recherchera la liaison avec le
110e R.I. aux lisières nord de Thines à sa
droite. Le
1/43 à sa gauche s’établira aux lisières nord-est de Baulers et recherchera la
liaison avec le 1er R.I. vers l’intersection voie ferrée- route
nationale n° 6, au nord de Baulers. L’installation des deux bataillons sur
cette nouvelle position se fait sans encombre. L’après-midi est calme,
l’activité aérienne presque nulle ; c’est le premier instant de détente
depuis le 15 mai. Les hommes peuvent enfin prendre un peu de repos ; des
distributions de vivres trouvées sur place, sont organisées, à défaut de
ravitaillement normal par les sections du train Régimentaire ; celles-ci
ont été la veille dirigées de Noirhat sur Mons par
erreur, à l’insu du Chef de Corps. L’après-midi
est superbe, dans les unités un roulement a été organisé pour qu’après 36
heures sans sommeil on puisse, tour à tour, travailler et dormir ;
d’ailleurs quelques éléments d’un G.R.D. qui avaient reçu mission de rechercher
le contact de l’ennemi, rentrent dans nos lignes et déclarent que devant le
front du régiment, l’ennemi occupe Bousval d’où il
n’avait pas encore débouché à 15 heures.[12] Ce
ralentissement de la pression de l’adversaire permet aux 1/43 et 2/43 de
procéder à une organisation sommaire du terrain à défendre, mais le Colonel du
43e rend compte par l’intermédiaire du lieutenant Rombaud, officier de liaison avec l’I.D./1, de ce qu’il n’y
a aucun élément du 1er R.I. à sa gauche, vers la voie ferrée
indiquée comme devant être tenue par ce régiment, ni aucun élément du 110e
R.I. vers Thines à sa droite. Ordre lui est alors
donné de s’étendre un peu plus à droite et de prendre à son compte la défense
des lisières Est de Thines en attendant que les
unités encadrantes puissent se ressouder au 43e
R.I. En
conséquence, le Colonel du 43e R.I. qui rentre d’une reconnaissance
de tout son front et qui s’est rendu compte que les points d’appui des
bataillons étaient déjà séparés par de larges intervalles, décide de confier à
la C.M.R.E. la mission de défendre et de couvrir le flanc droit du régiment, de
surveiller particulièrement sur ce flanc la grand-route allant de Nivelles à
Genappe par les lisières sud de Thines et le débouché
de la route de Houtain-le-Val vers Jérusalem » Soldats tirailleurs algériens du 22e RTA. (Photo ECPAD) Juste
après avoir réaménagé les défenses, le 22e Tirailleurs Algériens se
dirige vers le 2/43, des automitrailleuses allemandes suivies par de
l’infanterie portée le talonnent. « Ces
modifications apportées à la défense se terminent lorsque les observatoires
signalent des mouvements de véhicules suspects (nuages de poussière, bruits de
moteurs sur le plateau s’étendant vers Malplaquée).
Plus à droite, les mêmes indices semblent déceler l’avance d’engins blindés
ennemis. Peu après on perçoit devant le front du 2/43 des bruits de fusillade
et l’on distingue bientôt plusieurs petites colonnes de tirailleurs qui se
replient serrées de près par l’ennemi. Par miracle, elles ont pu être
identifiées avant d’être l’objet d’une méprise de la part des troupes amies. Il
s’agit d’éléments appartenant au 22e tirailleurs
algériens sous les ordres du chef de Bataillon A[dam]. Cet officier se
présente au P.C. du 43e et demande assistance pour plusieurs
tirailleurs blessés, puis il s’efforce de regrouper ses hommes qui, peu à peu
gagnent nos lignes sous le feu de l’ennemi. Cette petite troupe appartenant à
la division qui était immédiatement à gauche (2e D.I.N.A.) n’a pas
été touchée par l’ordre de repli de la veille ; elle n’a réussi qu’à
grand-peine à échapper aux mains de l’ennemi et semble à bout de souffle.
Puisqu’aux dires de son chef, elle est, pour l’instant, incapable d’apporter un
appoint à la défense de Baulers, le Colonel estime que son contact ne peut être
que déprimant pour son régiment et qu’elle doit s’éloigner au plus tôt vers
Nivelles. Du
fait du repli des tirailleurs algériens sur nos propres lignes une certaine
confusion a régné d’abord au 2/43. Fort heureusement le P.C. du 43e
occupe au centre de Baulers un nœud de communications qui facilite grandement
la surveillance de l’ensemble du front du régiment et le Colonel décèle de
suite un fléchissement qu’il stoppe instantanément ; il ramène lui-même
les quelques éléments défaillants, voulant par sa présence en première ligne
aider chacun à reprendre conscience de la situation qui, pour l’instant du
moins, n’a rien de tellement critique. A
quelques mètres de lui il voit un homme qui tire précipitamment puis se recule
en rampant. - Sur
quoi tires-tu ? On ne voit même pas un Allemand ! -
Oh ! si mon Colonel, j’en ai vu au moins quatre
se glisser là-bas derrière la haie ! -
Ainsi quatre Allemands suffisent à te faire filer alors que vous êtes là un
bataillon prêt à les recevoir. Viens près de moi, regarde !... et
maintenant rejoins ton poste, surveille bien, et ne tire que sur les objectifs
que tu vois distinctement. L’homme à la fois confus et rassuré a repris son
emplacement de combat dont il ne se laissera plus aussi facilement déloger. D’ailleurs
au fur et à mesure que le contact se resserre, les hommes qui constatent que
l’avance ennemie est enrayée par leur feu se ressaisissent. Mais
si la présence du Chef de Corps a pu aider ces combattants à reprendre leur
sang-froid, son départ peut risquer d’avoir un effet contraire et il ne doit
pas cependant, sans inconvénient grave, rester plus longtemps absent de son
P.C. Il décide alors de le regagner par une série d’allées et venues,
s’amplifiant progressivement vers l’arrière, du pas lent d’un promeneur,
jusqu’à ce que, dissimulé aux vues de l’avant, il puisse prestement
l’atteindre. Il est désormais assuré que l’attaque se heurtera sur la droite
d’où il vient à une solide défense.»[13] Vers
18 heures, six automitrailleuses arrivent de Malplaquée
par le Nord, le 1/43 n’ayant pu établir la jonction avec le 1e R.I.,
le flanc gauche du Régiment reste découvert et présente un point faible.
L’ennemi va en profiter et tenter d’effectuer vers 19h30 un large mouvement
d’encerclement en contournant la ferme Hanneliquet
par le Nord. Jabiol, le Commandant de la CA du 1/43 tient bon, son
canon de 25 mm et les mitrailleuses auront raison de deux automitrailleuses
allemandes. Celles-ci avaient déjà cherché le contact vers 20h00 avec le 2/43,
probablement pour faire diversion.[14] Le
même mouvement d’encerclement est effectué à Alzémont
par le Sud-est de Baulers. Le CMRE est pris à revers et plusieurs sections sont
anéanties. A Hanneliquet, jusqu’aux dernières lueurs du jour, les
Allemands augmentent le tir et envoient des balles traçantes. Mais la Compagnie
Oheix [3/43 R.I] garde vaillamment la position. Les
automitrailleuses allemandes sont arrêtées. Il va faire nuit. A 21h30, les Bataillons reçoivent
l’ordre de décrocher et de se replier vers l’Ouest, au milieu de la nuit, en
direction du Canal de Charleroi (Petit-Roeulx, Mons, Valenciennes, …), et
d’éviter Nivelles en la contournant par l’Est. Entre temps, Nivelles est
bombardée par l’artillerie allemande. « Il est 21h30, lorsque
parvient au Colonel, l’ordre de décrocher immédiatement en évitant Nivelles, à
contourner par l’est. Il s’agit d’un repli de grande amplitude qui doit porter
le régiment par Croiseau-Braine-le-Comte-Soignies
jusqu’à Roeulx. Tous les éléments du 43e R.I. (dernière unité à
replier) devront avoir franchi le canal de Charleroi pour 3 heures du matin, au
pont de Ronquières ; le Colonel préviendra
l’officier du génie de faire sauter ce pont après franchissement du canal par
les dernières fractions du 43e. Il importe que cet ordre de
repli parvienne d’urgence aux deux bataillons en ligne, mais qui pourrait dire
si, à la faveur des ténèbres, une infiltration ennemie ne s’est pas produite,
encerclant le 1er Bataillon du 43e ? Side-car de la 2e Cie avec insigne peint. 1er rang de gauche à droite : Sgt Daniel CARELS, Robert CAEN (assis dans la voiturette), STAHO qui serait l’agent motocycliste de liaison évoqué par le Colonel V. DU MURAUD (sur la moto) (Photo J. CARDON) L’agent motocycliste qui doit
porter le pli est si persuadé de ce danger qu’il ne peut, avant de partir, se
défendre d’une seconde de défaillance : « Mais mon Colonel, je vais
tomber dans leurs pattes ! » Son chef estime infiniment ce grand, robuste et si sympathique
garçon, vedette aimée du football Lillois, il a déjà maintes fois fait preuve
au cours de missions périlleuses d’un courage ardent et d’un grand sang-froid.
Le Colonel lui remet lui-même le papier en main, et lui frappant l’épaule lui
dit : « Ne crains rien je te connais, tu passeras… va !
J’attends là ton retour. » Sans un mot, serrant les dents l’homme, dans le
vrombissement de sa lourde machine, s’enfonce dans la nuit… Quelques instants
plus tard on a la joie de le voir réapparaître, rayonnant détendu :
« Mon Colonel, ordre transmis ! » Le Chef de Corps décide alors de se porter à la sortie
ouest de Nivelles pour contrôler le passage de ses divers éléments après
décrochage. En ce lieu, l’attente est
angoissante, les obus tombant sur les décombres de Nivelles qui brûle font
monter vers le ciel des gerbes d’étincelles. Dans l'ignorance où l'on se
trouve de la situation générale, ne peut-on craindre de voir surgir au bout de
cette rue, au lieu d'éléments amis, les « blindés » de l'adversaire ? Envisageant
cette éventualité, le Commandant Chauvin, chef d'état-major, fait fort
judicieusement dégager complètement tous les éléments du PC qui s'installe dans
le jardin en terrasse d'une villa d'où l'on surveillera la route, à l'abri de
toute incursion d'engins motorisés ennemis. Cependant vers 22h30 se
présentent des unités du 2e bataillon, puis des sections de la CRME
transportant sur leurs chenillettes plusieurs blessés ; vient ensuite, une
section du 1er bataillon ? Des comptes rendus fournis au passage au Colonel, il
résulte que le décrochage a pu s’effectuer sans trop de pertes, l’ennemi ayant
réagi par le feu et non par le mouvement. Toutefois, par suite d'une
erreur d'itinéraire d'une part, (un nom sur le papier froissé était devenu
indéchiffrable) et, d'autre part, d'un défaut de transmission de l'ordre du
commandant du 1/43 à ses unités de première ligne, le repli de ce bataillon va
s'effectuer dans des conditions extrêmement difficiles. Les compagnies Lavoine (2e compagnie) et Oheix
(3e compagnie), non touchées par l'ordre de repli, ne décrocheront
qu'à 23h30, perdant contact avec leur chef de bataillon dont elles demeureront
séparées jusqu'au 19 mai. Quant aux autres unités du 1er Bataillon,
après une marche des plus pénibles sous bois, elles devront traverser le canal
de Charleroi sur une écluse entre Ronquières et Arquennes ayant trouvé les ponts sautés. Le 3/43 est demeuré durant
toute la journée du 16 mai aux ordres du Colonel Commandant le 110e
R.I. Ce bataillon regroupé vers 16 heures à Houtain-le-Val
dont il avait la mission, comme on l’a vu précédemment, de garder les issues, a
réparti sa compagnie d’Accompagnement aux lisières N.-E. et
S.-E. de la localité. Le 110e R.I. et le
3/43 étalés dans le village espèrent avoir rompu le contact avec l’ennemi par
ce repli rapide d’une dizaine de kilomètres et comptent pouvoir souffler un
peu. On procède à quelques ablutions et l’on recherche sur place de quoi
s’alimenter ; mais, hélas le répit sera de courte durée. Février 1940. Le caporal THEVENIN et son fils Jean-Claude âgé de 6 mois. Place de Tricot (Oise) Vers 18 heures l’ennemi se
manifeste de nouveau par des avions qui, au nombre d’une cinquantaine attaquent
Houtain-le-Val à la bombe et à la mitrailleuse. Le
Colonel Commandant le 110e prescrit de reprendre la marche en
direction de Nivelles dès que l’alerte est terminée, le 110e en
tête, le 3/43 formant arrière-garde, sa compagnie d’accompagnement en queue de
colonne. Il est environ 20 heures
lorsque le Commandant du 3/43 donne l’ordre de départ. Se dirigeant à la
boussole, comme on le lui a prescrit, vers La Louvière, située derrière le canal
de Charleroi.»[15] LES
COMBATS A ALZEMONT Le 16 mai 1940, les unités
encadrantes n’ayant pas eu le temps de se ressouder
au 43e RI et les points d’appui des bataillons étant séparés par de
larges intervalles, le Colonel du 43e RI avait donné l’ordre au CRME
de défendre et de couvrir le flanc droit du Régiment. Des mouvements de véhicules avaient été
signalés du côté du plateau de la Malplaquée (nuages
de poussière, bruits de moteurs), ainsi que plus à droite. Etait-ce des engins
blindés ennemis ? Rue d’Alzémont, à l’époque le chemin était fort encaissé. Le 2/43 se trouvait à Alzémont face au plateau de la Malplaquée, et le CRME plus à droite vers l’entrée de Thines. Devant le front du 2/43, des bruits de
fusillade sont perçus. Des éléments du 22ème Tirailleurs Algériens
tentent de rejoindre les lignes françaises, ils sont talonnés par l’ennemi. Vers 20h00, deux automitrailleuses cherchent le contact, puis dégagent. Les soldats français s’attendent à une attaque frontale. S’agissait-il d’une diversion ? Ce qui est sûr, c’est que les Allemands ont entamé discrètement une manœuvre d’encerclement pour prendre à revers le flanc droit du Régiment. Roger THEVENIN chef de pièce au CMRE se souvient : « On les attendait devant et c’est derrière
que crépitaient les fusils-mitrailleurs allemands ; les balles ricochant
dans le bouclier du canon risquaient de nous toucher à chaque instant[16].
Ce fut la lunette de tir la première victime celle qui coûtait si chère et
qu’il fallait sauver à tout prix ! Hélas trop tard ! Vraiment pris au
piège impossible de relever la tête. Je ne pense pas que leur intention était
de nous tuer. Fort de leur supériorité, car une grenade tout de suite aurait
suffit. C’est ce qu’ils firent comprendre à un de leurs prisonniers français
qu’ils nous envoyèrent pour nous rendre ! L’avenir nous dira que nous ne
serions pas les seuls dans ce cas. Tué ou blessé j’y avais songé ! Mais
prisonnier, non ! Nous sommes donc sortis les mains en l’air Joos et moi…
on s’imagine alors la réception ! L’aide conducteur Léon Gékière était grièvement blessé au pied alors qu’il s’était
abrité sous la remorque de la chenillette avec le conducteur Julien Barois.
Pendant un moment nous l’avons transporté sur une civière en suivant la
progression du groupe allemand. Tricot (Oise). Printemps 1940. Soldats du CMRE. De gauche à droite : caporal THEVENIN Roger tireur au 25, 2ème à gauche caporal-chef LIGOT blessé en Belgique, à droite caporal COPPENS. (Photo Roger THEVENIN) Après avoir été désarmés, nous
avons été alignés contre un petit mur, mains sur la tête. Nous n’étions plus
que trois : Joos, Barrois et moi devant un petit peloton au garde à vous
dont l’attitude n’était guère rassurante. Je crois que dans ce cas on est trop
effrayé pour avoir peur, et j’ai envisagé, risquant le tout, à sauter le mur.
Mais l’arrivée d’un officier fit mettre au repos ! Ouf ! Et tout
changea le comportement des Allemands, ils nous donnèrent des rations de ce
beau pain bis alors que nous finissions d’en manger du bien blanc ! Hélas
pour un bon moment. C’étaient de beaux jeunes gars de plus de 1m80 ! Mais
à l’époque notre moyenne ne dépassait pas 1m70. Très corrects ceux-là du moins
sortaient de bonnes familles. Ils nous demandèrent des renseignements sur notre
situation et des photos de femmes et d’enfants. Parlant un peu le français ils
nous firent comprendre qu’ils ne nous en voulaient pas mais cherchaient surtout
les Anglais ! Où Tommy ? Que répondre ! Une sentinelle nous
conduisit dans une ferme pour la nuit où déjà se trouvaient une bonne vingtaine
de gars de notre compagnie ainsi que notre capitaine Roubaud.»[17] Lt. MAERTEN (mortiers de 81). (Photo 43e R.I.) Selon le témoignage de HUTIN,
le combat fut âpre et fort rapproché puisqu’un de ses camarades fut blessé par
l’explosion d’une grenade. « Pour le Capitaine
Roubaud, je me rappelle qu’au dernier point d’appui que nous avons tenu en
Belgique, en présence du Lieutenant Valat, à
l’instant où les Allemands nous tombaient dessus à coups de grenades, un homme
m’a dit que le Capitaine partait au-devant d’eux avec un fusil-mitrailleur.
C’était au moment où je me repliais avec mon 25. A cet endroit ont été blessés
le caporal Godfroy et le soldat Hottechart.
De ce point d’appui, Willot est parti avec un
side-car trouvé et pas fameux, accompagné de Marchiennes, tombé blessé près de
moi par une grenade. Je crois me rappeler que le Lieutenant Maerten
accompagnait le Capitaine Roubaud. » Suite à l’attaque allemande,
le CMRE a subi de lourdes pertes. Ceux qui n’ont pas été faits prisonniers, ont
décroché. Cependant, les 2/43 et 3/43 n’ont pas été touchés par l’ordre de
repli et que ce n’est qu’à 23h30 qu’ils décrocheront à leur tour. Le 2/43 laisse une
arrière-garde afin de couvrir ce mouvement. Le soldat Achille Georges
Pierre COSTA de la 7e Compagnie 1ère section
raconte : « Le 14 et le 15 furent des journées infernales,
le bombardement atteignit les sommets. Le 15 notre premier tué GONDA, un père
de famille de 4 enfants dont l’ordre de libération était au bureau de la
Compagnie. Lors d’une accalmie nous avons essayé de retrouver son corps. Ce qui
fut fait… […]
Nous étions cloués au sol. A partir du 14 une saucisse énorme s’installa dans
notre ciel. Tous nos mouvements étaient observés. Il y eut quelques sorties,
l’une d’elles pour débusquer des « paras », sans succès. Le
soir du 15 vers 10-11 heures, un side-car arrive dans nos lignes. C’est le
Commandant Monnier. Nous apprenons que le repli sur ordre supérieur aurait été
ordonné. Et que sans doute nous étions oubliés… et nous partons à notre tour. Ce
sera déjà la débâcle. Nous serons placés en ligne défensive en un endroit
entièrement découvert - un général passait. Nous
allons en direction de Nivelles et recevons un peu de nourriture grâce à une
épicière qui abandonne son commerce. Après une journée de marche harassante (le
16) nous arrivons à Baulers où l’on nous place selon la coutume en pleine
nature… A
peine arrivés, il faut se préparer à recevoir l’assaut et cela ne va pas durer
bien longtemps. Vers 15 heures, nous entendons siffler les premières balles.
Nous ripostons. L’ennemi est là tout près. Jusqu’à
la nuit nous tiendrons. Depuis le début des combats nous sommes sur la
défensive et allons de repli en repli. Va-t-on continuer de la sorte ?
Notre Lieutenant GAUCHET s’en informe auprès du Commandant MONNIER, lequel sans
doute, navigue à vue, ne sachant trop ce qu’il doit faire. J’entends
encore la voix de GAUCHET lui disant : « Mais alors qu’est-ce qu’on
fait ?» et l’autre exaspéré lui répondant « Vous avez la frousse.
Allez en avant de votre section pour tenir l’ennemi en respect ». Et
GAUCHET le fera. Et il balancera quelques tirs de mortier. Mais ce sacrifice
qu’on lui imposera ne servira à rien. Du PC du régiment, vers 8H-8H30, l’ordre
viendra d’un nouveau repli avec constitution d’une arrière garde. Et c’est là
qu’intervient le sergent BOSCHETTE. Je ne fais pas partie de son groupe. Chargé
de désigner des hommes pour l’arrière garde il me choisit pour entrer dans une
unité d’une dizaine d’hommes sous le commandement du Capitaine BALLEUX. Nous
nous dirigeons vers un petit bois et nous installons dans le creux d’un fossé. Nous
ne connaissons pas les ordres reçus par le Capitaine, mais il n’est pas
difficile de les deviner… Après
un certain temps, une ½ heure, une heure, nous tirons dans une direction
imprécise : c’est la nuit et nous ne savons pas exactement où se trouve
l’ennemi, mais c’est là, tout près. Après cette fusillade, une salve d’obus de
mortier arrive très près de nous puis tout rentre dans le silence. Soudain
sortant du fourré un homme crie « BALLEUX ». C’est le
Capitaine ?... Les obus de mortier qui nous étaient destinés ont atteint
son petit groupe et deux hommes sont blessés très grièvement. Sur
ce, arrive une estafette, c’est l’agent de liaison du Régiment Gilbert
DUHAUBOIS. Il vient de découvrir ce fameux canon de 25 et lui signifier un repli
qui a eu lieu voici deux heures !! Il faut partir. Au village un vieux
cheval est là, tout seul. On l’attelle à un chariot, les deux blessés sont
posés sur des matelas de fortune et nous partons vers notre destin. A la
sortie du village, deux routes. Le repli n’a pas été fléché. Nous allons vers
la droite dans l’ordre suivant : les deux capitaines, notre groupe auquel
s’est joint DUHAUBOIS, les servants du canon de 25 et le conducteur de chariot
avec les deux blessés. Et nous allons dans un silence pesant direction BRAINE
que nous découvrons après deux ou trois kilomètres. Un
pont de chemin de chemin de fer, examen de la carte d’Etat-major : nous
sommes en direction des lignes allemandes. Il faut faire ½ tour. Nous
repassons à BAULERS où au bord d’un champ j’aperçois, raide comme un piquet un
Allemand qui observe sans faire un mouvement. J’en dis un mot au Capitaine
BALLEUX qui en vieux briscard me glisse à l’oreille « Ta gueule ». C’était
en effet la seule chose à faire si nous voulons essayer de retrouver notre
unité, celle-là ou une autre… Nous
traversons Nivelles, la ville brûle. Le canon de 25 s’essouffle… […] Le chariot
suit, le cheval semble avoir compris notre détresse… Les deux blessés appellent
leur mère. Ce cri « Maman, Maman ! » je l’ai encore en moi en ce
moment où je vous écris […] Autour
de nous pas de mouvement de troupe. Deux motards belges passent et se sauvent à
toute allure. Au
petit jour, une ferme, près d’un petit village. Le Capitaine BALLEUX décide une
halte pour récupérer un peu. Nous descendons les deux blessés. Le spectacle est
atroce, les chaussures sont trouées par où passe la chair, tout est maculé de
sang. L’un
d’eux exsangue trouve encore la force de nous dire : « Il faudra nous
venger ! » L’autre se meurt. […] BALLEUX fait la revue de
l‘effectif ; MABRIEZ a disparu. Un vieux vélo traîne. Il me demande de le
prendre et de voir s’il n’est pas dans le secteur. Je reprends la route. Un
silence inquiétant, lourd, m’accompagne. Devant
sa porte une dame âgée me regarde. Elle me fait signe : « Les
Allemands sont dans les parages ». Je retourne, arrive à la ferme où le
Capitaine m’attend, lui fait part de ce que la dame vient de me dire. Il
m’indique un endroit où je vais pouvoir me reposer. A peine ai-je déroulé une
bande molletière que retentit le cri « Aux armes ». Le fusil à la
main j’approche. BALLEUX me regarde : « Il faut se rendre ». Sur
la route, en bon ordre, les Allemands sont là, environ une compagnie. Que faire
avec un révolver, un fusil et quelques hommes déjà endormis ? […]. »[18] MABRIEZ qui appartenait à la 1ère
section avait été blessé pendant la retraite, COSTA l’a vu à l’hôpital de
Tongres, où il ne semblait pas trop sévèrement atteint. Témoignage de Roger
THEVENIN : « Le lendemain matin, par
petits groupes, nous avons dû suivre l’avance allemande. De nouvelles unités
avaient déjà remplacé ceux de la veille. Pas de cars ! Mais que de troupes
et de matériels engagés ! C’est là enfin que nous avons eu une surprise
inespérée : tirs de barrage intensifs de l’artillerie française obligeant
le repli de quelques centaines de mètres des Allemands qui nous firent mettre à
l’abri. J’ai le souvenir de groupes
d’Allemands ayant atteints en plaine un petit hangar qui fut littéralement
soufflé par un obus. A en juger le déploiement des secours, il devait y avoir
beaucoup de tués et blessés. Cette fois, nous étions sous
le feu des nôtres et la sensation était toute différente. Quelques jours plus tard,
après avoir séjourné dans une caserne avec des Hollandais et des Belges, nous
traversions la Belgique et la Hollande vers les camps de prisonniers. » VANDAELE
Maurice Maurice VANDAELE est né le 15 novembre 1916 à Steenbecque (département du Nord de la France). Il avait épousé LECHENE Marie-Henriette et était domicilié au 78, rue du Violon d’Or à Hazebrouck. Il faisait partie de la Compagnie Régimentaire de Mitrailleuses et d’Engins du 43e R.I.[19] et portait le numéro de matricule 626, recrutement de Dunkerque. Le 16 mai 1940, Maurice VANDAELE est tué par les Allemands. Les circonstances de sa mort ne sont pas claires.[20] Le Lieutenant LEBLON témoigne de la mort d’un soldat français, tireur au canon : « Ces hommes qui voyaient le feu pour la première fois, donc non aguerris, ont tenu le coup, la rage au cœur de ne pas voir intervenir les avions de chasse amie (du 10 au 24 MAI, j’ai vu un seul avion allié… un Belge qui filait en rase motte). Et puis ils savaient s’enterrer, ces gars, et pendant les deux journées d’enfer, je n’ai perdu que trois malchanceux. Tous étaient magnifiques de courage, tous seraient à citer. Ils sont rentrés en France à pied, le ventre vide et matériel à dos, avec presque chaque jour un combat d’arrière-garde retardateur de l’ennemi, suivi d’un décrochage à la nuit, comme à BAULERS, où une automitrailleuse allemande stoppée par deux coups de canon de 25, a sorti un drapeau tricolore suivi de cris : « Ne tirez pas nous sommes français » et quand nous nous sommes dressés pour leur crier d’avancer, nous ont arrosés de balles traçantes, tuant le tireur du 25. »[21] Nous savons que RICHE Roger est décédé la veille au château Bouillon. CAUDMONT Lucien a été tué à Hanneliquet. Sur les trois soldats français enterrés au cimetière de Baulers, il ne resterait que VANDAELE Maurice. Etait-ce bien lui ce tireur au canon ? Pas sûr : Selon Claude ARTIGES, le Lieutenant LEBLON se trouvait bien à la ferme Hanneliquet lors de la destruction du canon de 25 par les
Allemands : « Des
voltigeurs, commandés par le Lieutenant Leblon, vont
se poster dans une autre aile du bâtiment. Ainsi toutes les issues sont
gardées ». – Dans son récit, le
Lieutenant LEBLON écrit « nous nous sommes dressés », il était
donc présent au moment de ce drame. Par conséquent, le tireur au
canon en question serait bien décédé à Hanneliquet. – A aucun moment, Claude
ARTIGES ne parle de la mort d’un tireur au canon de 25 mm à Hanneliquet,
or, le seul canon présent était situé à quelques dizaines de mètres de
l’enceinte de la ferme. Plusieurs éléments nous
permettent de conclure que Maurice VANDAELE n’était pas à la ferme Hanneliquet : – Il appartenait à la
Compagnie d’Accompagnement du Lieutenant LEROUX située à l’Est de Baulers, à Alzémont. – Comme l’atteste l’acte de
décès, Maurice VANDAELE est mort dans une prairie d’Alzémont.
Les Allemands l’ont enterré le 19 mai 1940, quelques jours après son décès. – Et enfin, le témoignage du
Caporal-chef Roger THEVENIN du CRME, semble contredire l’hypothèse de la mort
de VANDAELE derrière un canon de 25 : « Je crois pouvoir situer l’emplacement
de mon canon de 25 mm le 13 au soir et du 14 Mai à Mont St Guibert entre la 3e
Cie (La Fosse et l’Espinette) et sur la gauche des 84
mm du Lt MAERTEN. Plan N° 1 Noté en bleu. Le caporal
chef de pièce Marcel Ligot fut blessé dans les reins alors que nous terminions une
tranchée reliant notre canon au chemin de terre. C’est le Capitaine ROUBAUD qui
malgré les bombardements (artillerie et Stukas) est venu me demander d’assurer
le rôle de chef de pièce et de tireur. Dans mon secteur de
surveillance, je n’ai jamais pu observer le moindre mouvement de troupes ni de
véhicules après le repli de 3 chars belges sortant de la corne d’un petit bois.
A mon retour, bien qu’intact,
le 25 était en partie enterré et une partie des munitions éventrées. Repli
accompli non sans mal, le filet de camouflage s’étant enroulé autour du moyeu
de la roue gauche du canon. Regroupement au P.C.R. sous les
ordres du Cpt ROUBEAU et marche de nuit en direction de Nivelles. Nous avons
pris position une partie de la matinée sur le bord d’une route mais nous
n’avons effectué un nouveau repli sans avoir vu apparaître les engins ennemis. J’ignore encore l’emplacement
et le lieu que me désigna le Lieutenant DESPINOY pour le « 25 ». Je
devais couvrir la droite de ma Cie ? Je vais essayer d’éclaircir cette
lacune. Toujours est-il que ce n’était pas une trouvaille : aucune
visibilité, à quelques centaines de mètres de terrains boisés : derrière
nous une ferme et une route. Après avoir terminé notre emplacement pour la 4ème
fois je crois et grâce à un louchet récupéré dans une ferme, un grand silence
nous surprit : je ne vis pas revenir VANDAELE envoyé en éclaireur mais des
fusées blanches se succédaient sur notre droite : aucun bruit, rien devant
nous, notre encerclement commençait. J’ai appris par la suite que l’estafette
motocycliste chargée de nous prévenir avait été blessée par les Allemands et
contrainte de faire demi-tour. » Selon le témoignage de la
famille HAUTHIER et d’anciens Baulersois, deux
soldats français auraient été enterrés dans la prairie de la ferme Hanneliquet. Le premier était Lucien CAUDMONT, mais alors,
si le second n’était pas Maurice VANDAELE, qui était ce tireur de canon de
25 ? Mireille VERHELST, bénévole à
la S.A.N., a effectué des recherches sur Maurice VANDAELE dans les registres
d'Etat civil de Baulers de 1931 à 1950, il existe bel et bien une trace de
l’exhumation du corps de ce soldat, ainsi que de son inhumation au cimetière de
Baulers. Actes de décès de Maurice VANDAELE « Acte de Décès n° 19.
L’an mil neuf cent quarante, le dix du mois d’octobre à deux heures de
l’après-midi, par devant Nous, Amaury de Ramaix
Officier de l’Etat Civil de la commune de Baulers Arrondissement de Nivelles,
province de Brabant, ont comparu Ladrière, Joseph âgé
de soixante deux ans, journalier domicilié à Baulers, non parent du défunt et Gouttenègre, Léon âgé de trente sept ans domicilié à
Baulers, non parent du défunt lesquels nous ont déclaré que ce même jour à une
heure de l’après-midi ils ont exhumé le cadavre de Vandaele,
Maurice-Alfred-Marcel, né le quinze novembre mil neuf cent seize à Steenbecque, canton d’Hazebrouck-Nord, département du Nord,
fils de Vandaele, Alfred René, et de Everaere, Lucie-Eugénie, époux de Lechêne,
Marie-Henriette, domicilié à Hazebrouck, 78, rue du Violon d’Or, recrutement de
Dunkerque, numéro matricule six cent vingt six. Enterré le dix-neuf mai mil
neuf cent quarante par les soins de l’armée allemande dans une prairie du
hameau d’Alzémont, tué au cours du combat qui a eu
lieu la nuit du seize au dix-sept mai, soldat à l’armée française. Duquel acte
il leur a été donné lecture. Jos. Ladrière et A. de Ramaix » Actes de décès n° 12 « Acte de Décès N° 12.
L’an mil neuf cent quarante et un, le cinq du mois de novembre par devant Nous,
Amaury de Ramaix, Bourgmestre Officier de l’Etat
Civil de la commune de Baulers, Arrondissement de Nivelles, province de
Brabant, avons inscrit sur le registre de l’état-civil l’acte de décès dont
l’expédition que nous avons reçue du Procureur du Roi à Nivelles et que nous
avons paraphée et annexée au présent acte est conçue comme suit : Le tribunal de première
instance de Nivelles, première chambre, affaires civiles a prononcé le huit
octobre mil neuf cent quarante et un le jugement suivant : le tribunal
constate que VANDAELE, Maurice-Alfred-Marcel, époux de Lechêne,
Marie-Henriette, soldat à l’armée française, né à Steenbecque
(Nord) le quinze novembre mil neuf cent seize, domicilié à Hazebrouck, 78, rue
du Violon d’Or, fils de Alfred-René, et de, Everaere,
Lucie-Eugénie, conjoints, est mort pour la France à Baulers dans la nuit du
seize au dix-sept mai mil neuf cent quarante. Ordonnons que le présent jugement
tiendra lieu d’acte de décès, où il sera transcrit au registre courant aux
actes de décès de la commune de Baulers et que mention en sera faite en marge
de la place que l’acte aurait dû occuper aux registres de la même commune pour
l’année mil neuf cent quarante. Dont acte fait à Baulers et
que nous avons signé le Bourgmestre A. de Ramaix » Aujourd’hui, Maurice VANDAELE repose au cimetière de Hazebrouck. Monsieur BODDAERT, gardien du cimetière St Eloi à Hazebrouck nous a envoyé des photos de la sépulture de Maurice VANDAELE, ainsi que du monument aux Morts à Hazebrouck. CAUDMONT
Lucien Lucien CAUDMONT, à l’âge de 18 ans, taquinant le poisson. Cette photo date de 1938. Quelques photos de Lucien datées de 1938 Au dos de la photo de Lucien, sa sœur Jacqueline âgée alors de 13 ou 14 ans avait écrit ce texte : « Petit frère chéri Lucien. Cette photo me rappelle mon grand frère comme je l’ai connu. Son regard doux semble me dire ne m’oublie pas Son regard triste semble comprendre que la vie est de courte durée. Je t’aime petit frère chéri je pense à toi » Lucien Caudmont est né le 9 janvier 1920 à Istres (13) - Bouches-du-Rhône. Il résidait à Cambrai au 245 rue Saint Ladre. Il était le fils de Léon Félix et de Girard Lucienne. Le 5 octobre 1938, Lucien est engagé volontaire à l’intendance de Cambrai pour une durée de trois ans. Lucien est au 2ème rang, deuxième à droite Lettre envoyée de Lille le 10 octobre 1938. Lucien y
raconte son quotidien. « 43e
R.I. – Caserne Négrier Chers
parents, Cher frère, Chères sœurs, J’ai
reçu avec un grand plaisir votre première lettre. Elle m’est arrivée Dimanche
matin et j’ai dû signer un cahier pour entrer en sa possession. Tous les
hommes de la chambrée prennent chaque jour un grand intérêt à la distribution
du courrier et c’est vraiment amusant de les voir tous décacheter leur
enveloppe avec des mains impatientes. La réception de mon paquetage n’est pas
encore terminée, et, faute de tenue, je n’ai pas pu sortir hier. Nous avons
passé presque toute la journée dans la chambre à deux engagés, malgré tout,
nous ne nous sommes pas ennuyés, j’ai arrangé mon petit coin, fait quelques
modifications utiles… Ma première corvée date de Samedi : corvée de
chambre c’est-à-dire balayage et lavage de l’allée centrale de la chambre,
opération qui se fait au matin et après la soupe ; comme il y avait revue
de casernement, j’ai dû faire trois fois la chambre et repasser à la craie les
lignes qui établissent une démarcation entre les rangées de lits et l’allée
centrale. Je suis heureux de savoir tout
le monde presque consolé de mon départ : un jour ou l’autre, il faut être
soldat… D’ailleurs Lille n’est pas si loin de Cambrai et nous pouvons toujours
nous écrire ! Je pense que Léon doit s’étonner de mon absence et je serai
très heureux de connaître ce qu’il dit. Le Capitaine m’a d’abord
interrogé sur la durée de mon engagement ; il m’a demandé pourquoi j’avais
choisi le 43ème RI (cette question est, d’après ce que l’on m’a dit,
posée à chaque engagé). Puis il m’a questionné sur mon degré d’instruction, sur
ma préparation militaire : avez-vous le B.A.P. ? B.P.E.S.M. ?
Quels sont vos brevets de spécialité ? Il m’a également demandé mes
occupations dans le civil et mon but dans l’armée. Il m’a souhaité de
réussir : « Il ne tient qu’à vous de gagner des galons… Vous désirez
peut-être préparer Saint-Maixent ? » Je vous remercie de votre
attention à mon égard. J’ai besoin de peu de choses : une paire de clous
pour fixer un porte-serviette, un peigne métallique car le mien n’est plus de
ce monde. Mais il est totalement inutile de m’envoyer cela par la poste… Je
profiterai d’une permission pour compléter mon « barda ». Je m’arrête quelques secondes
pour chasser Griffart[23]
qui joue du tambour derrière mon dos (il n’arrête pas de me taquiner !).
D’ailleurs la soupe vient de sonner, il s’agit de se dépêcher pour avoir une
place au réfectoire… Griffart a déjà dégringolé
l’escalier avec son quart ! Je reprends ma lettre, le
souper a été trop abondant : pâté, sardines, saucisson, pommes de terre
soufflées, bœuf en sauce, fromage… il y a eu du « rab »en quantité et
nous sommes remontés avec des tartines, du fromage, des sardines ! Et il y
en a qui se plaignent !... En voilà juste un qui arrive des cuisines, son
treillis est plein à craquer et il porte un bidon plein de bière, en passant à
ma hauteur, il entrouve sa veste de treillis :
il y a là une boîte pleine de tranches de pâté : 1 kg de pâté au
moins ! Et 1 kg de pain ! La caserne (bâtiment marqué
d’une croix) » Lettre
du 24 octobre 1938, envoyée de Lille. Lucien parle de sa première sortie en
armes. « Lille 24 octobre 1938 Chers Parents, cher frère,
chères sœurs, J’ai reçu avec beaucoup de
plaisir votre dernière lettre… Je vois que tout le monde attend avec impatience
l’arrivée du soldat ! Moi-même j’aimerai beaucoup retourner un dimanche à
Cambrai. Cela me permettrait de vous embrasser autrement que « par
correspondance »… et de faire un bon dîner ! Vous serez peut-être un peu
déçu en me voyant pour la première fois car la seule tenue autorisée pour retourner
en permission à l’extérieur est la tenue bleue. La tenue kaki est mise pour
sortir dans Lille ou pour aller à Paris. Ma première sortie en armes
date de Samedi matin. Nous avons été faire l’exercice sur la « Promenade
du Préfet », sorte de terrain parsemé de gros arbres. Un jeune
sous-lieutenant nous accompagnait et nous pouvons dire, que dès le début, il
nous a pris en sympathie. Il nous a posé beaucoup de questions sur les termes
topographiques et nous étions, Griffart et moi, en
terrain connu ! Puis nous avons fait des exercices de pointage et, là
encore, nous avons fait les frais de l’interrogation ; le sous-lieutenant
m’a supposé caporal et m’a demandé d’expliquer à un nouveau la façon de prendre
la ligne de mire. Je m’en suis tiré très bien, sans hésitation aucune. J’espère
que vous excuserez la vanité de ces dernières lignes… Mais que voulez-vous,
tout marche bien et c’est pour moi un plaisir véritable de me confier à vous…
Je vous sens tous attentifs à chacun de mes actes, au développement de ma
nouvelle vie… Je vois Maman qui, matin et
soir, fait la navette entre la cuisine et la boîte aux lettres, et j’espère de
toutes mes forces satisfaire votre attente, plus même, devenir pour vous un
objet de fierté… La journée de Dimanche s’est
passée calmement : j’étais de piquet - corvée qui revient très souvent par
suite de la faiblesse des effectifs. J’ai rangé mes affaires, lavé une paire de
chaussettes (bien qu’il m’en reste deux paires), une cravate, mon sac à
brosses, ma gamelle et la toile de mes planches à paquetage. Le caporal m’a
permis de descendre en ville, vers 10 heures du matin ; j’ai attendu
vainement Barrez à la gare et je suis revenu juste pour satisfaire mon appétit
car cette petite promenade m’avait affamé ! Je ne puis m’empêcher de sourire
en songeant à la soupe d’hier soir. Nous avons ramassé
les bouteillons aux cuisines, Griffart m’aidait dans
mon petit travail et nous nous sommes aperçus qu’il y avait du
« rab » de frites au fond du récipient, nous nous sommes aussitôt
arrêtés et avons bel et bien fini le bouteillon ! Je viens juste
d’apprendre que je suis affecté au peloton des sous-officiers de réserve. J’en
suis très surpris et très heureux car je m’attendais tout au plus à un peloton
de caporaux-chefs. Certainement, notre P.M. a arrangé les choses. Mais… chose
formidable ! Philippe est seulement admis au peloton des
caporaux-chefs ? Tout du moins jusqu’à présent. Je ne suis pas loin de
croire que la page d’écriture que nous avons faite la semaine dernière y soit
pour quelque chose. En plus de la copie, de la dictée et des quatre opérations,
il y avait la question suivante : « Quels sont les évènements qui,
jusqu’à présent, vous ont le plus frappé ? ». Philippe[24]
a trouvé que le B.E. et sa 1ère place à la P.M. étaient pour lui les
évènements dominants. Moi j’ai répondu « L’évènement qui, jusqu’à présent,
m’a frappé le plus, est mon arrivée au régiment, l’attitude paternelle des
chefs et la franche camaraderie qui règne à la caserne m’ont profondément
touché » (en ne demandant qu’une simple réponse). En tous cas, ne parlez
de cela à personne. J’espère avoir une permission de 24 heures dimanche dernier[sic]. Je vous confirmerai dans le courant de la
semaine si ma permission est certaine. Je dois couper court à ma lettre. On
demande des hommes de corvée pour le C.M.12 et je dois partir à l’instant. Je
remercie les enfants de leur lettre charmante. J’ai 24 biscuits de
soldat ! Lucien qui vous embrasse bien
fort. » Le 1er
novembre 1938, Lucien écrit à ses parents, il n’a pas pu rentrer en permission.
Il parle de sa nouvelle tenue kaki qu’il préfère à la tenue bleue. « Lille, 1er
Novembre 1938 Chers Parents, Vous avez peut-être eu une
déception en ne me voyant pas arriver lundi soir. Consolez-vous bien vite car
je ne serai pas longtemps sans aller vous voir ! Griffart, qui a eu plus de chance que
moi vous aura peut-être expliqué la raison pour laquelle je suis resté… une
corvée de piquet de 48 heures qui entraîne l’interdiction de sortir, ne fût-ce
qu’un instant, de la caserne. C’est donc dans ma chambre que je passerai cette
journée de la Toussaint qui, pour ne pas changer, est pluvieux avec des
feuilles qui tourbillonnent pour venir se coller sur le sol humide et boueux… Mon retour à Lille s’est
effectué le plus normalement du monde. Je me souviendrai longtemps de cette
première permission ! Une journée vraiment heureuse où l’on sent que la
famille base et couronnement de la « grande famille aimée » est
resserrée autour de soi. Il y a beaucoup de chances
pour que je retourne maintenant en kaki : une nouvelle décision… Inutile
de dire que cette tenue me plaît autrement que la tenue bleue. Recevez, Chers parents, mes
meilleurs baisers. Lucien » Lettre
datée du 15 novembre 1938, envoyée de Lille. Lucien est admis aux
« S.O.R », tandis que son ami Philippe l’est aux « Caporaux
chefs ». « Lille 15 novembre 1938 Chers Parents, frère et sœurs, Mon retour de permission s’est
effectué le plus normalement du monde… Un petit peu bousculé
peut-être ! A peine arrivés, nous nous sommes dépêchés de regagner la caserne
qui était vide et silencieuse. Nous nous sommes habillés rapidement, j’ai avalé
mes chaussons, et « en route pour la gare ». Jusqu’à minuit moins
vingt nous avons déambulé sur les quais. La journée de Lundi a été
marquée par un évènement : le Colonel nous a passés en revue. Il m’a
adressé la parole, m’a demandé mes intentions, et a demandé « que l’on me
fasse bien travailler ». J’avais reçu mon brevet matricule pour le
présenter. Ce dernier contenait une page d’écriture sur laquelle était notée
mon admission aux S.O.R. Philippe est seulement admis aux « Caporaux
chef » ! Mon rhume est guéri maintenant et tout va pour le mieux. Les
revues se font toujours plus nombreuses, mais ma place reste impeccable. Nous
avons reçu nos masques… Nouvelle préoccupation ! Nous commençons à prendre du
service, je prends le renfort de nuit demain soir avec Griffart
ce qui signifie : ronde dans la cour avec le fusil sur l’épaule. La soirée d’hier a vu un
incident plutôt rude : un jeune s’est taillé les deux poignets avec un
rasoir. Il a saigné pendant cinq minutes dans sa chambre et on l’a porté, assez
mal en point, à l’hôpital. Je veux finir sur un ton plus
rassurant. L’ordinaire est véritablement « excellent ». Il y avait à
midi des petits pois aux saucisses. Le poilu embrasse tout le
monde bien fort. Lucien » Le 3
février 1939, Lucien reçoit une lettre de son grand-père. « Denain, le 3 Février
1939. Cher Lucien, C’est avec joie que nous avons
lu ta lettre du 1er courant, et qui nous a fait un grand plaisir
d’apprendre que tu es en bonne santé et de lire des choses qui nous a [sic]
fait un grand plaisir surtout de ton bon goût pour ton métier de soldat, de ton
assiduité et de ton bon travail avec persévérance ce qui dit en un mot que tu
veux arriver au but qu’il te plairait d’atteindre. Effectivement, nous te
félicitons tous deux, Maman Caudmont et moi, de ta
bonne réussite pour tes compositions dont tu as eu de la chance d’être classé
le premier de classement général du peloton, ceci est très bien ! Et nous
faisons vœux pour ta réussite à venir, dont nous avons maman Caudmont et moi, grand espoir que nos vœux seront exaucés. Nous sommes très heureux aussi
de savoir que tes Parents sont pleinement satisfaits de tes succès. Nous osons espérer que
prochainement dans une de tes permissions de 48 heures que tu puisses nous
réserver une journée afin de venir près de nous et en même temps manger avec
nous, chose qui nous ferait grand plaisir Lucien, et pour cela, il faudrait que
tu puisses nous prévenir quelques jours à l’avance. Nous n’avons pas eu de
nouvelles de tes Parents depuis le nouvel an ; ton père nous avait dit
qu’ils devaient déménager au commencement de Janvier et qu’il nous enverrait sa
nouvelle adresse dès qu’ils seraient réemménagés dans
leur nouvelle demeure ; alors nous ne savons pas à quoi nous en tenir,
nous espérons recevoir de leurs nouvelles tantôt. Reçois, Cher Lucien, les bons
baisers de tes grands parents qui t’aiment. L. Caudmont » En
mars 1939, l’Allemagne envahit la Tchécoslovaquie. Le 15 mai, Lucien est nommé
caporal-chef. Lettre
envoyée le 20 juillet 1939 de Lille. Lucien parle du résultat de ses examens.
Il est le « Major » du peloton. « Lille 20 juillet 1939 Chers Parents, Je viens juste de recevoir
votre lettre et elle m’a surpris en plein déménagement…Maintenant tout est
terminé. Je suis à Négrier et voici ma nouvelle adresse. Cap. chef Caudmont Caserne Négrier 1er Cie Lille Le Capitaine Deruelles nous a fait ses adieux. Il a justifié sa dureté
au Peloton II. « Celui qui commande à des hommes doit être supérieur à
eux. J’ai voulu vous donner l’accoutumance de l’effort. Rappelez-vous
ceci : un homme ne vaut que pour son travail, l’oisif est un zéro, quelles
que soient son intelligence et son instruction ». Ces quelques mots sont
la conclusion très juste du Peloton II. L’examen s’est terminé mardi
soir ; tout s’est bien passé. Je ne connais que la note générale dans deux
bureaux. Elles sont assez bonnes : 20 (mitrailleuse) 19 (pratique de tir)
19 (org. du terrain) 19 (armement) 18 (gaz) 18 ½
(service intérieur). Mais je viens d’apprendre une nouvelle magnifique. Juste
au moment de partir, le Lieutenant de la 2ème section m’a accosté en
me disant « Caudmont, toutes mes félicitations.
Vous êtes le « Major » du peloton. Vous arrivez premier des
Voltigeurs avec une très forte avance sur les suivants ». Je totalise en
effet 1400 pts sur 1600 ce qui me fait une moyenne générale de 17 ½. Le second arrive avec presque 90 pts de
retard ! Le résultat dépasse de beaucoup mes espérances. 1er
sur plus de 80 élèves. ! Inutile de dire que je suis heureux ! J’ai
appris d’autre part que le Capitaine de la 1ère m’avait proposé pour
le grade de sergent. J’ai aussi beaucoup de chances d’être nommé avant la fin
de 1939. Philippe a également très bien
réussi. Il ne connaît rien à son classement qui est différent du mien. J’ai pris une permission de 24
heures. Je reviendrai donc samedi soir, si aucun service ne m’échoit d’ici là. A propos, il y avait une paire
de gants dans ma tenue bleue, je suppose qu’elle est restée à la maison. Je crois être dans une
compagnie excellente. L’organisation est parfaite et le matériel est entretenu
avec soin. Le départ en manœuvre ne se fait que Mercredi prochain et pourtant,
tout est déjà prêt. Chaussures réparées, tenues bleues lavées, treillis,
chemises réparées (un atelier de couture fonctionne en permanence au réfectoire).
Les groupes sont déjà constitués. Ainsi, tout va bien. En
attendant samedi, recevez chers Parents, mes meilleurs baisers. Lucien » « Au mois d’AOUT 1939,
le 43ème Régiment d’Infanterie était en manœuvres au camp de
MOURMELON pour sa période annuelle d’instruction. Les officiers du régiment se
souviennent que, le 21 AOUT, rassemblés au mess pour le repas du soir, ils ont
vu le Chef de Corps, le Colonel MEYER, se lever de table, donner aux serveurs
l’ordre de sortir et de fermer la porte, avant de dire : « Messieurs,
nous allons dès demain regagner nos garnisons de LILLE et de VALENCIENNES, nous
préparer à mettre sur pied de guerre nos
unités et à gagner nos cantonnements de desserrement.»[25] Lettre
datée du 7 août 1939, envoyée de Cambrai par le père de Lucien. « Cambrai, le 7 Août 1939 Mon Cher Lucien, Nous avons bien reçu tes trois
bonnes lettres, dans lesquelles tu nous as si bien tenus au courant de ton raid
sur Mourmelon, mais comme tu as pris le chemin des
écoliers sur différents points n’étant pas situés sur le grand arc, avec des
étapes tout à fait inattendues, il m’a été impossible de te répondre jusqu’à
présent. Enfin te voilà arrivé dans le Roi des camps français et je pense fort
que ce n’est pas encore pour vous laisser vous reposer sur vos lauriers. Il est regrettable que le
mauvais temps soit venu gâcher vos marches. Dieu sait s’il est pénible de
marcher sous une pluie battante, telle que celle de mardi, jour de votre
départ. J’en sais quelque chose pour avoir essuyé maintes fois ces intempéries et
j’ai maintes fois pensé à toi en voyant la pluie tomber sans arrêt. Mais c’est à la suite de ces
dures épreuves que se forge le caractère de l’homme et c’est là où il comprend
ses possibilités et sa résistance. Et il ne faut surtout pas oublier que c’est
dans ces durs moments que les chefs apprécient la valeur de chacun et en
tiennent compte pour les notes ultérieures. Donc, pour toi, Lucien, bonne
humeur dans toutes les circonstances et volonté dans les moments les
plus difficiles ne feront qu’augmenter tes chances de parvenir à ce que tu
désires. Nous sommes agréablement
surpris que le Tableau d’avancement soit liquidé et que le prochain paraîtra en
Août ; tu as de grandes chances, de ce fait, d’être nommé sous-officier à
bref délai. Ce sera encore un échelon gravi et, ma foi, tu pourras te féliciter
de ton accès au grade de sergent dans un temps record. Je t’adresse un mandat de 150
frs. Au camp on a besoin d’argent et il serait désastreux que tu tires la
langue pour quelques sous. Ici, tout va bien, rien à
signaler, tout le monde est en bonne santé. Nous sommes très heureux quand nous
recevons tes lettres et celle-ci sont lues en grand comité, les oreilles
démesurément ouvertes (surtout celles de Léon). Ensuite, chacun donne son avis
et commente les différentes phrases. Tu te fais une idée de ce que cela doit
être ! Après Mourmelon,
nous espérons que tu viendras te détendre le plus possible à la maison. Il y
aura bon manger et bon coucher. A propos, ton appareil a-t-il souffert de l’eau, au cours
de la traversée Lille Saméon ? Reçois, mon Cher Fils, les meilleurs baisers de TOUS. Ton père Caudmont » « Le 23 AOUT, le
régiment quitte donc ses garnisons de LILLE (1er et 3ème
Bataillons) et de VALENCIENNES (2ème Bataillon). Les dispositions
prévues au journal de mobilisation du corps sont mises en œuvre et, dans les
cantonnements de desserrement de la région de RAISMES, du 26 AOUT au 1er
SEPTEMBRE, le régiment reçoit ses réservistes. Le 3 SEPTEMBRE 1939, la
mobilisation générale est décrétée et la guerre éclate […] C’est l’époque de la
drôle de guerre, mais au 43ème on ne s’endort guère. L’instruction
est poursuivie sans relâche pour parfaire les connaissances militaires,
l’aptitude au combat, l’entrainement à la marche avec le sac au dos chargé
réglementairement, en plus de l’armement individuel et collectif. Plusieurs
alertes marquent le stationnement du régiment dans cette région de l’OISE et
l’une d’entre elles survient le 15 JANVIER 1940 alors que le Lieutenant-colonel
VEYRIER DU MURAND vient de prendre le 14 au matin le commandement du régiment
du Colonel MEYER » [26] Dans
un carnet intitulé « CONTROLE NOMINATIF » offert aux officiers par la
marque Pétrole Hahn, Lucien a annoté des renseignements sur les membres du
groupe dont il était responsable. 1ère Cie – 4ème Section – 12ème Groupe – St Caudmont L.
Lucien y a aussi inscrit l’adresse de chacun d’eux. Dans ce carnet, Lucien avait joint une note manuscrite récapitulative du contenu du sac supérieur, de la musette, des cartouchières et du ceinturon. Des signes cabalistiques représentent la fonction de chaque homme dans le groupe. Du 24 août 1939 au 11 mai
1940, Lucien tient un cahier de route. Sur la chemise, on peut lire
plusieurs inscriptions dont « Souvenir du St Caudmont
tombé au champ d’honneur le 16 Mai 1940 [une signature avec deux initiales J H]
à Baulers derrière la ferme près de la haie, du côté de la ferme ». « Jeudi 24 août 1939. 2
heures… Nous quittons Lille pour Beaucamp. Chaleur
étouffante. Les hommes, accablés par le poids des équipements tombent sur le
bord de la route. Vendredi 25 août. Nous
menons à Beaucamp une vie heureuse. La section loge
dans une ferme dont le patron est très chic… Hier, il nous attendait avec du
café bouillant. Il met son poste à notre disposition et accepte de faire
bouillir notre lait. Les hommes, reposés des fatigues de ces derniers jours,
ont un moral excellent. Samedi 26 août 39. Il y a
battage du blé à la ferme… Ce bruit de batteuse me rappelle bien des souvenirs.
6 heures. Un additif au tableau d’avancement vient de paraître à la 1ère
Cie. J’y figure, avec Serge, Richard et Philippe. Dimanche 27 août. 2 h du
matin. Réveil brusque ! Il faut partir. Rassemblement des sacs inférieurs,
confection des ballots de couvertures. A 3h, le bataillon quitte Beaucamp. Tant pis ! Nous arrivons à Lille au petit
jour. L’esplanade est encore encombrée de boutiques foraines. Le Bataillon
embarque à la Madeleine et, pour la 1ère fois, je vais voyager dans
un wagon à bestiaux. Dieux, que l’on est mal ! Je m’endors néanmoins.
Sommeil lourd qu’interrompt le bruit du train entrant en gare de Raismes-Vicoignes. La compagnie cantonne au château Mallard. Un
grenier étouffant abrite la 1ère et la 2ème Section. Mardi 29 août. Le
grenier n’a réellement rien de bon. On y étouffe le jour et on y gèle la nuit.
En bas, la porcherie dégage une odeur nauséabonde le soir, nous avons commencé
des abris aux abords du cantonnement. Mercredi 30 août. Nous
quittons le maudit grenier. Le 6ème groupe occupe maintenant une
petite ferme où la tranquillité est absolue. Les fermiers sont très aimables.
Comme à Beaucamp, l’heure « du lait »
succède à celle de la soupe. Il y a douche ce matin, à la fosse d’Arenberg. Jeudi 31 août. L’échelon
nous a rejoint ce matin. Mon groupe compte deux
nouvelles recrues : Balory et Baillez, l’un et l’autre gentils garçons. Le poste du fermier nous tient
régulièrement au courant des [évènements] extérieurs. Vendredi 1er septembre
1939. Une nouvelle grave vient de nous parvenir. Celle de
l’agression de la Pologne par l’Allemagne. En dernière heure, un décret loi
décide la mobilisation générale dont le 1er jour est le samedi 2
septembre. Il y a à peine 25 ans… et les fameuses affiches vont
réapparaître ! Dimanche 3 septembre. Journée
historique, à 11 heures, l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne. A 17
heures, la France imite son alliée… Je reverrai
toujours les hommes silencieux et graves se presser autour du poste, à
l’annonce des terribles nouvelles… Quelles pensées s’affrontent derrière les
fronts où s’accuse une ride ? La Femme, les Enfants, la France…
Demain ? La mort, peut-être !... Nous marcherons ! Mercredi 6 septembre. Je
suis Sergent ! C’est Lhomme qui, ce matin, m’a appris la bonne nouvelle.
Serge est également nommé et, tous deux, nous restons à la Compagnie. Le Peloton II a porté ses fruits…
Ma reconnaissance va au Capitaine Besmelles qui a su,
plus que tout autre, faire de nous de bons soldats. Midi.
Je mange pour la 1ère fois à la popote. Quelle sensation
délicieuse ! Comme on est bien dans la pièce aux vitres bleues, où le
poste épand ses notes douces et discrètes ! J’ai l’impression de faire un
rêve… Vendredi 8 septembre. Chaque
matin, la Cie va prendre ses ébats dans la prairie. Les sections se livrent à
des tournois de football, attentivement suivis… A 11h½, les sous-officiers se
réunissent sur la terrasse du château. Melle Francine, gracieuse comme un
papillon, taquine l’un et l’autre. Le temps est admirable et, insensiblement,
on se sent gagner par une douce quiétude ? Nous sommes en guerre ?
Allons donc… Il fait si bon vivre ! Samedi 9 septembre. Réveil
brusque à 5 heures du matin. Le bataillon quitte Bellaing.
A ma grande joie, nous passons à Denain, rue de Valenciennes. Mes grands
Parents sont à leur porte et j’ai le temps de les embrasser. Nous passons
Denain transformée en véritable caserne. Depuis le départ, un épais brouillard
restreint singulièrement notre champ de vue. 10 heures. Nous arrivons à Haspres, petite ville hospitalière. La 4ème
Section loge dans un tissage. Le patron a préparé une immense cuve d’eau chaude
et chacun prend un bain réconfortant. Entre temps, le Sergent Labeusse m’a conduit à la maison où je dois loger… 8
heures. Je suis dans une petite chambre blanche et confortable. Quel étrange
sensation de se glisser dans un bon lit, alors que depuis deux mois, on couche
sur la paille. Dimanche 10 septembre. Délicieux
réveil ! Ma journée est partagée entre « Ma maison » et le
cantonnement du groupe… Hélas, à 18 heures, ordre est donné de se préparer pour
le départ. Je quitte la petite chambre à regret, à 8 heures ½, nous faisons nos
adieux à Haspres. Les hommes paraissent énervés et en
cours de route, plusieurs abandons se produisent. Baillez tombe à
l’avant-dernière étape et je dois le garder en attendant l’ambulance. Celle-ci
arrive, 5 minutes après la fin de la pause. Il ne me reste plus qu’à rattraper
le Bataillon. Hélas, je me perds dans un village et s’est seulement au terme du
parcours que j’arrive à rattraper la queue de la colonne. Chose surprenante, la
1ère Cie reste introuvable. J’arrive néanmoins au cantonnement,
précédant les copains de plus de 20 minutes. Voulant prendre un raccourci, ils
se sont perdus dans les champs ! Nous sommes à Bévillers,
à 12,5 km de Cambrai… Lundi 11 septembre. J’ai
eu, ce matin, la visite de mes parents. Ils m’ont cherché un peu partout, à
force de renseignements, ils sont parvenus à Bévillers !
Hélas l’entretien est de courte durée. C’est à peine si j’ai eu le temps de
parler à Léon… Mercredi 13 septembre. Il fait un vilain temps pluvieux.
Et je revis ces automnes du Cambrésis, feuilles mortes, vent déchaîné, pluie
fine et serrée qui tombe tout le jour, horizon gris… une âcre odeur de terre
mouillée et remuée emplit l’air… arrachage de pommes de terre, fanes que l’on
brûle dans une fumée opaque et odorante. Une foule d’impressions qui
s’enchainent à une vitesse folle assaille mon esprit. Je [peins]
aujourd’hui le jour pour la 1ère fois. Barrez est venu me voir par
deux fois. Il m’a rapporté quelques photos. Vendredi 15 septembre. Nouvelle
visite de mes parents ? Papa me laisse son appareil photo. Je vais pouvoir
illustrer mon cahier ! Samedi 16 septembre. Journée
heureuse marquée par le départ de Bévillers. Le
déplacement se fait en camion (en autobus pour parler juste car nos véhicules
sont les « bus » parisiens. Le temps est revenu au beau et nous
passons St Quentin, La Fère, suscitant sur notre passage un fol enthousiasme.
Nous passons la nuit à Brie, petit hameau entouré de hauteurs boisées. La
paille sur laquelle je couche est vivante : maudites souris ! Dimanche 17 septembre. Deuxième
étape du petit voyage ; nous passons à Laon à peine éveillés, puis, c’est
Reims, la Champagne où les villages s’espacent. Le camion passe à quelques
kilomètres de Mourmelon, traverse Châlons.
Une panne de moteur nous arrête entre Châlons et
Vitry-le-François. L’arrêt définitif se fait à Maurupt-le-Montois,
petit village de la Marne. Lundi 18 septembre. Organisation
des cantonnements, commencement des abris. Voilà ce qui revient invariablement
au début de tout stationnement. Toute la Cie loge dans une grange immense. Je
couche, avec 7 sergents, dans une maison momentanément abandonnée. Dimanche, 1er octobre
39. La
pluie a fait de nouveau son apparition. Regrettons ce beau mois de septembre,
exceptionnellement ensoleillé. Jusqu’à présent la vie à Maurupt
est restée calme. Quelques exercices (marches sous bois, manœuvre de bataillons
ont rompu, de temps à autre, la monotonie des heures. Dernièrement le 16ème
groupe a pris part à une corvée de fourrage et j’en ai profité pour chercher
des ceps… Doux passe-temps ! Lors de la manœuvre de bataillon (28
septembre 39) nous avons traversé le village de Cheminon
qui, plus heureux que Maurupt, n’a
pas souffert de la guerre 14-18. Les maisons, très pittoresques, y sont très
vieilles, leurs murs sont faits d’une espèce de torchis et les madriers mettent
leurs membrures noires sur les façades blanches. Lundi 2 octobre. Vignaud, mon
1er Voltigeur, et l’un des meilleurs hommes de la Cie a du nous
quitter précipitamment : affligé d’un phlegmon au bras gauche, il a été
dirigé cet après-midi, sur Vitry-le-F. Il est
fortement question de partir demain. Mardi 3 octobre (p.I ph1) 18 h
du matin : nous quittons Maurupt, après un
parcours de 50 km effectué en autobus. Le bataillon arrive à
Aulnay-aux-Planches, dans les marais de Saint-Gond. Le débarquement se fait
tard dans la nuit. Il fait un vent terrible. Mercredi 4 octobre. Les
sous-officiers sont installés, comme à Maurupt, dans
une maison momentanément abandonnée… Il y a une cheminée et, réunis autour de
l’âtre, nous avons fait une flambée ! Le
noyer voisin a eu fort à faire avec Hamdequin et
moi ! Samedi 7 octobre Ma
première garde. 6h ½ du matin : la tuile. Dimanche
8 octobre (ph[otos]
2-3-4).Ce matin, les gradés de la 1ère Cie ont battu ceux de la 2ème
au football, 5 à 2… La victoire a été convenablement arrosée. Mardi 10 octobre (ph[otos] 5-6-7-8). Il y a
de la boue partout et nous ressortons des abris, crottés comme des barbets
[chiens d’eau]. Scène inénarrable chez les s. off. Vendredi 13 octobre. La
journée a été consacrée à une manœuvre de Régiment, manœuvre particulièrement
pénible faite par un temps maussade, dans un terrain détrempé… Partis à 10
heures, nous ne sommes revenus qu’à 19 heures. Le colonel Meyer nous a rendu
visite sur l’emplacement de combat : ça a bardé ! Samedi 14 octobre. J’ai
reçu des nouvelles de Vignaud. Lundi 16 octobre (ph[oto] 4 p.2] Après-midi :
marche d’approche. Jeudi 19 octobre. Les allemands [sic] ont attaqué
sur une trentaine de kilomètres. L’ordre venant d’être donné de préparer les
sacs, les commentaires vont bon train. J’au
reçu ce soir les photos faites à Mourmelon ainsi que
le film I. Vendredi 20. Mon
premier colis. Dimanche 22. Sergents
d’active contre sergents de réserve au football : quelle pelle ! En
trois jours, j’ai reçu 3 colis : un de Cambrai, un de Denain, un de
Barrez. Lundi 23 octobre. Manœuvre
de compagnie aux environs de Morains… Inconvénients
du poste de surveillance ! Retour à 9 heures du soir… Vendredi 27 octobre. « Un
peu d’alpinisme » au Mont Aimé. Dimanche 29 octobre. Sombre dimanche. Service de jour
dans la boue… Inconvénients
des parties de « Banque ». Résolutions pour l’avenir ! Lundi 30 octobre (p II, ph[otos] 6-7-8- Au
retour d’un exercice (prise de contact) dans les environs de Morin, nous avons
la bonne surprise de retrouver Vignaud. Mardi 31 octobre. 10h½.
Match de football contre les s.off. de la 2ème
Cie. Gagné : 1 à 0. Vendredi 3 novembre 1939. Le
départ d’Aulnay est maintenant certain… Quelques habitudes à rompre ! Samedi 4 novembre. Les hommes ont passé ces deux
dernières journées à rassembler et nettoyer leur matériel. Les feux ont été
démontés. Toute l’organisation, fruit de plusieurs journées de travail est à
refaire. A 4
heures, les autobus font leur réapparition. Une dernière bonne nuit passée dans
le grenier. Dimanche 5 novembre. Journée magnifique ! Au
cours d’un voyage de 180 Km, nous avons le loisir d’admirer les beaux sites de
Château-Thierry et de Coucy-le-C[hâteau]. Ce dernier est pour moi le rappel
de visions vieilles de 5 ans ! Que de souvenirs évoque la route en lacet
qui domine Soissons ! Vers 7
heures du soir, et après avoir traversé Nyon, nous arrivons à Orvillers-Sorel, petit village au nord de l’Oise. Le
débarquement se fait dans une profonde obscurité. Lundi 6 novembre. Journée mal commencée et bien
terminée : perte sur perte ? La popote est établie dans un
château : magnifique ! Je
couche avec Leroy et Delcourt dans une petite maison agréable et propre,
offrant toutes les commodités désirables. Mardi 7 novembre. Les cantonnements, admirablement
bien organisés, assureront aux hommes un hiver au chaud. La
route nationale Paris-Lille traverse le village. Les autos, qui passent sans
arrêt donnent une certaine animation. Mercredi 8 novembre Conférence
sur la conservation du secret. Jeudi 9 novembre. « Une
chasse à l’écureuil mouvementée » ! Vendredi
10 novembre. 13 heures : départ en camion
pour Ressons-sur-Matz où nous devons creuser des tranchées-abris au P.C. de la
D.I. Visite du général De Camas.[27] 9 heures du soir : alerte. Samedi 11 novembre : Journée triste et pluvieuse…
Pauvres aînés !... Banquet
à la popote s. off. Dimanche 12 novembre. Le soir, à 8 heures, le S
Lieutenant Dulsem a réuni la 4ème Section
et a fêté sa nomination. « Repartir
du bon-pied »… Jeudi 16 novembre. 10 h : marche de bataillon
interrompue. Le Lieutenant me donne le 12ème
groupe. L’installation se fait rapidement mais je dois chercher pendant 3
heures, des tuyaux sous la pluie ! 9
heures du soir : un appel qui n’en finit plus ! Dimanche 19 novembre. J’ai
profité de la soirée pour faire une promenade dans la campagne. Certains sentiers
avoisinants Orvillers ont un charme sauvage et
rappellent un peu les landes de Chalosse. Biadala
m’accompagnait et nous sommes revenus les poches bourrées de pommes. Lundi 20 novembre 1939. Marche
de Bataillon (Cavilly-Méry-Mortemer). Je vais, chaque soir, boire du chocolat au 12ème
groupe. Mercredi 22 novembre. Manœuvre
de Compagnie à l’Ouest d’Orvillers. Jeudi 23 novembre. Manœuvre
de Régiment dans les environs de Tricot. Nous partons à 09h30, la campagne est
toute blanche de gelée. En passant à Cuvilly je vois
le Lieutenant Mangin. Le soleil est incertain et une bise glaciale souffle.
Nous nous installons en situation défensive. Tous les détails du paysage
s’estompent dans une brume froide. Le crayon échappe de mes doigts raidis par
le froid et les « consignes du groupe » restent inachevées. Le café
distribué sur le terrain est à peine tiède. La manœuvre se termine à 16 heures.
A 10 heures nous sommes de retour. Dimanche 26 novembre. 11
heures : garde au Bataillon. 19h
avec trois de mes hommes, je disperse quelques « bagarreurs ». Lundi 27. 3
heures du matin : les permissionnaires emplissent le poste de police.
Quelle joie immense doit être la leur ! Chose surprenante. Je ne suis même
pas touché par le cafard ! A 6h½, deux camions arrivent en une minute tout
le monde est monté… et en route ! Je retourne à la lecture de « Monte
Cristo ». Mardi 28 novembre. Installation
de positions défensives sur les crêtes ; à l’ouest de Cuvilly. Lundi 4 décembre 1939. Après-midi consacrée à une marche
de 18 Km. Pluie diluvienne en fin de parcours. Villages traversés : Couchy-les-Pots – Roye-sur-Matz – Laberlière
– Ricquebourg - Hameau de Sorrel. de 5h½ à 08h½
du soir : service au foyer du soldat- 3/12/39. p III. ph 1 Jeudi 7 décembre 1939. Manœuvre
de régiment sur la position du 28 novembre. Stationnement prolongé dans un trou
Gamelin. Samedi 9 décembre 1939. ph IV p. 1-2-3-4-5-6-7-8 Cinéma
au foyer « la Bandera » « Puissance du jazz ». Dimanche 10 décembre. Déménagement :
j’habite maintenant avec Daudricamt, dans une des
salles du « château » (Là où la popote est installée). Mercredi 13 décembre. Reconnaissance
de terrain dans les environs d’Hainvillers. Jeudi 14 décembre. 8
heures : chasse à l’écureuil. Soir : douches bienfaisantes à Méry. Samedi 16. Vaccination. Dimanche 17 décembre. Repos…
On demande des volontaires pour l’aviation… Dimanche 24 décembre. « Le
réveillon au corps de garde! » Lundi 25 décembre 1939. Noël.
Ce matin je me suis lavé avec de l’eau glacée. Le givre couvre jusqu’aux
moindres objets. Lundi 1er janvier
1940. 1er
de l’an sous la neige. Les escaliers de notre « château » ont été
témoins d’une terrible bataille à coups de boules de neige. Nous avons profité
de la soirée d’hier pour faire une ample provision de bois. Il ne faisait pas
bon sous l’avalanche glacée qui tombait des branches remuées. Mercredi 3 janvier 1940. Temps
magnifique. Le soleil fait resplendir la neige. Partie de
« Volley-ball » endiablée contre la CA1. Jeudi 11 janvier. Départ
à 7h½ du matin pour le village de « Lataule »
où nous devons lancer des grenades de guerre. « Frottons-nous les
oreilles » car il gèle à pierre fendre. Dimanche 14 janvier. Je suis relevé de la garde à 11
heures. Toute la soirée, de 1h à 5h, je me consacre à une lessive monstre. A 7
heures, alerte ! Voilà qui n’est pas fait pour arranger les choses. A 10
heures du soir, mon groupe est prêt ; je pus enfin faire sécher mon linge.
Dieux, que je suis las ! Tout
est terminé à minuit et demi, juste au moment où Dudulle
vient m’annoncer : « En tenue, départ dans une demi-heure !
Malgré cela, je puis encore dormir plus de deux heures au cantonnement de mon
groupe… 4 heures du matin : réveil pénible. Les vivres et le café sont
distribués… près de l’église d’Orvillers ! A 6h,
la compagnie gagne sa rame. Les groupes s’égrènent sur la route car des hommes
on dû se charger de ballots supplémentaires. Confortablement installé dans le
fond du car, je m’endors. Quand j’ouvre l’œil, le convoi marche bon train. Nous
allons à Sailly, tout près de Cambrai. Nous passons
Roye, Péronne, Metz-en-Couture – Marcoing. A 11h½, nous débarquons à Sailly. Mon groupe cantonne dans une maison excessivement
froide. La fatigue aidant, je perds toute ardeur. 6 heures du soir, billet de
logement en main j’arrive chez mes hôtes. Personnes très gentilles qui me
préparent une bonne chambre. Je me couche à 8 heures dans un bon lit ! La
bonne nuit ! Samedi 15 janvier. Je me réveille à 8 heures, un
tour d’horloge ! Je me sens très bien. Plein d’ardeur et de confiance pour
l’avenir. Mon premier soin, en arrivant au cantonnement, est de chercher un
poêle… (Mes hommes ont en effet passé une nuit affreuse). Le Colonel Rickenvaert qui se dépense sans compter m’accompagne, et
mes recherches, particulièrement heureuses, aboutissent à l’acquisition d’un
superbe poêle. Néanmoins, mon groupe change de cantonnement. Nous sommes
maintenant dans une petite pièce qui possède toutes les commodités ! La
propriétaire de la maison nous apporte du café et une bouteille de rhum. Entre
temps, je reçois la visite d’un ancien camarade de classe : Margerin. A 11h½, le départ pour Orvillers
est ordonné, quelle surprise ! A 12h, après une courte attente sous la
neige, nous embraquons. Papa, venu pour me voir vient de reprendre le chemin de
Cambrai (c’est ce que m’apprend Margerin. L’état des routes est déplorable.
Nous attendons plus d’une heure dans Sailly. Les
remorques, les tracteurs, les camionnettes sont en difficulté et, jusqu’à
l’arrivée, ce ne sont que véhicules bloqués dans les fossés. 22 heures. Je
retrouve ma chambre et… Daudricamt revenu de
permission ! Mardi 16 janvier. L’alerte
a causé un véritable désordre. Plusieurs compagnies n’ont plus de roulantes et
doivent se ravitailler à la 1ère. Il fait très froid, avec un petit
vent aigu qui cingle douloureusement la face. Lundi 22 janvier. Marche
de 12 Km (Mortemer – Boulogne-la-Grasse – Conchy). J’ai effectué le parcours avec les
« planqués », rassemblés un quart d’heure après le départ de la Cie. Mardi 23 janvier. Préparation
au départ en permission. Mercredi 24 janvier. Formulaire de permission 6h½ du matin : départ en
permission (j’ai passé une assez mauvaise nuit …). Me voilà enfin monté dans
ces fameux autobus ! Nous arrivons à Noyon vers 15 heures, avec le Colonel
Laparty. Je
vais dans un café où il ya café et croissants tout chauds ! Nous prenons
le train vers 8h½… Voilà plus de 3 mois qu’une telle chose n’était pas arrivée.
A St Quentin, tous les permissionnaires sont rassemblés au centre d’accueil.
Là, nous devons attendre jusqu’à 14h30 l’arrivée de notre train ! Attente
pénible au possible. Un micro tient les hommes au courant de ce qu’ils doivent
faire et annonce les départs « Les permissionnaires pour la direction
Massy-Palaiseaux … ». La contemplation de cette
foule où se mélangent tous les régiments et toutes les armes me distrait
heureusement… image de guerre ! 2h.
Nous quittons avec joie le centre d’accueil et, en rangs serrés, nous
descendons vers la gare. Il fait assez froid, du givre partout, un brouillard
glacial… Puis c’est la dernière étape… Nous voici à Cambrai. Je quitte la gare…
Je marche d’un pas toujours plus rapide… Voici le pont de la rue ! La vie…
la maison blanche… le timbre résonne. La porte s’ouvre. C’est aussitôt un
ouragan. La maisonnée se réveille et je suis submergé. Heureux
permissionnaire ! Dimanche 4 février 1940. Comme
c’est court. Il ne reste déjà plus de la permission qu’un souvenir agréable.
J’ai pris le train à midi. A Tergnier, j’ai attendu l’heure de départ dans la
salle de lecture du centre d’accueil, et je ne me suis pas ennuyé. Reprenons
nos petites habitudes !... en attendant le mois de mai ! Lundi 5 février. Retour
un peu brutal à la réalité consistant en une marche de 25 Km le soir. Je me
sens très fatigué. Mauguet est revenu et je dois
déménager. Très mauvaise nuit passée dans la maison de Sauvage… Mardi 6 février. Je décide de retourner avec Leroy
dans la petite maison rouge du début. J’ai
vu Philippe au cours de la marche d’hier. Mercredi 7 février. Tout
va pour le mieux. Je me félicite d’avoir regagné mon ancienne demeure. Partie
de Volley dans la boue… Dimanche 11 février. Après-midi :
cinéma. Banquet à la popote. Lundi 12. Marche
miniature (Cuvilly – Hainvillers). Mercredi 14 février. Lucy, Belcourt, Daudricamt et moi avons
passé la soirée à faire des crêpes… Nous frisons l’indigestion ! Jeudi 15 février. Il ne s’agit plus de crêpes… mais
d’une manœuvre de régiment. Deux choses de saveur différente ! Nous sommes
installés en défensive, dans les environs de Courcelles… Il neige à gros
flocons et c’est sans regret (assurément) que nous quittons la position, après
la sonnerie « Fin de manœuvre ».
Matinée
passée dans l’exercice du noble métier de chiffonnier ! En fin de
perquisition un énorme mont de ferraille atteste de notre activité. Dimanche 18 février 1940. Magnifique
champ de neige que celui où se déroule notre match de football contre la 1ère
Section ! La partie se termine par la victoire de cette dernière. 5 à 4.
Nous méritions mieux. Lundi 19 février. Marche de 15 Km. (Laberlière – Roye-s.-Matz- Conchy[-les-Pots]). « Métier
et devoir… » Mardi 21 février. Après-midi.
Reconnaissance du terrain. 7h : coup de main dans un déluge de boue. Samedi 24 février. Ce
matin, nous avons défilé à Ressous, où des remises de
décoration par le Général de Camas ont eu lieu. Au retour, le 48ème
R.I. a été présenté à son nouveau colonel, par le Général Jenoudet.[28] Lundi 26 février. Marche
de 25 Km (itinéraire : Cuvilly –
Gournay-sur-Aronde – St Maur – Cuvilly). Mercredi 28 février. Je
suis élevé à la dignité de « popotier ». Lundi 4 mars 1940. Service
de garde épineux… Mercredi 13 mars. Fin de
stage de popotier. Je prends le jour deux fois consécutives. Samedi 16 mars. Les
patrouilles… Mercredi 20 mars. Nous avons assisté cet après-midi
à des tirs de mortiers. Il ne
manque plus qu’un voltigeur dans mon groupe. Dimanche 24 mars 1940. 9h45 : Match de football. 1ère
Cie contre 3ème Cie. Je joue « gardien de but ». Nous
gagnons par 4 à 3. Aussitôt le match terminé, je dois m’équiper pour monter la
garde. L’arrivée des propriétaires n’est pas sans rendre la situation épineuse.
Enfin, à 12h½, je peux relever Serge qui commençait à s’impatienter ! Singulier
dimanche de Pâques ! L’amélioration de l’ordinaire a des effets profonds.
Garnier et Daudricamt qui dorment dans le foin le
prouvent éloquemment ! A 20 heures, j’ai dû arrêter deux hommes de la 2ème
Cie qui avaient frappé un planton (Kauffmann[29]).
Visite du Lieutenant Jaunet qui donne l’ordre d’enfermer les fautifs aux locaux
disciplinaires de la 3ème Cie. Lundi 25 mars 1940. La garde est relevée à 9 heures.
Le 1er bataillon part à Sissonne où doit se faire une manœuvre de
chars. Nous partons à 11h½ dans les cars habituels. Le déplacement ne peut
manquer d’apporter une agréable diversion. Les villes traversées, Noyon,
Chauny, La Fère, Laon sont pleines d’animation. Il me semble revivre en partie
le voyage du 16 septembre 39. Nous arrivons à 4 heures de l’après-midi dans un
petit village adorable blanc et neuf : Aizelles. Je
loge, avec Daudricamt, dans une grande ferme. Notre
chambre, très spacieuse, donne sur la colline qui domine le village au
Nord-est. Au premier plan, une immense prairie, avec au fond un petit ruisseau.
Une petite chute fait entendre sa chanson monotone et douce. Mardi 26 mars 1940. Nous avons passé une excellente
nuit. Nous profitons du répit qui nous est laissé, avant le dîner, pour
escalader la colline. Du sommet, nous découvrons un immense panorama.
« Notre ferme » est presque cachée dans les arbres. 10h. Les cars viennent nous
reprendre. Quelque trois quarts d’heure de route et nous sommes à Sissonne au
camp des « Thuillots ». La manœuvre se déroule très
régulièrement. Le temps de voir évoluer des chars et nous repartons. Aussitôt
arrivés à la ferme, Daudricamt et moi prenons nos
nécessaires de toilette, et, à la source voisine, nous goûtons la joie simple
d’une toilette exécutée au fil de l’eau… Heureux moments. Les heures passent
réellement trop vite et le départ d’Aizelles nous
donnera certainement « le cafard ». Demain, réveil 6 heures ! Mercredi 27 mars 1940. 6 heures… Dehors, il fait un
vilain temps pluvieux et froid, un temps de circonstance... Nous quittons la
ferme à regret. Il est trop tôt pour que nous puissions dire
« adieu » à nos hôtes. Peut-être que plus tard… A 7h½, l’embarquement est
terminé. Le convoi file bon train et nous arrivons à Orvillers
vers 11h. Un bon
souvenir en plus ! Vendredi 21 mars 1940. Installation de P.A. au bois d’Hainvillers. Je me
suis enfoncé un tournevis dans la main droite. Dimanche 31 mars 1940. 9h½ : match de football
contre la 3ème Cie. Résultat décevant (4 à 4). 14h½ : je reçois la visite
de Philippe avec qui je passe toute l’après-midi. 17h :
l’adjudant Dercaine arrose ses galons. Pauvre
« petit chasseur » ! Lundi 1er avril 1940. Bonne journée marquée par une
séance de tir dans la forêt Compiègne. Nous partons à 9h, dans les
camions du bataillon. Vers 10 heures nous sommes arrivés. L’élément a traversé
Compiègne. Je me retrouve assez facilement et les impressions du concours
fédéral de gymnastique sont encore vivantes : Hôtel des Flandres – gare –
Pont de l’Oise – cours Guynemer – caserne des Spahis – stade – forêt. La lu[n]ette
de tir fait une grande coupure dans la forêt, les tirs sont exécutés par
sections. Une des pages du cahier de notes de Lucien Caudmont Après
la soupe, suivie vers 11h½, nous nous rendons au carrefour de l’armistice,
cruelle ironie ! Au retour, nous avons la stupéfaction de voir un fort
troupeau de chevreuils traverser le champ de tir. Dimanche 7 avril 1940. 9 heures : match de football
contre la 3ème Cie : nous gagnons par 5 à 1. 16
heures : soleil + tabac + champagne : ……. ! Mardi 9 avril. Invasion
du Danemark et de la Norvège par l’Allemagne [sic]. Mercredi 10 avril. Le
Lieutenant JAUNET qui quitte la Compagnie, nous fait ses adieux. Lundi 8 avril : 19 heures à Montdidier. Séance
du théâtre aux armées. Jeudi 11 avril. Nous sommes
en état d’alerte, les permissions sont supprimées. Dimanche 14 avril. Service de garde. Ce matin à 3
heures alerte n° 2. Est-ce moi le dernier qui prendra
la garde à Orvillers-Sorel ? Nous
quittons le poste à 8 heures. Le train est déjà arrivé. Les premières voitures
sont à hauteur du calvaire. Jeudi 18 avril. Le
train est reparti cette nuit. Nous ne partirons certainement pas. Dimanche 21 avril. Matin : match contre la 2ème
Cie. Gagné : 6 à 1. Soir :
visite de Philippe… Quelques bouteilles de champagne. Mardi 23 avril. Marche
de 22 Km (Cuvilly-La taule-Belloy- Mery- Courcelles- Hainvillers). Jeudi 25 avril. Manœuvre
de régiment. Au retour, j’apprends mon départ en garnison pour demain matin. Vendredi 26 avril. Me
voici permissionnaire pour la seconde fois. Vendredi 3 mai. Soirée
heureuse passée à Aubigny avec Barrez et Platut. pI
1.2. Dimanche 5 mai. Un
beau film plein de jeunesse et de fraîcheur : « Cet âge
ingrat ». Lundi 6 mai 1940. Dernier
jour de permission. Soirée passée à Aubigny avec mes
parents et Platut. Promenade sur l’étang. I.3. Mardi 7 mai. Retour
de permission. Orvillers[-Sorel] est méconnaissable, toute la végétation a
progressé. Mercredi 8 mai. Journée
de repos (piqûre antitétanique). Jeudi 9 mai. Matin : tri à Compiègne. Soir :
5h½ : Service de garde. Vendredi 10 mai. L’allemagne
[sic] attaque la Hollande, la Belgique et le Luxembourg. L’alerte est donnée. A
8 h, nous quittons le poste. A 10h, tout est prêt. Le groupe fait réellement
preuve de bonne volonté. Nous embarquons à 2 heures. Cette fois-ci nous avons
tous la sensation d’un grand départ. Il fait un temps magnifique et le convoi
marche bon train. Nous traversons Roye – Péronne. La pause est faite à Gouzeaucourt d’où nous ne devons repartir qu’à 1h du matin. Tant
bien que mal, j’essaie de dormir sur le talus qui borde la rue. Quand on me
réveille, à minuit, je suis transi. Samedi 11 mai 1 heure. Notter me
réveille : « Alerte ! ». Des bombes incendiaires ont été
lancées. Une maison est en feu, à la gauche du convoi ! On entend un ronronnement
irrégulier et sourd… Le bombardier allemand qui s’éloigne. Première sensation
de guerre… A 1h¼,
nous repartons. La route est balisée, des lanternes sont disposées de 20 m en
20 m sur le côté droit de la chaussée. Nous passons à Cambrai. Arrêt prolongé
au carrefour … de la rue St Ladre !
4h du matin : arrivée à Douchy [-les-Mines
(près de Valenciennes)]. La compagnie cantonne dans une grande salle de bal,
près du pont de la Selle. » Lettre de Lucien à ses
parents datée du 28 août 1939. Il est repris au tableau d’avancement. Il sent
bien que quelque chose se prépare. Il est consigné. Tous les écussons sont
ôtés, les képis ont leur numéro voilé par un carré d’étoffe noire. « 43e R.I. –
Caserne Négrier Chers Parents, Cher Frère,
Chères Sœurs, J’espère que ma dernière
lettre vous a tranquillisés sur mon sort ! Jusqu’à présent, la
mobilisation consiste pour nous en une cure d’air et de repos. Je dis bien
repos, car, en dehors des revues d’armes et de casernement indispensables, nous
restons libres d’employer notre temps comme il nous plaît. Ces revues donnent
lieu à de petits concours où le vainqueur reçoit quelques paquets de gauloises
offerts par le Lieutenant ! Inutile de dire que les cantonnements sont
organisés d’une façon remarquable… Maintenant, une bonne
nouvelle, un additif à l’ancien tableau d’avancement vient de paraître
et j’ai le bonheur d’y figurer. Les nominations ne se feront pas attendre et,
pour le 1er septembre, il y aura certainement du bon ! Cette
fois-ci encore, le nom de Philippe figure à côté du mien !... J’ignore où
il se trouve en ce moment, car je ne l’ai pas revu depuis le retour de Mourmelon. Nous avons changé de position.
Mais il est interdit de dire où nous sommes… Vous vous rappelez peut être de ma
lettre écrite il y a à peu près un mois, (celle où je vous relatais dans
quelles circonstances j’avais pu aller voir papa et maman Caudmont…) Il me serait presque possible
d’en écrire une pareille ! Mais le quartier est consigné et il nous est
impossible de quitter le village. Tous les écussons sont ôtés,
les képis eux-mêmes ont leur numéro voilé par un carré d’étoffe noire ! Nous sommes laissés dans une
complète ignorance des prochains déplacements. Néanmoins, il y a beaucoup de
chances pour que nous restions 5 jours dans notre nouveau cantonnement Il m’arrive souvent de penser à Barrez, lui aussi connaît
l’état d’esprit dans lequel j’étais il y a un an et il doit se faire un sang
noir !...Enfin, ça continue à bien marcher ! Faisons des vœux pour que la vie reprenne son cours normal.
Lucien Cap. chef Caudmont C.M.I. 12 43ème RI 1ère Cie Lille P.S. Il est inutile
d’affranchir les lettres que vous m’envoyez. Marquez F.M. dans le coin
supérieur droit ». Le 1er septembre
1939, Lucien envoie une lettre à ses parents. Il apprend que la mobilisation
générale est déclarée. L’armée allemande a envahi la Pologne. Cette agression
marque le début de la deuxième guerre mondiale. Le 43e R.I.
stationne alors à Raismes (à 5 kilomètres du Nord-Ouest de Valenciennes). « 43e R.I. –
Caserne Négrier Lille, le 1er
Septembre 1939 Chers Parents, Voilà 9 jours que nous sommes revenus de Mourmelon et notre situation ne change guère. Le Bataillon
se livre à des travaux de terrassement et, dans tous les cantonnements, des
abris, constitués par des fossés de 2 m de profondeur sur 0,80 m de long sont
organisés, mon groupe qui vient d’être détaché de la Cie occupe une ferme
offrant toutes les facilités, encore une fois, nous sommes favorisés ! Le travail commence à 7 h du matin et dure jusqu’à 10h1/2,
après, c’est le rapport et la soupe. à 1h1/2, on se remet
à l’œuvre, à 4h1/2, notre journée est terminée, après la soupe du
soir (5h1/2) le quartier est libre … … Je viens d’interrompre ma lettre … Il est maintenant
12h1/2 et le poste du fermier vient de donner les informations …
Mobilisation générale ! 2 août 14. … 2 sept 1939 ! Ici, c’est la stupeur brusque.
Mais on sent monter un océan de dégoût pour ces chefs allemands qui trouvent
encore des raisons à leur agression contre la Pologne. Enfin, quoi qu’il
arrive, les peuples honnêtes sauront museler et réduire le peuple mauvais. J’ai écrit hier à Barrez et à Denain. Je peux vous donner
le plus souvent possible de mes nouvelles c’est le meilleur moyen d’entretenir
l’espoir et la confiance ! Je ne manque absolument de
rien ; donc inutile de vous en faire sur ce
chapitre. Lucien Voici ma nouvelle « adresse » Cap. chef Caudmont L. 43ème RI – 1ère Cie Secteur Postal 83 » Le même jour, son papa lui envoie un courrier. Le ton est solennel avec un fort accent patriotique. « Cambrai, le 1er
septembre 1939 Mon Cher Lucien, Nous venons de recevoir ta lettre au moment précis où se
déclenche la mobilisation générale. Je dois partir en vitesse au Centre pour
mon travail. Nous sommes ici tous bien attristés car il reste bien peu d’espoir
maintenant. En tous cas, si le grand fléau survient, mon Cher Enfant, fais ton
devoir avec tout ton savoir mais sans témérité. Il ne faut pas risquer sa vie
délibérément car la France a maintenant besoin de tous ses enfants. C’est la
grande épreuve qui commence, nous en ferons partie tous les deux tel est notre
destin. Nous t’envoyons un mandat de 100 frs. N’hésite pas à nous
demander ce dont tu as besoin, nous serons bien heureux de te l’envoyer. Mon Cher enfant, sois assuré que notre cœur à tous ici
est avec toi. Ton père, ta mère, tes sœurs et le petit Léon joignent toutes leurs
pensées pour te les adresser… Je n’en peux plus. Reçois mon Cher Fils, tous nos meilleurs baisers, Ton père, Léon Écris-nous
souvent ! » Jacqueline Bietz
explique : « Pour comprendre le ton de ces documents il faut dire que mon
père Léon Caudmont avait été mobilisé dans
l'infanterie en 1914 alors que lui aussi avait 20 ans. Il avait connu des
années de tranchées à Verdun et Douaumont où il avait été blessé plusieurs fois
et obtenu diverses citations. Sorti un peu miraculé de cet épisode, il avait été muté
en 1917 dans l'aviation naissante où il avait poursuivi le combat. Après
l'armistice, il avait décidé de rester dans l'armée en faisant une carrière
complète d'instructeur pilote qui le conduisit à différentes affectations
en particulier à la base d'Istres. C'est là que Lucien était né. Il connaissait bien l'armée
mais aussi les risques de vrais affrontements avec les Allemands… et en 1939 il
fut remobilisé » Le 3 septembre 1939, Lucien répond à sa famille. La France et l’Angleterre viennent de déclarer la guerre à l’Allemagne. « 43e R.I. – Caserne Négrier
Chers Parents, Cher Frère, Chères Sœurs, J’ai reçu avec attendrissement votre lettre datée du 1er
Septembre. Elle m’a fait un grand bien… Dans de tels moments, la pensée et
l’amour des siens sont une source impérissable de courage et d’espoir. J’ai lu
et relu tes lignes précises, cher Père. Elles resteront gravées dans ma
mémoire ! Comme tous les français, je ferai mon devoir. J’ai déjà compris
que seul, le courage mis au service de l’intelligence lucide est générateur de
force. Pas de faiblesse. Pas de folle témérité non plus. La mère Patrie dispose
intégralement de notre vie et chacun se doit de lui conserver ce bien suprême. Votre mandat m’a fait un bien grand plaisir. Mais je le
répète : « Je ne manque absolument de rien, ne vous privez pas pour
moi ». Je n’ai pas encore revu Philippe … Il vous est possible
de voir ses parents et je serais très heureux si vous pouviez m’envoyer de ses
nouvelles.
Jusqu’à présent nous n’avons reçu aucun ordre, et le
séjour ici ne cesse d’être agréable. Nous avons quartier libre pour toute
l’après-midi et je vais en profiter pour laver quelques effets. Je m’efforcerai de vous écrire le plus souvent possible. J’embrasse très fort Léon,
Jacqueline et Odette. Je leur demande d’être courageux, de faire leur possible
pour alléger les soucis de papa et de maman. Je demande à Odette, plus
particulièrement, de seconder Maman dans son travail. Une grande fille doit
être un exemple continuel pour les plus petits ! Je sais d’ailleurs
qu’Odette a toutes les qualités d’une bonne ménagère et qu’elle sait
fameusement se débrouiller. Je ne doute pas un seul instant que Jacqueline et
Léon resteront dociles et continueront à obéir. Je serre une fois de plus, papa
et maman, à la prochaine lettre ! Lucien » Le 5
septembre 1939, Léon CAUDMONT écrit une lettre à son fils. Il est inquiet pour
lui, même s’il se veut rassurant. « Cambrai,
le 5 Septembre 1939 Mon
Cher Lucien, Je profite de quelques instants
d’oisiveté pour répondre à ta bonne dernière lettre. Nous sommes heureux que tu
sois en bonne santé, cela est excellent par les temps que nous courons. Ici
tout va pour le mieux, sauf notre tristesse de nous revoir de nouveau plonger
dans cette horrible chose. Mais tout cela n’est rien et nous ne pensons qu’à
toi, toujours à toi. Je dois rejoindre le 20ème
jour de la mobilisation le dépôt ; c’est encore du 17 demain matin, et à moi
l’uniforme. Nous avons décidé que la famille ne se replierait sur St Satur que si les Boches pénétraient en Belgique, ce qui est
peu probable pour le moment. Encore une fois n’hésite pas à nous demander ce
qui pourrait te faire défaut. As-tu reçu mon mandat ? Ecris-nous le plus souvent
possible, cela fera beaucoup de bien à nous tous. Reçois
mon Cher Fils, les meilleurs baisers de tous, Léon » Le 6 septembre 1939, Lucien
CAUDMONT est nommé sergent au 43ème R.I. (Infanterie Métro) - Régiment d’infanterie et portait le matricule
223. Photo prise le samedi 16 septembre 1939 « Dans cette valise gît le peloton S.O.R. ». Lucien est en haut, premier à gauche « Lucien est au premier rang debout tout à gauche Peloton SOR, au centre le lieutenant MANGIN. Lucien se situe au 2ème rang tout à gauche avec le képi Képi du caporal-chef Lucien CAUDMONT Calot de Lucien CAUDMONT avec une inscription à l’intérieur : « 43e del » Fourragère de Lucien CAUDMONT La fourragère est aux couleurs de la Croix de Guerre attribuée au Régiment pour services rendus en 1914-1918. Le 43 et le 1er RI ont obtenu cette distinction. Elle était remise aux appelés admis au Régiment, après leur formation, cette cérémonie se déroulait sur l’esplanade du Moulin à Bruille St Amand au cours de la prise d’armes en juin, et cela depuis l’inauguration du mémorial le 22 novembre 1947. En 2009, le Colonel Hameury a remis cette cérémonie au programme, et plusieurs engagés se sont vus remettre cet insigne.[30] Le 18 septembre 1939, Lucien
envoie une lettre à ses parents, il raconte ses déplacements en bus parisiens. « 43e R.I. – Caserne Négrier
Chers Parents, Je viens seulement de recevoir la lettre d’Odette datée
du 9. Il faut dire qu’aujourd’hui, il y a eu une arrivée monstre de courrier. Certains de mes camarades ont reçu jusqu’à 19 lettres !
J’ai appris avec un grand soulagement que ma caisse était bientôt en sécurité
chez la femme de Meur Baloy,
le réserviste dont je vous ai parlé. Je lui ai transmis votre adresse et elle
va faire le nécessaire pour vous envoyer le tout. Bien entendu, je garde les frais d’envoi à ma charge. Je
demande à papa de bien vouloir, aussitôt que possible, développer les deux
films et me faire parvenir les positifs et le bonnet de police kaki. Quant à
l’appareil, qui est chargé, gardez-le et finissez le rouleau, prenez autant que
possible des clichés à l’intérieur de notre nouvelle et belle maison. Cela me
fera bien plaisir. Notre voyage en autocar a été très agréable, et il mérite
d’être conté par le détail. Levés à 6 heures, nous avons quitté Bévillers enveloppé dans un brouillard opaque. (C’est à
peine s’il nous est possible d’apercevoir la section de devant). Après un quart
d’heure de marche, les masses confuses des cars émergeaient du brouillard et la
répartition du bataillon commençait. Les véhicules qui nous ont conduits sont
des cars parisiens, trapus et spacieux. (ils peuvent
contenir une quarantaine de personnes), on peut lire encore, sur les parois
intérieures, toutes les prescriptions relatives au service et aux itinéraires
empruntés par les « bus » ... porte Chaillot… Montrouge… les Buttes
Chaumont, les Champs Elysées etc…. Certains de mes
camarades avaient un peu le cafard en montant dans les cars de Paname ! Le
départ fut assez long car toute la division participait au déplacement. Les
arrêts furent nombreux et il nous fut donné d’assister à des scènes réellement
amusantes, avec ces diables de chauffeurs parisiens ! Vers 9 heures, le
convoi, complètement formé, se mit à rouler à bonne allure, à 12 heures, nous
attrapâmes la route de St Quentin, les hommes étaient fleuris des pieds à la
tête… et tout le monde chantait. Nous passâmes les tournants à toute allure…
Les cars se penchaient, et, au passage des mains se tendaient, l’air nous
fouettait le visage… quel enthousiasme fou ! J’éprouvai tout de même un
léger serrement de cœur en lisant aux bornes kilométriques : Cambrai
37 Km, Cambrai 38… Cambrai 40 km ! Je vous envoie les timbres qui ne me servent plus.» Claude ARTIGES parle aussi de ces bus parisiens : « Sur la route nationale, une immense colonne de véhicules de toutes sortes stationne : des camions de tous tonnages, de toutes dimensions recueillis au hasard des réquisitions, des autobus parisiens (malgré la peinture de camouflage, on peut encore lire sur l’un d’eux « Porte de la Chapelle »), mais aussi les camions et camionnettes que le bataillon possède depuis la mobilisation. »[31] Le 19 septembre 1939, Léon CAUDMONT écrit à son fils, il lui donne quelques recommandations. « Cambrai, le 19 Septembre
1939 Mon Cher Fils, Cette fois vous êtes partis pour une destination inconnue
et dès maintenant nous attendrons de tes nouvelles tous les jours. Ici toute la
famille t’embrasse bien fort. Comme d’habitude n’hésite toujours pas à nous
demander ce qui pourrait te manquer notamment pour les films dont tu pourrais
avoir besoin. Inutile de nous les adresser en retour car ils auraient beaucoup
de chance de ne pas nous parvenir. Tu les rapporteras lorsque tu viendras en
permission. Pour les chaussettes, si tu ne peux trouver ce qu’il te faut dis-le
nous, nous ferions notre possible pour essayer d’en trouver à Cambrai. Dans 3 jours, je serai à mon tour mobilisé, je te
donnerai, à ce moment des détails sur mon ancienne et nouvelle vie. Ici nous sommes tous en bonne santé et nous pensons bien
souvent à toi. L’école va bientôt reprendre et la maison sera encore plus
calme. Reçois mon Cher Lucien, tous nos meilleurs baisers. Ton père Léon » Etant nommé sergent depuis
peu, Lucien annonce la bonne nouvelle à ses grands-parents dans une lettre
datée du 23 septembre 1939. « Samedi, 23 Septembre 1939. Chers Grands Parents, J’ai reçu votre lettre avec beaucoup de plaisir, dans de
tels moments, les nouvelles qui viennent de la famille sont le meilleur
réconfort moral. Je suis sergent depuis le 6 septembre et les conditions
dans lesquelles je vis maintenant sont excellentes. Là où je cantonne, il m’est
possible de coucher chez l’habitant. Ainsi, je passe une nuit dans un vrai lit.
Les personnes qui me logent sont, en général, très gentilles et je retrouve
chaque midi, chaque soir, la douce atmosphère du foyer… Les repas sont pris
avec les autres sous-officiers. Un cuisinier nous est affecté et nous pouvons
améliorer l’ordinaire dans des proportions notables. J’ai regretté amèrement de n’avoir pu m’arrêter plus
longtemps, lors de mon passage à Denain. Hélas, nous sommes en guerre et chacun
doit faire des sacrifices parfois pénibles. Enfin, je vous ai embrassé avant de
partir, et c’est pour moi une grande consolation. Nous venions alors de Bellaing, le terme de l’étape était Haspres.
Le lendemain j’ai logé chez un mutilé de guerre, dans une grande et belle
maison. Le séjour y fut malheureusement de courte durée et après une nouvelle
étape de 18 Km, nous arrivâmes dans les environs de Cambrai. Mes parents sont
venus me voir à deux reprises. Samedi dernier, nous avons quitté définitivement le nord.
Le déplacement s’est effectué dans les autobus parisiens réquisitionnés. Il a
duré deux jours et a été très agréable. Dans toutes les agglomérations où nous
avons passé, les femmes, les enfants ont manifesté leur enthousiasme. Après une
heure de marche, tout le convoi était fleuri et les hommes chantaient… Griserie,
fierté immense de se sentir dignes de l’espoir des français ! Je termine : Bon courage, Bonne santé et surtout
Gardez l’espoir, car la victoire est sûre. Ce sera peut-être long mais, une
fois de plus, les français sauront mettre en évidence les qualités d’un peuple
libre. Recevez, chers Grands Parents, les meilleurs baisers de votre petit-fils Lucien » L’adresse reprise au recto est « Sergent Caudmont Lucien 43ème RI – 1ère Cie Secteur Postal 83 » Photo prise le mardi 10 octobre 1939 Lucien ignore où il se trouve
lorsqu’il écrit cette lettre datée du 15 octobre 1939. En fait, le 43e
R.I. séjourne alors à Fère-Champenoise pour un mois. « ? 15 octobre 1939. Chers parents, J’ai reçu votre « sommation ». Elle est assez méritée. Je dois dire aussi que la vie n’a jamais été aussi monotone, un pays maussade au possible, un temps pluvieux, voilà de quoi abattre toute ardeur – j’ai envoyé il y a quelques jours une assez longue lettre, elle vous est certainement parvenue, à l’heure présente. Pignaud (mon 1er Voltigeur], un des meilleurs hommes de la Cie a été envoyé à l’hôpital pour se faire opérer. Il a un phlegmon de la main gauche. Je lui ai écris et j’ai reçu hier de ses nouvelles. Il a eu la main gauche ouverte deux fois en 5 jours. La 2ème fois, les chairs entraient en décomposition ! Maintenant, ça va un peu mieux. Il garde néanmoins un moral excellent… je vous ai déjà parlé de ce soldat, un type sûr au possible, endurant, bon compagnon, véritable modèle. Il a fait 16 mois de son service à Tatahouine[32] (pour une affaire de contrebande). Sa conduite exemplaire lui a valu d’en sortir si vite. Il a perdu ses parents et n’a plus que deux frères, un de 25 ans (actuellement sur le front) et l’autre, 15 ans, travaille à Paris. Jamais de mandat, jamais de colis, jamais de consolation véritable, et toujours le sourire aux lèvres et les bras au travail ! J’ai organisé n’accord [sic] avec les chefs, une petite collecte à l’intérieur de la section et parmi les s-off, j’ai ainsi ramassé une centaine de francs qui vont lui être envoyés. Il y a eu avant-hier, manœuvre de régiment, ce fut assez pénible étant donné l’état du terrain, complètement détrempé. Nous revînmes métamorphosés, boueux des pieds à la tête et fatigués. Le colonel du 43, venu vérifier notre emplacement, surprit un mouvement malheureux d’un groupe de ma section. Ce fut aussitôt une violente semonce dirigée contre le chef de section, le Colonel me voyant à proximité, occupé à déterminer un emplacement de batterie pour F.M me fit appeler (il m’avait pris pour le chef du groupe fautif). Nullement troublé, je réussis à préciser ma position et sauver la mise. La pluie continuelle a transformé les alentours de notre maison en marécage et il ne fait pas bon y passer de nuit, on est certain de s’enliser » Dans une lettre que Lucien
adresse à sa famille le 12 novembre 1939, on retrouve un grand frère qui fait
la morale à Odette, la cadette de la famille. Sur une des pages, Lucien a
griffonné un dessin représentant le convoi des cars emmenant les troupes. Le 5
novembre, le 43e R.I. arrive à Tricot (Oise). « Ces derniers déplacements effectués par
convois automobiles du Train des Equipages, permettent une mise au point de la
technique de ce mode de transport, ainsi que l’entraînement aux manœuvres
rapides, d’embarquement et de débarquement. Le séjour du régiment dans l’Oise
va, cette fois se prolonger plus de six mois. »[33] Sur la route de la Marne vers l’Oise (novembre 1939) Le camion de la Compagnie et la « roulante » (Photo extraite du livre de Claude ARTIGES) « 12 Novembre 1939. Chers Parents, cher frère,
chères Sœurs, J’ai reçu la petite lettre d’Odette, elle est excellente.
Chère Odette, ton classement est bon. Reste dans une bonne moyenne ;
travaille avec méthode chaque matière et dis-toi bien qu’une bonne instruction
est une fortune. Tu ne peux t’imaginer à quel point on regrette le temps perdu…
Papa et maman auraient tout fait pour me garder au collège, et, en persévérant,
je serais peut-être arrivé à Saint-Cyr, les conditions étaient alors
excellentes pour arriver. Maintenant, la réalisation de mon désir se heurte aux
difficultés les plus grandes. Combien je maudis cette insouciance de
jeunesse !... Regrets superflus hélas ! La popote n’a jamais si bien fonctionné que maintenant.
Nous mangeons mieux que dans un restaurant : pain frais, viande fraîche,
cuisine au beurre (oui Madame !), salade, frites, etc…
Tous les matins, café au lait avec … tartines beurrées. Le 11 novembre a été particulièrement fêté. Moyennant 20
francs par tête, nous avons pu composer un repas pantagruélique (le menu est
joint à ma lettre, menu fantaisiste en vérité). Aujourd’hui nous avons fêté la
nomination de notre chef de section qui, d’aspirant, devient sous-lieutenant. Photo de famille de janvier 1940. Au second rang, Lucienne et Léon, parents de Lucien, au premier rang, en partant de la gauche, leurs enfants Jacqueline, Léon et Odette. Il y a beaucoup de pommiers par ici, et chaque fois que
je dirige une corvée de bois, j’emplis mes poches de pommes mûres à point et
presque comparables aux fruits magnifiques venant de Californie. Beaucoup
d’arbres sont chargés de gui et les hommes en ont orné leurs cantonnements.
L’autre jour, j’ai vu un magnifique écureuil, à mon approche, il a fui, l’agilité
de ce petit animal est merveilleuse et m’a stupéfait (je me rappelle en avoir
vu un dans le parc du château de Versailles, il y a douze ans). Philippe est très content de sa nouvelle situation, il
pense se marier le 24 décembre. Vendredi soir, ma section a été transportée en camion au
P .C. de la D.I. pour creuser des tranchées-abris. Le général de division
est venu nous rendre visite. Pourriez-vous mettre dans ma prochaine lettre un peu de
fil kaki ? Espérant bientôt vous revoir, je vous embrasse tous bien
fort. Lucien » « L’un des premiers problèmes qui se pose à l’arrivée du Régiment dans
l’Oise, est de parer, autant que faire se peut, à la médiocrité des
cantonnements qui lui sont affectés. Les locaux disponibles se prêtent mal,
tant par leur nombre que par leurs dimensions, au logement d’unités constituées
[…] les trois bataillons du 43e doivent s’échelonner sur 12
kilomètres […] L’exercice du Commandement s’en trouve singulièrement compliqué
et le même inconvénient se reproduit aux échelons inférieurs qui, à défaut de locaux
suffisamment spacieux et susceptibles d’être chauffés, subissent un
fractionnement rendu nécessaire pour abriter convenablement les hommes à
l’entrée de l’hiver. »[34] Lucien CAUDMONT. Hiver 1939-1940 Lucien CAUDMONT. Hiver 1939-1940 La veille de l’An 1940,
Lucien écrit à ses grands-parents. Il s’imagine que la guerre ne durera pas. Il
est de garde la veille de Noël. Il a neigé et il fait très froid. « Dimanche, 31 décembre
1939. Bien chers Grands-Parents, Au seuil de la nouvelle année, je vous adresse mes
meilleurs vœux de bonne santé, de courage et d’espoir. Je formule le souhait de
fêter, avec vous, le prochain jour de l’an qui sera le premier d’une longue
période de paix. Gardez confiance dans
un avenir que notre génération s’efforcera, même au prix de son sang de rendre
heureux et sans nuage. « Une bonne et heureuse année »… Oui, l’année
sera bonne si, chacun animé du désir de contribuer à la grande victoire, garde
le bon moral, condition première du succès… l’année sera aussi heureuse si elle
voit le début de la grande ère de paix et d’entente cordiale. Je situe ma permission autour du 27 janvier. Encore un
petit mois à attendre et j’aurai le bonheur de vous revoir J’ai passé la nuit
de Noël au corps de garde. Plus tard, je repenserai au réveillon de 1939 avec
un certain sourire ! Nous essuyons en ce moment une forte vague de froid.
Depuis avant-hier, nous avons une bonne couche de neige peu décidée à fondre.
Aussi, le principal souci est d’amasser du bois. Les corvées fonctionnent
régulièrement. Il s’agit d’aller dans les bois et de ramener de pleines
charrettes d’arbres abattus, c’est un travail qui me plaît particulièrement. Sur ce, je vous embrasse bien fort, et vous dis : à
bientôt. Lucien » Retour du bois. Fin décembre 1939. Photo prise par Daudicourt. Photo intitulée « Les pluches » datée de fin décembre 1939, on aurait aussi pu l’appeler « la corvée patates» Lucien CAUDMONT. Janvier 1940 Le 10 janvier 1940, des
officiers allemands sont capturés, ils portaient des plans d’invasion de la
Hollande et de la Belgique. La veille, Lucien fêtait ses vingt ans. Le jeudi 11
janvier, Lucien envoie une lettre à sa famille et lui raconte son anniversaire. « Jeudi 11 janvier 1940, Chers Parents, Cher frère,
Chères sœurs, J’ai reçu vos souhaits de joyeux anniversaire avec une
grande émotion … Joyeux vingtième aussi ! Je ne vous le cache pas, ça me fait un drôle d’effet
d’avoir vingt ans… le sentiment de quitter définitivement la paix de la
jeunesse insouciante peut-être. Mon premier tour, le jour de mes vingt ans, a été de
sauter sur la glace, désillusion ! Moi qui pensais, du jour au lendemain,
avoir une barbe de sapeur ! Ca sera pour une autre fois ! Chère maman, mille remerciements pour le pull-over.
Inutile de me l’envoyer, 1e) Parce que ma permission approche 2e)
Parce que, malgré le vent du nord, je n’ai pas froid ! et
pour cause ! J’ai sur moi un maillot de corps, une chemise, 2 pulls, une
vareuse une capote très chaude … et une fourragère ! Sans compter les
couvre-écussons, véritables volets, dont l’efficacité bien connue de tous, est
incontestable ! Il y a bien aussi le ceinturon – La protection qu’il
assure est assez faible et je ne le cite ici que pour mémoire. Ce matin nous nous sommes livrés au lancement de grenades
réelles. Rien de formidable ! J’ai touché une paire de brodequins neufs et une
magnifique vareuse – me voilà ainsi complètement équipé de neuf ! 17ème Voilà un rude bond, chère Odette, la 1ère
n’a plus qu’à bien se tenir. Je prends la garde de samedi
11 heures à dimanche à 11 heures. Match de volley le 3 janvier 1940 Lucien se trouve au 1er rang, 3ème à droite. Début janvier 1940 Voici une photo prise dans la neige, derrière la popote,
particulièrement bien réussie. Voilà une autre photo prise lors d’une partie de
Volley-ball. Meilleurs baisers à tous et à « bientôt » Lucien Bonjour amical à
Philippe » Mercredi 17 janvier 1940,
Lucien envoie une autre lettre à sa famille. La nuit a été rude.[35] « Mercredi, 17 janvier 1940. Chers Parents, Frère et Sœurs, Me voici de nouveau devant
ma bonne cheminée ! Et je trouve, sous la contemplation des flammes
joyeuses, matière à douce rêverie. J’essaie de rassembler, d’ordonner les
évènements de ces jours derniers. Ai-je rêvé ? Il me semble qu’en cette
occasion, ma mémoire fasse complètement défaut ! Reprenons donc tout dans
l’ordre chronologique. Dimanche 11 heures : la relève. Je compte faire ma
lessive ce soir. Mon retour en permission approche (vendredi sans doute) et je
tiens à avoir tout mon linge propre. 5 heures du soir, lessive terminée, le
linge sèche devant un bon feu. Je me reposerai bien cette nuit ! 7 heures,
une sonnerie, la « Soupe des officiers disent les uns, le
« Rassemblement » disent les autres. Je cours au bureau, bientôt tous
les officiers et les s. off sont rassemblés. Le Lieutenant Cdt, [La Cie], très
calme, donne ses ordres : « Ballots de sacs et de couvertures rendus
pour 8h1/2, distribution munitions, vivres de réserve, tubes de Chlorure de
chaux, à 8 heures, confection des sacs, puis repos, nous devons être prêts à
minuit, allez ». Et tout mon linge qui est mouillé ! Ce n’est pas le
moment de dormir, jusqu’à minuit ½ je reste assis devant l’âtre, tenant une
chemise ou tout autre chose le plus près possible de la flamme. Bien des fois
mes yeux se ferment. Enfin, tout est sec. Je monte mon sac en vitesse. Il ne me
reste plus qu’à m’étendre un peu. - « En tenue. Départ dans une ½ heure ». C’est
« dudule » le Lt
de jour qui vient d’apparaître à la porte… Dix minutes après, je suis harnaché,
les équipements sont terriblement lourds ! Je fais se préparer mes hommes,
mais de nouveaux ordres arrivent, à 2h du matin, corvée par section, ramener
des roulantes, qui sont établies à quelques 500 mètres de là, le café et un
repas froid. Me voilà reparti, aussitôt revenu. Je me suis laissé tomber sur la
paille, lorsque je me réveille à 4 heures, je suis transi, la porte est ouverte
et il fait très froid, quel malaise. 5 heures. Rassemblement de la compagnie, nous gagnons la
rame des autobus qui nous attend à la sortie du village, nous devons faire plus
de 1.500 mètres pour arriver à notre voiture. Puis c’est l’embarquement.
Confortablement installé sur la banquette du fond, je m’endors bientôt. Quand
je me réveille il est à peu près 8 heures, et « ça roule » bon train.
Les endroits traversés sont familiers, à 12 h, nous débarquons. J’aperçois les
trois clochers ! Puis c’est l’installation. Mon groupe, réellement
défavorisé habite une grande pièce glaciale. Un verre de vin pris à jeun. Je me
sens terriblement las ! Et par surcroît, complètement découragé. Je reçois
mon billet de logement. Mon hôte s’appelle Meur
Legrand, adjudant de gendarmerie retraité. Personnes très sympathiques. Je
prends le café avec eux, à plusieurs reprises, ma tête se penche vers la table.
N’insistons pas ! Je prends congé et je gagne ma chambre, le feu ronfle,
le lit éclatant de blancheur m’attend. Et me voici parti pour le pays des
rêves. 8 heures du soir !… 8 heures du matin : Mme Legrand me
réveille, elle pose sur la tablette un bol de café fumant… La cuvette est déjà pleine d’eau chaude. Ca va mieux
qu’hier, après ces 12 heures de vrai sommeil, je me sens d’attaque ! M. Legrand, qui doit aller à Cambrai me demande l’adresse
de papa, afin de l’avertir. 9h. Les hommes ont eu froid cette nuit, j’appelle mon Caporal et nous nous mettons en quête d’un poêle, nos recherches sont fructueuses, à 10 heures, la chambre est habitable. Mais le lieutenant arrive, le 12ème groupe va déménager ! Nous ne perdons pas au change, on nous donne une pièce où il y a eau, chauffage, lumière, les hommes sont heureux, la dame à qui appartient la salle est très gentille, elle nous prépare du café, et met la bouteille de « gnôle » à notre disposition, l’ancien cantonnement est habité maintenant par la 8ème Section, eux aussi n’avaient pas de chauffage, et leur lieutenant vient me trouver « Caudmont, vous êtes un chic type vous [Nous ne possédons pas la suite de cette lettre] » Une lettre du 22 avril 1940,
où il est fort question de détente. « Lundi, 22 avril 1940. Chers Parents, cher frère,
chères sœurs, Votre dernière lettre m’est parvenue et elle m’a bien
fait plaisir. Comme les précédentes, elle m’a trouvé dans ma « petite
maison rouge » laquelle porte maintenant le n° 38. La permission ? Mon dieu, on attend toujours – les
exceptionnelles sont rétablies - mais, jusqu’à présent, on n’a pas encore parlé
des détentes. J’y gagne au moins quelque chose : la jouissance d’un temps,
qui, je l’espère ne cessera d’être splendide. J’ai reçu hier la visite de
Philippe, nous avons passé une agréable soirée ensemble. La matinée, il est
vrai n’a pas été moins agréable. La 1ère Cie (S.off) a battu la 2ème
au football par 6 à 1. J’ai passé, nu jusqu’à la ceinture, et en petite
culotte, dans une avalanche de soleil. Je suis spécialisé dans le jeu du
demi-centre et papa doit certainement connaître cette place comme
particulièrement difficile à tenir. Il faut être partout, en avant, en arrière,
et distribuer le jeu à la ligne d’avants, mais je me surprends moi-même.
J’arrive, en fin de partie, presque aussi frais qu’au début et en souffle. Je vous envoie une des photos promises, l’autre a été mal
cadrée, et on ne voit que la partie inférieure de mon visage. D’après ce que vous pouvez voir, je me porte toujours
très bien (le cliché a été pris pendant mon « stage » de popotier). Félicitations, cher Léon ! Voilà un autocar que je
voudrais bien emprunter pour retourner en permission ! Mais il lui
faudrait une remorque, car il me paraît singulièrement « bondé ». En
échange de ton autocar je t’envoie un avion, qui n’est pas un Messerschmitt,
mais un Potez[36]
de bombardement. Quel temps magnifique n’est-ce pas. Ici, les sous-bois sont pleins de fleurs … et d’escargots de Bourgogne. J’ai repéré du muguet qui n’attend que le premier mai pour fleurir ». Le 9 mai 1940, des soldats
allemands passent la frontière belge déguisés en touristes, ils préparent
l’invasion. Le même jour, Lucien reçoit une lettre de Ginette Lançon de Paris,
cette jeune fille de vingt ans, avait accepté d’être sa marraine de guerre. Lucien
ne connaîtra jamais son visage. « Paris, le 9 Mai 1940 Monsieur, Je ne voudrais pas faire attendre ma réponse à votre
aimable lettre et je m’empresse de venir me présenter, quoique mon cousin
Riquet a certainement dû me devancer. Geneviève de mon prénom, je réponds plus fréquemment à
celui de Ginette, 20 ans comme vous, cheveux plutôt blonds, yeux bleus, assez
grande, élancée au dire de mes compagnes. Vous jugerez plus facilement en
voyant une de mes photos, mais je n’en ai pas en ma possession pour l’instant
sitôt que j’en aurai une je vous l’enverrai. Je travaille à La Banque de France
en qualité de secrétaire. Papa est employé de chemin de fer, région nord, étant
natif des environs de Douai, Maman elle ne travaille pas. Je n’ai pas comme
vous la chance d’avoir un frère et une sœur, même deux. Je suis toute seule.
C’est très gentil à vous de m’avoir répondu si vite. J’ai longuement hésité
devant l’adoption d’un filleul, mais en toute confiance je me fie au bon
jugement de mon cousin et je vous nomme déjà Monsieur « mon
filleul ». Quelle belle carrière préparez-vous Monsieur, étant
militariste dans l’âme, je ne puis que vous féliciter et vous admirer d’être
entré dans l’armée. Malheureusement, nous vivons une cruelle époque. Mais avec
confiance je me fie en l’avenir de notre pays. Je m’aperçois que je suis très bavarde. Qu’allez-vous penser de votre Marraine ? J’oubliais de vous parler de mon caractère. Mais vous le jugerez très vite car je suis de nature très franche, caractère très ouvert, un tantinet moqueur. J’attends très vite une longue lettre de vous, Monsieur, et dans cet espoir je vous prie d’accepter l’expression de ma bonne amitié. Votre Marraine Ginette » DEPLACEMENTS
DU 43e R.I. ENTRE LE
10 ET LE 15 MAI « C’est le 10 MAI, vers
10 Heures du matin, que l’ordre d’alerte N° 3 parvient au poste de commandement
du 43e à TRICOT. Cet ordre entraîne immédiatement des préparatifs de
départ et c’est un mouvement qui doit porter les unités sur la position
DYLE-NAMUR en vue de la bataille défensive. Il faut remarquer que l’hypothèse
DYLE a été préférée par le Haut-Commandement à l’hypothèse ESCAUT qui
consistait à attendre l’attaque ennemie sur les positions défensives le long de
notre frontière.»[37] L’itinéraire suivi par le 43e R.I. passe par Valenciennes,
Mons, Soignies, Braine-le-Comte, Ronquières,
Nivelles, Genappe, Bousval, Noirhat,
Court-Saint-Etienne, Le Chenoy point de débarquement. « Au passage à Nivelles,
la 2e Compagnie du 43e a été laissée à la disposition du
Général commandant le 3e C.A Elle a reçu pour mission d’occuper le
terrain d’aviation de cette localité et de le défendre contre les attaques
possibles de parachutistes »[38]
« L’INSTALLATION SUR LA POSITION (12 et 13
MAI 1940) Le 12 MAI au matin, 48 heures
après l’alerte, le 1er Bataillon est arrivé à pied d’œuvre sur la
position et le 13 MAI, le sous-secteur attribué au 43e R.I. est
occupé entre MONT-SAINT-GUIBERT et CHASTRE (ces deux localités exclues). Pour
tenir ce front de 3 km environ, le Colonel met en ligne, du Nord au Sud, ses 1er
et 2e Bataillons accolés qui organisent respectivement les quartiers
de HEVILLERS (au 1/43e) et BLANMONT (au 2/43e) face au
Nord-est. La mission du régiment, comme celle des régiments qui l’encadrent (1er
et 110e R.I.) est de résister sur cette position « sans esprit
de recul » avec l’appui du 3e groupe du 15e R.A.
divisionnaire et le bénéfice des feux de la compagnie antichars divisionnaire
sur son flanc droit surveillant la large dépression qui s’abaisse en direction
de VILLEROUX attribuée au 110e R.I. A Hévillers, le tunnel de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Namur est au centre du secteur du 43e R.I. Photos prises en 1945 par Cl. ARTIGES aux emplacements de la base de feu. (Photos extraites du livre de Cl. ARTIGES) La journée du 13 MAI est
consacrée à l’organisation de la position : travaux de terrassement,
tranchées, boyaux de liaison, dépôts de munitions, pose de mines antichars. Les
postes de commandement sont installés, celui du 1/43 à la sortie Nord de
HEVILLERS, celui du 2/43 aux lisières Est de HEVILLERS, le P.C. du Régiment à
SART MESSIRE GUILLAUME à proximité des P.C. des 15e et 215e
R.A.D. LA PRISE DE CONTACT (14 MAI 1940) Dans la matinée du 14 MAI des
éléments du 7e G.R.D.I. suivis d’unités du 1er
Cuirassiers appartenant à la 3e Division légère mécanique (Corps de
cavalerie) se replient derrière nos lignes. Le Colonel commandant le 1er
Cuirassiers prévient que ses blindés sont les derniers éléments amis à franchir
nos lignes. Il donne des précisions sur le procédés d’attaque ennemis :
actions extrêmement violentes de l’aviation adverse maîtresse absolue du ciel,
reconnaissances suivies d’attaques en piqué sous un bruit strident de sirènes
(avions stukas) à la bombe et à la mitrailleuse, menées par des vagues d’une
cinquantaine d’avions, attaques des P.C. et des dépôts par des bombes
incendiaires, pendant que des parachutistes lâchés sur les arrières prennent à
revers des points d’appui qui sont au même moment attaqués de front par des
chars. Maisons détruites à Hévillers lors des bombardements des 14 et 15 mai 1940. (Photos prises en 1945 et extraites du livre de Cl. ARTIGES) Vers 12 Heures 30, le P.C. du
2eBataillon (quartier de BLANMONT) signale l’apparition aux lisières
Nord-Est de BLANMONT des premiers éléments ennemis
qui se retirent sous le feu de nos armes automatiques. Le bilan au soir du 14
MAI est le suivant : l’ennemi a recherché le contact sur tout le front du
sous-secteur par de simples patrouilles, ses bombardements (canons et stukas)
n’ont eu que de faibles effets sur des troupes déjà enterrées et n’ont entraîné
que des pertes légères. Par contre, dans le sous-secteur de droite (110e R.I.)
et plus au Sud, sur la D.I. Marocaine, les chars sont passés à l’attaque et ont
été rejetés au-delà de la ligne principale de résistance. Désormais, les forces
ennemies sont maintenant à pied d’œuvre et il faut s’attendre, dès l’aube du 15
MAI, à les voir, tous moyens réunis, chercher à rompre notre dispositif sur un
large front. L’ATTAQUE DE LA POSITION (15 MAI 1940) La journée du 15 MAI débute
par une situation confuse résultant d’une information erronée, d’après laquelle
l’ennemi s’étant infiltré entre le 1er R.I. et le 43e R.I.,
la gauche de celui-ci se serait repliée. En réalité, le contact a été pris par
l’ennemi tout le long de « la ligne principale de résistance » qui
n’a été franchie en aucun point. La mise à sa disposition de la 9e
Compagnie permettra au Commandant du 1er Bataillon de renforcer son
dispositif à la charnière des 1er et 43e R.I. Les pertes sont légères eu
égard à la violence du bombardement de l’aviation ennemie (environ 10 %, dont
beaucoup de blessés légers par éclats de bombes). Les bombardements de
l’aviation adverse presque continuels et les attaques en piqué des stukas
éprouvent le moral. Les combattants qui scrutent le ciel et le voient vide de
toute aviation amie ne comprennent pas qu’on laisse ainsi l’aviation agir en toute
impunité. A 16 Heures, l’infanterie
ennemie passe à l’attaque. Deux compagnies ennemies sont bloquées par nos feux
à hauteur du talus de la voie ferrée NAMUR-BRUXELLES derrière laquelle est
installée notre ligne principale de résistance. Notre artillerie exécute des
tirs si précis sur les mouvements de l’ennemi qu’ils contribuent à stopper son
avance et à empêcher l’arrivée de ses réserves. Mais les sections des 5e
et 6e compagnies qui tiennent les points d’appui importants de
BLANMONT à l’Est de la voie ferrée, se trouvent en difficulté. Vers 17 Heures, l’attaque est
stoppée sur le front du 43e. Mais l’opération ennemie a remporté
plus de succès sur les deux ailes de la 1ère D.I.M. et ;
spécialement, sur le flanc droit du régiment, dans le dispositif du 110ee
R.I. où les unités blindées auraient pénétré profondément en débouchant du
secteur de la Division Marocaine. Le Général commandant la
division prescrit au Colonel, en appuyant sa gauche sur le 1er R.I.
formant pivot, de s’établir face à l’Est, le P.C. du 43e se portant
à FAUX. Le décrochage de nos unités s’effectue sans réactions violentes de
l’ennemi pourtant au contact immédiat et sans intervention sur notre flanc de
ses engins blindés. La raison a eu finalement raison de la ruée des chars
allemands et les a empêchés, en fin de journée, de passer à l’exploitation de
succès trop localisés […]. Au soir de cette journée du 15
MAI, il faut constater que sur le front des 1er et 43ème
R.I. l’ennemi, malgré les bombardements intenses de ses stukas, a été arrêté
devant la ligne principale de résistance. Face au 110ème R.I. et
dans le secteur de la Division Marocaine, il n’a pu obtenir, grâce à ses
blindés, que le repli partiel de quelques unités. C’est ici qu’il faut se
rappeler que les Allemands ont passé la Meuse à SEDAN, le 13 MAI à 15 Heures et
que le Haut Commandement français va prescrire prochainement le repli de toute
la 1ère Armée sur notre frontière du Nord pour éviter son
encerclement. Ainsi, sur ce point du champ de bataille, les forces françaises ont
été contraintes, par ordre supérieur, d’abandonner un terrain que des assauts
répétés n’avaient pu réussir à leur ravir. »[39] Claude ARTIGES témoigne de l’âpreté des combats à BLANMONT : « Les bombardiers
s’acharnent davantage sur les positions d’artillerie que sur les nôtres. Je les
vois piquer comme des flèches ; ils
font alors entendre cet épouvantable hurlement de sirènes. Les bombes sont
larguées, minuscules pointes, parfois brillantes, parfois noires, dans le grand
ciel. Puis, presque verticalement, ils remontent, décrivent un vaste cercle et
se regroupent, tout cela à une vitesse vertigineuse. Ils sont maîtres absolus
du ciel. Aucun appareil allié ne vient contrecarrer leurs missions. Seules les
mitrailleuses 13,2 et 20 mm du régiment et du 15e R.A.D. crachent
sur eux, avec beaucoup de cran, des centaines de balles qui semblent peu
efficaces. Le bourdonnement scandé diminue. Ils s’éloignent. Je suis anéanti,
vidé, sans réaction, mes nerfs raclés à vif. Cependant une accalmie relative
semble se manifester. Une pensée soudaine me vient… Si c’était l’attaque !
Mais rien ne semble bouger en face. Par contre sur notre droite,
en direction de BLANMONT où se trouve le 2/43 le combat fait rage, nous
attendons malgré la canonnade le crépitement furieux d’un grand nombre d’armes
automatiques… Une nouvelle vague de stukas vient de faire son apparition. Ils
se divisent en deux groupes, l’un vers notre arrière, l’autre au-dessus de
nous, sur notre gauche, en direction du 1er R.I. Ils recommencent
leur œuvre de destruction. Nous ne sommes plus rien que des loques humaines
essayant de survivre contre une force inhumaine ; je prie pour me
raccrocher à la seule intervention qui puisse, me semble-t-il, nous empêcher
d’être anéantis. La terre vibre comme sous l’effet d’un tremblement de terre.
Les avions se regroupent pour repartir. Heureux pour nous qu’ils doivent aller
se ravitailler, sans quoi ! » Cette lettre de Lucien
CAUDMONT est datée du 15 mai 1940, elle sera la dernière. Lucien l’a rédigée la
veille de sa mort. Il y décrit les bombardements allemands et la mort d’un
parachutiste. « Quelquepart en Mercredi 15 mai 1940 Bien chers Parents, « Tout va bien » « La santé est bonne » « Le moral est d’acier » Je voudrais bien vous envoyer des dragées car nous avons
eu le baptême du feu. C’est du fond de mon abri de FM que je vous écris (mains
sales, effets souillés par l’argile naturellement). Par le créneau, une vallée ensoleillée, où des oiseaux
chantent encore, mais on entend d’autres oiseaux chanter. Nous essuyons depuis
ce matin un rude pilonnage (très curieux le sifflement de l’obus). Un essaim de
Heinkel dont les moteurs font un bruit de sirène trouve plaisant de nous
envoyer des bombes. En ce moment, l’accalmie est très
sensible et je trouve le temps de vous écrire (je me demande bien quand elle
vous parviendra). Tout à l’heure un parachutiste
est descendu, mitraillé de toutes parts, il a atterri, tête pendante sur la
pâture, comme un pantin désarticulé. Sinistre image que cet homme
mort, tout habillé de noir, descendant lentement et se balançant sous le
parachute blanc. Botin a
profité de la trêve pour me rendre visite. Il me rapporte de bonnes
nouvelles : aucun dégât dans la section. Mon groupe a 2 FM, j’en dirige
un, et mon Caporal l’autre. Espérant bientôt recevoir de vos nouvelles, je vous
embrasse bien fort. Nombreux baisers à Colette, Jacqueline et Léon.
Claude ARTIGES en Battle-dress Claude ARTIGES a
aussi assisté à la scène du parachutiste, il y a même participé [« je fais le coup de feu avec les
copains »]. Elle s’est déroulée à Hévillers.
Le 43e R.I. s’était
placé en face de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Namur quand soudain : « -« Là !
Là !... hurle soudain Dumont en armant son mousqueton. Où là ?... Qu’y a-t-il, je
lève la tête… un parachutiste !... Il se balance mollement sous
l’énorme rond blanc de son parachute. D’où vient-il ?... Nous n’avons pas
entendu de combat aérien, ni vu d’appareil abattu… Mais alors, est-ce un lâcher
de parachutistes ?... Mon esprit se fixe sur cette
crainte et, sans plus chercher à comprendre, je fais le coup de feu avec les
copains. Cela me soulage presque ! Depuis le temps que nous nous laissons
écraser par les obus sans rien pouvoir faire ! Des coups de feu claquent
dans tous les coins, un fusil mitrailleur a même ouvert le tir. Là-haut le
parachutiste touché se laisse pendre, tel un pantin désarticulé [mêmes termes que ceux utilisés par Lucien
CAUDMONT]. Il est presque à terre… son
parachute l’emporte sur quelques mètres, le traînant au sol. A sa combinaison,
nous reconnaissons un aviateur. Ainsi, sans nous en rendre
compte, nous avons tiré sur un homme qui normalement aurait dû être fait prisonnier !...
Pourtant je suis persuadé que tous nous étions de bonne foi dans notre
affolement. Avec l’abrutissement provoqué par les bombardements, nous avons cru
à une vague de parachutistes et que celui-ci était tombé trop en avant… L’Allemand est couché à quelques
mètres de notre trou, des voltigeurs bondissent pour le chercher ? Ils
traînent son corps inanimé avec eux. Négligeant le tir de
contre-batterie, le barrage s’abat brusquement sur nous. Sans doute des
guetteurs ennemis ont-ils signalé que nous avons abattu un des leurs ?... Une
pluie d’obus percute, nous voilà repris dans la fournaise ! Ma tête va
éclater, je voudrais crier, pleurer, que sais-je moi, faire n’importe quoi pour
détendre mes pauvres nerfs. Mais non, il faut rester là à attendre. »[41] Le Colonel Pierre VEYRIER DE MURAUD est conscient du danger que
représentent ces parachutistes largués derrière les lignes françaises : « En
outre, il n’est bruit que de la présence sur nos arrières de
parachutistes ; plusieurs soldats du service de la circulation routière de
la Division, dont on aurait retrouvé les cadavres dévêtus, seraient tombés sous
leurs coups… Bien que non confirmés, ces faits exigent que chacun soit prévenu
et puisse se prémunir contre ce danger très vraisemblable. Cependant, cette
mise en garde nécessaire, va engendrer parmi les troupes dans cette période de
début des opérations, une véritable psychose allant parfois jusqu’à
l’hallucination causant même en certains cas mort d’hommes » LES
COMBATS A LA FERME HANNELIQUET Claude ARTIGES « A mon cher cousin Georges et à sa charmante fiancée avec mes meilleurs vœux de bonheur. C. ARTIGES » Passé les ruines de l’Abbaye de Villers-la-Ville, Claude ARTIGES a rejoint la route nationale vers Nivelles. Un convoi d’artillerie hippomobile avait été bombardé, il s’attarde sur l’horreur du carnage : « Le spectacle est affreux.
Plusieurs chevaux gonflés, les pattes raides et écartées, sont restés sur la route, empêtrés dans leurs traits. Des canons
et des caissons renversés sur le côté sont criblés d’éclats de bombes. Les projectiles (sans doute à
fusées instantanées) ne sont pas enfoncés dans l’asphalte de la route, si bien
que tous les éclats ont porté. Sur le bord de la chaussée des
cadavres sont étendus. Ils sont tout raides. Un grand artilleur a encore les
yeux ouverts, le masque effrayant, sa poitrine défoncée n’est plus qu’un
mélange de sang noir et de lambeaux d’uniformes… Nous voyons les entrailles
bleuâtres d’un autre, sorties de son ventre et puis du sang tout noir sur la
route, et des mouches bourdonnantes. Trois autres corps sont cachés par une
toile de tente, seules les jambes dépassent. Une odeur ignoble s’élève de
ce charnier… Nous n’osons plus regarder, pour un peu nous nous bousculerions
pour avancer plus vite et quitter cet endroit de cauchemar. » Claude ARTIGES nous livre quelques informations sur l’arrivée du 43e R.I. à Baulers et sur les possibles circonstances du décès de Lucien CAUDMONT : Jeudi 16 mai 1940. « […] Une halte nous abat
tous à l’ombre des murs d’un café où est installé le P.C. du colonel. Cela fait
cinq heures que nous marchons, sans arrêt, en plein soleil. Avec quelques
délices, j’enlèverai tout ce pesant harnachement qui me coupe les épaules et
les hanches … Compatissant, un motocycliste du P.C. distribue quelques biscuits
et on remplit des bidons. Sans doute avons-nous de tristes mines ? … - « Allez ! en avant !... » Péniblement nous nous remettons
sur nos pattes, d’un coup de pouce la bretelle de l’arme reprend sa place.
Premiers pas, les plus pénibles, et nous voilà repartis… - « Att… » le reste se perd dans un vrombissement tonitruant de moteur
et dans le crépitement d’une mitrailleuse. Comme ce matin, nous nous sommes laissés surprendre par un avion en rase-mottes, mais cette
fois ce n’est plus un Belge, mais un Messerschmidt !
La rafale est heureusement passée beaucoup trop haut. Canon antichar de 25 mm Mle 34 Hotchkiss. En service au 43e RIM, ses obus perçaient jusqu’à 40 mm de blindage, ce qui était insuffisant face aux chars allemands les plus lourds. (Photo ECPAD) - « Ah ! la vache ! Faudra commencer à faire gaffe si on veut
pas s’faire dégommer » constate l’énorme Pépin, un tireur de la 2e
section. Après encore bien des kilomètres, nous arrivons en vue d’un petit
village où paraît-il, d’après le capitaine, nous trouverons non seulement un
cantonnement mais encore une distribution de soupe y sera faite. Nous n’osons
même plus rêver qu’un tel bonheur fût encore possible. A l’entrée du village,
sur un pignon de maison nous lisons : Baulers. Il semble en effet qu’ici
une résistance s’établisse. A une sorte de carrefour nous voyons le colonel
diriger lui-même la mise en place de plusieurs sections du régiment. Il y a là
des compagnies du 2/43 et aussi quelques Tirailleurs du 22e,
certains sont blessés. Un cantonnement est assigné à notre compagnie[42].
- « Veine qu’est-ce qu’on va en écraser » jubile Dumont. - « Et pis s’caler les gencives » renchérit
Bernard. Nous traversons une voie ferrée. Un petit chemin aux
pavés ronds et inégaux nous conduit à une grande ferme évacuée. D’ici nous
dominons la région, sauf d’un côté où un mamelon nous surplombe légèrement. Le capitaine et le lieutenant Pommier disposent un groupe
de mitrailleurs derrière une haie touffue et notre dernier canon anti-chars (l’autre, je viens de l’apprendre, a été détruit
par une bombe d’avion à Hévillers) est mis en
batterie face à une route qui descend de la colline. Des voltigeurs, commandés
par le lieutenant Leblon, vont se poster dans une
autre aile du bâtiment. Ainsi toutes les issues sont gardées. - « Drôle de pause » grogne un gars en
rejoignant son poste. Plus chanceux, je fais partie de la section qui prendra
la relève. Il nous est naturellement interdit de nous déséquiper. Mais nous
pouvons dormir. La soupe sera distribuée plus tard… pour ma part je commence à
en douter, l’endroit ne me paraît pas propice, ni les circonstances. Ah ! la délicieuse impression de se coucher dans cette paille, de
s’étendre et de se laisser gagner par le sommeil ! »[43] Le Colonel VEYRIER DU
MURAUD complète le récit de Claude ARTIGES : « Vers 18 heures six automitrailleuses pressent fortement le 1er
Bataillon dont le flanc gauche est découvert. Le Commandant de la Compagnie
d’accompagnement (capitaine J[abiol]) usant de ses
canons de 25 millimètres[44] et de ses
mitrailleuses se défend avec acharnement, détruisant plusieurs engins. Vers
19h30, l’ennemi tente en vain de prononcer un large mouvement d’encerclement
menaçant le poste de Commandement du 1/43, sans parvenir à faire reculer un seul
élément de ce bataillon. Le
Colonel, qui par un chemin défilé peut rester en liaison étroite avec le
Commandant du 1/43, lui prescrit de tenir coûte que coûte jusqu’à la nuit qui
maintenant est proche, escomptant que l’ennemi cessera sa pression lorsque
l’obscurité sera venue. Il le prévient en outre de l’envoi, vraisemblablement
très prochain, d’un ordre qui lui est annoncé par le lieutenant Rombaud, officier de liaison avec l’I .D., ordre comportant un repli du 43e R.I. dans la
1re partie de la nuit.»[45] Claude ARTIGES qui se reposait dans la grange
de la ferme Hanneliquet raconte : « Un tumulte
indescriptible me réveille en sursaut. - « Alerte !...
Alerte !... Tout le monde dehors » hurle une voix. Une bousculade… Nous nous
précipitons encore à moitié endormis. Des interrogations anxieuses se croisent,
mais il est impossible de savoir ce qui se passe. Une sale angoisse me pince
désagréablement le cœur. Soudain des cris retentissent… une volée de
détonations... La toiture de la grange où nous sommes vient d’être traversée
par un obus de char, la saleté et la poussière volent partout, des bouts de
tuiles tombent. En même temps des rafales de mitrailleuses crépitent. Des
balles traceuses de gros calibres viennent, en sifflant, s’aplatir contre les
murs. Nous sommes complètement abasourdis. - « Chargez vos
armes !... Baïonnette au canon !... » « Baïonnette au
canon » ?!... Tout en exécutant
l’ordre j’échange un regard incrédule avec mon voisin. Je dois être pâle comme
un mort. Que pouvons-nous faire avec nos coupe-choux mal aiguisés de
mitrailleurs ?... Peloton des sous-officiers en mai 1939. 1er rang, de gauche à droite : Cl . ARTIGES, DOMISE, CARIN, Joseph. (Photo extraite du livre de Claude ARTIGES) L’adjudant-chef Allaies a pris le commandement de notre section. - « Nous allons sortir de la
ferme et essayer de prendre les automitrailleuses allemandes à revers.
Grouillez-vous hein ! » A la sortie de la ferme le
chemin est en déblai, ce qui nous protège, seul un passage d’une vingtaine de
mètres est soumis aux vues et par conséquent aux tirs ennemis, nous courons
aussi vite que nous le pouvons, courbés, l’arme à la main. Déjà nous sommes à
l’abri du talus, haletants, nous nous jetons dans l’herbe. » La détonation rageuse et sèche
de notre 25 retentit… avec stupeur j’entends un bruit de klaxon, qui va s’amplifiant, tout à fait comme
lorsqu’un faux contact se produit dans une voiture de tourisme, et ce bruit, étrange en
ces lieux, d’avertisseur se prolonge et nous vrille les oreilles. Une seconde
fois... puis une troisième fois notre canon claque… Les fortes détonations des
mitrailleuses lourdes d’engins blindés se font à nouveau entendre. Le klaxon
s’est tu. - « En avant ! En
haut du talus. Ouvrez le feu dès que vous pourrez le faire. » Nous grimpons la colline et
débouchons dans un champ de blé… l’arme prête à faire feu… l’œil aux aguets,
nous avançons craignant d’être fauchés par la brusque rafale d’un tireur
invisible. En haut de la crête nous distinguons environ à trois cents mètres
deux automitrailleuses gris foncé. L’adjudant-chef d’un geste impératif nous
fait coucher… ce n’était guère nécessaire… à la vue de l’ennemi, la plupart
d’entre nous ont déjà le nez dans l’herbe… Mais d’autres ouvrent le feu et
bientôt une fusillade nourrie éclate, cela détend les nerfs de tirer. Aucune
réaction du côté allemand. Plus rien ne bouge, l’ennemi s’est-il retiré,
abandonnant là ses blindés mis hors d’usage par notre canon de 25 mm ?...
Nous sommes dans la position du tireur à genou. A gauche, le Sergent LEZANNI qui détruisit deux automitrailleuses allemandes en deux coups de canon de 25, à droite le Sergent Roger BRADY. Photo prise à Orvillers-Sorel. (Photo J. CARDON) Notre chef de groupe me tend
ses jumelles, je vois alors plus nettement les deux automitrailleuses embossées
dans un petit chemin de campagne. Sur l’une d’elles, à l’arrière, je distingue
une croix noire soulignée de blanc. Aucune présence humaine cependant. Assez
loin de nous, et dans diverses directions, nous entendons des bruits d’armes
automatiques. L’adjudant-chef, après avoir
encore observé en direction des blindés, nous donne l’ordre de repli. Lorsque
nous arrivons à la ferme nous comprenons aussitôt que l’engagement a été
meurtrier pour notre compagnie. Le sergent Caudmont
est couché dans la cour, mort, derrière les deux mitrailleuses. Colino, un des tireurs, est blessé à la jambe et au
poignet. Le lieutenant Pommier le panse pour éviter une trop grande perte de
sang. Notre pauvre camarade est pratiquement évanoui. Je vais aider Carin
qui lui s’occupe du caporal Fertin, tireur au 25,
blessé au pied. Nous retournions souvent ensemble à Bruxelles en permission. - « Alors t’as le
filon ?... ça c’est la bonne blessure. L’hostau assuré… et la
convalo… ». Naye, le chargeur du canon de 25,
est couché sur le dos, blessé à l’aine, c’est son frère qui le soigne, aidé par
notre capitaine et le sergent Lezanni. L’ennemi
cependant a aussi eu à souffrir du tir de nos camarades. Pacos
a d’un seul coup de mousqueton en pleine tête, abattu un Allemand parvenu
jusqu’au mur qui ceinture les bâtiments. Je vois affalé près d’un abreuvoir le
caporal Andoche[46].
Il semble commotionné. - « Alors vieux ?... je peux
t’aider ?... » - « J’étais à côté du
sergent… alors tu comprends… La première rafale des boches a été pour nous…
Puis ils ont tiré sur le 25… Fertin et Naye
ont été à terre de suite. C’est le capitaine Jabiol
et le sergent Lezanni qui ont alors bondi sur le
canon. Le sergent comme tireur, le
pitaine comme chargeur. Tu vois, là, les boches avançaient sur nous du haut de
la colline… Lezanni a tiré deux fois… Deux fois il a
fait mouche. On aurait pas dit ça de lui. Ce klaxon
s’est mis à gueuler… pour moi l’obus de 25 a touché les accus ?!... Mais
les Allemands ont aussi tiré… J’ai vu les balles traçantes ricocher sur le
bouclier du canon qui a été bousillé. Le capitaine et Lezanni
sont revenus alors que les balles pétaient partout !... Tu parles d’un
boulot !... moi j’en ai vachement marre de tout ce fourbi. » Au moment où je me dirige vers
Pacos, occupé à expliquer à Joseph comment il a tiré
sur l’Allemand qui gît toujours sur les pavés de la cour, le lieutenant Pommier
m’appelle. C’est à mon tour de prendre la relève aux pièces. Un sentiment mal
défini m’empêche de me placer là où se trouvait Caudmont.
Le capitaine fait descendre, avec beaucoup de précautions, les blessés dans la
cave. N’y a-t-il vraiment pas moyen de trouver des ambulances ? Cela nous
démoralise très fort de constater que nos blessés ne reçoivent pratiquement
aucun soin. D’un instant à l’autre nous pouvons être dans leur cas !...
Alors !... Mitrailleuse d’infanterie Hotchkiss. De gauche à droite : Cl. ARTIGES, GAMBIER et GONDON. (Photo extraite du livre de Claude ARTIGES) - « Ca va durer encore
longtemps c’fort Chabrol à la manque » grogne un gars entre ses dents. Nous sentons tous que notre
position est dangereuse et il nous semble être les seuls du bataillon encore
dans le secteur. Plus aucun coup de
feu ne retentit. La soirée est pleine de quiétude à la fin de cette belle
journée de printemps. Alors que nous sommes impatients de voir arriver la nuit,
et avec elle l’arrêt de la progression ennemie, le jour semble vouloir
s’éterniser par un flamboyant coucher de soleil. Les
oiseaux s’égosillent, toutes sortes de petits insectes font entendre leurs
crissements. Indifférent à notre présence un gros merle sautille à deux pas de
nos pièces, la nature connaît en cet instant une paix profonde… Mais Caudmont a été tué et nos blessés souffrent. Le lieutenant
Pommier observe toujours notre secteur à la jumelle. Je m’étonne beaucoup qu’il
ne prenne la tête d’une patrouille pour aller jusqu’aux blindés allemands, qui semblent
avoir été définitivement abandonnés. Une initiative comme celle-là serait assez
dans son genre d’humour, le sergent comme tireur, le pitaine comme chargeur d’humour. »[47] Le
Colonel VEYRIER DU MURAUD exprime ses craintes sur l’action ennemie et espère
la nuit : « Cependant, l’ennemi cherche à utiliser
les dernières lueurs du jour pour resserrer son étreinte, ses tirs augmentent
d’intensité, ses balles traceuses qui maintenant sifflent au-dessus du P.C. du
Régiment, indiquent que le débordement par le nord s’accentue. Mais la
Compagnie de gauche (compagnie O[heix]) tient bon,
répond au feu par le feu et, dans le jour qui décline voit les
automitrailleuses s’embosser, sur son flanc sans pousser leur mouvement plus
avant. La nuit venue, leur action ne sera plus à redouter dans ce terrain
extrêmement coupé. Effectivement tout
se borne maintenant, de part et d’autre, à des tirs de harcèlement,
l’artillerie ennemie bombarde violemment Nivelles où l’on voit des incendies
s’allumer. » Chenillette Renault de ravitaillement. Lors de la retraite de Hanneliquet, ce type de véhicule a servi à transporter les blessés. Au centre, appuyé sur la chenillette, Robert CAEN. (Photo 43e R.I.) Claude ARTIGES raconte le départ
de la ferme Hanneliquet : « Au loin une
longue rafale vient couper ce quart d’heure de calme… puis une autre lui
répond, nous avons déjà appris à discerner leurs armes des nôtres… et allez
donc, voilà la sérénade qui recommence !... Claude ARTIGES - « Y-z-ont fini c’achez ch’croûte eux autres »
remarque avec philosophie Menu en pensant sans doute aux Allemands prenant leur
casse-croûte du soir.- «Nous en tous cas comme soupe, y a pas, on a été servi…
J’le retiens le pitaine !... » lui répond Delaval. Nous entendons tirer maintenant de tous les côtés.
Au moins notre impression d’isolement s’est-elle dissipée…
faible consolation !... L’obscurité est venue. Le capitaine fait remonter
les blessés de la cave pour les installer le mieux possible sur notre
chenillette conduite par Dalmasso. - « Trouve une ambulance pour
eux, débrouille-toi mais il faut les faire soigner. Prends le frère de Naye avec toi » commande notre capitaine au chenillard.» Pendant ce temps nous avons
rechargé le matériel sur les voiturettes. La compagnie est rassemblée et nous
quittons cette ferme de triste mémoire où nous laissons un camarade… notre dernier canon antichars hors d’usage et un cadavre
allemand. Par un petit
chemin encaissé nous descendons vers Nivelles. Nous marchons en colonne par un
de chaque côté de la route, la chenillette au milieu. Une dernière fois je
serre la main de Fertin. Le ciel au-dessus de la
ville rougeoie aux lueurs des incendies. Par là aussi le canon tonne […] ».
« LE REPLI ET LES COUPS D’ARRET (16 Au 19 MAI) Après les premiers
combats sur la position de la DYLE, toute une série de replis successifs vont
se dérouler, marqués par des coups d’arrêts dont les principaux se situent à
BOUSVAL (où sera tué le Lieutenant ROYEZ, officier de
renseignements), BAULERS, ROEULX, FELUY. C’est là, dans le point d’appui qu’il
commandait, que succombera le Capitaine ROIDOT commandant la 10e Compagnie ;
on retrouvera son corps couché à côté de ceux de plusieurs de ses hommes, ayant
encore contre lui le fusil mitrailleur échappé de ses mains et, devant lui, les
cadavres de plusieurs soldats allemands dont il avait eu raison avant de
succomber lui-même. Cette période de repli vers la frontière française est
caractérisée par l’extrême difficulté de coordonner l’action des unités, due à
des liaisons défectueuses, parfois même impossibles à réaliser, à des
changements fréquents de destination, quand ce ne sont pas des contre-ordres.
Tous les déplacements se font à pied, sans repos, avec un ravitaillement de
fortune, sous la menace de l’aviation ennemie qui signale les colonnes de
fantassins et parfois les bombarde, et sous la pression de l’ennemi. A cela il
faut ajouter l’encombrement résultant de la rencontre sur les grands axes
d’unités diverses auxquelles se mêlent les voitures des réfugiés belges. Dans
de pareilles conditions, il faut souligner le courage de ces petits
détachements qui, bien encadrés, reçoivent à plusieurs reprises des missions de
résistance dont ils s’acquittent à l’entière satisfaction des divers chefs qui
les emploient.»[48] 1er rang assis : Slt VANDORPE, Ltn POIRE, Slt de LIPSKI, Slt RUFFY DE PONTEVES, Slt WERY, Cpl RYNKOWSKI (interprète) 2e rang : Cne DEWIDEHEM, Cne JABIOL, Cne TARTAR, Lcl CAILLARD, Lcl V. DU MURAUD, Cdt CHABROLLES, Cne NICOLI, Cne COQUET, Cne LEJEUNE. 3ee rang : Lt, LAVOINE, Slt BONAVENTURE, Slt SEXE, Ltn SENECHAL, Ltn DESPINOY, Cne OHEIX, Slt MARTINIE, Ltn DUBOIS, Slt BONFILS, Ltn BOUDRY, Slt MAURRAS, Slt PEYRON, Ltn LANCIEUX, Ltn WILHEM. 4ee rang : Slt PUCHE, Ltn BOULENGER, Slt TETU, Slt TARDIEU. (Photo 43e RI) Parmi les prisonniers du 43e R.I., on peut relever : Pierre VEYRIER DU MURAUD, commandant le Régiment Le Lieutenant Colonel CAILLARD, commandant le 1er Bataillon Le Commandant CHABROLLES, commandant le 3e Bataillon Le Lieutenant LAVOINE commandant la 2e Compagnie Le Capitaine OHEIX, commandant la 3e Compagnie Le Capitaine DEWIDEHEM, commandant le 6e Compagnie Le Capitaine JABIOL, commandant la Compagnie d’accompagnement 1 Acte de décès de Lucien CAUDMONT « Acte de Décès N° 10 L’an mil neuf cent
quarante, le vingt trois du mois de mai, à onze heures de l’avant-midi, par
devant Nous, Amaury de Ramaix, Bourgmestre, Officier
de l’Etat Civil de la commune de Baulers Arrondissement de Nivelles, province
de Brabant, ont comparu Levêque, Victor âgé de
septante trois ans, secrétaire communal domicilié à Baulers, non parent du défunt
et Istas Léon âgé de quarante-sept ans garde
champêtre domicilié à Baulers, non parent du défunt lesquels nous ont déclaré
que est décédé à Baulers à une heure inconnue au cours du combat qui a eu lieu
du seize au dix sept mai près de la ferme de Joseph Havaux,
le nommé Caudmont , Lucien-Léon-Charles, né le neuf
janvier mil neuf cent vingt à Istres, département des Bouches du Rhône,
résidant à Cambrai, deux cent quarante cinq, rue Saint Ladre, fils de
Léon-Félix, et de Gérard, Lucienne-Eugénie, sergent à l’armée française, numéro
matricule deux cent vingt trois. Duquel acte il leur a été donné lecture ; les comparants ont signé avec nous V. Levêque L. Istas A. de Ramaix ». Jacqueline Bietz nous a transmis le carnet militaire de son frère Lucien. Dans un courriel, elle déclare : « On y voit la trace de l’objet qui a traversé son portefeuille et le livret de part en part. Il n’est pas certain que ce projectile lui ait été fatal car des personnes ayant assisté à son exhumation ont rapporté à mes parents qu’il avait été enterré avec son masque à gaz et son casque et que ce dernier avait été percé par un projectile … » Livret militaire de Lucien CAUDMONT transpercé par un projectile Cette photo de Léon Caudmont a été prise en 1925. Lucien la portait dans son portefeuille lorsqu’il a été tué. En haut à droite, on voit l’impact de la balle. C’est sur cet avion que Léon effectuait journellement ses missions LEON CAUDMONT Après trois années de tranchées de 1914 à
1917, lorsqu’on a demandé des volontaires pour l’aviation naissante, Léon s’est
engagé, il est devenu pilote puis instructeur. Il a fait de la photo aérienne
au-dessus de l’Allemagne où il avait été envoyé en 1920 suite à l’occupation du
pays. Il a effectué tout son temps dans l’aviation militaire pour être ensuite
affecté à un emploi réservé jusqu’à sa mobilisation en 1939. Le 29 décembre 1941, le
Commandant MALDERET, Commandant du Centre de Mobilisation d’Infanterie N° 13 et
Dépôt d’Infanterie N° 13 et ancien Capitaine chargé du personnel du même
Centre, dresse un portrait élogieux de Léon CAUDMONT : « Agent militaire principal de tout premier ordre sur lequel l’on peut
compter en toutes circonstances. Affecté à la Section du personnel a toujours
donné entière satisfaction dans son service. Désigné pour l’exécution des
travaux très secrets, je n’ai eu qu’à me louer de l’avoir choisi. Ponctuel, intelligent, travailleur, de belle tenue, CAUDMONT fut toujours
le modèle à citer à tous, et c’est avec entrain que ses camarades travaillaient
sous ses ordres, jamais il ne fut indisponible et souvent il laissa ses permissions.
Chargé du lotissement des ordres d’appel il s’en acquitta d’une façon très
élogieuse, ainsi que de la formation des unités mobilisées, les mobilisations
de 1938 et 1939 ont permis de constater que tout ce qui ressortissait de son
service était parfait. A ma prise de commandement du centre de
Mobilisation d’Infanterie N° 13, CAUDMONT fut chargé par moi de mettre au
courant du service du personnel mon successeur, le Sous-lieutenant VANDERPOTTE,
il le fit avec entrain et ne ménagea ni son temps, ni son travail pour arriver
à un résultat satisfaisant. Pendant la mobilisation, CAUDMONT était présent à son travail jour et
nuit et c’est surtout là que j’ai pu apprécier la haute valeur de cet agent
principal. Après les évènements du 10 mai 1940, je le retrouve à St MALO où je
commandais le Dépôt d’Infanterie N° 13, par ses propres moyens et au péril de
sa vie il était arrivé à rejoindre le nouveau dépôt. Manquant d’Officiers
qualifiés, c’est à CAUDMONT que j’attribuais la direction du fichier déjà il en
avait commencé la reconstitution quand le nouveau dépôt fut pris par l’ennemi. A la suite des opérations de 1938 a obtenu une lettre de félicitations du
Ministre et un avancement au choix. En résumé, après l’avoir eu sous mes ordres pendant 13 ans, je ne puis le
qualifier que « d’agent Militaire d’Elite ». Signé : Malderet Commandant MALDERET Commandant le Centre de Mobilisation d’Infanterie N°
13 et Dépôt d’Infanterie N° 13 et ancien Capitaine chargé du personnel du même
Centre. Pour copie conforme au manuscrit du Chef de Bataillon MALDERET. Amiens, le 29 Décembre 1941 Le Directeur Régional de l’Intendance LILLE-AMIENS, P/O Le Chef d’Escadron Molé, adjoint
administratif » Le 23 mai 1940, par l’entremise de la Légation de
Suisse à Bruxelles, le Bourgmestre Amaury de Ramaix
informe Léon CAUDMONT que Lucien est décédé. Le 3 septembre 1940, Madame ST AUBERT, une
voisine qui habitait en face des parents CAUDMONT, envoie une lettre au grand
père maternel de Lucien chez qui la famille s’était réfugiée. Elle leur apprend
que Philippe GRIFFART est toujours vivant. Cependant, les parents ne savent
toujours pas que Lucien a été tué. A noter au passage le cachet de l’Administration communale de Baulers Amaury-Marie-Joseph-Edouard-Paul-Ghislain de RAMAIX. Bourgmestre de Baulers le 16 octobre 1931. Officier de l’Ordre de Léopold. Chevalier de l’Ordre de la Couronne. Né à Berlin, le 11 mai 1881. Mort à Baulers le 4 janvier 1955 « Cambrai le 3 sept. 1940. Monsieur, Excusez-moi,
je voue prie, de vous charger d’une affaire très délicate. Son fils
Lucien était, paraît-il, à la frontière de Hollande avec le jeune Griffart quand le malheur a voulu qu’ils soient pour
toujours séparés. Je conçois la douleur des parents en apprenant une pareille
nouvelle, aussi je compte sur votre délicatesse pour prévenir le père avec tous
les ménagements nécessaires. Lui de son côté, jugera s’il doit le dire
maintenant à Mme Caudmont et aux enfants. Le
mortuaire est arrivé à la mairie de Cambrai, mais on doit attendre leur retour
pour leur remettre. Soyez persuadé, que mon mari et moi, prenons une large part
à la souffrance de toute cette famille si éprouvée et leur envoyons nos plus
sincères condoléances. Recevez, Monsieur, avec nos remerciements nos salutations
empressées. St Aubert » Le 26 décembre 1940, Amaury de Ramaix, Bourgmestre de Baulers, envoie un courrier au papa
de Lucien. Il explique les circonstances dans lesquelles le corps de Lucien a
été retrouvé. Celui-ci ne pourra pas être rapatrié car le service qui s’en
occupe a suspendu ses activités. « Baulers, le 26 décembre 1940. Monsieur, J’ai bien
reçu avant-hier votre lettre du 20 novembre et je ne puis que vous renouveler
mes condoléances pour le décès de votre fils, tombé à Baulers, au champ
d’Honneur, probablement dans la nuit du 16 au 17 mai. On n’a retrouvé son
corps, le long d’une haie, que plusieurs jours après et l’a identifié d’après
ses papiers personnels et surtout son carnet militaire. Le portefeuille ne
contenait pas d’argent, ce qui, hélas est usuel. A la
demande de la Croix-Rouge Française, le corps a été exhumé, placé dans un
cercueil de chêne et transféré au cimetière communal ; les tombes des
militaires sont toutes entretenues convenablement. Le service français de
rapatriement des victimes de la guerre a suspendu ses opérations. La Croix
Rouge de Belgique s’est fait envoyer les souvenirs des décédés pour les envoyer
à la Croix Rouge de France. Veuillez
recevoir, Monsieur, mes salutations distinguées, Le Bourgmestre A. de Ramaix » Plusieurs amis de Lucien tenteront d’avoir de ses
nouvelles, ils ignorent encore qu’il est mort. Le 9 juin 1941, le Ministère de l’Intérieur envoie une lettre au Maire de Saint-Satur et le prie d’informer avec ménagement la famille du
défunt de lui présenter ses condoléances. Le 18 septembre 1941, le chef du bureau des
successions militaires informe Léon CAUDMONT que des recherches ont été
entreprises pour retrouver les effets personnels de Lucien. Le 22 décembre 1941, Joseph Burton Thomas[49] qui habitait au 126 du
hameau d’Alzémont envoie une lettre au papa de
Lucien. « Baulers le 22 Décembre 1941 Monsieur, J’ai bien
reçu votre lettre et ce que j’ai fait pour votre cher disparu, c’est par des
sentiments sincères que je nourris pour votre pays. Je ne
sais pas exactement les circonstances dans lesquelles votre cher enfant a
trouvé la mort, toutefois vu la position du corps la mort a dût [sic] être
instantanée et provoquée par une rafale de balles de mitrailleuse. Je crois
que ce garçon de part sa position, avait, lui, chef de groupe, pris possession
de la mitrailleuse et tentait d’arrêter l’ennemi. Vous pouvez être sûr qu’il a
fait son devoir. Si vous
obtenez l’autorisation de venir en Belgique, venez chez moi, et je serai
heureux de vous recevoir. Je vous
prie d’agréez Monsieur Caudmont mes bien sincères
salutations. Joseph
Burton Thomas Alzémont 126 Baulers
Brabant Belgique » Joseph BURTON avait
découvert le corps de Lucien CAUDMONT. « Toutefois, vu la position du corps, la mort a du être instantanée et
provoquée par une rafale de balles de mitrailleuse ». Cela laisse
supposer que le corps n’avait pas été bougé de place depuis la fusillade et le départ
du 43e R.I. vers Feluy, or après l’attaque
allemande, Claude ARTIGES prend la relève aux pièces « un sentiment mal défini m’empêche de me
placer là où se trouvait Caudmont ». Ce
dernier n’était donc plus derrière les mitrailleuses, son corps aurait été
déplacé, probablement contre la haie. CAUDMONT Lucien aurait
du se trouver dans la cour de la ferme, lorsque Claude ARTIGES s’installe
derrière la mitrailleuse desservie par Lucien, il peut voir les blessés
descendre dans la cave dont l’entrée est située dans la cour intérieure de la
ferme. Si la mitrailleuse s’était trouvée le long de la haie, il lui était
impossible de voir les blessés. Le récit de Claude ARTIGES
sera partiellement contrarié par le témoignage du Sergent GRIFFART Philippe de
la 313ème Compagnie de G.P.G. de Marles-les-Mines (Pas-de-Calais)
dans une lettre datée du 25 juillet 1945. Lucien a été tué lors de l’attaque
d’un char allemand situé à une quelques centaines de mètres de la ferme Hanneliquet. Une explication serait que son corps a du être
ramené et déposé près d’une mitrailleuse que Claude ARTIGES devait desservir
lorsqu’il est revenu de sa sortie avec l’adjudant-chef ALLAIES. D’après Henri HAUTIER,
avant 1956, deux familles françaises se sont présentées à Baulers et ont
réclamé les corps de deux soldats français. « Etant dans le Cher, il était impossible pour
les parents de retourner dans le Nord, zone rouge que les allemands
interdisaient »[50],
ils ne pourront se recueillir sur la tombe de Lucien qu’en 1945. Ils
effectueront ensuite les démarches pour
faire exhumer son corps en 1950 pour le rapatrier dans le caveau
familial à Douchy les Mines (59). La sœur de Lucien
se souvient qu’un de ses camarades avait été exhumé également, mais elle ignore
duquel il s’agissait. Le 5 août 1943, le secrétariat à la Défense
informe Léon CAUDLONT que l’acte de décès de Lucien a été adressé au Maire de
Cambrai En janvier 1942, le Secrétaire général aux Anciens Combattants informe le Président de la Croix-Rouge que la succession de Lucien CAUDMONT a été adressée au Maire de St-Satur. Le 27 janvier 1942, la Croix-Rouge française transmet à Léon CAUDMONT copie de la lettre du Secrétaire général aux Anciens Combattants. CITATION Le 21 novembre 1946, la République française cite Lucien CAUDMONT à l’ordre de la Brigade : « Chef de groupe, a fait preuve pendant les combats en BELGIQUE des plus belles qualités de courage et d’allant. A été tué glorieusement le 16 Mai 1940, à BAULERS, en assurant personnellement le tir du Fusil-Mitrailleur de son groupe lors d’un engagement très vif contre des engins motorisés et des éléments portés ». RECIT DE PHILIPPE GRIFFART
SUR LES CIRCONSTANCES DE LA MORT DE LUCIEN CAUDMONT Dans
une lettre datée du 25 juillet 1945, le Sergent GRIFFART Philippe de la 313e
Compagnie de G.P.G. de Marles-les-Mines (Pas-de-Calais), indique que Lucien
CAUDMONT n’est pas mort dans la cour de la ferme Hanneliquet,
mais bien en attaquant un char situé dans un petit bois. Lucien avait été
envoyé en reconnaissance avec son groupe avec mission de rapporter quelques
renseignements et aussi de se défendre à la grenade contre des chars. Lors d’un
contact avec l’un d’eux, il a été tué. GRIFFART parle de plusieurs morts du
côté français, selon lui, seulement quelques hommes de son groupe ont pu
rejoindre les lignes françaises. « Marles les Mines le 25/7/45. Chers Amis, Vous avez du me trouver bien
impoli et ingrat de ne pas encore avoir reçu de mes nouvelles. C’est que voyez-vous
je suis assez paresseux et je remets toujours au lendemain. Ce n’est pourtant
pas que je vous ai oublié, rassurez-vous. A la pensée que ma lettre va à
nouveau vous rappeler un souvenir de ce cher Lucien et ainsi vous rouvrir une
plaie si douloureuse je repoussais chaque jour ma lettre jusqu’au jour où j’ai
pensé que j’allais paraître impoli. Excusez-moi de parler du passé qui vous est
si triste mais je sais ce que vous attendez de ma lettre. Hélas ! Je ne
pourrais vous donner plus amples détails que ceux que vous connaissez déjà sur
la mort de Lucien. Si vous le permettez je vais vous dire ce que j’en sais. Le lendemain
de la mort de Lucien, j’étais arrêté dans un petit village couché sur un
trottoir quand tout-à-coup je me senti
réveiller par un sergent de sa section m’annonçant cette triste nouvelle, je ne pouvais en croire mes
oreilles. De suite j’ai été trouvé son chef de section qui était cantonné dans
une rue voisine, lui demandant de plus amples détails. Il me répondit
ceci : « Nous avions devant nous des chars ennemis qui devaient nous
attaquer d’un moment à l’autre, ils étaient dans un petit bois[51]
devant nous. Caudmont fut envoyé en reconnaissance
avec son groupe avec mission de rapporter quelques renseignements et aussi de
se défendre à la grenade contre les chars s’ils se trouvaient en présence
d’eux. C’est ce qui se produit. Nous avons vu Caudmont
tomber et devant l’attaque imposante de
chars nous nous sommes repliés. De son groupe, quelques hommes seulement ont pu
rejoindre nos lignes, nous apportant la confirmation des morts ». Après avoir repris un peu de
mon courage je me suis informé de son sac inférieur ou plutôt j’ai essayé de
trouver son sac pour vous faire parvenir ce qui restait à sa propriété. Mais
hélas ! Pas plus le sien que le mien n’étaient retrouvables puisque les
camions avaient filés devant pour des destinations inconnues. Puis je n’ai plus rien su
jusqu’au jour où je fus prisonnier. Il s’est produit, dans un cantonnement pour
prisonnier dans une espèce de couvent, j’étais couché à côté d’un soldat du 43
et la première chose que je lui ai demandé : quelle compagnie es-tu ?
Il me répondit de la 1ère - donc tu connais le sergent Caudmont – je pense bien me dit-il c’était mon chef de
groupe. Pour savoir si le malheur était réel car j’en doutais encore un peu, je
lui ai demandé : qu’est-il devenu, est-ce qu’il est prisonnier – Il me
répliqua : « Non malheureusement il n’est pas prisonnier ;
j’étais à côté de lui lorsqu’il est tombé. Nous nous sommes trouvés en présence
d’un char et Caudmont en tête de son groupe a ordonné
l’attaque du char à la grenade, il a donc couru vers le char pour se mettre le
plus rapidement possible dans son angle mort afin de placer une grenade sous
les chenilles mais le char manœuvra sa tourelle rapidement et le frappa d’une
balle en plein front, la mort fut instantanée, sans aucun cri, aucune plainte,
aucune souffrance ». Ceci vous le savez se passait devant Baulers un jour
dont j’ai oublié la date entre 7 et 9h du soir, si mes souvenirs sont exacts. Comme vous voyez d’après mon
adresse j’ai demandé à rester dans l’armée mais je le regrette déjà. Je garde
les prisonniers allemands et le service est assez dur, de plus, je suis encore
séparé de ma famille, et il n’y a rien à faire pour être muté à Cambrai car je
voudrais être instructeur à la préparation militaire « La Cambrésienne. »
Au point de vue avancement, vous voyez je suis encore sergent et je ne vois
rien venir de toutes les promesses qui nous ont été faites aussi vais-je
demander l’intendance et puis après si possible préparer un emploi civil. Je termine en vous envoyant
toutes mes bonnes amitiés en attendant d’avoir le plaisir de vous revoir.
Sergent Griffart Philippe 313e Cie de
G.P.G. Marles-les-Mines Pas-de-Calais » Le nom de CAUDMONT Lucien est repris sur le Monument aux morts de Saint-Satur. Sa dépouille a été rapatriée en France et repose dans le caveau familial au cimetière de Thauvenay (18) dans le Cher. Sur les trois soldats français tués à Baulers, nous ne sommes parvenus à mettre un visage que sur le nom de Lucien CAUDMONT, grâce à sa sœur Jacqueline, en vie et de dix ans sa cadette. Ferme Hanneliquet jusqu’en 1949 On remarque qu’il existait une haie sur la gauche de la photo en bord du chemin qui longeait la grange, probablement celle où Joseph BURTON aurait retrouvé Lucien CAUDMONT. A droite du mur d’enceinte de la ferme [du côte de la chapelle] était positionné le canon de 25 du 1/43. L’affût du canon est toujours présent et enterré à +/- 4 mètres de profondeur [voir plan ci-après]. Interview de Lucien GLIBERT, dernier bourgmestre de Baulers : « Les Baulersois ont vu arriver les troupes françaises en particulier dans le château de Monsieur de Ramaix qui était bourgmestre et dans la ferme du chapitre occupée par mon père. Les Français ont pris leur position sur le dessus de Baulers au lieu dit Hanneliquet, c’est l’endroit le plus élevé de Baulers qui domine la plaine s’étendant vers l’est, c’est-à-dire vers Genappe, vers l’Allemagne d’où les troupes ennemies devaient arriver. Là, il y eut un combat qu’on a appelé la bataille de Baulers. Au cours de ce combat, 3 Français ont été tués qui ont été enterrés sur place. On les a déterrés par la suite pour les mettre dans le cimetière de Baulers avant qu’ils ne soient rapatriés en France. Il y eut aussi un ou deux Allemands tués.»[52] Selon le témoignage de Henri HAUTIER, époux Marie-Louise SEUTIN et Henri Firmin HAUTIER, son père, deux soldats français auraient été abattus et enterrés dans la prairie située à l’arrière de leur ferme dans la portion cadastrée section C 3c le long du chemin du Trou du Bois, quasi à la limite entre deux terres et sous un arbre [qui aujourd’hui a disparu].
LES
COMBATS AU CHATEAU BOUILLON Nous reproduisons ci après des extraits du « Journal des marches et opérations du parc d’artillerie divisionnaire n° 1 »[53] : Pages 8 et 9 : « 13 mai
- le P.A.D. stationne à Baulers à 3 kms N.E. de Nivelles. 14 mai - Mêmes cantonnements. Vers 11h. le P.A.D. est
violemment bombardé par avion à trois reprises différentes, par des avions
volant assez haut. Il y a un tué le chauffeur
RICHE et 14 blessés dont 12 ont été évacués par le médecin du P.A.D. entre 12h.
et 13h. 4 ou 5 blessés sont dans un état grave. Dégâts
matériels : 1 touriste hors de service, 1 touriste abimée, 3 camions
incendiés, 2 camions hors de service, 2 motocyclettes hors de service. Rien à
signaler à la S.A.M. 16 mai - Suivant ordre verbal donné sur place
par le Colonel commandant P.A.D., le P.A.D. doit se tenir prêt à faire
mouvement. L’ordre est envoyé vers 1
heure du matin ; le P.A.D. se transporte au bois de Baudemont
en évitant Nivelles. A 17h. le P.A.D. reçoit
l’ordre de se transporter par un premier mouvement sur le bois de la Houssière
sortie ouest de Henripont, où il attendra la 2e
partie de l’ordre de mouvement. Nouveau cantonnement : Maisny-St-Jean. » Pages 22 et 23 : « Les Combats de la
Dyle. Pour
le mouvement vers la Belgique, où la 1re D.I.M. doit prendre
position, le P.A.D. est rattaché au 3e échelon de la division, dont
le départ est fixé au jour J3 – le 12 mai. Initialement, le mouvement était
prévu en deux étapes ; en raison de l'attitude de l'ennemi, il est prescrit en
une seule étape, celle-ci est amorcée le 12 au soir, elle se poursuit au cours
de la nuit du 12 au 13, pour s'achever le 13 au matin. Itinéraire par Péronne,
Cambrai, Valenciennes, Mons, Soignies et Nivelles. Pour
l'étape de nuit, l'itinéraire est balisé par une série de lanternes électriques
posées à même le sol sur la bordure de la route ; la colonne se déplace tous
feux éteints. Survol par de nombreux avions que recherchent les projecteurs de
notre D.C.A. ; on entend un certain nombre de bombardements, pas d'accidents
dans la colonne, au passage on discerne les trous de bombes. Néanmoins,
parcours relativement aisé et coulant, mais au delà de Braine-le-Comte, la conduite
des camions exige bon nombre d'acrobaties de la part des conducteurs du fait
des routes étroites et tortueuses avec de multiples raidillons. Au
début de l'après-midi du 13, arrivée à Baulers, splendide accueil de la
population, si bien que l'installation au cantonnement-bivouac est
particulièrement facilitée. De
suite s'organise le ravitaillement en munitions des batteries déployées à une
quinzaine de kilomètres de Baulers, sur la position de la Dyle. Le soir même, le « détachement
de munitions » et la S.M.A. entrent en action, les opérations de ravitaillement
se poursuivront sans interruption jusqu'au 15 après-midi. Le 14
au matin, la compagnie d'ouvriers, pourtant bien camouflée sous les arbres du
parc du château, est en butte à des mitraillages d'avions ; elle doit, sans
plus tarder, s'occuper sérieusement de l'aménagement d'un nombre suffisant
d'abris. Le 15
mai, à partir de 11 heures, à trois reprises différentes, le cantonnement est
sévèrement bombardé par l'aviation ; les escadrilles volent assez haut, elles
larguent généreusement des bombes incendiaires, puis des bombes explosives.
L'occupation des caves et abris est immédiatement ordonnée, mais une partie du
personnel ne peut s'abriter avec assez de célérité; de lourdes pertes
s'ensuivent : le chauffeur RICHE est tué, le brigadier-chef BAUDUIN et
l'ouvrier RAVAUX, grièvement blessés, succombent peu après, 12 hommes
sont blessés[54]. Les dégâts matériels sont sérieux, 7 véhicules sont mis
hors service ou incendiés. De graves accidents sont évités grâce à la présence
d'esprit et au courage de chauffeurs qui, animés par les officiers et les
cadres, parviennent à éloigner des incendies les camions chargés de munitions. Au début de l'alerte, le P.C. fonctionnait au château ;
cédant aux conseils – à peine respectueux, dit-on – ses occupants avaient, en
rechignant, émigré vers les caves voisines : déplacement fort opportun ! Peu
après le P.C. se trouvait en effet complètement écrasé, mais sans accident de
personnes. Le 15 au soir, à la nuit tombée, ordre est donné au P.A.D. de
quitter Baulers et de se porter au bois de Baudemont,
5 km plus à l'ouest, en évitant la traversée de Nivelles où des incendies
sévissent depuis plusieurs heures. Le repli est consécutif à celui qu'effectue
la division. Le mouvement s'achève le 16 au matin ; vers 17 heures, il
est prescrit de le reprendre et de se porter dans un premier temps au bois de
la Houssière, situé sur la rive ouest du canal de Charleroi. En fin de journée,
ordre est donné de venir stationner au nord de Mons, à Masnuy
et les Bruyères. Simultanément, le P.C. de la division vient s'installer à Casteau, sur la route de Mons à Soignies. Arrivé au cantonnement vers 3 heures le 17, le P.A.D. doit
se tenir prêt à poursuivre son reflux vers l'ouest à partir de 16 heures. Vers 20 heures, arrive l'ordre de départ, avec première
destination Péruwelz (7 km nord de Condé-sur-Escaut). Arrivé en ce point le 18
au petit jour, le P.A.D. s'installe au bivouac à proximité immédiate de la
frontière, au bois de Bonsecours. Le mouvement est repris en fin de matinée,
avec seconde destination Vieux-Condé, rive nord du canal de Mons, où la
formation doit cantonner. En fin de journée, le commandant du P.A.D. est
informé que la destruction du pont sur le canal peut être ordonnée à bref délai
; la prudence conseille donc de se reporter en rive sud, même en l'absence
d'ordre à ce sujet. Cette solution est adoptée, le
parc fait mouvement dans la seconde partie de la nuit et vient stationner dans
la forêt de Vicoigne le 19, puis aux environs de Marchiennes
où se regroupent des éléments du 215e R.A. Au total : les 12 et 13 mai, étape vers la Dyle ; les 14 et 15 mai, opérations de ravitaillement sur la position Dyle, du 16 au 19 mai reflux vers l'Escaut de Condé où commence une nouvelle phase de combats, en vue de la défense immédiate du territoire français. » « A tout instant, on est obligé de se réfugier à la cave. Une soixantaine de bombes tombent au village à différents endroits, entr’autres une au coin du château de Monsieur de Ramaix et une autre en face du monument, celui-ci a été ébréché à plusieurs places. Deux camions de munitions des Français cachés sous les arbres des allées du château sont bombardés. Un soldat français, blessé à mort, a heureusement le temps de recevoir les derniers sacrements. Il a été enterré provisoirement dans le parc »[55]. Château Bouillon du temps de DE RAMAIX RICHE Roger Né le 26 avril 1912 à Fourmies (59), Roger RICHE appartenait au 1er P.A.D. (Parc d’Artillerie Divisionnaire). Il décède le 15 mai 1940 à Baulers dans le parc du château DE RAMAIX, suite aux bombardements de l’aviation ennemie. Tout comme Lucien CAUDMONT et Maurice VAN DAELE, il a été inhumé dans le cimetière de Baulers en octobre 1940. Son corps a été exhumé le 15 septembre 1949 et inhumé à Nogent-sur-Marne (tombe familiale). Ses obsèques eurent lieu le 27 octobre 1949. Son épouse Gabrielle habitait 59 rue d’Avon à Fontainebleau (Seine et Oise).[56] BAUDUIN
Maurice et RAVAUX Pierre Le « Journal des marches et opérations du parc d’artillerie divisionnaire n° 1 », nous apprend que deux autres soldats français ont trouvé la mort suite aux bombardements, il s’agit du brigadier-chef BAUDUIN et de l'ouvrier RAVAUX, d’abord grièvement blessés, ils succomberont à leurs blessures peu après. BAUDUIN Maurice Armand Victor est né à Lille (59-Nord) le 21 mars 1911 et décédé à Cambrai à l’Hôpital Parmentier le 25 mai 1940. Il était Brigadier-chef à la 1ère Compagnie du Parc d’Artillerie Divisionnaire d’Infanterie n° 1. Le nom de ce militaire est inscrit sur le Monument aux Morts d’Haubourdin (59-Nord) Dans l’ancien cimetière de Baulers, il ne subsistait qu’une croix en béton sans inscription à l’endroit précis de l’ancienne croix en bois de Lucien CAUDMONT. Ce qui porte à cinq le nombre de victimes françaises décédées des suites de la bataille de Baulers. L’A.S.B.L. « DU COTE DES CHAMPS » a rénové la tombe des trois soldats
français et a remplacé notamment la croix de béton par une croix de bois sur
laquelle est peint le nom des victimes, en se rapprochant le plus fidèlement
possible du modèle original. Une plaque émaillée a été placée à la ferme Hanneliquet en souvenir de la mort de Lucien CAUDMONT. De plus, en
collaboration avec la Ville de Nivelles et l’A.S.B.L. « N.H.M.A. », une journée du souvenir
a eu lieu le 16 mai 2011 à la ferme Hanneliquet, elle
a été honorée de la présence de Roger THEVENIN, probablement le dernier soldat
français ayant combattu à Baulers en mai 1940 et de Jacqueline BIETZ, sœur de
Lucien CAUDMONT. LISTE DES ABREVIATIONS C.A. Corps d’Armée D.I. Divisions
d’Infanterie D.I.M. Division
d’Infanterie Motorisée D.M. Division Marocaine D.I.N.A. Division d’Infanterie
Nord-Africaine D.I.M. Division
Légère Mécanique R.I. Régiment
d’Infanterie R.T.M. Régiment de
Tirailleurs Marocains R.A.D. Régiment d’Artillerie Divisionnaire R.I.F. Régiment d’Infanterie
et Forteresse G.R.D. Groupe de
Reconnaissance Divisionnaire D.C.A. Défense
contre Avions C.A.C.D. Compagnie Antichars
Divisionnaire C.R.M.E. Compagnie Régimentaire
Mitrailleuses et Engins C.H.R. Compagnie
Hors rang 2/43 2e
Bataillon du 43e III/15e
IIIème
groupe du 15e d’Artillerie C.A./1 Compagnie
d’Accompagnement du 1er Bataillon S.M. Section de
Mitrailleuses F.M. Fusil-Mitrailleur (Extrait de l’ouvrage Royal des Vaisseaux dans la tempête de Pierre VEYRIER DU MURAUD,
Colonel en retraite, commandant le 43ème R.I. en 1940) BIBLIOGRAPHIE Ouvrages
et autres écrits
Témoignages,
informations et photos recueillis
PLANS DE LA BATAILLE Le livre est en vente au prix de 25 € au siège de l'ASBL : rue de Dinant, 69
[1] DEFLORENNE (X.), « Aux oubliés de l’Histoire,
Approche de l’impact des conflits sur le paysage funéraire de Wallonie »,
dans Les
Cahiers de l’Urbanisme, n° 65, septembre 2007, pp. 77-81. [2] On lira avec plaisir le remarquable ouvrage des historiens BOUCKHUYT (M.) et WALLE (J.Cl.), Sépultures des victimes de guerres inhumées dans les cimetières communaux de Comines-Warneton, Etudes et documents édités par la Société d’Histoire de Comines-Warnetont de la Région, t. XI., Warneton, 2007. [3] Cependant, Sœur
Thérèse-Marie situe la date de l’inauguration du monument le 15 mai 1945 (voy. Sœur Th.-M., Cours
d’histoire locale de la commune de Baulers, 1945). [4] Selon Sœur Thérèse-Marie, il faudrait ajouter à la liste : GOSSIAUX Fernand et LESOIL Joséphine [dénommée Fine Cacar] (Sœur Th.-M., op. cit.). Le 15 mai 1940, la population a du évacuer suite aux bombardements. D’après Joseph Marin, baulersois, Joséphine ne serait jamais rentrée de France (témoignage recueilli par l’auteur). [5] Dans les années 1967-1969, les corps des
soldats français non réclamés (dont ceux de Cortil-Noirmont) ont été exhumés pour être inhumés à Chastre. Il n’y reste aujourd’hui que six soldats du 43ème
R.I. sur la cinquantaine décédée en Belgique. [6] Sœur
Th.-M.., op. cit.. [7] Extrait de l’ouvrage La seconde guerre mondiale dans le Brabant wallon : Baulers, J. LORY et E. BURNOTTE, Séminaire d’histoire contemporaine, 1989-1990. [8] Le 43e R.I. dans la bataille de France 1940, plaquette réalisée sous l’égide de
l’ « Amicale des Anciens 43e RI » à l’occasion du
cinquantième anniversaire des combats de mai-juin
1940. [9] Ibidem. [10] Ibidem. [11] Selon Claude ARTIGES, « [l]e 1/110e a été aux trois quarts anéanti et le chef de bataillon Chuillet, tué » (Cl. ARTIGES, Avec ceux du 43ème Rgt d’Infanterie de la Belgique à Dunkerque, Bruxelles, Editions DEREUME, 1972. [12] Le témoignage d’Achille COSTA de la 7ème Cie, 2ème Bat, semble contredire cette heure : « Nous arrivons à Baulers où l’on nous place selon la coutume en pleine nature. A peine arrivés, il faut se préparer à recevoir l’assaut […]. Vers 15h00, nous entendons siffler les premières balles, nous ripostons. L’ennemi est là, tout près» (extrait de Mère, voici tes fils qui se sont tant battus, ouvrage en cours d’écriture du Colonel P. RASCLE, Officier d’active). [13] P. VEYRIER DU MURAUD (Colonel en retraite - commandant le 43e R.I. en 1940), Le Royal des Vaisseaux dans la tempête. [14] Témoignage du Capitaine DEWIDEHEM, 6e Cie, 2e Bat. : « Vers 20h00, deux automitrailleuses ennemies
tombent dans mon sous-quartier sous le feu des armes automatiques. Elles font
demi-tour et se représentent ensuite sur le front du 1er
Bataillon » (cité par le Colonel P. RASCLE, op. cit..). [15] P. VEYRIER DU MURAUD, op. cit.. [16] Roger THEVENIN se rappelle que lors de l’attaque, il n’aurait pas tiré un seul coup de canon (témoignage recueilli par l’auteur). [17] Colonel P. RASCLE, op. cit.. [18] Extrait d’un courrier transmis par Monsieur Achille COSTA à Monsieur CARDON le 24 juin 1994. [19] COMPOSITION DU C.M.R.E. : « Commandant de la
Compagnie : Capitaine (TT) ROUBAUD Victor Aspirant BARTHELEMY Roger Chef
de section de Mitrailleuses de 20 mm : Lieutenant VALAT André SOA :
Sous-lieutenant GUELTON Chefs
de groupe Chef
de section mitrailleuses : Sous-lieutenant ® GUELTON Henri SOA :
SCH VANDENBERGHE Chefs
de groupe : Sgt CAPIAUX Pierre Chef
de section Canon 25 : Lieutenant DESPINOY Pierre SOA :
Adjudant-chef HOUZIAU Chefs
de groupe : Sgt SCREVE, Sgt DESWARTE, Caporal LIGOT Chef
de section Mortiers 81 : Lieutenant ® MAERTEN SOA :
Adjudant CUVILLIER Chefs de groupe : Sgt CALONNE, Sgt HOTELART [20] Le corps de Maurice VANDAELE a été exhumé le
10 octobre 1940 pour être inhumé au cimetière de Baulers. [21] Le 43e R.I. dans la bataille de France 1940, plaquette réalisée sous l’égide de
l’ « Amicale des Anciens 43e RI » à l’occasion du
cinquantième anniversaire des combats de mai-juin
1940. [22] Cl. ARTIGES, op. cit.. [23] Dans une lettre datée du 25 juillet 1945, Philippe GRIFFART raconte que son ami Lucien CAUDMONT n’est pas mort dans la cour de la ferme Hanneliquet, mais bien en attaquant un char (document transmis à l’auteur par Madame J. BIETZ). [24] Il s’agit de Philippe GRIFFART, un ami avec lequel il a passé une partie de ses études. [25] Le 43e R.I. dans la bataille de France 1940, plaquette réalisée sous l’égide de
l’ « Amicale des Anciens 43e RI » à l’occasion du
cinquantième anniversaire des combats de mai-juin
1940. [26] Le 43e R.I. dans la bataille de France 1940, plaquette réalisée sous l’égide de
l’ « Amicale des Anciens 43e RI » à l’occasion du
cinquantième anniversaire des combats de mai-juin
1940. [27] Chef du Corps d’Armées. [28] Commandant la 1ère Division d’Infanterie Motorisée. [29] KAUFFMANN Albert soldat de 2e cl, recruté à Thionville le 27 octobre 1938, classe 38, matricule 372, ferblantier de profession, marié, originaire de la Moselle, faisait partie de la 1ère Cie, 4e Section 12e Groupe. [30] Renseignements fournis par Madame Paulette PELSMAEKERS. [31] Cl. ARTIGES, op. cit.. [32] Tatahouine est un camp disciplinaire de la légion étrangère, situé
dans le Sud tunisien. Ce camp portait le nom de « bat d’Af » ou « batdaf » Bataillons d’Afrique. [33] P. VEYRIER DU MURAUD, op. cit.. [34] P. VEYRIER DU MURAUD, op. cit.. [35] En fait, le branlebas dont parle Lucien s’est produit le 15 janvier suite à une alerte qui conduisit le régiment à Caudry, près de Cambrai. Le lendemain après-midi, c’est le retour aux cantonnements de l’Oise. [36] Un « POTEZ »
est un avion français civil ou militaire. Henri POTEZ a produit notamment des
bombardiers pour l’armée française. [37] Le 43e R.I. dans la bataille de France 1940, plaquette réalisée sous l’égide de l’ « Amicale des Anciens 43e RI » à l’occasion du cinquantième anniversaire des combats de mai-juin 1940. [38] P.VEYRIER DU MURAUD, op. cit.. [39] Le 43e R.I. dans la bataille de France 1940, plaquette réalisée sous l’égide de l’ « Amicale des Anciens 43e RI » à l’occasion du cinquantième anniversaire des combats de mai-juin 1940. [40] Ce que décrit Lucien se serait donc passé entre Blanmont et Hévillers. Avant de se trouver à Baulers, le 43e
R.I. était à Blanmont-Hévillers
- Court St Etienne (Sart-Messire-Guillaume) où se situait le PC du Chef de
Corps, le Colonel Veyrier du Muraud. [41] Cl. ARTIGES, op. cit.. :
De père belge, lui-même ancien combattant et prisonnier de guerre en 14-18, et
de mère française, Claude Artiges est né en France, chez ses grands-parents maternels,
dans les Pyrénées, mais il a toujours vécu en Belgique. Evacué
vers Dunkerque, puis embarqué vers l’Angleterre, il est revenu en France avec
son Régiment pour y continuer le combat. Mais, la capitulation française est
intervenue, il a été fait prisonnier par les Allemands et déporté dans une
ferme de l’Allemagne profonde. Au
cours de cette captivité, qui a duré cinq ans, il a tenté de s’évader en
compagnie de l’un de ses camarades. Mais, comprenant très vite que les chances
de réussir une évasion à deux étaient très minces, ils ont décidé de se
séparer. Ne possédant qu’une seule boussole, ils l’ont tirée au sort et, Claude
ayant perdu, il a néanmoins réussi à parcourir de nombreux kilomètres jusqu’au
jour où, caché dans un bois, il a été repéré par les chiens d’une patrouille
allemande et repris. Envoyé
d’abord en « Strafkommando » [commando de
répression] pour y travailler en usine, il a été par après, et heureusement
pour lui, renvoyé dans la ferme d’où il s’était enfui. Ceci, d’après les
Allemands, pour prouver aux autres prisonniers qu’une évasion était inutile et
toujours vouée à l’échec. [42] Joseph MARIN d’Alzémont raconte l’arrivée des soldats français :
« Mon père était fermier, il avait
des vaches à l’étable et des chevaux à l’écurie. Lorsque les Français sont
arrivés le 16 mai 1940 dans l’après-midi, notre maison a été réquisitionnée.
Nous avons du enlever nos bêtes, même les cochons et les mettre en prairie. Les
soldats ont installé leurs chevaux dans l’écurie et dans l’étable, puis ils ont
répandu de la paille sur le sol de la maison pour s’y reposer. Nous sommes
allés passer la nuit chez le fermier Henri Lambert. Lui et mon père avaient
décidé de quitter le village dès le lendemain pour se rendre en France. Au
hameau d’Alzémont, il ne restait que deux familles,
les autres étaient tous partis. Le chariot était prêt à partir vers 8 heures du
matin. Les Français avaient déjà quitté les lieux, j’ignore à quelle heure ils
sont partis et s’ils avaient passé la
nuit sur place. Arrivés à la chaussée, nous avons été arrêtés par les
Allemands, ils nous ont demandé de rebrousser chemin car il était impossible de
passer, Nivelles avait été bombardée et était en feu » (témoignage
recueilli par l’auteur). [43] Cl. ARTIGES, op. cit.. [44] Il ne restait qu’un seul
canon de 25 mm selon Cl. ARTIGES : « l’autre, je viens de l’apprendre, a été détruit par une
bombe d’avion à Hévillers». [45] P. VEYRIER DU MURAUD, op. cit.. [46] Louis ANDOCHE, caporal chef de pièce au 43e R.I., né à Tressin (59-Nord) le 5 juillet 1918, est décédé à Bruxelles (probablement à l’hôpital militaire 1/164) des suites de ses blessures le 6 juin 1940. Inhumé dans le cimetière de Bruxelles-capitale où son nom est toujours inscrit dans le Carré Militaire, sa dépouille mortelle a été rapatriée en France le 12 septembre 1949. Son nom figure sur le monument aux Morts de Tressin et sur le mémorial du 43e R.I. à Bruille St Amand (informations transmises à l’auteur par Madame Paulette PELSMAEKERS). [47] Cl. ARTIGES, op. cit.. [48] Le 43e R.I. dans la bataille de France 1940, plaquette réalisée sous l’égide de l’ « Amicale des Anciens 43e RI » à l’occasion du cinquantième anniversaire des combats de mai-juin 1940. [49] Joseph était le père de Jean. Ce dernier, prisonnier et résistant durant la guerre de 1940-1945, est né en 1920 et décédé en 1987. Il avait été capturé à Boulogne le 22 mai 1940 et envoyé en captivité à Sandbostel et Hambourg. Il sera libéré le 1er juin 1945. Joseph était le grand-père d’André BURTON, acteur, comédien, chanteur, compositeur, professeur. Celui-ci avait écrit pour Nicole Croisille et Plastic Bertrand. Il est né à Nivelles le 28 avril 1946 et décédé à Nivelles le 26 septembre 1995. Il a été enterré au cimetière de Baulers. Julos Beaucarne, qui assistait à son enterrement, lui avait lancé un dernier « Adieu, vieux fou ! ». [50] Témoignage de Madame Jacqueline BIETZ, recueilli par l’auteur. [51] Le bois où se trouvaient les chars dont
question dans la lettre de Philippe GRIFFART se situe le long de la chaussée de
Bruxelles, au « Croissant ». [52] J. LORY et E. BURNOTTE, op. cit.. [53] Journal des marches et opérations du parc d’artillerie divisionnaire n° 1, Artillerie 1939-1940. Référence 34N744, Dossier 1, transcrit par Paul CHAGNOUX, 2008, disponible sur www.ancestramil.fr. [54]
« Le souvenir du séjour du P.A.D. 1 à Baulers a donné lieu à une série de
touchantes manifestations de sympathie de la part des autorités communales et
de la population, envers les combattants français de mai 1940. Le canonnier RICHE Roger avait été hâtivement inhumé
par ses camarades le 15 mai au soir dans le parc du château ; son corps fut
transféré au cimetière communal le 11 octobre suivant, à l'occasion d'un
service funèbre organisé à la mémoire de RICHE et de deux autres soldats
français également tués à Baulers. Le nom de RICHE et de ses deux compagnons figure sur
la plaque commémorative, dressée face au Monument de 1914-1918, par la commune
à « ses héros morts pour la Patrie en 1940-1945 » ; quatre soldats belges et
six civils. Le monument fut inauguré le 15 mai 1945, date anniversaire des
combats sur la Dyle. En mai 1950, lors du Pélerinage
sur la Dyle effectué par les « Anciens artilleurs du 15e de Douai », une
cérémonie fut spontanément organisée en leur honneur par les autorités
communales et la population de Baulers, en présence du représentant du
Gouverneur de la Province, venu lui aussi par une attention particulièrement
appréciée accueillir la délégation que conduisait le colonel A[rdouin]-D[umazet], le commandant
du 15e R.A. de mai 1940. Le ton des allocutions de bienvenue, les chants de la Marseillaise et de la Brabançonne repris en chœur par
les grands et par les enfants ont profondément ému les artilleurs visiteurs de
Baulers. La Sœur supérieure de l'école paroissiale a fait don
aux artilleurs de Douai du « Cours d'histoire locale de la commune de Baulers », une magnifique
plaquette qui évoque tous les aspects et les fastes de Baulers ; une place de
choix y est consacrée au souvenir des combattants français de mai 1940 et à la
commémoration des faits patriotiques locaux, auxquels la mémoire de nos
camarades est constamment associée. De tout cœur merci à nos
vaillants amis belges.» (Journal des marches et
opérations du parc d’artillerie divisionnaire n° 1, Artillerie 1939-1940. Référence 34N744, Dossier 1,
transcrit par Paul CHAGNOUX, 2008, disponible sur www.ancestramil.fr). [55] « Une bombe tombe sur le château de Bouillon où un Français est tué », in J. LORY et E. BURNOTTE , op. cit.. [55] Sœur Th.-M..,
op. cit.. [56] Photos Sébastien-EYCHENNE, Maire-Adjoint du Devoir de
Mémoire et de la Sécurité Nogent-sur-Marne. |