Maison du Souvenir

Auguste Mouy, du 26 R.I. au Stalag XVIII A.

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 HOMMAGE A AUGUSTE MOUY

COMBATTANT FRANÇAIS,

PRISONNIER DE GUERRE,

MORT A THINES DURANT

LES BOMBARDEMENTS

DU 3 SEPTEMBRE 1944

 

 A Anne-Marie, sa fille

Joël Fery

Avant-propos

       Nous avons reproduit le courrier d’Auguste MOUY du temps où il était emprisonné au Stalag. Cependant, il a fallu parfois ajouter une ponctuation inexistante et des mots manquants, et aussi remanier certaines tournures de phrases pour les rendre plus compréhensibles.

       Après avoir été fait prisonnier le 2 juin 1940 à Pont-sur-Madon, Auguste a l’espoir d’être libéré rapidement : « Le 2 Août 1940. […] Je vous écris avec espoir que ma lettre vous arrivera. Pour moi tout va bien, j’attends la classe avec impatience. Ça nous semble long surtout qu’on ne fait rien. Puis manque de nourriture, c’est rien pourvu que ça finisse bien et qu’on revient avec sa peau […] ».

       De Mirecourt, il envoie une carte postale très brève à ses parents, il ne peut rien dire sinon qu’il est prisonnier et en bonne santé. Il attend que son sort soit fixé.

       Léon, son père, lui apprend que son frère David est prisonnier et envoyé au Stalag.

       Auguste est déporté au Stalag XVIIA Kommando A641L, il est mis à disposition d’un fermier en tant que prisonnier de guerre, il est enregistré sous le numéro 84.694. Il va séjourner à Kaisersteinbruch, entre Leinz et la frontière tchèque.

       Dès octobre 1940, les prisonniers reçoivent l’autorisation d’envoyer un courrier :

       « Le 13 octobre 1940. Chers Parents et chère fille. Maintenant, on peut vous écrire. Vraiment, j’ai été content quand ils m’ont donné cette feuille pour vous donner un peu de mes nouvelles. Pour moi, elles sont bonnes. J’espère qu’il en est de même pour vous tous. Je travaille dans une ferme. Je suis heureux de ne pas rester à rien faire. Mes patrons sont gentils envers nous, il en est de même pour mes camarades »

       En mars 1941, il est transféré dans une autre ferme au Stalag XVIIIA Kommando A641L dans les Alpes autrichiennes, à 800 mètres d’altitude. Heureusement, il a de bons contacts avec ses patrons qui ne leur montrent aucune hostilité. En retour, Auguste ne refuse pas de leur rendre service quand l’occasion se présente. Leurs points communs, ce sont la terre et la ferme et tout ce qui gravite autour. En retour de son travail, il ne manque de rien, il mange à sa faim : « Le 26.1.41. Chers Parents et chère Fille. Cette semaine, ça a été bon, 2 cartes que j’ai reçues, celle [du] 27 N[ovembre] et du 6 Décembre, puis votre colis qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Mais après que vous m’envoyez encore un, ne me mettez plus tant à manger car je suis bien nourri où je travaille ».

Pourtant dans un courrier daté du 16 mai 1943, il déclare : « Il y a encore du lapin dans les meules dans les bois. Voilà bientôt 4 ans que pas mangé à part on mange du chat, ce n’est pas mauvais quand il est bien cuit ».

Les taches d’Auguste sont fort diversifiées.

En hiver, il « voiture » du bois avec des chevaux :

 « Le 19.1.41 […] Ici, moi ça va aussi, je suis fort bien avec mes patrons qui sont fort gentils avec moi pour le moment. Je voiture du bois avec deux chevaux, alors vous voyez je suis à mon aise. »

Le 23 janvier 1941, il en a fini avec le bois, aussi il commence à épandre le fumier et « à arranger » les vaches. Auguste tient le rôle de boucher, il tue le cochon et le veau, il fait du boudin. Le labour reste bref, pas plus de deux jours car les terres de culture sont limitées. Les pâtures se situent principalement à la montagne, les moutons y sont menés en mai et les vaches en juillet pour trois mois.

Auguste aide à la plantation des betteraves, s’attaque aux foins sur la montagne. Chaque matin, il trait les vaches, en juillet, il a moins de travail car seulement six d’entre elles restent à la ferme.

En septembre, Auguste accompagne son patron à la montagne et ils ramènent les vaches dans la vallée. Puis, c’est la moisson et l’arrachage des pommes de terre. En octobre, c’est au tour des moutons de descendre des alpages, à 2.000 mètres d’altitude. Il faut une demi-journée rien que pour rassembler le troupeau. Le 18 octobre 1942, Auguste avait ramené trois moutons de trop qui n’appartenaient pas à son patron. Son patron en a ri car le propriétaire a dû venir les récupérer à la ferme.

       En décembre, Auguste est chargé de descendre du bois de la montagne en traîneau, c’est un travail dangereux. En 1941, il s’était blessé. « 21.2.43 […] En ce moment, je fais le skieur à la main de descendre le bois de chauffage de la montagne ».

Le principal travail d’Auguste consiste à s’occuper de l’étable. Ça lui convient bien car en hiver, il y fait bon : « 17.1.43 […] Cette semaine, il n’a pas fait chaud, mais moi dans mon étable, je ne crains pas de trop ».

       Il va même jusqu’à offrir un pull-over à sa patronne ainsi que des oignons de tulipe et des graines de Luzerne. Il sait qu’il n’y perdra pas au change.

« Le 13.4.1941 […] Ce midi, c’était la fête alors j’ai été manger chez mes patrons car le dimanche je n’y vais pas »

Il parle même de sa fille, de sa famille à la sentinelle : « 10 Août 41 […] Aujourd’hui, la sentinelle nous a demandé l’âge des enfants et les adresses, pourquoi nous ne savons rien ».

Auguste se plaît dans « sa » ferme. Il ira même jusqu’à suggérer que son frère David le rejoigne. Ce dernier est prisonnier à Moosburg, au Nord de Munich, au Stalag VIIA, Kommando 470, il porte le numéro de prisonnier 27158.

       Auguste n’a pas trop à lutter contre l’ennui car il travaille, comme à la ferme. Le chariot, mener les chevaux, traire les vaches, il connaît, c’est son métier. Cependant, il reconnaît que le travail à la montagne est dur :

« Ici, on commence les foins, c’est le plus vilain travail de l’année. Heureusement, que ça ne dure pas trop longtemps car pour faucher dans la montagne c’est fatiguant »

« Le 13.7.41. Chers parents et chère fille. Voilà encore une semaine de passée, il ne pleut pas ici, nous avons fini les foins, ce sont les plus gros travaux de l’année. Je suis bien content, car faucher sur la montagne, c’est dur, surtout à la main »

Travailler fait passer le temps et permet de lutter contre l’ennui « Lundi, j’ai monté les moutons à la montagne, ça m’a fait passer une journée car toujours rester jouer aux cartes, c’est pas mon fort. J’aime voyager ».

       Jusqu’en mai 1941, Auguste était seul à la ferme. Par rapport aux kommandos d’usine, Auguste était certainement mieux nourri, son courrier le prouve, cependant, l’isolement dans lequel il vivait devait le faire souffrir moralement. Heureusement pour lui, ses patrons avaient décidé de recruter un second prisonnier. Auguste pense tout naturellement à son frère David et il envoie des lettres en ce sens à ses parents, mais ça ne se fera pas. « Maintenant, j’ai un camarade qui travaille avec moi, c’est tout [de] même plus agréable d’être deux dans une ferme que d’être tout seul. J’aurais bien voulu que ce soit mon frère, mais … »

« 15 juin 1941. Maintenant le temps me semble moins long depuis qu’on est à deux ».

« L’échange de la correspondance entre la France et les prisonniers se fait, en principe, par le biais de 4 cartes et de 2 lettres-formulaires trois plis, auxquelles le prisonnier a droit chaque mois et qu’il fait parvenir à sa famille. Chaque lettre pré-imprimée est constituée de deux feuillets de papier (27 lignes). Une face est utilisée par le prisonnier tandis que l’autre reste vierge pour la réponse. Une fois détachée, elle pourra repartir vers le stalag. Le prisonnier écrit l’adresse d’expédition et la « sienne » pour le retour. Toutes les lettres expédiées ou reçues portent le tampon de la censure : « Stalag IIA-Geprûft ». Il faut écrire lisiblement et au crayon. Des colis peuvent être envoyés : 1 kg par la poste et 5 kg par chemin de fer, tous les deux mois […] Pour limiter le nombre de colis familiaux, les Allemands délivrent aux prisonniers des étiquettes spéciales (bleues ou rouges), des espèces de sauf-conduits qu’ils doivent envoyer chez eux. Ils arrivent directement dans une gare et sont triés par des prisonniers qui disposent d’un registre alphabétique de tous les immatriculés et de leurs situations. Le camp les fait parvenir hebdomadairement dans les Kommandos et la distribution se fait, le soir, en présence du gardien qui ouvre les colis sur une table, devant les P.G., pour en vérifier le contenu. Le tabac et les cigarettes serviront parfois de monnaie d’échange. Au début les colis sont rares et la distribution irrégulière mais les premiers sont reçus avec joie mais la satisfaction serait plus grande encore si le destinataire pouvait l’ouvrir lui-même. Les objets eux-mêmes font plaisir, ces choses qui viennent de France et qui ont été rangées dans le carton par la famille[1] ».

       Le 16 janvier 1941, Auguste reçoit deux colis « celui de 1 K et de 5 K ». Ceux-ci contiennent des vêtements : tricot, chaussettes, passe-montagne, chemises, ceinture de flanelle, caleçons de toile, guêtres, bandes molletonnées, chaussures bottes, casquette à oreilles, béret basque, pantoufles, chaussures, savon, maillots de coton, cache-nez, gants, mais aussi de la nourriture : des conserves, du lard, de l’ail, des oignons, des fruits, du chocolat, de la confiture qui ne supporte pas toujours le voyage : « 19.10.41[…]J’ai reçu votre colis qui m’a fait grand plaisir, mais ne me mettez plus de confitures dans les boîtes en carton, plutôt des boîtes métalliques car mon colis en était tout plein […] », ou encore la viande qui sent le ranci : « Faites attention après que vous me mettez encore de la viande dans mes colis, car elle sentait un peu, faites-la bien sécher avent de la mettre dedans ou bien du sel dessus ».

       Mais par-dessus tout, Auguste demande qu’on lui envoie du tabac qui lui permet de tuer le temps quand il ne travaille pas « Moi ici, je suis bien, on mange bien aussi, ne vous privez pas, n’a que le tabac, ça je vous en remercie bien, car vous savez on fume beaucoup car c’est notre seule distraction pour nous ».

Les parents feront tout ce qu’ils pourront au prix de grands sacrifices, même si Auguste leur demandait à chaque fois de ne pas se priver pour lui. Le 2 mars 1942, sa maman le met néanmoins en garde : « J’espère que tu as reçu ton colis avec un béret basque et tache de bien tenir ceux que je t’envoie car l’on ne trouve plus rien et rapporte tout […] ».

« Le 9 Mars 42 […] Oui je tacherai d’avoir un peu de conserves mais c’est difficile avec cette carte et je te le répète, tiens bien le linge que je t’envoie car c’est la carte partout et revient nous avec ceux qui te restera ».

       Auguste reçoit aussi des colis de la Croix-Rouge : « Le 24.8.41 […] J’ai reçu un colis de la Croix-Rouge, il y avait 5 paquets de cigarettes et 2 paquets de tabac, avec ça, je pourrai aller un moment »

Le 18 mars 1943, Auguste demande qu’on lui envoie du papier à cigarettes « Ici, on en a plus, on est obligé de fumer du journal ».

       Le courrier qu’adresse Auguste à sa famille et à ses amis se veut avant tout rassurant, il ne tient pas à les inquiéter : « quant à moi, tout va bien, c’est toujours la même chose », il sait que pour eux cette séparation est une douleur, pourtant Juliette n’est pas dupe, elle a déjà vécu cela avec Léon et elle écrit « Je sais que quelquefois tu as le cafard et ici combien de fois je pleure seule mais je prie et je reprends courage pour revoir mes fils ».

Dans ses lettres, on retrouve des remerciements à ses proches et ses amis pour le courrier et les colis envoyés, de l’inquiétude sur le sort et la santé de ceux-ci, beaucoup d’espoir dans sa libération et de se retrouver en famille, aussi de pouvoir boire une bonne pinte « Vivement la classe qu’on puisse prendre une bonne pinte de bière ».

       Chaque mois, il a droit à deux lettres-formulaires à 3 plis qu’il envoie à ses parents pour leur permettre de répondre. « Vous me dites sur votre lettre de vous envoyer des étiquettes, je vous envoie tout ce que je touche 2 par mois ». Son frère David a moins de chance, son camp ne lui fournit que peu de papier car en pénurie.

Le prisonnier complète le courrier au crayon gris. Les cartes (7 lignes), les lettres (27 lignes) et les photos sont examinées par la censure.

Le 27 avril 1941, Auguste envoie une lettre à ses parents. Il y joint une photo prise de lui avec son jeune patron. Une phrase a été ajoutée et la photo retirée : « La photo été confisqués, ne faites pas vous photographié avec des civils ! [sic]»

Cet échange de courrier est fort important, c’est le seul lien qui le relie à la famille. Auguste est toujours impatient de recevoir des nouvelles de la famille, de son frère David qui est aussi prisonnier et des amis qui sont rentrés ou encore détenus, et aussi des travaux à la ferme pour les comparer avec ceux des alpages autrichiens.

Une quinzaine sans courrier et c’est l’inquiétude qui gagne. La poste a ses lenteurs et le courrier a parfois du mal à arriver à destination. Les jours d’attente sont longs. Cet éloignement et cette solitude ont permis à Auguste de se rapprocher de Dieu et de renforcer sa foi en lui. Il devient assidu aux offices religieux, jusqu’à les servir comme enfant de chœur. Il sent que cette assiduité lui fait du bien.

« Le 16.3.41 […] Je vais à la messe assez souvent presque tous les dimanches »

« Le 8.3.42 […] je vais pouvoir aller à la messe tous les dimanches et je pourrais communier »

« Le 6.9.42 […] Ce matin, j’ai été à la messe, ça m’a fait plaisir, là on prie on ne cause pas, on peut mieux penser aux siens »

       En novembre 1941, il est transféré au Kommando 637L où il ne se plaît guère, il regrette ses anciens patrons.

« Esq[uerchin] le 14 N[ovembre] 41. Cher fils. Je n’ai encore [rien] reçu cette semaine. Cela nous fait de la peine. Ton père souffre beaucoup. La petite continue l’école. Envoie des étiquettes, je n’en ai plus. On doit battre à la batteuse demain pour la première fois. Les betteraves sont finies, on commence les blés. On a eu de la pulpe. Ton frère a écrit, il est marchand de charbon. Un gros baiser de tous père mère fille. L.I.A. Mouy ». La carte est arrivée au Stalag A/637/L, la mention de l’ancien camp A/641/L a été biffée.

       Et puis, il y a sa fille Anne-Marie qu’il a quittée alors qu’elle n’avait que quatre ans et qu’il n’a plus revue depuis son départ à la guerre, elle a grandi. Il reçoit une photo d’elle le 21 juin 1942 et ne l’a reconnaît pas « Aujourd’hui, j’ai reçu le colis avec les photos. J’ai eu un peu de peine à reconnaitre ma petite fille, mais je ne l’ai pas regardée trop longtemps. Quant aux autres, impossible, voilà trop longtemps que je ne les vois plus pour les reconnaître habillés comme ça »

Léon la décrit comme un petit diable, mais il lui passe ses caprices et va même jusqu’à lui acheter un vélo devenu si rare en ces temps de guerre.

« 29.08.41 Je vais m’occuper pour lui trouver un vélo, c’est fort rare, il faut 2.000 frs pour un vélo ordinaire et on n’en trouve pas ».

Anne-Marie va à l’école et apprend à écrire, et le 10 mars 1942, elle inscrit ces quelques mots au bas d’une lettre destinée à Auguste « papa je t’aime et j’attend [sic] ton retour bon baiser mon papa Anne Marie Mouy »

       Les fruits manquent, les poires, les pommes, les fraises et les noix, ainsi que certains légumes comme l’ail et les oignons :

« 20.9.42. […] Ici, on n’a pas beaucoup de fruits, quant aux poires, pour ainsi dire pas du tout. Après que je rentre, je vais trouver les fruits bons à manger.

Et Auguste s’en fait envoyer par colis : « J’ai reçu les colis avec les pommes »

« Si vous pouviez me mettre un peu plus de chicorée, moi j’aime autant la chicorée que de l’eau. Vous me mettrez plus des ails et des oignons car le dimanche nous faisons toujours un peu de cuisine et par ici on n’en trouve pas »

« Ici, on vient seulement de manger les cerises, y en avait assez bien. Mais des fraises y en a pas »

« Le 15.2.42. Chers Parents et chère fille. Je réponds à votre lettre du 6 Janvier et du 12 qui m’a fait grand plaisir. Cette semaine, ça peut aller. J’ai reçu des nouvelles puis un colis avec les oignons de tulipe, je vous en remercie surtout pour le jambon, puis les ails, ça change pour la cuisson »

« Le 24.8.41 […] Ici tous les dimanches, nous mangeons des champignons et il y a deux camarades qui les connaissent, nous les faisons cuire dans du beurre que je demande à mon patron ».

       En mars 42, Auguste revient au camp A 641/L chez son ancien patron, il est ravi :

« Le 8.3.42. Chers Parents et chère fille. Je réponds à votre lettre que vous dites qu’oncle Placide est mort. Ma tante elle doit pas être à son aise seule. J’espère que Léocadie va mieux, vous [ne] me dites pas sa maladie. Me voilà revenu à mon ancien kommando. Je suis bien content et mon patron aussi ».

       Entre temps, Auguste n’aura de cesse de demander à ses parents d’envoyer des certificats et des attestations prouvant qu’il est agriculteur veuf et soutien de famille. Il vit dans l’espoir d’un retour proche qui durera trois ans.

« Le 26.7.42 […] Soit disant que c’est les cultivateurs qui vont partir maintenant, c’est peut-être encore un canard »

« Le 16.8.42 […] Sur les journaux qu’on a reçus, on dit que les veufs qui sont père de famille et cultivateur ont la préférence. Maintenant je vais tâcher de mon côté si je peux faire quelque chose ».

       Il devra encore attendre un an avant d’être libéré en 1943.

       Dans une lettre, Auguste est tout heureux d’apprendre que Léon avait gardé les chevaux et le chariot, c’est ce qui fera son malheur en 1944 lorsque les Allemands le réquisitionneront lui et son attelage pour évacuer leur matériel lors de leur fuite vers la Belgique. C’est dans ce même chariot qu’Auguste sera tué à Thines le 3 septembre 1944. Les Allemands quitteront le village le lendemain, après avoir fusillé Ernest Hartemberg.

L’ENFANCE ET L’ADOLESCENCE D’AUGUSTE

Auguste MOUY est né à Esquerchin (près de Douai) le 25 septembre 1909, fils de Léon [1881-1959] et de Juliette FONTAINE [1884-1960]. Il a un frère aîné David né en 1907.


Acte de naissance d’Auguste MOUY

Son grand-père, Amédée MOUY, épouse en premières noces Sophie MAYEUX. Ils ont 6 enfants : Adèle, Henri, Léon, Juliette, Paul et Alcide. Amédée épouse en secondes noces Philomène DORMARD, avec qui il a un fils, Auguste.


Le mariage a lieu le 5 juin 1906, comme en atteste la date reprise sur cette image pieuse, souvenir de leur mariage.

Auguste est scolarisé dans son village natal jusqu’en 1914, date de l’évacuation, puis avec son frère à Marthe Mametz près d’Aire sur la Lys. Le 14 septembre 1915, cette commune autorise Juliette à y séjourner avec sa famille pendant la durée de la guerre.

Ils habiteront chez la maman de Juliette. Durant ce temps, Léon est sous les drapeaux.



Juliette, David et Auguste

Les deux frères entrent au pensionnat de l’école libre de garçons en 1918 et 1919.



Auguste reçoit deux billets d’honneur pour ses années passées au pensionnat et école libre de garçons d’Aigueperse dans le Puy de Dôme.


Le 4 novembre 1918, Juliette demande aux autorités l’autorisation de regagner avec sa famille la ferme à Esquerchin :

« Aigueperse, le 4 novembre 1918

Mr le Sous-préfet

Ayant écrit au préfet et au député ils me disent de m’adresser à vous vu que notre village qui est Esquerchin le conseil n’est pas encore rentré. Je viens solliciter de votre bonté de pouvoir avoir les papiers nécessaires pour retourner dans ma ferme pour la remettre en route.

Je suis ici à Aigueperse Puy de Dôme avec ma mère, ma nièce de 19 ans et mes deux garçons de 12 et 10 ans, tous en force pour travailler en attendant le retour des soldats. Dans l’espoir que ma demande sera agréée, je vous en remercie d’avance.

Votre toute dévouée Mme Léon Mouy à Aigueperse Puy de Dôme »


Anne-Marie et Michel MOUY. Vers 1946

La réponse a été inscrite au crayon sur une des feuilles de la demande : « L’arrondissement n’est pas encore ouvert aux évacués. A l’intérieur personne n’a pu obtenir encore sa réintégration. Quand le temps en sera venu il vous faudra obtenir du Préfet du Puy de Dôme le sauf conduit réglementaire prévu pour circuler dans la zone des armées. Bonne note est prise de votre demande »


De gauche vers la droite, au 1er rang : le 2e Auguste MOUY, le 3e Daniel CARPENTIER ; au 2e rang : le 2e Fernand MILLEVILLE, le 4e Jean-Marie CARPENTIER


En haut à gauche : Auguste MOUY

Carte postale adressée à Juliette MOUY à Marthe MAMETZ Pas-de-Calais : « Münster, le 31 Janvier 1918. Chère sœur, et Chère Suzanne, je réponds à votre lettre que j’ai reçue le même jour le 20 janvier celle de [illisible] Dattaud [illisible] le 9 Décembre. Je suis heureux que tu te portes bien, ainsi que les petits garçons, Léon, Suzanne et toute la famille. Chère sœur, ma femme me dit que tu as appris la triste nouvelle de mon Oncle David à [sic] ma cousine Marie pour qui ils ont bien du chagrin. Mais on ne me dit pas qui est mort. Quoi penser ? Mais le père d’Edmond C. est mort, qu’ils m’ont écrit. A la prochaine lettre, je vais lui demander bien la vérité.


Les deux frères, David, âgé de treize ans, et Auguste de onze ans, fêteront ensemble leur communion à Esquerchin en 1920.

Elle me dit tu feras des compliments à Juliette de la part de la famille Mouy et Fontaine. Elle demande des nouvelles du Fils à Julie[2]. Moi je suis en bonne santé jusqu’à présent. Alors bien le bonjour à [illisible], je n’ai plus de nouvelles de mon Frère Emile, à Edmond et toute la famille. Dis à Suzanne qu’elle ne fasse pas attention que j’aurai pour vous parce que j’ai 4 cartes et 2 lettres par mois. Je fais mon possible pour faire plaisir à beaucoup [illisible]. On a fait une messe pour Julie, ils ont bien du chagrin. »


Vers 1917

Les deux frères, David, âgé de treize ans, et Auguste de onze ans, fêteront ensemble leur communion à Esquerchin en 1920.

Léon est rentré en 1918, à la fin de la guerre. Il a été démobilisé le 15 février 1919.

Il a eu droit à une indemnité de démobilisation d’un montant de 362 frs :

« Esquerchin le 9 Avril 1919

Indemnité de démobilisation

Nom et prénom Mouy Léon François Joseph

N[uméro]. M[atricu]le de recrutement 1010

Grade soldat de 1ère classe

Dernier corps d’affect[ation]

154e R.A.P.

Domicile et résidence Esquerchin Nord

Corps ou service militaire Convoqué le 3 août 1914 au 1er R.A.P., passé au 194 R .P. le 16 août 18

Démobilisé le 15 Février 1919

Dépôt démobilisateur 15e R.A.C.

Commune désirant recevoir l’indemnité Esquerchin

Mouy Léon



Esquerchin près Douai Nord , Vu par le Maire, Monet, Certifié exact, Le s/Lt Petit Cdt le 14e [..] du 154e RA »

Esquerchin près Douai Nord

Vu par le Maire

Certifié exact

Monet

Certifié exact

Le s/Lt Petit Cdt le 14e [..] du 154e RA »


Ecole d’Esquerchin. Photo de classe de 1922. Auguste est le 3ème en haut à gauche

En 1924, Léon et Juliette achète une ferme à Esquerchin. Elle comptait 17 pièces et formait deux logements. Monsieur et Madame THEDREZ qui louaient le bien ont pu rester. Ils avaient une fille âgée de cinq ans du nom d’Alice. Auguste l’appelait sa « petite sœur », termes qu’on retrouvera dans une de ses lettres datée du 19 janvier 1941.


David fait partie des conscrits de la classe de 1929.


Esquerchin devant le café d’Olga


Groupe des conscrits d’Esquerchin de la classe de 1929. David est le troisième debout en partant de la droite et son frère Auguste est assis au centre


1. Marie–Louise SCACHE 2. Inconnue 3. Carmen DRON 4. Inconnue 5. Zulmée PETIT 6. Inconnu 7. Félicie BLEUZET 8. Albert HUTIN 9. Auguste MOUY 10. David MOUY 11. Louis TACON 12. Louis COCKEMPOT 13. Léon COCKEMPOT 14. César DEGAY 15. Jules DELIGNY 16. Julienne ACHIN 17. Inconnue 18. Yvette TAUSAERT 19. Inconnue 20. Florine DRUON ? 21. Inconnue 22. Inconnue 23. Inconnue 24. Inconnue 25. Maria CARNEAU


1. Louis FACON 2. David MOUY 3. Inconnu 4. Inconnu 5. Inconnu 6. Inconnu 7. Abbé EVRARD 8. Auguste MOUY 9. Inconnu 10. Gabriel LUBRAY 11. César DEHAY 12. Arthur BOURY 13. Constant VALENCELLE 14. Albert HUTIN 15. Léon COCKEMPOT 16. Jules DELIGNY




1. Raymond Herchy 2. Léon Mouy 3. Jules Marissal 4. Jules Bleuzet 5. Gabriel Delayen 6. Raymond Bleuzet 7. Charles Caudrelier 8. David Mouy 9. Auguste Mouy 10. Julie Ponthieux épouse de Jules Bleuzet 11. Marie Bleuzet épouse de Charles Caudrelier 12. Léocadie Douchez épouse de Raymond Herchy 13. Alice Thédrez 14. Juliette Fontaine épouse de Léon Mouy 15. Mathilde Lelong épouse de Raymond Bleuzet 16. Gabrièle Bleuzet épouse de Gabriel Delayen

Auguste faisait aussi partie de la troupe théâtrale d’Esquerchin

LE SERVICE MILITAIRE

En 1930, Auguste effectue son service militaire à Nancy. Le 22 octobre 1930 [à compter du 15 octobre 1930], il est incorporé au 26e Régiment d’Infanterie.


La 114 du 26e à Vitrimont 1931. Auguste MOUY est le 3e en haut à gauche


A la 17e Compagnie. Auguste est le deuxième debout en partant de la droite


A gauche : Maurice SCACHE suivi d’Auguste MOUY


A gauche : Maurice SCACHE suivi d’Auguste MOUY


A droite, Auguste MOUY




En forêt. Auguste MOUY est le 1er en haut à droite.


Auguste MOUY est à droite et Maurice SCACHE à gauche, lui aussi est originaire d’Esquerchin


Auguste posant en grand uniforme


Le 28 mars 1931, Auguste reçoit le brevet de combattant d’élite et le brevet de grenadier V.B. lui est délivré. Il est soldat de 2e classe à la 11ème Compagnie du 26e Régiment d’Infanterie. Le 24 avril 1931, il est nommé soldat de 1ère classe

Le 17 septembre 1931, Auguste envoie une carte postale de Nancy à ses parents :

« Nancy, le 17.9.31. Chers parents. Je réponds à votre lettre qui m’a fait grand plaisir de vous savoir en bonne santé et que vous auriez fait une bonne santé [sic]. J’ai une perme pour dimanche. J’arriverai samedi soir au train de 7 heures ½ en gare de Douai. Je croyais bien encore que j’allais faire ceinture. J’arrête car j’ai beaucoup de travail avec les bleus. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste »



Le 25 septembre 1931, il reçoit des félicitations du Colonel SCHWEISCUTH pour avoir effectué la totalité de son service militaire sans avoir encouru une seule punition.

LA VIE DE FAMILLE


Vers 1937. De gauche à droite : Juliette MOUY, Angèle DELVAL une cousine tenant son fils Christian dans les bras, Léon MOUY tenant sa fille Anne-Marie dans les bras, Fernand MILLEVILLE et Maurice DELVAL


De gauche à droite : Auguste MOUY, 2e inconnu, 3e Gabriel DELAYEN, 4e son épouse, 5e Gabriel DELAYEN, 6e Jules MARECHAL, 7e Marie BLEUZET, 8e David MOUY


Devant les ruines du château. De gauche à droite : Léon MOUY, 2e Juliette MOUY, 3e inconnue, 4e David MOUY, 5e sa grand–mère Catherine FONTAINE, 6e Henriette THEDREZ


En 1953, devant les ruines de la maison qui sera détruite en 1940. Juliette et Léon MOUY


Auguste MOUY est au second rang à droite


Anne-Marie dans les bras de Juliette à la ferme, en 1935


Anne-Marie en 1941, posant devant la chapelle « La Sainte Famille »

LE MARIAGE


9 février 1933, chez Marie-Sophie BACHELET : De gauche à droite : Fernand MILLEVILLE, Jeanne MILLEVILLE, Me BACHELET ; Marthe MILLEVILLE, Auguste MOUY


Jeanne et Auguste le 12 février 1933 à la ferme VAN COPERNOLLE


1er mars 1933. Sur le pas de la porte du café tenu par Jeanne MILLEVILLE : de gauche à droite : Fernand MILLEVILLE, Alexandre MILLEVILLE et Jeanne MILLEVILLE




Jeanne et Auguste se marient en mai 1933.


Photo de mariage d’Auguste et de Jeanne

Le 15 octobre 1931, Auguste passe dans la disponibilité.

De retour à Esquerchin, il travaille comme journalier dans différentes fermes du village.

Il rencontre Jeanne MILLEVILLE, celle-ci, aidée de sa mère, tient un café au village. Son père est entrepreneur. Elle a deux frères, Fernand et Alexandre.

LES « QUINZE JOURS » A SISSONNE

La même année, Auguste est rappelé et doit effectuer ses « quinze jours » à Sissonne en tant que 1ère classe réserviste.

Il enverra plusieurs lettres à sa famille durant son bref séjour à Sissonne.

« Sissonne, le 12 Sept 1933.

Ma chère petite femme chérie,

Me voilà redevenu soldat ma chérie et repris les mêmes habitudes comme quand j’étais à Nancy.

Je viens d’aller chercher Maurice et nous sommes au foyer du camp et comme de juste en train [se] parler ma petite femme chérie. Aujourd’hui, nous avons commencé à faire le singe dans le camp qui est un désert. Les officiers n’ont pas l’air trop méchant, peut[-être] qui n’osent pas car c’est eux qui ont peur un peu de nous. L’après-midi j’ai été à la visite. Tu sais ils n’ont pas dit de ma[sic] retourner au contraire, justement Maurice vient de m’en parler. Que veux-tu, ça diminue encore, 17 jours demain matin.




Fernand MILLEVILLLE, filleul d’Auguste et frère de Jeanne

Ce matin, j’ai été faire une bonne bistouille comme on dit à Esquerchin, car dans les cantines on y vend de l’alcool Ça m’a remis un peu mais ça ne vaut [pas] celle de chez toi ma femme chérie ? Cette après-midi, j’ai ri, ils voulaient nous faire coudre des galons mais on a dit qu’on avait rien pour coudre, alors nous avons ri un moment avec ça. J’espère bien que tu ne pourras pas dire que je t’oublie ma Jeannette chérie. J’arrête pour aujourd’hui. Maintenant je te répondrai aussitôt que j’ai reçu ta lettre Ma chérie. Je t’embrasse de tout mon cœur de petit mari. Bien [le] bonjour à tes parents. Demain, je leur ferai une petite carte. Mets-moi l’adresse d’Alexandre. Encore une grosse baise. Auguste. J’ai demandé une perme pour dimanche, ça ne coûte pas cher pour retourner, 19 frs. Rester ici j’en déprimerais peut-être encore plus. Dis ma chérie, je pars le samedi soir et le lendemain, je prends le dijonnais qui arrête à St-Erme rien que pour nous, alors tu vois tout va bien ma petite Jeanne chérie. Maurice devrait revenir aussi, puis le sergent ne l’a pas inscrit, alors il n’en sait. Demain, il doit le demander au capitaine. J’espère qu’il l’aura, ça ne me semble pas si long. J’ai aussi bien dormi ma petite chérie mais le cœur gros. Tu sais on est pas que dans le nôtre [sic] dis ma chérie à deux. Et toi ma chérie tout va bien par là et la ducasse s’est bien terminée. »


Café de Jeanne MILLEVILLE où ont logé Auguste MOUY et Jeanne MILLEVILLE

Jeannette lui enverra quatre cartes entre le 13 et 25 septembre :

« Esquerchin, 13 septembre 1933

Mon cher petit Auguste,

Je reçois ta carte à l’instant mon chéri. Je suis contente mais ça semble bien long. Tu sais Auguste, j’ai passé 2 jours de ducasse, je ne viendrai pas que dimanche et seront tous les jours car j’en ai bien entendu de toutes les couleurs depuis lundi matin. Vivement quinze jours plus vieux qu’on soit la dernière semaine dis mon chéri. J’ai ma plume qui ne va plus bien mais je ne descends pas car il y en a encore là quelques-uns qui me feraient marcher. La ducasse est finie et je suis bien contente de voir tout le monde s’amuser et toi mon petit Auguste qui est là-bas bien loin. Dis mon chéri, as-tu retrouvé des camarades ?

J’espère que le temps est encore plus beau par-là que par ici, il a commencé à pleuvoir hier à midi, aussi hier soir c’était mort et depuis le matin il n’a pas encore arrêté. En même temps que ta carte j’en ai reçue une de Marie-Sophie en [illisible] Madame Veuve. Jules Vendeville est revenu pour 5 jours et est descendu au train de 10H. Ne te fais pas trop de chagrin mon bien aimé encore 15 jours de patience mon chéri, [là] j’écris vraiment bien mal dit mon petit Auguste tant aimé. Je t’embrasse bien fort dis mon chéri. Jeannette pour toujours »

« Esquerchin, 18 septembre 1933

Mon bien aimé petit Auguste,

Enfin, voici une journée de finie mais je voudrais bien être 15 jours plus vieille tu sais mon chéri. Je t’écris avant de me coucher, il est 9H½, car demain, nous partons arracher tes pommes de terre mon bien aimé. Ce matin, le temps n’a pas été fort beau. La batteuse a arrêté ½ heure qu’il pleuvait et pendant le dîner, mais cet après-midi, ça a été mieux, mon chéri. Ton voyage a été fort bon, tu n’es pas trop fatigué mon bien aimé. J’étais peut-être couchée avant toi hier, il était 11 heures quand nous sommes montées. Je crois que je vais faire une bonne nuit surtout avec ce qui m’a arrivé hier et toi mon petit Auguste aujourd’hui tu n’as rien ressenti.

J’y pense souvent tu sais. Je voudrais bien être à mercredi pour recevoir de tes nouvelles mon chéri. Je ne vois plus grand-chose à te dire. Dis mon chéri depuis hier excepté que je te serre bien fort dans mes bras mon bien-aimé. Encore un peu de patience dis mon chéri et ça sera la semaine prochaine. Je t’embrasse bien fort mon petit Auguste. Ta Jeannette pour toujours. Encore une grosse baise mon chéri. »


En mars 1923, Jeanne MILLEVILLE avait été “inscrite au Tableau d’honneur pour l’ensemble de ses notes”. Elle suivait les cours de l’Ecole d’Institutrices à Douai.

« Esquerchin, le 20 septembre 1933.

Mon bien aimé Auguste.

Me voici encore une fois dans ma chambre seule mon chéri. Encore 9 jours et tu reviendras dis mon petit Auguste. Il est 9H½ et j’ai fait une grosse journée de lessive tu sais Auguste. A cette heure ici il pleut, heureusement que nous avons eu du beau temps hier pour arracher tes pommes de terre mon chéri, il y en avait 2 voitures pleines de sacs et de belles tu sais. Françoise et Eugénie sont venues avec nous et nous sommes rentrées à 7H le soir. A la réunion de la jeunesse, ils étaient à 7 tu vois si il a pu faire quelque chose. David est commissaire avec César. Fernand a reçu ce matin 2 lettres en l’invitant à aller au banquet dimanche à Lille, ce soir, il a été pour voir quelqu’un de l’étoile et il n’y a pas une personne. Ce matin, j’ai reçu ta carte mon chéri, alors tu as eu la manœuvre de nuit, tu n’as pas eu froid au moins mon bien aimé Auguste. Mais ça semble long tu sais mon chéri, malgré que l’on a du travail. Demain après-midi, j’irai garnir l’église. Si tu reviens samedi mon bien aimé, tâche d’être rentré pour 8 heures pour que je te voie avant d’aller au salut mon chéri. J’ai bien envie de faire une bonne neuvaine pour nous deux mon bien aimé. Maintenant mon chéri, je vais tâcher de m’endormir toujours en pensant à mon bien aimé de mon cœur. Je te dis bonsoir mon chéri et je t’embrasse bien fort mon petit Auguste.

Ta Jeannette chérie »


« Esquerchin, 25 septembre 1933.

Mon bien aimé Auguste.

Voilà une journée de plus dis mon chéri, encore 5 jours puis tu reviendras mon petit Auguste. Ce soir, il n’est pas tard 9H. Toi mon chéri tu te couches aussi. Cet après-midi, j’ai été sarcler les pommes de terre avec Alexandre. Aujourd’hui il a fait plus chaud qu’hier mon chéri et là-bas quel temps fait-il ? En écrivant le 25 mon chéri, je repense que tu as 24 ans aujourd’hui mon bien aimé Auguste, donc un bon anniversaire de loin mon chéri, je devais te le dire hier mais je n’ai pas pensé, avec tout ce travail-là dis mon chéri. J’ai retrouvé tes livres mon chéri, on les a reportés à l’église, après la messe du matin, j’ai été voir. Le jeune de chien n’est pas parti, elles n’ont pas voulu le prendre ce soir, il a étranglé un poulet alors tu vois Auguste si David ne l’a pas manqué. As-tu fait un bon retour mon chéri, tu as arrivé à temps pour ton train. Fernand a eu une médaille en argent, un diplôme et une coupe mais elle reste à la société. C’est malheureux dis sur 2 coupes, il n’en a pas une. Maintenant mon bien aimé, je vais me coucher en pensant bien à mon chéri de mon cœur, hier il était 1 heure quand je me suis couchée mon chéri, toi tu dormais. Je te souhaite une bonne nuit et je t’embrasse bien fort mon bien aimé. Ta Jeannette pour la vie dis mon chéri. Si tu sais l’heure que tu rentres samedi, dis-le moi chéri »

Le 25 septembre 1933, Auguste envoie une lettre à Jeannette du camp de Sissonne :

« Sissonne, le 25 Sept 1933.

Ma chère petite femme chérie.

Me voilà encore une fois rentré en très bonne santé. Le voyage a été fort bon. On est arrivé une demi-heure en retard, faute d’un autre train qui venait de Calais. On est arrivé 10 minutes à l’avance pour prendre notre train en gare de Douai. J’ai rencontré Fernand sur la route, je ne l’avais pas reconnu. C’était après que j’ai été passé qu’il a parlé mais je n’ai pas arrêté. Je pense que ça bien passé à Lille [sic]. Ici, aujourd’hui, nous avons pas fait beaucoup de travail. Heureusement car j’étais fatigué. La femme de Maurice a venu nous reconduire jusque la Brayelle. Vivement la fin de la semaine ma chérie car nous en avons marre tous, puis qu’on puisse recoucher dans notre bon lit. Dis ma Jeannette chérie de mon cœur, j’ai entendu parler qu’on doit partir le samedi à 2 heures de l’après-midi, alors nous serons pas avant 5 heures ½ ou 6 heures à Douai, pas encore sûr, j’espère de te le dire après-demain soir. Maintenant, je vais faire une petite carte à ma mère. Je ne vois plus grand-chose à te dire ma Jeannette chérie. J’ai mis mon vélo chez Gérard [illisible]. J’arrête en te prenant dans mes bras en t’embrassant de tout mon cœur de petit mari qui t’aime pour la vie.

Auguste »

Le même jour, il envoie aussi une carte à ses parents :

« Sissonne, le 25 Sept 1933.

Chers Parents.

Me voilà encore rentré pour la dernière fois. Content car je voudrais être samedi, ça été fort bon pour revenir mais un peu froid. Je vous embrasse tous de loin. Votre fils Auguste. N’oubliez pas grand-mère »

De retour, Auguste s’installe chez les parents de Jeanne. En août 1935, celle-ci donne naissance à une petite fille, Anne-Marie.

Cependant, suite à l’accouchement, Jeanne tombe gravement malade et décède le 15 septembre de la même année.



Anne-Marie n’a qu’un mois, elle n’a pas connu sa maman.


Anne-Marie MOUY bébé

Auguste décide de quitter le café et de retourner à la ferme paternelle.

Son père Léon est malade. Auguste va devoir assumer le travail à la ferme et prendre en charge toute la famille, y compris ses parents à la santé fragile. Ces derniers vont essayer de se rendre utiles en élevant Anne-Marie.

Son frère David est agriculteur, marié et habite le village.


Vers 1941. De gauche à droite, au 1er rang : Michel, Daniel et Anne-Marie MOUY ; au 2e rang : Valentine, Zulmé et Juliette MOUY


Anne-Marie en 1937, devant le Monument aux Morts 14-18 d’Esquerchin


En 1939. Anne-Marie à l’âge de 4 ans 1/2. A l’arrière de la photo, on aperçoit le corps de logis de la ferme avant qu’il ne soit incendié


Léon MOUY un peu avant 1940


Vers 1941. Anne-Marie devant la porte de la mairie

LA MOBILISATION

Le 1er septembre 1939, la mobilisation générale est déclarée. L’armée allemande a envahi la Pologne. Cette agression marque le début de la deuxième guerre mondiale.

Le 9 septembre 1939, Auguste est mobilisé et employé comme pionnier. Fin de l’année, il part pour la guerre. Ses parents vont s’occuper d’Anne-Marie et de la ferme. Avant son départ, il fait la connaissance d’Augustine FAIDHERBE.

Auguste est affecté au 53ème Blon mitrailleurs motorisés Etat-Major.

Le 19 septembre 1939, Jean-Baptiste LEROY, Maire d’Esquerchin rédige une note certifiant qu’Auguste exerce la profession de cultivateur et de mécanicien de battage.

« Le 31.12.39.

 Chers Parents.

Je suis arrivé depuis ce matin. Nous avons attendu toute la journée pour savoir dans quelle compagnie qu’on devrait faire partie. Moi, je suis à la CHR. Je crois que j’ai encore réussi. J’ai fait tout mon possible pour avoir ma permission pour aller à l‘enterrement. Ça n’a pas réussi. Que voulez-vous, il aurait fallu que j’aurais été arrivé ici pour l’après-midi. Il nous a fallu 4 jours pour arriver. J’espère que vous avez reçu ma carte que j’ai envoyée en route. Maintenant, je vous souhaite une bonne année et une bonne santé à vous père et mère et surtout à Anne-Marie, ainsi qu’à Henriette et toute la famille. Je vais profiter que je suis dans une chambre à la lumière pour envoyer une carte à mon beau-père. Je vous en dirai un peu plus long demain. Embrassez bien Anne-Marie pour moi. Je vous embrasse de loin. Auguste. Présentez mes vœux au sergent anglais ainsi qu’aux soldats »

A l’adresse de l’expéditeur, il est indiqué : « Mouy Auguste 59 MM CHR secteur 5182 ».

« Le 17.3.40.

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à vos deux lettres du 13 et du 15. Vous voyez le service n’est pas régulier. Aujourd’hui, jour des Rameaux, j’ai un peu pensé à Esquerchin, surtout l’après-midi, avoir l’habitude d’aller au cimetière. Je vais mettre une petite branche de buis que vous donnerez à Anne-Marie pour mettre sur la tombe de sa maman, dire que c’est son papa qui le dit. Quant à mon dimanche matin, j’ai été communié à la messe de 8 heures. Je croyais pouvoir aller à celle de 10 heures, mais nous avons dû travailler à cause qu’il y avait du bois d’arrivé en gare. Il a fallu décharger les wagons. Nous avons eu fini à 12 heures. L’après-midi, on devait moi et Georges aller au match, mais il pleut nous sommes restés à couvert.

Je sais que vous avez fini les blés, je suis bien content. David doit être content aussi, ainsi que Maurice. Fernand est en perme, il doit être content aussi de revoir sa maison. J’espère maintenant que Thérèse s’accorde un peu mieux avec mon beau-père. Ce soir, nous avons soupé moi et Georges une grillade de lard avec des oeufs, ça nous a fait du bien avec des frites. J’espère que tout le monde va bien. Embrassez bien Anne-Marie pour moi.

Votre Fils qui vous embrasse. Auguste »

Le 3 avril 1940, Auguste envoie une lettre à ses parents :

« Le 3.4.40.

Chers Parents et chère fille.

Nous sommes arrivés à bon port. J’ai rencontré le sergent-chef que j’ai revenu [sic], nous sommes parti directement où l’on était avant. Il reste encore une compagnie, c’est la CHR, la mienne. J’espère revenir à la même place pour les jardins, à moins [d’]un contre ordre. Je suis arrivé à 1H20. A 2 heures, j’étais couché. Ce matin, j’ai été trouver le capitaine qui est en train d’arranger la serre. Grand-père était content de me revoir, moi aussi. Georges est parti, lui j’irai surement le voir ce soir car il a pris toutes mes affaires, il a un caisson. J’ai retrouvé des copains du 1er train qui m’ont payé à dîner. Demain, je vous donnerai un peu plus de détails sur mon compte. Je vous dirai qui est parti du côté de la musique qui s’appelle « Trombone ». J’espère que tout le monde va bien.

Embrassez bien Anne-Marie pour moi.

Votre fils Auguste.

PS : bien [le] bonjour à tout le monde, vous comprendrez bien »

Le 12 avril 1940, Auguste envoie une lettre sur du papier à l’entête du 146e R.I.F. surmontée de la devise « On ne passe pas ». Il se trouve alors au camp de prisonniers de Mirecourt dans les Vosges :


De gauche à droite : 1. Paul MOUY (qui a été chercher le corps d’Auguste à Thines) 2. Sophie BLEUZET 3. Paul MOUY Fils 4. Nicole MARISSAL 5. Félicie BLEUZET 6. Léon MOUY 7. Juliette FONTAINE Les enfants : 8. Maria MOUY 9. Anne-Marie MOUY

« Le 12 avril 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Me voilà encore en train de vous écrire pour la 6e fois. Hier, nous avons eu la permission de vous envoyer une carte postale puis défense de marquer ce qu’on voulait. Ici vous savez c’est toujours la même chose. A part ça, tout va bien. J’espère qu’il en est de même pour vous tous, surtout pour ma petite fille. Maintenant, ils ont formé des compagnies de travailleurs pour aller dans les fermes aux alentours. Je suis dedans, alors j’espère ou l’autre partir travailler, on sera tout au moins mieux nourri surtout. Et vous comment ça va par-là ? Vraiment, ça commence à sembler long depuis le 10 mai, sans lettre de personne. Je vais tacher de remettre ma lettre à un copain de Cambray qui est cheminot, qui doit partir ce matin. Faut espérer que notre tour ne tardera pas trop longtemps. Si vous recevez cette lettre, vous pouvez me répondre à l’adresse du camp, car si je suis placé dans une ferme, je vous l’écrirais tout de suite. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma petite Fille pour moi. Je vous embrasse tous.

Auguste. Camp de prisonniers de Mirecourt 3 Compagnie Bâtiment 9 Vosges »


Billet du maire d’Esquerchin, daté du 6 avril 1940, attestant de la présence indispensable d’Auguste à la ferme familiale

Auguste faisait partie du 53e Bataillon Mitrailleurs Motorisé, Armée commandée par le Général Bataillon CONDE dont l’Etat-Major se trouvait à Metz.

Principaux lieux de stationnement du corps ou de l’affectation d’Auguste MOUY et principaux combats auxquels il a pris part :

        Entre le 3 septembre 1939 Jusqu’au 9 mai 1940 inclus : Cambrai, Romagne-sous-les-côtes (Meuse), Betting (Moselle), Waldwisse (Moselle), Calembeurt et Camp de Vekring de septembre 1939 à novembre 1939, Courcelle s/ Chaussy (Moselle) de novembre 1939 au 1er avril 1940, Brettnach (Moselle) du 2 avril 1940 au 18 avril 1940, Magange (Moselle) du 18 avril au 10 mai 1940.

        Entre le 10 mai 1940 et le 25 juin 1940 : Métange du 1er mai 1940 au 20 mai 1940, Boulay et Coume (Moselle) du 20 mai 1940 au 1er juin 1940, Volmerange (Moselle) du 1er juin 1940 au 12 juin 1940, Allianville (Haute-Marne), Aulnois (Vosges), Les Bruyères (Vosges), Belmont (Vosges), Basseoil (Vosges). Prisonnier le 21 juin 1940 à Pont-sur-la Madon.

« Le 10.5.40.

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à votre lettre du 6 qui m’a fait plaisir. J’avais bien compris que dimanche vous n’auriez pas eu le temps de m’écrire à cause des communions. Je vois que ça s’est passé tout de même bien, attendu [que ce n’est] pas comme les autres années à cause de la guerre. Jules Deligny a dû être content pour son garçon qui [a] été le premier. Il a souvent pleuré aussi. Louis a réussi d’être en perme car c’était son filleul. Remy Terrier s’est débrouillé, s’il avait été ici, il n’aurait sûrement pas pu partir. Je vois que David se dépêche, il a raison. Mais maintenant, faut voir comment ça va tourner avec la Belgique et la Hollande. Nous sommes toujours à la même place pour le moment, peut-être tout-à-l’heure ailleurs, on ne sait encore rien. A part ça, tout va bien. Georges vous prie le bonjour.

Faites les compliments à tout le monde. Embrassez bien ma fille Anne-Marie pour [moi]. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 11.5.40.

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à votre lettre du 8. Demain c’est la Pentecôte. Pour nous ce n’est pas fête car on doit travailler surtout depuis les évènements et nous sommes dans un terrain qui fait que 20 centimètres par jour [sic] pour 6 hommes dans un abri de 20 mètres alors vous voyez pour le moment on ne risque rien au point [de vue] des avions, mais vous autres maintenant faudra vous faire un abri aussi car ce n’est plus de la rigolade. Ces fridolins nous envoient des pruneaux et surtout faites attention aux obus qui éclatent 2 et quelquefois 3 heures plus tard, c’est les plus mauvais. J’espère que vous n’avez pas été bombardé car nous sommes au courant de tous les évènements. Nous avons monté la TSF où l’on couche, pour avoir les nouvelles de partout. Le lieutenant est venu nous voir cette après-midi dans notre trou, même il se moquait de nous car on était tout noir, car nous avons des lampes au carbure, ça fait beaucoup de fumée. A part ça tout va bien. Anne-Marie n’a pas trop peur des avions ? Faites des compliments à tous. Embrassez bien Anne-Marie pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 18.5.40.

Chers Parents et chère Fille.

Toujours sans nouvelles. Heureusement que je ne suis pas le seul car toute la région n’en a pas, alors ça me console un peu. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé et que père sa figure ne le fait plus trop souffrir. J’espère tout [de] même d’avoir une lettre demain. Quant à moi, nous sommes toujours à la même place, à part que nous avons changé de direction. Hier, nous avons vu passer les Anglais. Je ne sais pas où ils partent, surement quelque part en France. J’espère que vous ne recevez pas trop de pruneaux et que vous n’avez pas trop peur, faut avoir confiance et la foi qui nous soutient et surtout une bonne santé, c’est le principal des choses. Les ouvrages dans les champs doivent avancer par le beau temps, les betteraves sont surement levées. Enfin, faites des compliments à tout le monde. Georges vous prie le bonjour. Embrassez bien Anne-Marie pour moi. Je vous embrasse tous de loin. Votre fils Auguste »

Le même jour, David envoie un courrier de Calais à ses parents, il les met en garde et leur demande, dans le cas où cela s’avérerait nécessaire, de partir en famille sous la direction du père :

« Calais, le 18 mai.

Chers Parents.

Je suis rentré à bon port cette nuit. Avec cette pagaille, les trains ne vont pas vite. Les nouvelles ne sont pas rassurantes et que s’il faut que vous partiez, vous partirez en famille et que père prendra la direction de vous tous, je sais bien que s’il faut en arriver là, ce sera encore une dure épreuve pour vous, mais que Dieu vous protègera tous et que nous nous retrouverons après. En ce moment, je suis à la compagnie et je ne sais pas encore où je vais aller. J’espère que ma lettre vous trouvera tous en bonne santé et chez nous. Je termine en vous embrassant bien fort ainsi qu’Anne-Marie. Votre fils David »

« Le 20 mai 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Voilà le 10e jour sans nouvelles, je me demande pourquoi. Vous allez dire que je le sais malheureusement, car je vous que c’est encore nous dans le nord qui va châtier [sic]. Que voulez-vous, faut se faire une raison. J’espère que vous [n’] êtes pas encore partis et que vous partirez. Ne restez toujours pas avec les fridolins. J’espère aussi que vous êtes toujours en bonne santé. Et David je n’ai pas encore eu des nouvelles depuis que je lui ai écrit, qu’il a été en permission. Quant à moi, c’est toujours la même chose à part maintenant que je fais à manger pour les sergents de la CHR. Ici, nous [ne] voyons rien du tout. Nous avons des nouvelles par la TSF. Mais nous y croyons peu [à] ce qu’elle nous raconte. Enfin prions la Vierge pour qu’elle nous libère le plus vite possible de ce fléau. Faites des compliments à tout le monde. Embrassez bien ma Fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »


En 1940, Léon et Juliette, accompagnés d’Anne-Marie, évacuent à Frévent près de Saint-Pol [entre Amiens et Lille]. Ils dorment dans une écurie durant un mois.

« Le 12 Juin 1940.

Cher Jules.

Je réponds à ta lettre qui m’a fait grand plaisir car tu sais maintenant ça se fait rares des nouvelles. Je vois maintenant tu vis comme nous sans famille aussi, mais toi tu as encore un peu de les retrouver surtout s’ils sont passés vraiment [sic et comme toi c’est pas de veine avoir eu belle de partir, mais que veux-tu mon vieux Jules, faut se résigner, faire comme tu dis, servons Dieu, il nous rendra peut-être un jour les nôtres qui nous [ont] été si chéris et moi je me demande toujours où qu’ils sont. Et ma chère petite Anne-Marie celle qui pour moi représentait celle que j’ai tant aimée et il [y] aura déjà 5 ans tout l’heure que je vis seul maintenant mon cher Jules, n’a plus qu’à garder notre foi comme nous l’avons déjà. Ici pour moi ça va. Pour le moment nous [n’] avons encore rien ou presque rien, aussi je cherche toujours de me rendre utile partout. Je fais la cuisine pour 20 sous-officiers et le dimanche, je fais l’enfant de chœur pour le directeur de St Joseph à Arras qui connaît fort bien ma famille surtout Edmond et Père, puis après je chante [la] grand-messe avec les autres. Alors tu vois, ça n’a pas changé en moi, ça me remonte le moral. Je vois que celui qui avait une auto a pu mettre les bouts mais comme chez moi qui n’ont pas pu partir. Tu me demandes des nouvelles de mon frère, je n’ai encore rien reçu de lui depuis le 18 mai, il était encore à Calais. Maintenant où écrire ? Tu le connais mon cher Jules, lui qui doit s’en faire des cheveux et sa femme a promis [illisible] garçons qui étaient si fiers d’eux. Ah quand il faut penser à toutes ces choses-là qui me font mal. Je vais écrire à Marie-Sophie Bachelet, j’ai eu des nouvelles de Marie-Louise Wacquez qui est chez sa tante dans le Morbihan avec le frère à son père Emile Waquez qui travaillait aux mines d’Aniches. J’espère mon cher Jules quand tu auras un peu de nouvelles, tu me les feras parvenir, mais de mon côté la même chose. Puis maintenant, on peut s’écrire plus souvent. Bien [le] bonjour à Marcel Delannoy. En attendant de te lire. Mes meilleures amitiés. Ton copain qui t’embrasse bien fort de loin. Auguste. J’oubliais de te dire que j’ai des nouvelles de Fernand Milleville qui est au Détachement du 507e RCC 3e Compagnie secteur 5455 ». Son ami Jules ne recevra la lettre que le 15 juillet 1940, il mentionne sur celle-ci qu’il ne peut y répondre.

INCARCERATION A MIRECOURT

Le 18 juin 1940, DE GAULLE lance un appel aux officiers et aux soldats français de le rejoindre à Londres.

Auguste note sur une feuille des dates, des itinéraires et des évènements :

« Courcelle Chaussy le 1er janvier

Brettnach le 1er avril

Vilving le 14 avril

Silid sir Nied 15 avril

Laquenoy le 15 avril

Avoir connu Melle Suzanne

Bouger à Laquenexy par Courcelle sur Nied ?

Les étangs le 24 avril

Mégange le 26 avril

Raupeldange le 20 mai

Baulay le 23 mai

Condé Northen le 12 juin

Départ en autobus

Illonville le 14 juin

Rencontre avec l’ennemi le 18

Soir repli du 53 EMM sur Boiseville sur Meuse

Le 19 repli sur Ballerville

Le 20 aussitôt repris St Pol

Hirocourt 20 reparti à Pont sur Madon le lendemain

21 juin prisonnier à 2 heures après-midi conduit au camp de Poussez jusqu’au 25 juin au camp de Mirecourt bâtiment N° 10 jusqu’au »

Auguste est fait prisonnier par les Allemands à Pont sur Madon le 21 juin 1940 à 2 heures du matin. Il est envoyé dans un camp de prisonniers à Mirecourt dans les Vosges. Il ne précise pas le temps de sa détention.



Accusé de réception d’une somme de 700 f à l’ordre du « registre aux officiers français ». Mirecourt, le 7 juillet 1940.

« Samedi 29 Juin 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Je suis en bonne santé, tout va bien. En attendant de vos nouvelles, embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

Le sort des prisonniers de Mirecourt n’a pas encore été fixé. Cependant, Auguste espère être libéré prochainement. Il n’a reçu aucune nouvelle de son frère David qui est aussi prisonnier et cela l’inquiète. Il a faim et demande qu’on lui envoie un colis de chocolat :

« Le 2 Août 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Je vous écris avec espoir que ma lettre vous arrivera. Pour moi tout va bien, j’attends la classe avec impatience. Ça nous semble long surtout qu’on ne fait rien. Puis manque de nourriture, c’est rien pourvu que ça finisse bien et qu’on revient avec sa peau. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé et Anne-Marie aussi et qu’elle n’est pas malade. Vous avez déjà commencé la moisson, s’il en reste. Faut avoir de l’espoir, j’espère que ça ne durera plus longtemps. Père, j’espère bien que sa santé est bonne aussi et qu’il n’a pas mal à sa bouche. J’ai déjà bien pensé à vous tous, surtout à ma petite fille. Mère, si vous me répondez, n’écrivez pas trop, donnez-moi les nouvelles principales et David lui qu’est-ce qu’il est devenu lui, heureusement qu’il n’est pas avec nous. Bien [le] bonjour à tous. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ».

Cette lettre est envoyée du camp de prisonniers de Mirecourt.


A leur retour de Douai, Léon, Juliette et Anne-Marie retrouvent la ferme brûlée. Ils vivront pendant seize ans dans une écurie séparée en deux.

Juliette va répondre à ses fils captifs. Elle va leur envoyer une lettre à chacun d’eux, le contenu est fort proche. Plus tard, elle signera la fin de ses lettres par trois initiales : L pour Léon, J pour Juliette et M pour Mouy

« Esquerchin le 9 Août 40.

Mon cher fils.

Nous sommes tous en bonne santé et toute ta petite famille aussi, tout va bien. Ton père ta mère L.J. Mouy. Réponds à cette adresse Meur Georges Lefebvre Secrétariat de la gare de Douai Aux bons soins de la S.N.C.F. Région Nord 18, Rue de Dunkerque Paris 10ème. J’irai la chercher à cette place et dans un coin de l’enveloppe pour Mme Mouy 35 place d’Armes Douai – car la poste ne marche pas »

« Esquerchin, le 9 Août 40.

Mon cher fils.

Déjà j’ai envoyé une lettre à cette adresse, l’as-tu reçue, peut-être oui. [J’ai] déjà envoyé beaucoup de cartes mais nous [n’avons] rien [reçu d’autre] que cette adresse par Marie-Louise. Nous sommes en bonne santé tous. Ton frère est prisonnier mais pas de nouvelles. Ta fille ton père mère L J A Mouy. [illisible] est près de nous notre maison et Emile nous sommes au Faubourg. Si tu as le bonheur de recevoir ma lettre, réponds-moi à cette adresse Mr Georges Lefèbvre Commis de 2ème classe Secrétariat de la gare de Douai Aux bons soins de la SNCF Région Nord 18 rue de Dunkerque Paris 10ème et dans le coin de l’enveloppe pour Me Mouy Léon 34 Place d’Armes Douai. J’irai la chercher à cette place »

« Le 11 août 1940.

Chers Parents et chère Fille.

 Je suis prisonnier et en bonne santé. Je ne puis vous donnez d’autres nouvelles. Auguste ». La carte postale est envoyée du camp de prisonniers de Mirecourt (Vosges), 9e Bataillon 3e Compagnie.

Auguste apprend que la maison à Esquerchin a brûlé. Il n’a toujours pas de nouvelles de son frère David :

« Esquerchin le 23 A[oût] 40.

Mon cher fils.

Je suis en train de t’écrire [alors que], le facteur arrive. Que c’est dur pour nous, oui ta chère petite fille a grandi et belle ma chérie mais bien. Diable mon [corps] tremble en t’écrivant. L’on ne peut envoyer de colis et pas d’argent. Voilà au moins 20 lettres mais maintenant, j’espère que tu les recevras, car je crois que ton adresse a encore changé. Ton père a été opéré pour ses lèvres et y était seul. Ton Frère est prisonnier aussi mais pas d’adresse. Terrier a écrit, il est prisonnier, il a rencontré David. Je vais écrire à Paris à Emmanuel, lui parviendra à te faire avoir de la nourriture et de l’argent. La moisson est finie, ça a été vite. [illisible] Michel Daniel en bonne santé, chez Alexandre en bonne santé. Nous sommes dans notre maison au Faubourg, la nôtre a brûlé. L’on te dira plus tard. Bonjour [de] Baptiste, Henriette, Alice. Un gros baiser de tous qui avons le cœur bien gros. Ton père mère et fille pour la vie Léon Mouy. Emmanuel Cavelier 38 rue Galilée 16e arrondissement. J’apprends que Raymond Bleuzet est à Strasbourg »

LA VIE AU STALAG

Enfin, la famille a reçu des nouvelles de David, il est prisonnier au Stalag VIIA Kommando IV 58.



David MOUY, prisonnier

Tandis qu’Auguste est déporté et mis à la disposition d’une famille de fermiers dans les Alpes autrichiennes en tant que prisonnier, sous le numéro 84.694. Il va séjourner au Stalag XVIIA à Kaisersteinbruch, entre Leinz et la frontière tchèque.

Léon transmet la nouvelle à Auguste :

« Septembre le 23 1940.

Mouy Léon à Esquerchin près Douai Nord. Mon cher fils. Je t’écris, j’espère que tu as reçu mes lettres car depuis des jours je n’ai pu t’écrire. Tout sera bien maintenant. Je croyais t’envoyer un colis mais peut-être la semaine prochaine. David, on a reçu une lettre, cela nous a fait grand plaisir. Il dit qu’il travaille et [est] bien nourri. Mais toi, où es-tu en ce moment ? C’était la neuvaine à Esquerchin. Hier, j’ai fait dire la messe de Jeanne. Tu sais j’ai le cœur bien gros en te disant cela. Prie Dieu pour qu’il nous conserve tous et que bientôt, il nous réunisse. Ton père va un peu mieux. Anne-Marie va bien et [est] bien grande, [elle] prie matin et soir pour son papa. Tous les travaux des champs sont presque finis, tant bien que mal. Zulmé et les enfants sont en bonne santé. Voilà l’adresse de David. Peut-être pourras-tu lui écrire. J’arrête car je n’en peux plus. Un gros baiser de tous ton père ta mère ta fille Léon J A Mouy. Soldat Matricule 27158 Stalag VIIA Kommando IV 58 »

« Le 13 octobre 1940.

Chers Parents et chère fille.

Maintenant, on peut vous écrire. Vraiment, j’ai été content quand ils m’ont donné cette feuille pour vous donner un peu de mes nouvelles. Pour moi, elles sont bonnes. J’espère qu’il en est de même pour vous tous. Je travaille dans une ferme. Je suis heureux de ne pas rester à rien faire. Mes patrons sont gentils envers nous, il en est de même pour mes camarades. Il est autorisé de nous envoyer des colis. Ne mettez pas ceux que je ne demande pas. Si vous m’envoyez quelque chose, je vous demanderai un tricot, un passe-montagne kaki si possible et des chaussettes et surtout du tabac. Si vous pouvez m’envoyer ça, ce serait beau. Et ma petite-fille, qu’est-ce qu’elle raconte et père comment va sa figure et j’espère que tous vous êtes en bonne santé. Donnez-moi des nouvelles de David, s’il est dans le même cas que moi. J’ai vu Henri Mayelles qui m’a donné des nouvelles un peu de chez nous car il vous a vu, j’espère qu’il n’y a rien de parti de chez nous. J’arrête car ma lettre n’est pas trop grande. Embrassez bien fort ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste. Voici mon adresse Mouy Auguste N° 84694 Stalag XVIIA Deutschland Allemagne »

« 20 octobre 1940.

Chers Parents et chère Fille.

J’espère que vous avez reçu ma lettre de dimanche et que vous êtes tous en bonne santé, il en est de même pour moi. N’oubliez pas de me mettre du tabac puis les lainages que je vous ai demandé. C’est toujours la même chose, en espérant le retour [le] plus vite possible. Faites mes compliments à tout le monde. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Votre fils Auguste ». Cette carte arrivera à Esquerchin le 9 novembre.

« 27 oct 1940.

Chers Parents et chère Fille.

J’espère que vous avez reçu ma carte de dimanche dernier. Moi ici, c’est toujours la même [chose], je suis bien, ça commence à faire froid. Si vous pouvez m’envoyer le plus tôt possible mon colis. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Je vous embrasse tous. Auguste » La carte reprend les renseignements de l’expéditeur : « Absender : Vor-und Zuname : Mouy Auguste

Gefangenennummer : 84694 Leger-Bezichnung : A641/L Stalag VXIIA Deutschland (Allemagne) »

« Les cartes d’alimentation ont fait leur apparition depuis plusieurs mois, pour le pain, le lait et le beurre. Pour le reste on ne trouve pas grand-chose. Il faut une carte pour avoir un paquet de tabac par semaine, plus tard un paquet sur la présentation de « l’étiquette colis » envoyée par le prisonnier […] En fin d’année, les prisonniers reçoivent le colis de la Croix-Rouge Française de 2,5 kg, baptisé colis du Maréchal Pétain. Il est directement envoyé de France une fois par mois au Stalag et contient principalement des produits de longue conservation : biscuits de soldat (biscuits vitaminés de l’armée française, durs mais de bonne qualité), tabac et cigarettes de troupe. Il y aura parfois des haricots secs, des pois chiches, durs à cuire, des dattes déshydratées, des boîtes de sardine… [3]»

« 3 novembre 1940.

 Chers Parents et chère Fille.

J’espère que vous avez reçu ma lettre et les cartes. Si vous m’envoyez un colis, n’oubliez pas un tricot, des chaussettes puis du tabac. Ça me fera grand plaisir. Ici c’est toujours la même chose, je suis bien où je travaille, ma santé est bonne. J’espère qu’il en est de même pour vous. Auguste ». La carte arrive à Esquerchin le 23 novembre.

« 17 novembre 1940.

Chers Parents et chère Fille.

J’ai reçu votre colis qui m’a fait plaisir, il ne manquait rien ? Je vous en remercie, surtout pour les lainages et le tabac. Maintenant, j’en ai assez. Pour le moment des affaires, envoyez-moi du tabac de temps en temps. Embrassez ma fille pour moi. Je vous embrasse. Auguste »

« 24.11.40.

Chers Parents et chère Fille.

 Je suis très content de votre colis qui vient bien à point. Si vous m’[en] envoyez un petit, remettez-moi un savon. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé, moi i [sic] en est de même. Faites bien des compliments à tous. Embrassez bien ma petite Fille pour moi. Je vous embrasse. Auguste »

« 1er Décembre 40.

Chers Parents et chère Fille.

Je n’ai pas encore reçu de lettre mais j’espère que vous [êtes] tous toujours en bonne santé. Quant au colis que j’ai reçu, [il] me vient bien à point. Quant à moi, c’est toujours la même chose, je suis bien. Faites des compliments à tous. Embrassez bien ma fille. Bon baiser. Auguste »

« 8 Décembre 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à votre [lettre] du 28 octobre qui m’a fait plaisir car depuis le 10 mai, je n’avais aucune nouvelle de vous tous. Maintenant, je suis content. Je vois que vois êtes tous en bonne santé et que vous êtes rentrés à la maison et que la famille va bien. Moi ici c’est comme je serais au travail. Embrassez bien ma fille et vous tous. Auguste »

« 15 Déc 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à vos deux cartes du 1er et du 6 Novembre. Maintenant, je suis content, j’ai de vos [nouvelles], je sais que vous êtes en bonne santé et il en est de même pour moi. Je vous souhaite une bonne et heureuse année. Espérons le retour plus vite qu’on le pense. J’ai écrit à David. Faites des compliments à tous. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse bien fort. Auguste » La carte est arrivée le 1er janvier 1941.

« Le 17 Décembre 40.

Cher fils.

Je réponds à ta lettre du 15 N[ovembre]. Je n’ai pas la lettre du 8. Tu demandes qu’ils battent à la batteuse, mais c’est [Dissous et illisible] qui l’ont pour la région. Je vois que tu travailles aussi là-bas et que tu fais un peu de tout. Chez Zulmé tout va en ce moment, le petit va toujours à l’école, il travaille bien, la petite aussi, [ça] marche bien à l’école, elle gagne de place [sic], mais tu sais pépère la laisse tout faire, je suis obligé quelque fois de la gronder, c’est un diable. Ici notre travail va à [illisible] ; les blés sont finis, il y a encore à labourer sur [illisible], mais nous n’avons pas encore de [puples] faute de Raymond ils sont réquisitionnés. Toute la famille va bien, mais de Maurice jamais rien. [Illisible] est venu hier, il te prie [le] bonjour, et Valentine est partie rester à [flers] a repris la ferme. Je sais que quelquefois tu as le cafard et ici combien de fois je pleure seul mais je prie et je reprends courage pour revoir mes fils. Je t’ai mis des bretelles dans le colis que j’ai fait hier. Père est mieux et il reprend courage. Bonjour de tous les amis que je ne peux énumérer car pas de place. C’est Maria qui a porté ton colis à Query. Un gros baiser de toute la famille ton père mère fille Léon Mouy »

« 22 Décembre 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Cette semaine, j’ai pas reçu de nouvelles, mais j’espère que vous [êtes] toujours en bonne santé, il en est de même pour moi. Si vous m’envoyez un colis, je voudrais bien une [main] pour me laver, puis du tabac et un caleçon de toile. J’ai écrit à mon frère déjà deux fois. Faites es compliments à tous. Embrasez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste ». La carte est arrivée à Esquerchin le 22 janvier 1941.

« 29 Décembre 1940.

Chers Parents et chère Fille.

Nous avons passé une bonne fête de Noël. J’ai été à la messe de 9H1/2 qui m’a fait grand plaisir. On a été 3 jours sans travailler. Alors, vous voyez que je ne suis pas trop [mot manquant]. Je vais encore vous demander un petit colis avec une chemise et une ceinture de flanelle car la mienne est morte. Faites des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste » La carte est arrivée à Esquerchin le 30 janvier 1941.

« 12 janvier 1941.

Chers Parents et chère Fille.

 Je réponds à votre lettre du 13 N[ovembre] qui m’a [fait] grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé, il en est de même pour moi. Ici c’est toujours la même chose. Pour le moment, je vais vous envoyer une carte concernant les lettres et colis .Faites des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Votre fils qui vous embrasse. Auguste »

« Le 19.1.41.

Chers Parents et chère Fille.

Aujourd’hui, j’ai reçu 3 lettres, une de vous qui m’a fait plaisir, celle de Marie Sophie que vous la remercierez de ma part, car moi, je ne puis lui répondre et celle d’Augustine Faidherbe à qui vous ferez des compliments après qu’elle vient chez nous, ainsi qu’à Julie de Vermeille. Je crois que chez nous tout va bien, j’en suis bien heureux. Ici, moi ça va aussi, je suis fort bien avec mes patrons qui sont fort gentils avec moi pour le moment. Je voiture du bois avec deux chevaux, alors vous voyez je suis à mon aise. Question nourriture, je suis bien nourri aussi, le froid est comme chez nous et il est supportable. Vous me parlez de Mademoiselle Augustine, je ne comprends pas bien qui elle est. Faites-lui des compliments de ma part. J’espère qu’Anne-Marie est sage à l’école ! Faites des compliments chez mes beaux-parents ainsi qu’à Florimond et chez Henriette et surtout à ma petite soeur[4]. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

Le 23 janvier 1941, Auguste est au Stalag XVIIA. Il envoie une carte à ses parents, le cachet indique « Geprüft ». La carte mettra longtemps à arriver. Léon y inscrit au crayon « reçu 17 mars » :

« Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à vos lettre du 29 D[écembre] 3 jan[vier] qui m’a fait grand plaisir. Ici, c’est toujours la [même] chose, je suis fort bien à la ferme où je travaille. Nous avons fini le bois, maintenant c’est le fumier puis à arranger les vaches, là, il fait bon. Faites des compliments à tout le monde. Embrassez bien ma fille pour moi. »

« Le 26.1.41.

Chers Parents et chère Fille.

Cette semaine, ça a été bon, 2 cartes que j’ai reçues, celle [du] 27 N[ovembre] et du 6 Décembre, puis votre colis qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé Mais après que vous m’envoyez encore un, ne me mettez plus tant à manger car je suis bien nourri où je travaille. Je voudrais bien que vous m’envoyiez ma paire de guêtres car mes bandes molletières sont usées, à moins que vous ne m’achetiez une paire de chaussures bottes, vous me feriez grand plaisir, puis toujours du tabac. Maurice a une petite fille, pas encore des nouvelles et Louis. J’ai pensé cette semaine à Mlle Augustine de Erchin. Faites-lui bien des compliments de ma part car je l’avais confondue avec l’ancienne servante de Mr le curé Dumortier. Donnez-moi des nouvelles [d’] Edmond Wacheux et de Louis Carneau et d’Anicet. Si vous voyez la petite Marie-Louise Waquez priez le bien bonjour, faites des compliments à tout [le] monde. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste. »

« 2 Février 1940 [en réalité, il faut lire 1941].

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à votre du 6 D[écembre] qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Il en va de même pour moi. J’espère que vous recevez toujours bien mes lettres. Faites bien des compliments à toute la famille et amis. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse ». La carte n’arrivera à Esquerchin que le 2 juillet 1941 :

« Le 16.2.40 [en réalité, il faut lire 1941].

Chers Parents et chère Fille.

La semaine passée, je ne vous ai pas écrit car chez le patron, la mère est morte, j’ai eu un peu plus de travail. Cette semaine, ça va, j’ai reçu 2 colis, celui de 1 K et de 5 K, puis trois lettres, la dernière du 29 Déc[embre]. Je suis content que tout le monde va bien, vous me dites que père a été 3 jours parti à l’hôtel Dieu, surement pour sa figure »

« Le 21 mars, les journaux annoncent que les prisonniers seront libérés à la signature de la paix. La Mission Scapini a obtenu la prochaine libération des pères de 4 et 5 enfants ainsi qu’un certain nombre de mineurs, agriculteurs et forestiers…[5] »

« 2.3.41.

Chers Parents et chère Fille.

Aujourd’hui, je vous envoie la carte pour le colis de vêtements. Si [vous] pouviez me mettre une paire de pantoufles puis mes guêtres, des chaussures bottes, vous verrez bien. J’espère que tout va bien ici, moi ça va pour le mieux. Priez bien [le] bonjour à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous ». Carte postale arrivée le 7 mars 1941.

« 9.3.41.

Chers Parents et chère [Fille].

Je réponds à votre lettre du 30 jan[vier] qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé et que père sa figure va un peu mieux. Moi c’est toujours la même chose. La neige commence à partir, mais il ne fait pas si froid que chez nous. Faites des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi ». Carte postale reçue le 27 mars 1941.

« Le 16.3.41.

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à vos lettres du mois de janvier qui m’ont fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé et que ça marche. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Nous avons fini le fumier, je suis bien content car mes chaussures prennent l’eau, j’avais les pieds tout mouillés. La neige commence à disparaître. J’ai écrit plusieurs fois à David, mais je n’ai pas encore eu de réponse. Je vois que tous les copains sont comme moi, un par ci, l’autre de l’autre côté. Espérons bientôt nous retrouver tous ensemble. Je vais à la messe assez souvent presque tous les dimanches. Je vois que chez David sa famille va bien. Vous leur ferez bien des compliments de ma part. Si Augustine va vous voir, vous la remerciez pour moi de sa carte, je ne peux lui répondre. Surtout ne m’envoyez pas d’argent, j’en ai pas besoin, du tabac puis la paire de chaussures-bottes, cela me suffira pour le moment. Faites des compliments à tous. Embrassez ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». Lettre arrivée le 2 avril 1941.


Photo envoyée en 1941 avec le cachet d’autorisation du Stalag XVIIIA. De gauche à droite: Daniel et Michel MOUY [fils de David] et Anne-Marie [fille d’Auguste].

Sur la lettre qu’Auguste envoie à ses parents, son adresse a été modifiée, il indiqué Stalag XVIIIA Kommando A367.

« Le 23.3.41.

Chers Parents et chère Fille.

Faites attention à mon adresse, il y a quelques modifications Stalag XVIIIA (641L A 367) et surtout les colis coller bien cette adresse car il n’arriverait pas. Quant à moi, il [n’] y a rien de changé, c’est toujours le même. J’ai un petit service à vous demander car j’ai eu une petite blessure au genou qui m’a empêché de travailler pendant 15 jours. Mes patrons ont été très gentils avec moi, surtout la jeune, je vous demanderai de m’envoyer quelque chose pour la remercier, moi ici, il m’est impossible de trouver quelque chose, si vous m’envoyez un petit pullover c’est pour une personne de 25 ans, une femme. J’espère que vous êtes tous en bonne santé, moi toujours la même [chose]. Faites bien des compliments à tout le monde. De David, je n’ai encore rien reçu. Ne m’envoyez pas trop d’affaires dans mes colis, rien [que] ce que je vous demande, une paire [de] pantoufles, des chaussettes et du savon. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous, Auguste »

« 30.3.41.  

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à votre carte du 21 Février qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Quant à moi ça va, on ne peut pas mieux. Je vois que mon frère n’est pas en culture. Que voulez-vous, espérons que ce sera bientôt fini. Embrassez ma fille. Je vous embrasse tous, votre fils Auguste ». Carte reçue le 22 mai 1941.


« Le 6.4.41.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 13 qui me fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Je vois que vous avez fini de battre à la batteuse. Avez-vous bien eu de blé ? Nous ici, c’est toujours la même chose. On a fini le bois pour l’année. Ma santé est parfaite. Si ma lettre [arrive] avant que vous n’avez envoyé le colis de vêtements, mettez deux petits maillots de coton pour mettre en dessous de ma chemise, ça me ferait grand plaisir. Je vois que mon frère ne fait pas le même travail que moi, c’est bien malheureux pour lui, mais que voulez-vous pourvu qu’on revienne à deux en bonne santé. La neige est partie, il commence à faire bon. Vous avez peut-être déjà semé l’avoine, ici, surement que cette semaine ça va être le travail. Mon patron est toujours aussi gentil avec moi, sa fille aussi, ça aussi. Faites bien des compliments chez mes beaux-parents, à toute la famille et les amis. Et Anne-Marie va toujours à l’école, j’espère qu’elle n’est pas trop diable. Embrassez-la bien pour moi. Je vous embrasse tous. Votre fils. Attention à mon adresse. Auguste ». Lettre reçue le 6 mai 1941.

Sur la lettre du 13 avril 1941 qu’Auguste envoie à ses parents, le Kommando est modifié en 641 L.

« Le 13.4.1941.

Chers Parents et chère Fille.

Voilà les fêtes de Pâques passées. Aujourd’hui je suis content, j’ai été à la messe à 9 heures ce matin, il y avait pas mal de monde. Ce midi, c’était la fête alors j’ai été manger chez mes patrons car le dimanche je n’y vais pas. A part ça tout va bien. Cette semaine, je n’ai pas reçu de nouvelles. J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Ici, ce n’est pas comme chez nous, les fêtes de Pâques, c’est 4 jours, alors c’est 4 jours sans travailler. Moi je travaille tout de même un peu car je vais traire demain soir car la jeune fille qui s’occupe des vaches part en voyage. Mon patron m’a demandé si je voulais faire le travail. J’espère chez nous qu’il fait meilleur que par ici car depuis dimanche dernier, il fait du mauvais temps. On voit que c’était la semaine sainte, là personne ne changera rien. Faites bien des compliments à tous les amis ainsi qu’à toute la famille. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Espérons que bientôt [ce sera] notre retour. Votre fils qui vous embrasse de loin. Auguste »


Le 15 avril 1941, David envoie une carte pré imprimée à ses parents qui rappellent les instructions à suivre pour expédier un colis aux prisonniers. David appartient au 14ème Régiment Régional 12ème Compagnie 3ème section à Calais, il porte le numéro de prisonnier 27158, il est enfermé au Stalag VIIIA en Allemagne.


Photo envoyée à Auguste avec le cachet d’autorisation du Stalag XVIIIA. Il s’agit de Jeanne MILLEVILLE en 1941, elle est âgée de 3 ans. Jeanne est née le 29 octobre 1938 et est la fille de Fernand MILLEVILLE et de Thérèse GOUDAILLIER et donc la cousine d’Anne-Marie MOUY.

« Le 20.4.41.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, je suis content, j’ai pas reçu de nouvelles mais j’ai reçu le colis contenant ma paire de chaussures, mes guêtres, une paire de pantoufles puis la chemisette et le tabac qui m’a fait grand plaisir. J’en avais presque plus à fumer, je vous en remercie beaucoup. J’allais oublier de vous dire le pantalon qui me va maintenant ça peut aller pour un moment, il ne manque plus que les maillots de coton sans manches qui me feraient grand plaisir aussi. J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Vous avez déjà semé l’avoine ? Nous ici, c’est pour demain, mais ce n’est pas comme chez nous. Combien allez-vous mettre de betteraves cette année ? Ici on en cause pas encore. Faites bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi, surtout envoyez-moi le petit pull-over, ça leur fera plaisir et à moi aussi, je n’y perdrai pas. Votre fils qui vous embrasse. Auguste ». La lettre est arrivée le 29 mai 1941.

« Le 27.4.41.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine je suis très heureux, j’ai pu revoir ma petite fille sur la photo, ça m’a grand plaisir, puis sur vos lettres je vois que tout va bien chez nous, ça me fait plaisir. Ici c’est toujours la même chose, on attend toujours la classe avec impatience. J’ai été très content [d’]apprendre que David avait reçu de mes nouvelles, puis qu’il a demandé un certificat agricole, ça le soulagera. S’il avait fait partie du même Stalag, j’aurais écrit pour qu’il vienne travailler avec moi car mon patron, pour les foins, il va en reprendre un autre. J’aurais été heureux de le voir avec moi. Je vois que tous les copains sont comme moi, si vous voyez leurs parents, priez bien le bonjour et Roger Thorez qu’est-ce qu’il devient lui, [il] travaille toujours ? Surtout faites attention à mon adresse ; Vous mettez mon adresse à l’endroit où vous devez mettre la vôtre, pourtant c’est bien marqué. Faites bien des compliments à tous. Embrassez bien fort ma petite fille pour [moi]. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste. Je vous mets ma photo avec mon jeune patron ». Une phrase a été ajouté au bas de la lettre au crayon gras : « la photo été confisqués, ne faites pas vous photographié avec des civils ! [sic] »



Auguste reçoit une carte postale de l’homme de confiance du stalag XVIIIA :

« Le 28 Avril 1941.

Cher Camarade, Mouy 84694.

Nous lui retournons le certificat ci-joint. Bonne note en a été prise. Nous ne croyons pas que son cas puisse être pris en considération car les pourparlers en cours ont lieu au sujet de prisonniers veufs depuis la captivité. Bien cordialement ». Sur la carte est imprimé, à l’aide d’un cachet : « Tous Pour Le Maréchal ».

« 11 mai 1941.

Chers Parents et chère Fille.

Cette semaine je n’ai pas reçu de nouvelles. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Nous avons planté [les] pommes de terre. J’espère que les vôtres sont faites. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La carte est arrivée le 30 mai 1941.

« Le 18 mai 1941.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 14 mai qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Je vois que David est toujours au camp, il va peut-être partir travailler en cultures, ça serait beaucoup mieux pour lui. Vous me dites que père a taillé. Il a dû avoir bien du travail avec le jardin. Ici, ils en ont presque pas de jardinage. J’espère que les tulipes existent toujours. Florimond lui va toujours dans les champs, le travail avance. Ici, c’est fini, mais ce n’est pas la même culture. 2 jours j’ai labouré, alors vous voyez il n’y a pas beaucoup de terre, mais à côté de ça [ce sont des] pâtures en montagne. Marie a-t-elle reçu des nouvelles de Maurice ? Faites bien des compliments à tout le monde. J’espère que ma lettre vous trouvera tous en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Cette semaine, j’ai fait le boudin. J’ai tué un veau, je n’en ai pas encore perdu la main. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste ». La lettre est arrivée le 28 juin 1941.

« Le 25.5.41.

Chers Parents et chère Fille.

Je vous envoie des étiquettes pour ses colis, ne mettez pas trop de choses dedans. Je voudrais une chemise mais n’oubliez pas le tabac. Là, question de vivres, nous sommes bien nourris, ne vous privez pas pour moi. Cette semaine, je n’ai pas reçu de nouvelles, mais j’espère que vous êtes tous en bonne santé. Moi ici c’est toujours la même chose. Maintenant, j’ai un camarade qui travaille avec moi, c’est tout [de] même plus agréable d’être deux dans une ferme que d’être tout seul. J’aurais bien voulu que ce soit mon frère, mais… Je pense que les nouvelles lettres vont aller mieux. Faites bien des compliments à toute la famille, ainsi qu’à tous les amis. Vous me direz combien vous avez mis de betteraves, n’en mettez pas trop. Vous devez surement avoir fini, ici, [on n’a] pas encore commencé. Embrassez bien ma petite fille pour votre fils qui vous embrasse de loin. Auguste ». La lettre est arrivée le 26 juin 1941.

« 15 juin 1941.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Je suis bien content que vous êtes toujours en bonne santé. Quant à moi c’est toujours la même chose. Maintenant le temps me semble moins long depuis qu’on est à deux. Mardi les vaches partent pour 3 mois à la montagne. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La carte est arrivée le 17 juillet 1941.

« 22.6.41.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Demain, nous allons commencer les foins. Vous j’espère que vous avez fini. J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Quant à moi c’est toujours la même chose. Faites bien des compliments à tous. Embrassez ma fille pour moi. Votre fils Auguste » La carte est arrivée le 10 juillet 1941.

« Le [manque le jour].6.41.

Chers parents et chère fille.

Je réponds à votre carte [du] 4 Avril qui [m’a] fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Quant à moi, tout va bien. J’ai fait du travail cette semaine que je n’ai jamais fait de ma vie. La plantation des betteraves va bientôt commencer et faucher les foins ici, c’est leur plus grand travail. J’espère que le vôtre avance aussi. Envoyez-moi un certificat. Comme quoi je suis veuf avec un enfant et vôtre âge à vous deux père et mère et que père est malade et que je suis cultivateur. C’est pour au cas où j’en aurais besoin, et que je suis soutien de famille. Je suis bien content que ma petite fille va à l’école. Remercie bien Suzanne Tranchant de sa carte, je [ne] puis répondre à cause du papier. Faites bien des compliments à tout le monde, n’oubliez pas les copains qui sont comme moi. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste ». La lettre est arrivée le 26 juin 1941.

« Le 29.6.41.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine j’ai reçu des nouvelles qui m’ont fait plaisir de vous savoir tous en bonne santé, puis les photos de David et surtout de ma petite fille, elles sont toutes très bien réussies. La mienne vous ne l’avez pas reçue, ce n’est rien, n’a rien de changé en moi. Vous me demandez pourquoi je ne mettais pas le retour aux lettres, je n’en avais plus. Ça ne fait rien, [vous] pouvez envoyer les autres, elles arrivent quand même, mais une par semaine, même d’autres personnes. Je vois vous me dites André Dupret est rentré. A-t-il été malade ? Cette semaine nous avons eu des informations du camp pour ceux qui peuvent retourner. C’est vous qui [rajout entre deux lignes : Voilà l’adresse : Mr [le] Contrôleur des armées Bigard sous-directeur chef du service des prisonniers de guerre 321 Boulevard St Germain] qui devez écrire à Paris pour nous réclamer pour le travail, surement que vous le savez maintenant et qui aurez fait le nécessaire. Je vois que la classe approche et que nous serons tous réunis, quel beau jour que celui-là. Priez bien, bonjour à tout le monde, surtout aux Parents des camarades. Je vous embrasse tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Auguste »

« 6.7.41.

Chers Parents et chère Fille.

Je vous remets l’adresse que le stalag nous a transmis pour vous écrire à Paris : Mr [le] Contrôleur d’Armée et Bigard sous-directeur chef du service des prisonniers de guerre 231 Boulevard St Germain Paris, pour faire une demande et prouver que vous avez besoin de moi à la maison. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste ». La carte est arrivée le 13 août 1941.

« Le 13.7.41.

Chers parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée, il ne pleut pas ici, nous avons fini les foins, ce sont les plus[gros]travaux de l’année. Je suis bien content, car faucher sur la montagne, c’est dur, surtout à la main. J’espère que vous avez compris l’adresse de Paris pour écrire. Je suis content de vous savoir tous en bonne santé et que le travail marche bien. Espérons que ça ne durera plus longtemps. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Le matin, je trais les vaches, maintenant ça va, il n’y en a plus que cinq, les autres sont montées plus haut. Avant, j’en avais 21 pour moi et la fille. Et combien en avez-vous ? Faites bien des compliments partout. Vous ne me parlez plus de Maurice. Embrassez bien ma petite fille pour moi, ça va bientôt être les vacances. Je vous embrasse tous de loin. Votre fils Auguste »

« 20.7.41.

Chers Parents et chère fille.

J’ai reçu le colis avec le pullover, je vous remercie, ma patronne en est très contente. Le colis était intact, surtout ne vous privez pas pour m’envoyer des vivres. Aujourd’hui, j’ai travaillé car le patron est parti [au front]. Tout va bien. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste »

Le même jour, David envoie une carte à ses parents :

« Le 20 Juillet.

Chers Parents.

J’ai demandé il y a plusieurs mois votre photo. Ne la voyant pas arriver, je vous écris pour vous la demander. Cela me ferait bien plaisir de la recevoir. J’espère que vous avez toujours de bonnes nouvelles d’Auguste, que vous êtes en bonne santé et que père ne souffre plus trop de sa névralgie. Je vous embrasse ainsi qu’Anne-Marie. Bons baisers à ma femme et enfants. David »

« 17.8.41.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, j’ai reçu deux cartes, la dernière du 29 juillet qui m’a fait grand plaisir que vous étiez tous en bonne santé et que la moisson approche. J’ai reçu un colis de vivres. Aussi vraiment vous en mettez un peu trop surtout ne vous privez pas pour moi. Ici c’est toujours la même chose. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste ». La carte est arrivée le 3 septembre 1941

« Le 24.8.41.

 Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une bonne semaine de passée. Cette semaine j’ai rien reçu, mais la dernière trois lettres [sic], je suis content de vous savoir tous en bonne santé. J’ai reçu un colis de la Croix-Rouge, il y avait 5 paquets de cigarettes et 2 paquets de tabac, avec ça, je pourrai aller un moment. Pour le moment, j’en ai plus besoin, j’en ai assez d’avance quant au colis ne les faites plus si gros, ce serait la même chose. Ici tous les dimanches, nous mangeons des champignons et il y a deux camarades qui les connaissent, nous les faisons cuire dans du beurre que je demande à mon patron. A part ça, tout va bien, la classe approche tous les jours. Quand vous allez recevoir ma lettre, j’espère que vous aurez fini la moisson. Ici, il pleut tous les jours, s’il faut du temps comme pour vous, ça ne doit pas être gai. Faites bien des compliments à toute la famille, ainsi qu’aux amis. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Esquerchin, le 29 août 1941.

 Mon cher fils.

Sur 2 jours, nous avons reçu 4 de tes lettres, ça nous fait plaisir quand on est un moment sans, ça nous semble long. Jules Marrissal est rentré, pas trop malade. Il faut qu’il se soigne. Le neveu de Véronique Godin, c’est-à-dire Potdevin que son frère est mort y a 6 ans est mort en Allemagne, c’est triste. Nous avons fini la moisson, tout est rentré, ça a été vite. On ne peut plus cultiver à l’homme mort, pour l’aviation. Nous donnons un coup de main à Benoit, il pense finir aujourd’hui. On va commencer à labourer et voiturer [le] fumier, on fait pour le mieux en attendant de charrier [les] betteraves. Est-ce que tu rentres pour les charrier, on le dit, mais je n’y crois pas. Enfin, espérons-le que tu rentres bien vite. Anne-Marie grandit fort. En ce moment, c’est les vacances. Je la prends souvent avec moi tout seul, elle est sage. Je vais m’occuper pour lui trouver un vélo, c’est fort rare, il faut 2.000 frs pour un vélo ordinaire et on n’en trouve pas. Anne-Marie t’embrasse bien fort ainsi que nous ta mère et ton père. Mouy L. »

« 31.8.41.

Chers Parents et chère fille.

J’ai reçu votre carte du 14 août qui m’a fait plaisir. Vous ne causez pas de l’adresse que je vous avais envoyée pour écrire à Paris pour que je rentre plus vite à cause [que] je suis veuf et père malade. Mr le contrôleur d’armée Bigard sous-directeur chef du service des Prisonniers de guerre 321 B. St Germain Paris. Embrassez bien ma fille pour moi. Votre fils Auguste »

« 10 Août 41.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à vos cartes du 3 et lettre du 12 qui m’a fait plaisir de recevoir la photo de Jeanne. Je vois que tous les enfants se portent bien. Vous me dites que vous avez reçu deux étiquettes, je me suis trompé, je vous ai envoyé celle du copain sans faire attention. Mais ne vous privez pas pour moi. J’ai ce qu’il me faut à part le tabac, pour le reste, tout va bien. Aujourd’hui, la sentinelle nous a demandé l’âge des enfants et les adresses, pourquoi nous ne savons rien. Je vois que le travail avance. J’espère quand ma lettre vous parviendra que vous aurez fini de moissonner. Ici, [il] n’[y] a que le seigle de coupé. Je vois aussi que les vieux commencent à rentrer, espérons que nous les suivrons pas de loin. Quelle belle journée que celle-là. Je suis content aussi pour David qui travaille aussi dans une ferme, ça lui chassera son cafard. Jules est malade lui. Faites bien des compliments à tous les amis puis à toute la famille. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La lettre est arrivée le 29 août 1941.

« Le 6 sept 41.

Cher fils.

Nous avons reçu ta carte du 17 A[oût], cela nous a fait plaisir. Les lettres nous parviennent mieux et on en est que plus content. Je suis en train de vendre les poires. La moisson est finie, les foins sont rentrés. Nous n’avons plus que deux vaches, les chevaux sont toujours beaux. Tu sais, on voudrait bien que tu nous reviennes, mais espérons que ce sera bientôt. Ton frère a écrit, il est seul aussi dans la ferme, il est bien. Tu nous dis que c’est trop le colis, non mon grand car je sais quand on est loin, des riens ça fait plaisir et je fais ce que je peux pour ton frère. Jules est venu nous voir, il faut qu’il soit un an sans travailler, mais il reprend un peu. De Maurice, rien, sa petite fille est belle[6]. Constant a une petite fille. Mary Marie et Thérèse vont avoir un bébé aussi, tous tes camarades écrivent. Ils sont en bonne santé, père a encore mal la petite [illisible]. Un gros baiser de tous. Léon Mouy ». en-dessous du texte de Léon, Suzanne a ajouté quelques lignes : « J’ai l’autorisation de votre Maman de vous écrire quelques lignes. Quand pensez-vous revenir ? Par ici, on n’espère plus, pour le moment, le retour des prisonniers. Pourtant ce n’est pas faute de certificats, etc. Nous espérons toujours et prenons patience. Amical bonjour Suzanne »

« Le 7 du 9.41.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée, qu’il a fait bon. J’espère que vous avez du bon temps pour pouvoir rentrer la récolte. Ici, nous avons l’avoine à couper, vous voyez ce n’est pas comme chez nous. A part ça, nous avons battu un peu de seigle, ça rend assez bien pour l’année, qui dit le patron, mais auprès de nous, c’est [illisible]. Les vaches vont bientôt descendre de la montagne car là-haut, il y a déjà de la neige. On va bientôt pouvoir refaire du ski, mais je voudrais bien être rentré chez [nous], ce serait plus agréable pour nous tous, surtout pour soulager père car le froid pour sa figure, je sais, lui fait mal. Allons espérons que ça sera bientôt le retour, car par ici on en cause aussi, surtout des cultivateurs. J’espère que toute la famille est en bonne santé. Faites bien des compliments chez mes beaux-parents, ainsi qu’à tous mes amis. Je remercie Suzanne Tranchant qu’elle espère mon retour. Ça viendra, je pourrai encore marcher un peu. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La lettre est arrivée le 30 septembre 1941.

« 12 sept 41.

Mon cher fils.

Nous avons reçu ta lettre du 4 A[oût], cela nous a fait plaisir de voir que tu as reçu un colis de la Croix-Rouge et du tabac, nous ici, nous faisons ce que nous pouvons pour toi, et ton frère, lui, a écrit hier aussi. Il est bien dans sa ferme, la patronne est bonne pour lui et seul dans sa ferme. Il trait les vaches et va dans les champs la semaine prochaine. Je te referai un colis, ça je sais que çela fait plaisir. Je vois que tu es bien là-bas. Nous ici, la moisson est finie, les foins [sont] rentrés, les champs sont labourés. Il[sic] voiture [le] fumier aux croque des Douai. Florimont rentre en ce moment et ton père avec lui mais lui souffre encore beaucoup en ce moment. Anne-Marie court. Les deux petites grandissent. Jules est rentré mais un an sans travailler. Edmond est prêt de Sainte Catherine lez Arras et tante Adèle doit aller le rejoindre. Tous tes camarades écrivent. Edmond ça lui semble long, espérons que Dieu à force de prières viendra à notre secours et que bientôt tu nous reviendras. Oncle A[lcide] vient nous voir tous les dimanches. César a écrit, ça lui semble long. Un grand baiser de Susanne [qui] vient tous les jours. Tous [illisible] Mouy »


Chanson intitulée “Fleur de France”. Elle était rangée dans le portefeuille d’Auguste

« 14.9.41.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 22 qui m’a fait grand plaisir de savoir que vous avez fini la moisson. Ici, ce n’est pas encore dans 15 jours, surtout si le temps ne change pas. Je vois que vous êtes tous en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Embrassez ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste ». La carte est arrivée le 23 octobre 1941.

« Le 19 Sept 41.

Cher fils.

Je n’ai rien reçu cette semaine, j’espère aujourd’hui. Nous avons nos pommes de terre et haricots, tous les champs sont arrangés. L’on n’a pas encore commencé les betteraves. Père a encore mal. David a écrit hier, tout va bien chez lui. La petite dort encore, quel diable. Bonjour des amis. Nous t’embrassons de loin. Mouy » Suzanne a ajouté un petit mot sur la carte. « La classe approche, qu’attendez-vous pour revenir. Bonnes pensées. Suzanne ».

« Dimanche, 24 Sept 41.

Mon bien cher Auguste.

Je suis heureuse de pouvoir vous écrire aujourd’hui. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Quant à moi, je me porte bien. Ecoutez mon cher Auguste quelque chose qui va vous faire plaisir. J’ai été voir vos Parents plusieurs fois, ils m’ont bien reçu. Anne-Marie est belle et bien portante. J’y vais toujours en vélo. C’est votre maman qui m’a donné cette lettre ici. Je ne reçois plus jamais de vos nouvelles, aussi ça me semble long. Il faudrait m’écrire chez vos Parents. J’irai les chercher là en mettant dessus l’adresse de vos Parents. Ici, je n’ose pas parler de vous à mes Parents pour ne pas avoir d’histoires, il vaut mieux comme ça. J’ai un frère prisonnier au Stalag IIB. Ici, on n’est pas malheureux. Votre amie qui vous aime et vous embrasse amoureusement. Augustine. »

« Le 9.41.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. J’ai reçu le colis que vous m’avez dit que la carte du 22. Tout était intact à part ça. J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Je vous ai envoyé une fiche à colis, mais si vous apprenez quelquefois la libération prochaine, ne me l’envoyez pas ici. Nous avons fini la moisson hier. Dimanche dernier, j’ai monté avec le patron voir les vaches à la montagne, mais il y avait déjà 20 centimètres de neige, mais c’est à 2.000 mètres de hauteur. J’ai été avec lui les chercher jeudi après-midi, maintenant me voilà re[de]venu vacher comme l’hiver dernier. Là, je suis bien et il ne fait pas si froid et le lait est bon. J’espère que mon frère est aussi bien que moi. Si vous avez des nouvelles des copains, dites-moi les, ça me ferait plaisir. Faites bien des compliments. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous de loin. Votre fils Auguste ». La lettre est arrivée le 13 octobre 1941.

« Le 26 Sept 41.

Cher fils.

J’ai reçu ta carte du 31 Août, cela nous a fait plaisir. Tu me demandes si j’ai fait le nécessaire pour l’adresse que tu nous as envoyée, tu sais bien que oui, l’on a envoyé des papiers à remplir. J’ai tout de suite posté puis [la] poste a répondu et si tu savais ce que l’on a fait pour te faire revenir, mais jamais rien. Père est encore couché aujourd’hui. La petite s’amuse dans la cour. En ce moment, c’est la neuvaine de la [illisible], je prie car il n’y a qu’à Dieu que l’on peut se confier. La messe pour Jeanine sera dimanche prochain. La petite Thérèse est malade et va rester chez Rosine en haut. Tu as dû recevoir une lettre de Melle Augustine, elle a venu la semaine dernière, elle est bonne de venir nous réconforter un peu. Florimond va rentrer. Des champs nous tout est fait il doit aller aider pour David, lui, a écrit cette semaine, il est bien aussi dans sa ferme. Rien ne change ici. Tu as un colis qui est revenu. Je vais en mettre un autre en route. Tout le monde est en bonne santé, à part père. Un gros baiser de nous tous. L J A Mouy »

« 28.9.41.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine passée, je n’ai pas eu de nouvelles. J’espère la semaine en avoir. Je vais vous mettre une photo que j’ai faite l’hiver dernier, au bois cette fois. J’espère que vous la recevrez car je suis seul dessus. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Votre fils Auguste ». La carte est arrivée le 16 octobre 1941.

« En octobre, une carte postale de propagande ornée de la francisque et du portrait du Maréchal est envoyée aux prisonniers de tous les camps. Elle porte un message du chef de l’état : « Prisonniers, mes amis et mes enfants, je pense à vous avec toute mon affection et je vous félicite du noble courage dont vous faites preuve en attendant le jour où il me sera donné de vous accueillir à votre retour dans la patrie[7] »

« Le 3 oct 41.

Cher fils, cher papa.

J’ai reçu ta lettre du 9 sept. Toutes les semaines passent et rien ne change pour nous comme pour toi. Nous ici la moisson est finie et les pommes de terre. On commence les betteraves lundi. Je vais te refaire un colis de linge mais tache de m’envoyer des étiquettes, je n’en aurai plus. La petite est rentrée à l’école aujourd’hui et prie bien pour son papa, et tu sais, Thérèse a un garçon, il s’appelle Jean-Claude. Ils sont heureux et c’est Anne-Marie la Marraine, elle est contente. Je vois qu’il fait déjà froid, je vais te mettre des gants de cuir. David en demande aussi et des caleçons. Toute sa famille va bien et tous tes camarades écrivent. Ton père souffre encore. Me Colville va lui faire des rayons d’électricité pour voir si cela ne changera tout. Tes beaux-parents sont en bonne santé, à part la petite Jeannette qui a des glandes. Augustine Faidherbe est venue hier chercher des poires. Tout est fini de cueillir. Fernand est venu avec ton père. Florimond finit de labourer au 12. As-tu reçu la lettre de Melle Augustine. Un gros baiser de tous pour [illisible] L J A Mouy. Je te mets une photo, c’est ceux du moulin »

« Le 5.10.41.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, j’ai reçu trois lettres, je suis content de vous savoir tous en bonne santé et que votre moisson est finie et que tout va bien. Père me dit sur la lettre que vous n’aviez [pas] les terres sur Cuincy [sic], je vois, ils veulent que vous ne travailliez pas trop, ils ont raison. Benoît a fini sa maison, aussi David doit être content. Moi aussi je comptais être rentré pour voiturer les betteraves, mais je vois que ça ne va pas vite. Espérons que ça diminue à part [ça] tout va bien. J’espère qu’il en sera de même pour vous tous quand ma lettre vous parviendra. Cette semaine, je suis monté à la montagne pendant trois jours avec le patron pour enlever le fumier des bêtes, car en ce moment, je ne peux pas traire, je me suis coupé à un doigt, pas trop fort. La patronne a rouspété, mais demain, je pourrai aller à l’étable. Je remercie Suzanne de ces deux lignes qu’elle a mises sur votre lettre. Faites bien des compliments à tous. N’oubliez pas Henriette et toute sa famille. Embrassez ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste »

« Le 10 oct 41.

Cher fils,

 je n’ai pas de nouvelles cette semaine mais j’ai eu une étiquette, alors je mets ton colis de linge en route. J’ai peur que tu aies froid. Tout chez nous va bien à part père. Thérèse est bien remise, la petite va mieux. On a commencé les betteraves. Et M. Leroy qui arrache, ils sont riches. Tous tes camarades écrivent. Un gros baiser de tous. David a écrit. Ton père fille L J A Mouy »

« 12.10.41.

Chers Parents et chère fille.

 Je réponds à votre carte du 19 sept qui m’a fait plaisir, surtout des [sic] photos aussi. Aujourd’hui, je vous en renvoie une autre que j’ai faite en allant porter du ravitaillement à la sœur du patron. Je suis à 2.000 [d’]altitude, ce n’est pas comme chez nous. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Vous direz à Suzanne que j’attends qu’elle vienne me chercher pour retourner. Auguste »

« Le 17 oct 41.

Cher fils.

Voilà la semaine qui s’écoule, mais j’ai reçu 2 lettres. Cela nous a remué de voir ta photo dans ces montagnes si loin de nous. La petite s’est écriée : « Mais c’est mon papa, il amène du bois à Quéry ». Tu sais cela m’a fait plaisir de te voir, espérons qu’avec l’aide de Dieu, bientôt, tu nous reviendras. Monnier est rentré malade, de même que Jules, défense de travailler. Ton frère a écrit, il est bien et a fini sa moisson, dit-il [illisible]. Ici les betteraves battent le plein, nous avons fini les [illisible] 12 et ils sont dans la cheminée. Mais ton père souffre beaucoup en ce moment, il va faire des ultraviolets chez Colville. Nous avons encore eu la visite de Melle Augustine. Tache de lui écrire une petite lettre chez nous, si cela te plaît. Elle apporte des bonbons à la petite. Hier, les [Verriez] sont venus. Maria a dit que Julie attend son 5ème mais elle ne sait pas si elle ne va pas venir chez Maria car Vermelle est loin. Dimanche, c’est le baptême. Et Anne-Marie est heureuse, elle apprend sa prière pour la dire à Mr le Curé et pour son papa. Hier, Laure est venue avec Alexandre, ils sont toujours les mêmes. Un gros baiser de tous ton père Mère fille L J A Mouy. Anne-Marie une baise papa »

« Le 19.10.41.

 Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 26 qui m’a fait grand plaisir de savoir que vous avez envoyé à paris à l’adresse que je vous ai dite. Quant à moi, j’ai fait ce que j’ai pu. Aussi, je vous redemanderai de me renvoyer encore un certificat, le même que vous m’avez envoyé, mais signé du médecin traitant père. Et de la Kommandantur, si vous pouvez. Vous me dites que François se marie, avec qui ? J’ai reçu une lettre d’Augustine qui m’a fait plaisir, me disant un peu de nouvelles de tout. Dimanche prochain, je ne vous écrirai pas, je vais vous envoyer une carte pour lui remettre à elle, ça me fera plaisir vu qu’elle me le demande d’écrire à vous plutôt que chez elle. J’ai reçu votre colis qui m’a fait grand plaisir, mais ne me mettez plus de confitures dans les boîtes en carton, plutôt des boîtes métalliques car mon colis en était tout plein. Faites des compliments à tous les copains, ainsi qu’à tout le monde. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 24 oct 41.

 Cher fils.

J’ai reçu ta carte du 14, cela nous a [fait] plaisir, mais les autres étaient arrivées chez nous. Tout va à part père qui souffre beaucoup. Il [ne] nous reste que le champ à tiote borne à arracher, après ce sera les blés, mais [illisible] enfin, ça va tout [de] même, la petite va à l’école et prie pour papa parrain et chez nous les betteraves [illisible]. David a écrit, toute sa famille va bien. Un baiser de tous, ton père mère fille L. J. A. Mouy »


1. Léon MOUY 2. Juliette FONTAINE 3. Thérèse GOUDAILLER 4. Alcide MOUY 5. Vitaline ROCQ 6. Pierre MOUY 7. Simone MOUY 8. Jean DEHAY 9. Michel DEHAY 10. Pierre DEHHAY 11. Anne-Marie MOUY 12. Jeanne MILLEVILLE


Photo envoyée à Auguste avec le cachet d’autorisation du Stalag XVIIIA

Lettre du 31 octobre 1941 recopiée avec beaucoup de difficultés. En haut de la lettre, il est indiqué en rouge au crayon « lettre ne passe pas ».


« le 31 oct[obre]41.

Cher fils.

J’ai reçu deux lettres cette semaine. Tu dis que tu t’es coupé, surtout fais bien attention et j’ai reçu ta photo. Ton père en a été heureux, mais tu sais, Anne-Marie croyait que c’était son parrain et Daniel voulait que ce soit son papa car [il] était comme cela en chemise, tu parais plus grand. Lui n’a pas écrit cette semaine. As-tu ton colis de linge [illisible]. Je te remettrai au dernier envoyé des étiquettes car j’en aurai plus. Un nouveau [drame] frappe notre famille, Marie Antoinette est morte loin de tous à [illisible] d’une étézie [sic] galopante. On ne sait rien de plus. Marthe ils doivent être partis. Ton père souffre beaucoup et il est triste, il ne mange pas beaucoup. La petite va à l’école [illisible]. Il pleut très fort, l’on ne peut pas sortir. Demain, je porterai mes chrysanthèmes sur les tombes et priez Dieu pour que tu nous reviennes vite. Je n’ai rien su de chez Maria, elle doit être partie à Vermelle. Toute la famille de Zulmé se porte bien. Tous tes camarades écrivent et [illisible] est prisonnier. Une grosse baise de tous père mère fille L A J Mouy »


Récépissé à compléter par l’expéditeur d’un colis postal pour un prisonnier de guerre.

« Novembre 1941. Certains Stalags jouissent d’une certaine liberté : les prisonniers peuvent sortir le soir après le travail et le dimanche. Ceux qui logent chez un employeur ne sont plus enfermés pour la nuit [8]».


Auguste repart au Kommando 637L.

« Le 7 Nov 41.

Cher fils.

Je n’ai rien reçu cette semaine, pas de nouvelles. J’ai mis mon dernier colis en route. Je n’ai plus d’étiquettes. Dis-moi si tu as reçu les lainages. Dans celui-ci, j’ai mis ta flanelle, des chaussettes, [un] cache-nez et [des] vivres. Ton père souffre beaucoup. La petite va bien. David a écrit hier, il voiture du charbon maintenant, il faut tout souffrir en priant Dieu. Bons baisers de tous père mère fille L.J.A.Mouy »

« 9.11.41.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. J’ai reçu un colis avec chemise, caleçon, maillot, gants puis les vivres. Je vous en remercie, surtout pour la boîte d’haricots qui m’a fait un régal. Je vous demanderai de m’envoyer une photo des deux chevaux avec un chariot, puis des oignons de tulipe pour la patronne. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La carte est arrivée le 11 décembre 1941, elle provient du Stalag A 641/L

« Le 11.41.

Chers Parents et chère fille.

 Je réponds à votre lettre du 3 oct et du 10 qui m’a fait grand plaisir, surtout la photo à la chapelle, mais je n’ai pas reconnu tous les gosses, ni la plus grande qui est assise sur les marches. Je vois que le travail va bien. Vous avez peut-être déjà fini à l’heure qu’il est. Ici, c’est toujours la même chose. L’étable c’est mon principal travail, là je n’ai pas trop froid car par ici il [y] a déjà 30 centimètres de neige, mais il ne fait pas si froid que chez nous. Je vois d’ici que Fernand et Thérèse doivent être contents d’avoir un garçon. C’est malheureux que je ne sois pas là-bas pour le baptême et Anne-Marie doit [être] bien heureuse d’être marraine aussi. Augustin est venu chercher des poires, ils sont tous en bonne santé. Florimond, c’est toujours la même chose. Vivement que je retourne pour boire une bonne pinte ensemble. Père j’espère que [les] rayons électriques lui feront du bien. Faites des compliments à tous les amis, ainsi qu’à toute la famille. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La lettre provient du Stalag A/641/L.

« Esq[uerchin] le 14 N[ovembre] 41.

Cher fils.

Je n’ai encore [rien] reçu cette semaine. Cela nous fait de la peine. Ton père souffre beaucoup. La petite continue l’école. Envoie des étiquettes, je n’en ai plus. On doit battre à la batteuse demain pour la première fois. Les betteraves sont finies, on commence les blés. On a eu de la pulpe. Ton frère a écrit, il est marchand de charbon. Un gros baiser de tous père mère fille. L.J.A. Mouy ». La carte est arrivée au Stalag A/637/L, la mention de l’ancien camp A/6417/L a été biffée. Auguste a changé de camp et est sous les ordres d’un nouveau patron.

« Le 30.11.41.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à la carte [du] 7 N[ovembre] qui m’a [fait] plaisir. Vraiment, père doit souffrir avec sa figure, surtout que voilà l’hiver, le froid ça ne lui vaut rien. J’ai reçu le colis avec ma flanelle, tout était intact mais ne mettez plus de la confiture dans les pots en carton, car ma flanelle était pleine de sucre puis mes cigarettes. Quant à moi, maintenant ça va, cette semaine j’ai déjà fait le boucher. J’ai tué un cochon de 200 K. Le temps pour moi me semble moins long, on est 12 ensemble. Je suis avec un de Valenciennes, un bon camarade, je suis bien content. Je suis aussi bien nourri qu’avant. Mon ancien patron doit venir me voir. Surtout, n’oublie pas de mettre dans un paquet une dizaine de tulipes pour lui remettre, car je ne l’oublierai jamais, car ils ont été fort gentils avec moi. Et vous [à] part les enfants ça va. David était toujours à la même place. Envoyez-moi son adresse, maintenant, nous avons des lettres supplémentaires pour écrire, ça lui fera plaisir et moi aussi. Mais si père est gravement malade, le maire doit faire les démarches pour que je rentre en permission, en passant par Paris. Embrasse bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste ». La lettre est envoyée du Stalag A/637/L.

« Le 22 N[ovembre] 41.

 Cher fils,

 cette semaine, j’ai reçu une lettre datée du 19 [avril] et la carte pour Augustine, elle n‘est pas encore venue la chercher, mais en ce moment il fait nuit. Tu sais que l’on fait tout ce qu’on peut pour que tu nous reviennes, mais rien à faire pour le certificat aux Autorités. Je peux encore t’envoyer un simple, si tu le veux. J’ai été content hier d’avoir ton étiquette. J’ai remis un colis ce matin en route car pendant un mois, ils vont être supprimés. Dis-moi un objet que tu reçois dans ton colis, alors je saurai lequel que tu reçois. Dans celui-ci, je t’ai remis du miel. J’espère que tu seras content de ton colis. Tu pourras fêter Noël loin de nous. Mon cœur est bien triste, mais prions pour que tu nous reviennes en bonne santé. Père a encore beaucoup de crises mais mange un peu. Mieux, on a battu à la batteuse. Florimond sème [le] blé avec parrain. La petite va à l’école, elle fait des progrès, elle tricote et fait du crochet avec moi, mais j’espère la laisser tout faire. David a écrit, il est mieux dans son commerce de charbon. Toute sa famille est en bonne santé. Tout va bien à Esquerchin. Un gros baiser de ton père mère fille. Bonjour de tous tes amis. L.J.A Mouy »

« Le 23.11.41.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, j’ai reçu trois lettres qui m’a fait grand [plaisir] de vous savoir en bonne santé, à part père qui a toujours sa figure qui lui fait mal. Je vois que le travail avance. Quant à moi, je suis changé, je ne suis plus à la même [ferme]. Malheureusement, mes patrons ont eu bien du chagrin de me voir partir et moi, ça m’a fait attraper le cafard. A part ça, je suis aussi bien mais dans une grande ferme. Ici je me fais pas tant [de] bile pour le travail car on est à 12 copains ensemble. Les journées passent plus [vite] qu’à être tout seul. Je pense que je suis ici rien [que] pour voiturer le bois. Après je dois repartir où j’étais. Je vais vous mettre ma nouvelle adresse, faites attention. Dimanche dernier, je ne vous ai écrit [sic]. Je vous ai envoyé des étiquettes de trop, mais on a été obligé, mais ne m’envoyez pas de trop. Faites des compliments à tout [le] monde, surtout à la famille. J’espère que ma fille a bien rempli son rôle de marraine. Embrassez-la bien pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 28 N[ovembre] 41.

Cher fils,

 j’ai ta lettre du 11 N[ovembre] que tu as reçu la photo que l’on avait fait à la chapelle. Celle qui est sur les marches assise, c’est la fille d’Augustine Dehay Deplanque et ses enfants les siens Simone et Daniel [sic]. Pour père c’est un peu mieux mais il ne peut pas encore manger comme il veut. Pour le travail, tout va, ils vont avoir fini de semer le blé, ils sont à 100 [illisible], ils vont semer le sien Alexandre. Tu sais, Anne-Marie a un vélo que Maurice arrange, alors elle est bien heureuse. Ton père est toujours avec elle, c’est lui qui lui a trouvé. Parrain vient toujours avec Florimond. Tu sais le petit de Fernand n’est pas bien, mais maintenant Me Carton l’a mis au lait de vache, il grossit un peu, il ne pèse que 8 livres. Anne-Marie va le voir tous les jours. David n’a pas écrit cette semaine et l’annonce que beaucoup de prisonniers vont revenir, si tu pouvais nous revenir quelle joie aussi. Je prie Dieu pour [vous] deux. Espérons que bientôt nous serons en famille. Tes camarades écrivent toujours. De Maurice, jamais rien, de Constant, rien. Un gros baiser de tous pour toi père mère fille L.J.A. Mouy »

« Le 3.12.41.

Mon bien cher Auguste.

J’ai été voir vos Parents hier et il y avait une carte pour moi. Je suis heureux de vous savoir en bonne santé, dire que c’est la première carte que j’ai depuis l’hiver passé, j’ai été tout l’été sans rien recevoir, vous me direz si vous m’écrivez. Votre amie qui vous aime, embrasse. Augustine »

« Le 5 Déc[embre] 41.

 Cher fils.

Je n’ai pas écrit de lettres cette semaine, cela nous fait de la peine. J’espère que tu as reçu tes colis, car il ne [illisible] qu’après la [illisible]. Ici, c’est toujours le même, les blés sont finis, il laboure, il ne fait pas froid mais brouillard. Ton père est toujours le même, il souffre beaucoup. A Marthe, il vient pour la messe pour M.A. [illisible]. La petite va bien, un gros baiser de tous père mère fille L.J.A. Mouy »

« 7.12.41.

Chers Parents et chère Fille.

Je réponds à votre car[te] du 7 N[ovembre]. J’ai reçu tous les colis que vous m’avez envoyés, je vous en remercie. Quant aux étiquettes, ne m’envoyez pas plus d’un colis par mois. Je vois que mon frère va bien. Quant à moi, tout va bien aussi, n’a plus que la classe. Embrassez bien ma fille pour moi. Une grosse baise à tous. Auguste »

« 22.12.41.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, j’ai reçu un colis avec le miel, il était intact. J’ai pas eu de lettre, j’espère que c’est toujours la même chose. Après que vous m’envoyez encore un [colis], vous me mettrez une casquette à oreilles. J’espère que père va mieux. Faites bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Bon baisers. Auguste ». La carte est arrivée en janvier.

« 28.12.41.

 Chers Parents et chère fille.

Voilà 3 semaines que je n’ai plus de nouvelles ; J’espère que vous êtes tous en bonne santé, il en est de même pour moi. Voilà les fêtes de Noël passées, elles n’ont pas été mauvaises, mais ici on ne peut plus aller à la messe, car c’est assez loin des églises. Faites bien des compliments à tout le monde. Embrassez bien ma fille pour moi. Une grosse baise. Auguste »

« Le 2 Jan 42.

Cher fils,

 j’ai bien reçu ta lettre du 30 N[ovembre] et celle du 7. Je vois que tu vas bien et que tu as [un] camarade, cela nous fait plaisir. Mais hier la journée nous a semblée bien dure. Tout le monde est en bonne santé, père va un peu mieux, la petite embrasse son papa. Je te mets l’adresse [Mtre] David Mouy 27158 St VIIIA Kdo 467. Florimond sème pour Cardon. Je t’écrirai plus long[uement] la semaine prochaine. Une baise de tous. L.J.A. Mouy »

« Le 8 Jan 42.

Cher fils.

Je n’ai pas eu de lettre cette semaine, mais tu sais ça nous semble long. Je voudrais bien que bientôt tu nous reviennes et que tout ce [illisible] en finisse. Hier, nous avons eu une lettre de David, il y avait 3 semaines, mais on ne lui a pas donné de papier. J’espère que la nouvelle année était aussi bien triste pour toi. Nous ne sommes pas sortis et il pleut toujours et [il] fait froid. Ton père va un peu mieux, le docteur lui a dit qu’il était bien. Je prie Dieu et Sainte-Thérése pour qu’il guérisse ainsi que Notre-Dame d’Esquerchin. Je te fais un colis aujourd’hui. J’ai un colis en route. De[dans], une boîte où il y a des oignons. Tu les feras parvenir à ton patron. Florimond a fini de semer le blé de Cardon, il y était avec Thecten et a fini les fumiers et on a battu le reste à la batteuse avec l[illisible]que. On doit conduire les blés la semaine prochaine. La petite va à l’école et les autres enfants vont bien. David a commencé lundi l’école, ça c’est un diable [on peut supposer qu’il s’agit d’Anne-Marie]. Michel va toujours à Cuiney cousin. L’abbé d’Arras est bien malade, il ne sort plus, « il se fait vieux » dit Tante Adèle. [Jules] va un peu mieux. Mère Philo est chez nous. Ecris à David si tu peux de l’avoir près de toi. Un gros baiser de tous. L.J.A. Mouy »

« 11.1.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà la nouvelle année de passée encore bien loin de vous tous. Espérons [que] l’année prochaine nous serons ensemble. J’espère que vous êtes tous en bonne santé. Pour moi, tout va bien. Pour les certificats pour moi rentrer, [il] faut les adresser au service Scapini puis exposer votre situation et la mienne, signé du maire de la commune. Embrassez bien ma fille pour moi. Auguste ». La carte est arrivée le 2 février 1942.

« Le 18 janvier.

Chers Parents.

Je n’ai pas pu vous écrire avant la nouvelle année pour vous présenter mes vœux. Je vous souhaite une bonne année, espérant le faire de plus près l’année prochaine. J’ai écrit 2 fois à Auguste. J’espère de bonnes nouvelles de lui. Je suis toujours en bonne santé. J’espère qu’il en est de même de vous. Je vous embrasse ainsi qu’Anne-Marie. David ».

« Le 25.1.42.

 Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 5 Déc qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé, car il y avait 4 semaines que je n’avais pas eu de nouvelles. Aussi aujourd’hui, je suis content, oui, j’ai reçu vos colis qui m’ont fait plaisir, mais si vous pouvez trouver un peu plus de conserves car dans des boîtes [en] métal, c’est beaucoup mieux. Je vois par là il ne fait pas trop froid. Ici voilà déjà deux mois de neige mais il ne fait pas trop froid. Vous avez fini de semer les blés. Dimanche dernier, je ne vous ai pas écrit, aussi aujourd’hui, je vais écrire à Augustine que j’ai reçu sa carte. Vous me dites qu’il y a eu une Messe pour Marie-Antoinette, vous me direz si Marthe a été vous voir à la maison. Avez-vous écrit au service Scapini pour moi ? Je vois vous me dites que père souffre encore beaucoup, vraiment ça [ne] finira pas, il doit [être] malheureux. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Faites bien des compliments à toute la famille ainsi qu’à tous les amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». Au bas de la lettre, un petit ajout : « un baiser papa ».

« Le 1.2.42.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 11 N[ovembre] qui m’a fait grand plaisir. Elle a mis un peu plus longtemps que d’habitude. Maintenant, je les ai reconnus les enfants sur la photo, mais la fille d’Augustine Dehay je ne l’aurai jamais reconnue, elle a bien changé. Cette semaine, j’ai reçu votre colis qui avait le lard dedans, j’ai été bien content, vous remercierez mon beau-père pour son tabac ainsi que Suzanne, vous lui direz que je l’embrasserai sur son front après que je suis rentré. Anne-Marie va voir son petit filleul tous les jours, j’espère quand vous recevrez ma lettre que sa santé sera meilleure. Thérèse doit avoir beaucoup de travail en ce moment surtout avec son petit garçon que je n’ai pas bien [sic]. Je vous ai demandé l’adresse de David. Quant à moi c’est toujours la même chose. Hier, j’ai tué une vache tout seul, le vétérinaire m’a félicité. Faites bien des compliments à toutes les familles de mes camarades ainsi qu’à toute la famille. Et Jules, sa santé va mieux maintenant ? Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La lettre est arrivée le 28 février 1942.

« 8.2.42.

 Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Cette semaine, je n’ai pas eu de nouvelles. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Moi ici c’est toujours la même chose, le froid n’est plus si rude que le mois passé. Si vous pouviez me trouver un blaireau pour me raser, le [mien] est usé et je suis obligé de me servir d’un de mes camarades. Embrassez ma fille. Auguste »

« Le 15.2.42.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 6 Janvier et du 12 qui m’a fait grand plaisir. Cette semaine, ça peut aller. J’ai reçu des nouvelles puis un colis avec les oignons de tulipe, je vous en remercie surtout pour le jambon, puis les ails, ça change pour la cuisson. Je vois que le travail est fini, je suis content pour vous. Et père lui c’est toujours la même chose il doit être bien malheureux. Espérons que le médecin de Lille le soulagera un peu. Quant à moi, il y a un peu de changement, mardi je dois retourner au camp car je [me] suis foulé un pied, alors je dois aller me faire soigner au camp durant mon reste [illisible]. J’espère que [ça] ne durera pas trop longtemps à part ça tout va bien. [Le reste est illisible]. Surtout embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste »

Le 20 février 1942, Auguste change de Kommando, il repart au 641 L


« Le 20 F[évrier] 42.

Cher fils.

Pas encore de lettre [cette] semaine. Tu sais ça semble long. Ici [c’est] toujours la même chose, froid et verglas, ne peut rien faire. David a écrit, il est heureux dans sa ferme. Père souffre toujours, il va aller revoir en ville […]. Espérons que Dieu fera bientôt. Je vais remettre un colis en route, envoyez des [illisible], finir cela et que bientôt nous serons réunis. Un gros baiser de tous. L.J.A Mouy. Un baiser papa »

« Le 22.2.42.

 Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 6 J[anvier] qui m’a fait grand plaisir. Je vois que là-bas, vous avez eu du froid, aussi père souffre toujours. Moi je suis au camp pour le moment en attendant que mon pied soit mieux. Encore une semaine [et] je pourrai repartir au travail. J’ai demandé pour aller à ma première place car mon patron m’a redemandé, j’ai grand espoir d’y aller, je voudrais bien. Ici au camp, j’ai revu des copains de mon régiment, ça fait toujours plaisir de revoir ses anciens camarades. J’ai revu au [sic] de Quéry la motte, puis un qui [a] été avec André Cochempot, vous voyez, j’ai eu des nouvelles. Dimanche prochain, j’écrirai à Daniel, il a réussi à partir dans une ferme, je suis content pour lui. Vous me parlez de Léocadie mais quelle Léocadie ? Et qu’est-ce qu’elle a ? Après que vous voyez Roger, vous lui direz qu’il aurait bien pu attendre après nous pour se marier, encore une partie de plaisir de passée pour nous. Faites bien des compliments à tous. Embrassez bien ma petite fille. Je vous embrasse tous. Auguste »

Sur un coin de la lettre qu’Auguste envoie à ses parents, on peut lire un ajout au crayon « Soyez pour le Maréchal ».


« 1er.3.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. J’ai reçu un colis qui avait les haricots. Je me suis bien régalé. Je compte retourner au travail cette semaine, mon pied va beaucoup mieux. J’espère de retourner à mon ancien kommando. Faites bien des compliments à tout le monde. Embrassez bien ma fille pour moi. Auguste »

« Le 2 Mars 42.

Mon cher fils.

Je réponds à ta lettre du 1 février. Il y avait 3 semaines que je n’avais rien eu. Aujourd’hui, j’écris à David aussi. Il avait écrit une petite carte [de] do, Kodo it 470 [sic]. Il a 35 ans aujourd’hui, cela nous fait de la peine et le savoir si loin, lui et toi, surtout que père souffre toujours ? Je vois que tu as tué une vache, que tu ne te sois pas fait trop mal avec. Nous ici c’est toujours la même chose et il y a encore de la neige, il fait bien froid. [illisible] est rentré comme marin et Léon Kockempot est rentré malade, grand repos. Rhumatisant, Jules va mieux mais réformé. Roger se marie le 21 M[ars], il va rester chez Mayelle pour le petit. Fernand, il va bien, maintenant il est guéri. Léocadie ne va pas encore mieux. Elise est ici depuis 5 semaines et Tante Marie [est] seule chez elle. Voilà 6 semaines que Florimond reste chez lui pour le mauvais temps. On sera obligé, je crois, de resemer les blés. Hier, il y avait un cygne et rien pour l’avoir. Anne-Marie n’a pas encore repris l’école par ce froid, pas de chaleur. J’espère que tu as reçu ton colis avec un béret basque et tache de bien tenir ceux que je t’envoie car l’on ne trouve plus rien et rapporte tout car Raymond avait tout donné chez Julie. Tout va bien, les petites grandissent. Père est parti chercher du pain. Un baiser de tous père mère fille L.J.A. Mouy » Quelques mots ont été ajoutés au bas de la lettre, par Anne-Marie : « un biaiser [sic] papa ».

Depuis le 7.3.42, Auguste est revenu au camp A 641/L chez son ancien patron, ce qui le ravit :

« Le 8.3.42.

 Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre que vous dites qu’oncle Placide est mort. Ma tante elle doit pas être à son aise seule. J’espère que Léocadie va mieux, vous [ne] me dites pas sa maladie. Me voilà revenu à mon ancien kommando. Je suis bien content et mon patron aussi. Mon pied, je ne sens plus rien. Je suis arrivé depuis hier soir, je vais pouvoir aller [à la] messe tous les dimanches et je pourrais communier. Demain, je reprends le travail, voilà deux mois que je n’ai pas travaillé, je ne suis pas fâché. Je n’ai pas eu froid aux pieds. Je vous ai envoyé deux étiquettes cette semaine. Maintenant, ne faites plus de si gros colis car ici j’ai à manger suffisamment assez. J’ai rencontré aussi un boucher de Douai avant-hier, nous avons un peu parlé du pays, ça fait toujours plaisir. Espérons que ça [ne] sera plus long. David n’a vraiment pas de chance, il est encore parti de sa place. Faites bien des compliments à toute la famille et les amis. Je vois que ma petite fille est un petit diable, vaut mieux que de la voir malade. Embrassez-la bien pour moi. Je vous embrasse tous bien fort. Auguste »

« Le 9 Mars 42.

Cher fils.

Je réponds à ta lettre que [j’ai] reçue le 25 J[anvier]. J’avais été 4 semaines sans lettre, cela nous est dur, mais il faut nous résigner et prier Dieu de bientôt nous réunir. Aujourd’hui, il fait meilleur, je crois que c’est le dégel. Depuis janvier de la neige et le froid. Rien de fait dans le jardin ni dans les champs. Oui, je tacherai d’avoir un peu de conserves mais c’est difficile avec cette carte et je te le répète, tiens bien le linge que je t’envoie car c’est la carte partout et revient nous avec ceux qu’il te restera. Père est encore parti chez Colville, cela me fait de la peine. La petite ne va pas encore à l’école par le froid, mais elle écrit près de moi. Oui à Marthes, ils vont tous venir chez nous et quand oncle Placide est mort, j’ai pardonné à tous et puis va mon grand, par les temps qui courent, il vaut mieux la paix. Léocadie est encore couchée et bien triste. L’on ne dit rien, mais je crois que, si elle se remet, elle ne travaillera plus. Et la tante est là-bas dans sa maison, toute seule ce n’est pas vivre. Oui, on a déjà écrit partout appuyé de la mairie mais rien. Augustine n’est plus venue depuis le mauvais temps, mais ne cause plus d’elle sur mes lettres. Pierre Monnier reste couché, quelle triste maison. J’arrête car je n’ai plus de place. Zulme est partie mettre des lunettes à Daniel. Un gros baiser de tous père mère fille L.J.A. Mouy ». Un ajout en bas de la lettre par Anne-Marie : « un baiser papa »

« Le 15.3.42.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, je n’ai pas eu de lettres mais avec tout mon changement, ça n’a rien d’étonnant. Je vais encore vous demander de m’envoyer un paquet de grain de Luzerne, c’est le patron qui me le demande. Maintenant, je suis bien remis de mon pied et bien content d’être revenu. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 16 Mars 42.

Cher fils.

J’ai reçu ta carte du 8 et du 15. Tu sais, j’ai encore bien pleuré de te savoir blessé loin de nous. Surtout écris-nous si tu vas mieux. Le froid disparaît. Léocadie va un peu mieux et père va un peu mieux, on lui fait une série de [illisible]. Florimond est parti chercher le charbon [illisible] David t’a écrit, as-tu reçu sa lettre ? Un gros baiser de tous ton père mère fille L J A Mouy. La petite reprend l’école »

« Le 17 Mars 42.

Cher fils.

Fais attention car j’ai reçu ta carte et je suis obligée de te répondre sur [illisible]. J’ai reçu ta carte du 19 et Dé[cembre] 8. Je fais la petite carte tout [de] suite. Père va mieux, mais quel hiver j’ai passé avec lui. La petite va à l’école et Florimond resème le blé, pas trop bon et le champ celui de Cuiney. J’ai trouvé de la graine mais père dit si c’est du terrain sablonneux, il ne faut pas semer. Pas de lettre de David. Je terminerai plus long la semaine prochaine. Un gros baiser de tous père mère fille. L.J.A. Mouy »

« Le 22.3.42.

 Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Je n’ai pas encore reçu de nouvelles mais j’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Père souffre encore de sa figure. Ici, moi, me voilà bien remis en place. Mon patron est content et la patronne aussi. J’ai repris mes petites habitudes. Quand à mon pied, je ne sens plus rien. Je demanderai à père s’il pouvait trouver un petit paquet de graines de Luzerne, ça leur ferait plaisir et moi, j’y perdrai pas car il ne sait pas ce que c’est. Donnez-moi des nouvelles des copains qui sont prisonniers comme moi. Quand à David, je lui écris mais je n’ai pas encore eu de réponse. Cette semaine, je dois tailler des arbres fruitiers, j’en ai pour 15 jours. Vous voyez, je fais tout le même travail que chez nous. Je voudrais avoir une photo des chevaux avec un chariot. Faites bien des compliments à toute la famille ainsi qu’à tous les amis. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 23 mars 42.

Cher fils.

J’ai reçu ta lettre du 22 février samedi, elle m’a bien réconfortée de voir ton pied allait mieux car je ne vivais plus de te savoir là-bas seul. David n’a pas écrit cette semaine. Père est un peu mieux. La petite va à l’école. M[adam]e en est contente, elle apprend bien, elle sait lire et écrit bien. Je suis contente que tu vas retourner à ta première place. Seul, on est toujours mieux. Tu les remercieras bien pour nous. Je vois que tu as eu un peu de nouvelles mais dis-moi le nom de celui de Query que tu as vu. J’ai su qu’André C avait été malade et Léon se remet bien. Tu me demandes quelle Léocadie mais c’est Léocadie Douchez car elle va mieux, mais elle revient de loin. Le jour que l’on a mis Placide en terre, je croyais qu’elle allait le suivre, elle avait le sang empoisonné. Marie est malade aussi des yeux. Ici tout va pour le mieux, on a labouré la brayelle [sic] mais pourra-t-on semer ? Je ne sais, il a encore gelé, mais le froid disparaît. J B et père ont fini de tailler les arbres, on va commencer le jardin mais la terre est encore humide. On va [s’]arranger pour semer l’avoine. Je reviens de la messe pour les défunts des familles Milleville Goudallier. J’ai pleuré car j’ai pensé à toi. Roger et Denise t’embrassent de loin, ainsi que tout le monde qui était à la messe. Demain je remettrai un colis en route. Un gros baiser de tous les amis, surtout de Berthe W., de Suzanne. Un baiser de ton père mère fille. L.J.A. Mouy »

« Esqu[erchin] le 29 Mars 42.

Cher grand.

Cette semaine pas de nouvelles. Je suis heureuse que tu es rentré chez ton patron. Je vais remettre ta dernière étiquette en route. Tache de m’en envoyer. Fernand ira le porter à Query. Tu vas pouvoir aller à la messe, prie avec nous pour pouvoir être bientôt réunis. Père va beaucoup mieux. Je suis heureuse car quel hiver avons-nous passé, moi pas trop solide et père aussi. Encore que la petite n’a jamais rien, remercions Dieu. Dimanche, elle joue pour le concert des prisonniers. Tu nous dis que tu as vu un boucher de Douai, dis-nous son nom. Elise est repartie à Marthe, Léocadie va mieux. Ici après-midi, on va planter les pommes de terre aux Douze et semer le reste en betteraves dans les 2 rasières. Florimond est content, il a reçu tes photos avec les chevaux. Hier, on a eu la visite d’Augustine, cela nous a fait plaisir car elle n’était pas venue depuis les grands froids, son père a été malade, aussi si mes lettres ne parlent pas d’elle, car quelques [fois] je fais lire les lettre. Berthe Wacheux te prie bonjour. J’espère que tu as reçu la lettre te disant que cousin l’abbé était mort. David on a pas eu de lettre, mais je suis heureuse qu’il est dans une ferme, tout va bien chez lui. As-tu reçu sa lettre. Bonjour de Susanne. Un gros baiser de ton père mère fille. L.J.A. Mouy »

« Le 30 Mars 42.

 Cher fils.

Samedi, j’ai reçu ta petite carte du 1er Mars. Hier, le jour des Rameaux, était bien triste pour nous car encore une tombe, on a mis oncle Placide dans le caveau de Marie Achin et Léocadie a fait hier sa première sortie en bâton d’un côté et le bras d’Elise la soutenant pour venir jusqu’à la chapelle. Nous avons prié pour elle et pour toi et ton frère. J’espère que [tu] pourra[s] faire les Pâques. Prie bien le bon Dieu pour que nous soyons réunis bientôt. Je fais prier la petite pour son papa. Père est toujours souffrant. Je vais te mettre sa photo et celle de Florimond. Père est triste, enfin prions Dieu. La petite est en vacances de Pâques, elle [est] grande [et] forte et les deux petits de David aussi. Il a écrit vendredi, il dit qu’il t’a écrit, as-tu reçu ses lettres ? J’espère qu’il reçoit les tiennes. Hier, nous avons eu la visite de M. Parent, il est rentré comme sanitaire. [Muvivier], il était dans une ferme, enfin encore un de revenu. Pierre Monnier est bien triste. Je le vois comme Henri. Roger et Denise te prient le bonjour. Florimond sème l’avoine et Parrain est dans le jardin [occupé] à arranger les tulipes et commencer à mettre les petites graines et arranger les fraises. Suzanne prie bonjour et la famille Milleville est en bonne santé. Le petit [illisible] j’arrête car je n’ai plus de place. La petite dort encore. Un gros baiser de tous père mère fille L. J. A. Mouy ». La lettre arrivera le 8 mai 1942.

« Le 5.4.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà les fêtes de Pâques passées, nous avons eu deux jours de repos. J’ai été à la messe de 9 heures qui m’a fait grand plaisir avec un peu de cafard car ça rappelle toujours quelques fêtes de chez nous. Vous n’avez pas fêté, car par ici non plus, on se repose et c’est tout. Dimanche dernier, j’ai reçu un colis avec du lard dedans puis du beurre, je me suis régalé. Faites attention après que vous me mettez encore de la viande dans mes colis, car elle sentait un peu, faites-la bien sécher avant de la mettre dedans ou bien du sel dessus. Ne m’envoyez plus tant de choses sans que je vous le demande car ici je suis fort bien. Je vois que le petit de Fernand va mieux, je suis content pour eux car ils doivent assez travailler sans ça. Je vois qu’il a fait mauvais temps. L’hiver ici aussi, moi j’ai eu de la chance car j’ai été blessé juste au moment qu’il a fait le plus froid. Je vois que chez David, tout va bien. Espérons que la classe ne sera plus trop longue. Faites bien des compliments à toute la famille et les amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La lettre est arrivée le 9 mai 1942.

« Esq[uerchin] le 7 A[vril] 42.

 Cher fils.

Cette semaine, je n’ai pas [reçu] de nouvelles. David a écrit, il travaille avec des chevaux. Père [c’]est toujours la même chose. As-tu reçu les photos envoyées. Mets des étiquettes, je n’en ai plus. Demain, je ferai le dernier colis. On arrange pour les avoines et les betteraves. Oncle Emmanuel travaille au jardin. Cousin l’abbé est mort la nuit de Pâques. Je te dirai le jour où on le conduit, [ce] serait à Neuvireuil-la-Petite et la famille va bien. Un gros baiser père mère fille L. J. A. Mouy »

« 12.4.42.

 Chers Parents et chère [fille].

Je réponds à votre lettre du 9 mars qui m’a fait [plaisir] car il y avait 3 semaines sans nouvelles. Je vais, vous êtes à la carte comme par ici, mais faut pas vous privez pour moi car maintenant je suis revenu à mon ancienne place. Tout va bien. Je vois Léocadie a fait une grave maladie. Faites des compliments. Embrassez ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 26.4.42.

Chers Parents et chère fille.

 Voilà encore une semaine de passée. Dimanche dernier, je ne vous ai pas écrit, il n’[y] avait plus de papier à lettre dans les petits kommandos. On est vraiment mal servi à ce sujet. Cette semaine, j’ai reçu un colis qui m’a fait grand plaisir surtout pour le blaireau et le tabac, le reste aussi. Surtout ne vous privez pas pour moi. Je remercie Suzanne pour le paquet de tabac, je n’ai plus eu de nouvelles depuis 15 jours. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose, je suis bien rhabitué avec mes anciens patrons. J’espère que Léocadie va mieux et que sa santé sera bonne quand nous serons de la classe. Quand [même] n’oubliez pas la graine de Luzerne. Faites bien des compliments à toute la famille et tous les amis. Si vous avez une carte en trop, donnez [la] à Anicet pour qu’il m’écrive, ça me ferait plaisir. Et Anne-Marie commence à apprendre à l’école, surtout ne l’écoutez pas trop. Embrassez-la bien pour moi. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste ». La lettre est arrivée le 1er juin 1942.

« Le 10 mai 1942.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 30 et du 7 A[vril] qui m’a [fait] grand plaisir, surtout de recevoir les photos de Père et de Florimond, puis des chevaux, je vois que vous les avez encore. Père a maigri, je vois qu’il a passé un mauvais hiver, que sa figure l’a fait souffrir. Quant à Florimond, c’est toujours la même chose. Vivement la classe qu’on puisse prendre une bonne pinte de bière. Je vois que vous avez été obligés de ressemer les blés. Par ici, ils ne sont pas gelés mais la neige les protège, car avec la couche qui est tombée, environ 2 mètres, ça ne gèle pas beaucoup là-dessous. Ici maintenant, je vais à la messe assez souvent, vous m’avez annoncé la mort du cousin l’Abbé, on [va] sûrement le ramener à Neuvireuil, il ne connaîtra [pas] la fin de la guerre malheureusement. Pierre Monnier est encore bien malade et Léon Cockempot est-il bien rétabli et Anicet, où travaille-t-il ? Priez leur bien [le] bonjour de ma part et si vous voyez Madame Parent, vous lui ferez bien des compliments de ma part. Faites des compliments à toute la famille. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Bien [le] bonjour à Roger et Denise. Auguste »

« Le 11 Mai 42.

 Cher fils.

Je réponds à ta lettre du 5 Avril. Je crois que tu as eu de tristes fêtes de Pâques comme nous et nous la mort de cousin l’abbé. J’ai été à la chapelle prier la Vierge de te ramener bien vite parmi nous ainsi que ton frère. J’ai été heureuse que tu as pu aller à la messe. Prie avec nous, ton frère y était aussi. Il a envoyé sa photo. Dieu qu’il a l’air pensif, mais bien fait. Je vois que ton colis le lard était un peu abîmé, mais je l’arrangerai mieux. Envoie des étiquettes car pour le comité je suis obligée d’attendre. Ton père aujourd’hui n’est pas bien, j’ai si peur quand ça lui reprend. Le lundi de la Pentecôte, il y a messe à 10 h pour Oncle Placide et à 11 heures pour Louis Taon et oncle Placide, alors tu vois encore une belle journée. Tout ici va bien, on a fini de semer les betteraves mais pas de pluie. Hier tout de même, il a plu un peu. Ça ne pousse pas fort dans les jardins. Florimond arrange les blés et les avoines mais ils ne sont pas fort beaux et pas d’engrais, enfin arrivera ce que Dieu voudra. Tous tes camarades ont écrit, ils sont en bonne santé. La petite va à l’école et tout va bien. Un gros baiser de toute la famille et amis. Père mère fille L. J. A. Mouy »

« 17.5.42.

 Chers Parents et chère fille.

J’ai reçu une lettre Lundi qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. J’ai fait voir les photos des chevaux au patron, il n’en revenait pas. Priez bien bonjour à tous les amis ainsi qu’à toute la famille. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 24 Mai 1942.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une fête de passée. Ce matin, j’ai été à la messe, il y avait plus de monde que d’habitude. Cette semaine, je n’ai pas eu de nouvelles. A part ça tout va bien. Pour mes colis, ne me mettez plus tant de choses, gardez ça pour vous. Moi ici, je suis bien, on mange bien aussi, ne vous privez pas, n’a que le tabac, ça je vous en remercie bien, car vous savez on fume beaucoup car c’est notre seule distraction pour nous. J’espère que maintenant vous avez fini de semer les betteraves. Ici, on doit bientôt les planter car on ne fait pas comme chez nous, il y en a tout de suite pour un demi jour, puis on n’en parle plus, mais les foins approchent, c’est là leur plus gros travail car dans la montagne ce n’est pas facile. Demain, je dois aller avec le patron aux Alpes lui mener les moutons. Nous partons le matin à 9 heures pour rentrer le soir à 10 heures, alors vous voyez s’il faut grimper. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Et Anne-Marie que fait-elle ? Embrassez la bien fort pour moi. Des compliments à tous. Je vous embrasse tous de loin. Auguste »

« Le 31 Mai 1942.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 4 mai qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Oui, j’ai reçu le colis avec la luzerne. Le patron l’a semée tout de suite et est bien content, ça lui a fait plaisir. Lundi, j’ai monté les moutons à la montagne, ça m’a fait passer une journée car toujours rester jouer aux cartes, c’est pas mon fort. J’aime voyager, ça me semble moins [manque un mot]. Aujourd’hui, il pleut, alors je suis obligé de rester. Je vous demanderai de me trouver une paire de chaussures, si vous pouvez, car les miennes commencent à être mortes. J’ai bien acheté une paire de chaussures avec des semelles en bois mais l’été c’est trop chaud et mes pieds s’échauffent facilement. Je vois que tous mes camarades qui sont comme moi se portent bien. Vous leur ferez bien des compliments de ma part à leurs parents. Anicet que fait-il maintenant ? Léon commence à se rétablir. Priez bien [le] bonjour à Berthe [illisible], vivement qu’on puisse la faire aller chez elle ou un peu. Qui c’est qui travaille chez elle maintenant ? Priez bien [le] bonjour à tous les amis surtout à Florimond. Faites bien des compliments à toute la famille. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». La lettre est arrivée le 2 juin 1942.


A gauche, Fernand Milleville et sa fille Jeanne ; à droite, Léon Mouy posant devant l’attelage

« Mon bien cher Auguste.

Je suis heureuse de pouvoir vous écrire une lettre aujourd’hui. C’est vos Parents qui me l’ont donnée. J’espère que vous êtes en bonne santé. Quant à moi, je me porte bien, mon travail c’est toujours le même, traire, faire le beurre et le ménage. On fournit aussi du lait au ravitaillement. Nous avons eu une rude alerte ici 15 jours avant Pâques, 5 bandits masqués et armés chacun d’un revolver sont rentrés dans notre maison et ils ont demandé de l’argent. On les a conduits au bureau, ils ont pris 7.000 frs et ils se sont sauvés en vélo. Il était 10 heures du soir, on soupait, et ils braquaient leur révolver sur nous. Nous avons eu une rude peur, maintenant, c’est passé, on est remis. Il y a 1 bandit d’arrêté, les autres sont sauvés. Maintenant au soir, on s’enferme à clef. On est encore désolé de la mort de Papa, c’est dur à passer, il était si bon et on l’aimait tant. Votre amie qui vous aime et vous embrasse tendrement de loin. Augustine. Le bandit qui a été arrêté a déclaré qu’il appartient à une société de communistes qui sont cachés. C’est vraiment malheureux de voir cela »

« Le 2 juin, Laval rencontre le gauleiter Sauckel chargé des problèmes de main-d’œuvre dans le cadre de l’économie de guerre totale. Il réclame à la France 250.000 travailleurs de l’industrie dont 150.000 spécialistes. Laval négocie avec lui et obtient en échange que 50.000 prisonniers soient libérés. Le principe de la « relève » est instauré sur la base du volontariat. Il y aura un prisonnier rapatrié pour trois ouvriers partant travailler outre Rhin. Les bénéficiaires de la relève seront sélectionnés à partir de listes établies par les services des prisonniers de guerre, en France, par les Hommes de Confiance dans les camps et par les autorités allemandes, imposant en priorité leur propre choix. Il y aura un certain nombre de désignations qui profiteront aux hommes ayant manifesté leur esprit de collaboration. Certains seront envoyés en France à des fins de propagande. La « relève » sera officiellement annoncée à la radio le 28 juin[9] »

« Esq[uerchin], le 3 Juin 42.

Cher fils.

Enfin, je peux te répondre. J’ai reçu ta lettre du 26 Avril, le temps me semblait long, 15 jours sans ne rien recevoir, ça nous fait de la peine car c’est pour toi, je ne peux t’écrire. Nous ici tout est bien, tout est fini, avoine [et] betteraves. Florimond est parti aux pommes de terre et père dans le jardin, il va mieux en ce moment, mais la semaine dernière il a beaucoup souffert et la petite n’était pas bien, mais tout est calmé. Je vois que tu as reçu ton gros colis, cela m’a réconfortée, il y en a encore deux en route, la graine de Luzerne il y a. David n’a pas écrit la semaine dernière. Toute sa famille est en bonne santé. Je te dirais aussi que chez Hulot la grand-mère est morte il y a 9 mois et Elise est tombée morte en rentrant de travailler, et Raymond est comme toi. Tous tes camarades écrivent mas je ne peux donner de papier à Anicet ou bien je ne peux t’écrire. Anicet travaille chez sa sœur avec Oncle Oscar. Susanne te prie le bonjour, elle est bonne pour nous et la petite à l’école fait des progrès. Je te mets sa petite lettre pour la fête des mères. Léocadie va mieux. On a dit une messe [pour] Placide le lundi de la Pentecôte et pour chez Facon. J’arrête, je n’ai plus [de] place. Un gros baiser père mère fille L J A Mouy »

« Le 7.6.1942.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 11 qui m’a fait plaisir de vous savoir tous en bonne santé et que vous avez fini le travail. Ici, on commence les foins, c’est le plus vilain travail de l’année. Heureusement, que ça ne dure pas trop longtemps car pour faucher dans la montagne c’est fatiguant. Vous me dites sur votre lettre de vous envoyer des étiquettes, je vous envoie tout ce que je touche, 2 par mois. Je vois vos récoltes ne seront pas trop fortes, vous en aurez bien toujours assez pour vous, surtout pour la rentrée, père et Florimond n’auront pas trop mal, ils en auront toujours assez. Quant à moi, tout va bien. Pour mes chaussures demandées à Mr Cardon, quelquefois qui en aurait une vieille paire, j’en [ai] assez usées pour lui, il peut me faire cadeau d’une. Priez bien bonjour à tous les amis ainsi qu’à toute la famille. Et Waflard qu’est-ce qu’il devient lui ? Priez lui bonjour de ma part. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Esquer[chin], le 10 J[uin] 42.

Cher fils.

J’ai reçu ta carte du 17 et une lettre du 16, cela nous a fait plaisir mais la dernière date du 26 alors les autres ne sont pas arrivées. Je fais toute seule un petit mot. Je te remettrai un colis cette semaine en route. Ton frère a écrit, ses lettres sont comme toi, en retard. Florimond et parrain sont aux foins car père est encore repris de sa figure. Anicet est chez Marie. La petite est bien [et] va à l’école. Un gros baiser de toute la famille. Tout le monde va bien. Un gros baiser père mère fille L J A Mouy »

« Le 21.6.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Du sale temps, il [y] a eu 20 centimètres de neige sur une nuit, vous voyez le pays de montagne ce n’est pas comme le nôtre. A part ça tout va bien, j’espère qu’il en est de même pour vous car voilà 15 jours sans nouvelles. Dimanche dernier, j’ai écrit à Me. Parent à Auby, vous lui demanderez si [elle] a reçu ma carte. Aujourd’hui, j’ai reçu le colis avec les photos. J’ai eu un peu de peine à reconnaitre ma petite fille, mais je ne l’ai pas regardée trop longtemps. Quant aux autres, impossible, voilà trop longtemps que je ne les vois plus pour les reconnaître habillés comme ça. Mon colis était intact. Je [vous] remercie surtout pour le colis de tabac. Je suis remonté maintenant, cette semaine nous en avons eu de la Croix-Rouge. Je vais encore vous demandez des photos quand vous moissonnez avec les chevaux. Je vous remercie d’avance. Priez bien bonjour à toute [la] famille, à tous les amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« 28.6.42.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 18 mai. Vraiment les lettres mettent longtemps maintenant pour faire la route. Si vous pouviez me trouver deux petits maillots blancs car les deux que vous m’avez envoyés l’année dernière sont usés. A part ça, tout va bien. Faites bien des compliments à toute la famille et amis. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Bons baisers. Auguste »

David envoie une carte à ses parents. Il se trouve toujours au Stalag VIIIA Kommando 470.

« Le 28 juin.

Chers parents.

En même temps que cette petite carte, je vous envoie ma photo. Zulmée m’a dit que vous étiez retournés rue du Salut, ce sera beaucoup moins de fatigue pour vous. J’espère que votre santé est toujours bonne et que père souffre plus trop de sa figure. J’ai écrit à Auguste. Je n’ai pas encore eu de réponse. Je vous embrasse ainsi qu’Anne-Marie. David »

« Le 12.7.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Je suis bien content d’avoir reçu des nouvelles. Vous avez fini les foins. Ici, il fait de l’orage tous les jours depuis 15 jours, alors vous voyez ça avance pas vite. Vraiment père n’a pas de chance s’il a encore mal à la figure. Espérons bientôt le retour. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Auguste »



« 19.7.42.

Chers Parents et chère fille.

Aujourd’hui, j’ai reçu 2 lettres et une carte, je suis content. Je vois que père n’a plus trop mal à sa figure. En ce moment, à Esquerchin, il y [en] a beaucoup qui meurent. Hier soir, j’ai monté à la montagne chercher du beurre. J’ai reçu un colis dimanche dernier avec le lard fumé. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »


Auguste est le 2e en bas à droite

« Le 26.7.42.

Chers Parents et chère fille.

Vraiment en ce moment, nous recevons notre courrier comme il faut. Aujourd’hui, je réponds à votre lettre du 8 juillet. Alors vous voyez que ça va vite. Je suis content mais vous c’est le contraire. Il y a vraiment du changement au village, beaucoup qui meurent. Léocardie est toute seule maintenant et toi Baptiste qu’est-ce qu’il dit, il va encore boire son petit genièvre. Je vois question des travaux, vous êtes plus avancés qu’ici, nous allons commencer à couper le seigle [et] la première coupe de foins, nous avons fini hier de faucher. Je vois que tous les copains se portent bien. Vous m’avez envoyé des pantoufles, je ne peux pas les mettre, elles sont trop petites. Vous ne savez rien concernant les volontaires qui viennent nous remplacer ici. Soit disant que c’est les cultivateurs [qui] vont partir maintenant, c’est peut-être encore un canard. Edmond va toujours bien, aussi travaille-t-il toujours comme moi dans la montagne. [Remets] bien le bonjour à sa famille, surtout à Berthe. On est plus là pour la faire râler quelques bonnes fois, ça reviendra. J’espère que ma petite fille sera gentille pendant les vacances. Embrassez [la] bien pour moi. Je vous embrasse tous. Votre fils Auguste »

« Le 31 juillet 42.

Cher fils.

Je n’ai rien reçu cette semaine mais j’ai reçu une petite carte de David avec sa photo et il est maigre et j’ai pu lui [écrire] car c’est dur pour une mère que l’on ne [illisible] comme l’on veut. Enfin, prions Dieu pour qu’il nous réunisse bientôt. André [Dupré] a un petit garçon et Gustin a perdu le petit garçon d’Henriette, on le met demain en terre. Ici quelle [vie] nous menons, père a encore été chez M. Colville, il souffre beaucoup, la petite c’est les vacances. Daniel vient de temps en temps. Michel va toujours à Cuiney. As-tu reçu tes bottines et les pantoufles et un colis de tabac qu’Abel devait t’envoyer. Je vais te faire un colis avec tes maillots que tu me demandes et j’aurai encore une étiquette pour le comité la semaine prochaine. Léocardie est bien guérie et Jules Marisalle retravaille un peu, il est très bien. Mais Monnier est triste Anicet te prie le bonjour [à] tes camarades qui sont comme toi te prie le bonjour [sic]. Berthe vient souvent. Augustine ne vient plus si souvent. Suzanne te prie le bonjour. [illisible] et Parrain font les foins pour la deuxième fois, on doit commencer la moisson lundi. [Le] temps est meilleur. J’espère que ça va continuer pour moissonner. On fera la moissonneuse [sic]. Un gros baiser de toute la famille père mère fille. Encore un gros bisou [de] la mère. »


Auguste est debout derrière la jeune fille au traîneau

« Le 2.8.42.

Chers Parents et chère fille.

Je viens de descendre des Alpes depuis jeudi faucher les derniers foins. On a fini, je suis bien content. J’ai reçu le colis avec les chaussures. Je suis content maintenant, je crois que je peux attendre la classe, j’espère que ce ne sera plus trop long maintenant. Je vois que vous avez eu beaucoup [de] fraises. Ici, on vient seulement de manger les cerises, y en avait assez bien. Mais des fraises y en a pas. Leocadie est toute seule maintenant, elle pourra toujours demander une fille à Marraine. Catherine Edmond, sa mère est toujours la même chose. Qui est-[ce]-qui travaille pour lui maintenant. [illisible] Berthe va toujours bien. On vient de recevoir des photos, je ne suis pas trop bien fait, je vais vous en mettre une dans ma lettre. Celui qui a la pipe à la bouche c’est le copain de Bucquoy Pas-de-Calais, son nom c’est Leturque Ghislain. Remercie bien les personnes qui me donnent du tabac. Je n’ai pas pu lire leur nom. Suzanne surtout, je vois qu’elle pense à un pauvre prisonnier. Embrasse bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »


Auguste avait découpé ce morceau de carte dans un journal, ce qui était défendu.

« Le 7 A[oût] 42.

Cher fils.

Je réponds à ta carte du 7 juillet qui nous a fait plaisir. Je vois qu’il ne fait pas plus beau que par ici. Depuis deux jours, il fait beau à la maison et [pour] commencer, père est un peu mieux. Gamin est malade, Gustin Verney est chez nous. Pas de nouvelles de David. Fernand cueille les poires et il y en a beaucoup. C’est du travail. Tout le monde est en bonne santé. Un gros baiser de tous père mère fille »

De Georges Parent habitant rue Léon Gambetta à Auby-lez-Douai :

« Cher Auguste.

Fais réponse à ta carte qui nous a fait grand plaisir. Sommes heureux que tu sois en bonne santé. Quant à nous tout va bien. Nous allons voir tes parents de temps en temps, qui se portent bien, ainsi que ta petite fille. A Ailliainville, nous ne pensions pas être si longtemps sans nous voir. Le Lt Tournier ainsi que le toubib sont rentrés, Couwez est prisonnier. [illisible] amitiés. Georges »

« Le premier convoi de la Relève est accueilli par Pierre Laval, le 11 août, à Compiègne. Il ramène un peu plus de 900 cultivateurs, 40 soutiens de famille, 30 veufs, quelques sanitaires, quelques spécialistes, plusieurs « services rendus » et une vingtaine de prisonniers désignés par les Allemands au dernier moment pour faire de la propagande en France, dont certains faisaient partie des animateurs du Cercle Pétain ? Au cours de l’été, environ 25.000 prisonniers originaires du Nord et du Pas-de-Calais bénéficieront de mesures libératoires[10] »


Auguste est en bas à droite

« Le 16.8.42.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 21 juillet qui m’a fait plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Quant à moi tout va bien. Je vais vous demander de m’envoyer un certificat de décès de Jeanne et de naissance de la petite et que je suis cultivateur. C’est pour la question de la relève. J’espère que vous de votre côté vous avez dû envoyer tous ces papiers au service des prisonniers de guerre. Sur les journaux qu’on a reçus, on dit que les veufs qui sont père de famille et cultivateur ont la préférence. Maintenant, je vais tacher de mon côté si je peux [faire] quelque chose. J’espère que votre seigle est plus beau qu’ici, car cette semaine il est tombé un orage de grêle comme des œufs de pigeon. Je vous prie de croire qu’elle [sic] a fait plus de travail que la batteuse puisse faire. Les betteraves n’ont plus de feuilles. Vous avez eu assez bien de fruits. Faites bien des compliments à Waflart et à sa fille, ainsi qu’à tous les amis et la famille. J’oubliais de vous dire que mes chaussures me vont très bien. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Vous demanderez à Me Parent si elle a reçu ma carte. Auguste »



De Leroy Jean-Baptiste, Maire d’Esquerchin, à Monsieur l’Homme de Confiance du Camp des prisonniers :

« Le 19.8.1942.

Je soussigné, Jean-Baptiste LEROY, Maire de la commune d’Esquerchin, certifie que l’épouse du prisonnier MOUY Auguste n° matricule 84694 au camp A 641 L est décédée depuis le 15 septembre 1935 et que ce dernier est père d’une fillette de 7 ans qui se trouve sans soutien du fait de la captivité de son père.

Je certifie en outre que Mouy Auguste était chef d’une exploitation de 13 hectares et que cette dernière va se trouver à l’abandon par suite de paralysie de son père qui avait repris la direction depuis son départ. Je tiens également à vous signaler que les bâtiments d’habitation du prisonnier ont été entièrement détruits par faits de guerre et que son retour serait désirable à tous points de vue. Le Maire »

« Une administration française s’est mise en place dans les Stalags avec à sa tête un « Homme de Confiance », souvent désigné par les Allemands parmi les hommes qui se sont distingués par leur attitude à réagir ou à prendre des initiatives, généralement un adjudant ou un adjudant-chef. Il a pour rôle de représenter devant les autorités allemandes l’ensemble de ses camarades, de régler les contentieux, de transmettre des dossiers justifiant une libération, d’envoyer des lettres aux familles des malades ou des décédés… Les hommes de confiance ne resteront en poste qu’un certain temps, bien placés pour une libération personnelle. D’autres prendront leur relève. Ils sont aidés de quelques secrétaires qui, eux, resteront prisonniers jusqu’à la libération.

Chaque « Baracke » a son chef de baraque, en relation directe avec la sentinelle affectée à celle-ci, comme l’homme de confiance l’est avec le commandant allemand du Stalag. Les baraques sont devenues disciplinées, formées en compagnies, avec leurs chefs, sous-chefs et où chacun a sa place, sa fonction déterminée. La vie s’est collectivisée.

La mise en place d’une représentation collective des prisonniers désignée par les P.G. eux-mêmes était prévue par la Convention de Genève. Au début, beaucoup d’Hommes de Confiance ignorent jusqu’à leur rôle et leur droit, tant qu’ils n’ont pas en main cette convention. Ils se trouvent à la tête d’une administration s’étendant sur le camp et sur les Kommandos dépendant du Stalag. Chaque Kommando a aussi son chef ou homme de confiance, aux responsabilités du même ordre mais plus limitées et plus simples à assumer vis-à-vis du gardien. Le Stalag fonctionne, tant à l’échelon français qu’à celui des Allemands, comme un chef-lieu administratif. Le rôle du bureau (l’homme de confiance, ses adjoints et les responsables du service juridique) est d’assurer l’expédition du courrier et des affaires courantes, de recevoir ceux qui désirent des renseignements, de tenir les archives indispensables (comme le Kartei), d’être au courant des difficultés des Kommandos, d’assurer la diffusion des informations arrivées de France. Dans certains Stalags, les services de la poste aux lettres et de la poste aux colis peuvent être amenés à trier jusqu’à 30.000 lettres et environ 3.000 paquets par jour ; travail fait par plus de 120 P.G. Le mot d’ordre est « s’organiser » afin de supporter au mieux les misères de la captivité. Dans le camp, on trouve des services de la Croix-Rouge pour les vivres et les vêtements, des sports, du théâtre, de l’université, des artisans : cordonniers, tailleurs, etc. A partir du printemps 41, les hommes de confiance seront élus ou désignés par les chefs des baraques.

Dans chaque camp, un officier allemand connaissant parfaitement la langue et la mentalité françaises, le « Betreuer » ou encore « Sonderfûhrer », est chargé de superviser les activités culturelles des prisonniers de la circonscription et leur prise en charge idéologique. Sous l’effet de la propagande allemande ou celle de Vichy menée insidieusement et habilement par Scapini, mais aussi des aspirations, des imaginations, une majorité de prisonniers en sont arrivés à croire à l’effondrement de la Grande-Bretagne et à une victoire du Reich et par conséquent à une libération proche. Bien peu se réjouiraient de cette issue mais trouveraient une consolation à l’idée de rentrer chez eux. Les prisonniers parlent peu à peu entre eux de politique ; le sujet « Pétain » ou « de Gaulle » n’est pas ouvertement abordé. La normalisation de la vie religieuse dans les camps a été facilitée par la création et les interventions, dès septembre 40, de l’Aumônerie Générale des P.G. fondée par le cardinal Suhard et confiée à l’abbé Rhodain (elle sera officiellement reconnue à Vichy le 3.2.42). A partir de décembre 40, l’Aumônerie a envoyé des « colis-chapelle », valises contenant tout ce qui est nécessaire à la célébration de la messe[11] »

« Le 22 Août 42.

Cher fils.

Je réponds tout de suite à ta lettre du 26 J[uillet]. Vraiment la correspondance ne va plus. Je n’ai eu que 2 lettres du mois de juin et de juillet, une du 12 et du 26 à laquelle je te réponds car celle du 12 j’ai fait écrire Suzanne à l’adresse que Amée a donné quand il est rentré la semaine passée, lui n’est pas changé. Tache de marquer ton adresse sur la réponse car il y en a qui la prenne et jette la lettre. Tiens tes pantoufles et envoie-moi deux étiquettes. Je marche plus pour le [Camille]. Je t’ai dit sur l’autre lettre (tous les colis). Ici à Esquerchin, il y [a] encore un mort, c’est le mari de Laure Pecqueur. Mais tia Baptiste pour boire, il faudrait en trouver, il n’y a plus rien. On a commencé à rentrer toujours entre deux car il pleut toujours et surtout avec deux vieux Flore et Parrain. Cette semaine, on a Fernand [en] vacances. Père souffre beaucoup. Dieu, quelle vie, prions pour bientôt nous revoir, mais il ne faut pas trop compter sur la relève. La petite traîne cette semaine. Alice est en vacances et la petite va avec sur son vélo et avec Fernand et Thérèse à Waflart David n’a pas écrit depuis 15 jours. Toute la famille va bien, ton beau-père vient aider aussi mais j’ai du travail avec les fruits. C’est Fernand qui les cueille. Un gros baiser de tout le monde et en particulier de nous et père mère fille »

« 23.8.42.

Chers Parents et chère [fille].

Voilà encore un dimanche de passé. Je n’ai pas eu de lettre mais j’ai reçu le colis avec les maillots. Je vous remercie. Maintenant, je n’ai plus besoin de rien. Quand il me manquera quelque chose, je vous le dirai. Quant à moi, tout va bien. Bien des compliments à toute la famille et à tous les camarades et amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Auguste »


Auguste est en haut à gauche

« Le 28.8.42.

Cher fils.

J’ai reçu ta lettre. Elle nous a réconfortés. Je vois que tu as fini tes foins. Nous les foins sont finis et toute la moisson est rentrée, mais père a bien souffert pendant la rentrée car il a eu mal aux reins et à sa figure. On ira demain aider David car Benoît fait avec Terrier alors ils sont toujours en retard et père a moissonné pour le maire et pour Mayeux, pour nous ça a été vite car toute la famille Milleville et Alexandre aussi, tu vois qu’on nous aide un peu, mais tu sais il y a beaucoup de fruits et c’est mon rayon. C’est du travail, c’est Fernand qui cueille. Ema[illisible] sa mère va mieux et c’est le polonais à lunettes qui était chez [illisible] qui fait leur travail. Berthe va bien. Je tacherai d’avoir des nouvelles de Bucquoy. Le tabac était des Mayeux. Je te dirai que Sophie doit avoir un enfant. Je te dirai quoi la semaine prochaine. Tache de m’envoyer des étiquettes car je n’en ai plus. Mère Philo est chez nous, je suis très heureux de ta photo. Je te mets la petite que Suzanne dans les [illisible] car je m’en vais servir les poires en gros. Un gros baiser de tous. Ton père mère fille »


Auguste est debout au centre de l’arbre

« Le 30.8.42.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, j’ai eu des nouvelles, je suis content. Je vois, vous devez avoir de la distraction maintenant avec les moissons puis les vacances. Les enfants doivent vous faire courir, surtout Daniel et Anne-Marie doivent jouer partout. Vaut mieux les voir comme ça qu’à être malade. A Cuincey, tout le monde va bien. Je vois, Jules commence à travailler et par Félicie et son garçon je vais le trouver bien changé après que je rentre. Dimanche dernier, j’ai fait écrire le poste au camp pour moi question que je suis veuf car sur les journaux les premiers à rentrer c’est ceux qui sont dans mon cas, maintenant, je ne sais pas si ? Ici, nous avons presque fini la moisson. Il a encore l’avoine et l’orge à couper ; ils en ont environ 2 rasières. Les foins nous sommes à moitié. Aujourd’hui, je suis de garde à la ferme. Le patron est parti à la montagne, moi je dois y aller dimanche prochain. J’espère que vous aurez reçu les fleurs. J’ai eu la réponse de Me Parent. Faites bien des compliments à tous les amis ainsi qu’à la famille. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »


Photo envoyée en 1942 avec le cachet d’autorisation du Stalag XVIIIA


Anne-Marie a sept ans. La photo a été prise dans la pâture de la ferme familiale à Esquerchin.

« Malgré une intense propagande pour inciter les ouvriers français à aller travailler en Allemagne, les résultats se sont révélés décevants. Le 4 septembre, le gouvernement édicte une loi rendant mobilisables pour le travail forcé en Allemagne, tous les hommes de 18 à 50 ans et toutes les femmes célibataires de 21 à 35 ans, travaillant moins de 30 heures par semaine, pour effectuer « tous travaux que le gouvernement jugerait utile dans l’intérêt supérieur de la Nation ». Des contraintes seront exercées sur les ouvriers spécialisés, qui feront que ceux qui partiront seront, en fait, des « volontaires forcés[12] »

« Le 6.9.42.

Chers Parents, chère fille.

Voilà une semaine de passée puis le mois. J’espère que vous avez fini les moissons, ici il reste encore l’avoine, puis un peu de foin, mais ça ne va pas si vite dans ces montagnes. Vous [sic] maintenant ça va bientôt être les betteraves, j’avais un espoir d’être rentré mais je ne sais pas. Espérons toujours, car c’est l’espérance qui fait vivre. Ce matin, j’ai été à la messe, ça m’a fait plaisir, là on prie on ne cause pas, on peut mieux penser aux siens. J’ai reçu le colis qui avait l’andouille. Si vous pouviez me mettre un peu plus de chicorée, moi j’aime autant la chicorée que de l’eau. Vous me mettrez plus des ails et des oignons car le dimanche nous faisons toujours un peu de cuisine et par ici on n’en trouve pas. Les vacances diminuent, les gosses vont bientôt vous laisser un peu tranquille, vous n’aurez plus tant de travail. Faites bien des compliments à toute la famille et les amis. Embrassez bien ma petite fille pour moi, je vous embrasse tous de loin. Votre fils Auguste »

« Le 15.9.42.

Mon cher fils,

je réponds à ta lettre du 9.8. Nous t’avons remis 2 colis en route. On t’a remis des pantoufles plus gaies. [Le reste est illisible] »


« Esquerchin, le 18 Sp 42.

Cher fils,

je réponds [à] ta lettre du 16 A[oût] 42. J’ai fait déjà des démarches, fait[es] par Suzanne et signées du maire. Je te mets ceux que tu me demandes mais on en déjà tant faits des papiers que je ne crois plus en rien, il n’y a que Dieu qui peut nous venir en aide. Prions-le, je fais la Neuvaine et lundi c’est la messe pour Jeanne [Féresse] et on la dit à neuf heures. Si tu voyais Anne-Marie dans la procession, elle est belle mais tu sais c’est un diable car Pépère lui laisse tout faire, elle n’a peur que de moi, pourtant elle m’aime bien. J’espère que tu auras reçu tous tes colis. [S’il] manque quelque chose que j’ai mis, alors je sais lequel est arrivé. Je vois que tu as eu du mauvais temps, ici, on est à moitié, on va arracher les pommes de terre. Tu as reçu la lettre de père. Sophie (avait une fille) est bien rétablie. Autre chose, Maria Garneau est fiancée à Achille de Neuvireuil, Marie-Louise Waquez à René Potdevin, on cause de mariage. A part tout cela, je voudrais bien que cette guerre finisse et que tu nous reviennes. Père souffre un peu. Toute la famille est en bonne santé mais de Maurice jamais de nouvelles. Un gros baiser de tous, père, mère, fille »

« Le 20.9.42.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à vos lettres du 22 et du 28 A[oût] qui m’a fait grand plaisir de savoir que vous avez fini la moisson. Je vois que vous avez eu un peu [d’]assistance de mes beaux-Parents. Vous les remercierez de ma part. Je vois [que] Fernand vous a cueilli les fruits car père avec sa tête qui le fait tant souffrir pour monter à l’échelle a dû être soulagé. Ici, on n’a pas beaucoup de fruits, quant aux poires, pour ainsi dire pas du tout. Après que je rentre, je vais trouver les fruits bons à manger. J’ai reçu les photos [d’]Anne-Marie avec Alice, elles sont très bien réussies. Je vois ma petite fille grandir, elle n’est plus si grosse qu’elle [n’a] été. Le certificat que Melle Suzanne a envoyé à l’homme de confiance du camp m’est revenu, je la remercie de bon cœur, mais l’homme de confiance m’a répondu que ce n’était pas mon cas. C’est au service de Scapini à Paris que vous devez en envoyer un pareil. Dimanche dernier, je ne vous ai pas écrit car j’étais à la montagne. Faites bien des compliments à la famille et à tous les amis. Embrassez ma petite fille. Je vous embrasse tous. Auguste »


Auguste est le 2e à gauche en partant du haut

« 27.9.42.

Chers parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 5 sept qui m’a [fait] plaisir de vous savoir en bonne santé surtout que père ne souffre plus trop quant à moi c’est toujours la même chose. J’ai reçu la photo de ma petite fille et celle d’Alice. Je les trouve un peu changées toutes les deux. Faites bien des compliments à tout le monde. Embrassez ma fille pour moi. Auguste »

« Esquerchin, le 28 septe 42.  

Cher fils,

je réponds [à] ta lettre du 16 A[oût] 42. J’ai fait déjà des démarches, faites par Suzanne et signées du maire. J‘ai mis ceux que tu me demandes mais on en a déjà tant faits des papiers que je ne crois plus en rien. Il n’y a que Dieu qui peut nous venir en aide, prions le. Je fais la Neuvaine et lundi c’est la messe pour Jeanne [Féresse] [à mi et on la dit à neuf heures [sic]]. Si tu voyais Anne-Marie dans la procession, elle est belle mais tu sais c’est un diable car pépère lui laisse tout faire, elle n’a peur que de moi, pourtant elle m’aime bien. J’espère que tu auras reçu tous tes colis. [S’il] Manque quelque chose que j’ai mis, alors je sais lequel qui est arrivé. Je vais [cette] semaine te mettre un de pommes en route. J’ai du travail, mais ce n’est rien si vous revenez tous les deux. Je vois que tu as eu du mauvais temps. Ici, c’est à moitié. On va arracher les pommes de terre. Tu as reçu la lettre de père. Sophie avait une fille et [est] bien rétablie. Autre chose, Maria Caneau est fiancée à Achille de Neuvèreulle, Valentine Carpentier à Paul Sellier et Marie Louis Waquez à René Potdevin, on cause de mariage. A part tout cela, je voudrais bien que cette guerre finisse et que tu nous reviennes. Père souffre un peu. Toute la famille est en bonne santé, mais de Maurice jamais de nouvelles Un gros baiser de tous père mère fille L J A Mouy »


Auguste pose à droite avec le maillot de l’équipe de football d’Esquerchin

Expéditrice Eva PETIT Cavron St Martin par Hesdin Pas-de-Calais :

« Le 30.9.42.

Cher ami.

C’est moi, Eva, qui répond à [ta] carte qui nous a tous fait un grand plaisir. Comme c’est moi qui a l’habitude d’écrire à la maison, je fais de même pour toi. Papa est très content que tu as reçu ton colis. Nous sommes heureux de savoir que ta santé se maintient, seulement il faut de la patience. En espérant te relire cher ami je finis en t’embrassant ainsi que toute la famille. Eva »

« Le 4.10.42.

Chers Parents et chère fille,

je réponds à vos lettres du 18 et du 15 que père m’a écrit. Je suis heureux de vous savoir tous en bonne santé. Quant à moi, toujours la même chose. Je suis content que vous ayez fini la moisson et que tout est rentré maintenant. Quand ma lettre vous parviendra, vous aurez sûrement fini les betteraves. Ici pour le moment, il fait bon, mais le matin, il commence à faire froid. Je vois, nous allons encore passer l’hiver. Mais maintenant, on est habitué à voir la neige. Vous me dites que [les] chevaux ne sont pas pour rien par ici, c’est la même chose, 4 à 5 milles m. On a arraché, les pommes de terre [illisible] ne sont pas si belles que l’année dernière. Dans le village, il [y] a de nouveaux mariages Maria Carneau déjà avant les évènements. C’est malheureux que je ne suis[sic] pas là-bas pour les faire enrager un peu. Ca reviendra bien un jour. La poste va envoyer mes certificats au commandant du camp cette semaine. Moi, je n’ai pas confiance, c’est les copains qui me poussent, car je vois, c’est tous les pistonnés qui retournent. Embrassez ma fille pour moi, je vous embrasse tous. Auguste. Bien des compliments à tous »

« Un délégué de la mission Scapini note dans un rapport du 10 octobre : « Les exigences des autorités allemandes sont de plus en plus grandes. Chez les prisonniers comme dans la population, on ramasse les fonds de tiroirs ». Dans les camps, on réduit les effectifs au minimum, les artistes, les prêtres sont contraints d’aller travailler[13] ».

« 11.10.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. J’ai reçu les deux colis avec les pommes et les poires, ces dernières, il [y] en avait beaucoup de gâtées, c’est rien, ça fait toujours plaisir. Quant à l’autre, je vous en parlerai dimanche prochain. Bien des compliments à tous. Bons baisers à tous. Auguste »

« 12.10.42.

Chers Parents et chère fille,

je réponds à votre carte du 19 sept qui m’a fait plaisir surtout des photos. Aussi, aujourd’hui, je vous en renvoie une autre que j’ai faite en allant porter du ravitaillement à la sœur du patron. Je suis à 2000 [mètres d’]altitude. Ce n’est pas comme ça chez nous. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille, je vous embrasse tous. Vous direz à Suzanne que j’attends qu’elle vienne me chercher pour retourner. Auguste »

« Le 18.10.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée, je n’ai pas de nouvelles. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Moi, c’est toujours la même chose. Dimanche dernier j’ai été un [peu] vite pour faire ma carte, je n’avais pas le temps, j’ai été chercher les moutons à la montagne avec le frère du patron. Une demi-journée qu’on a mis tous les deux pour les trouver. C’est moi qui les ai trouvés, mais j’en avais trois de plus qui n’étaient pas à eux. Le patron en a ri car le fermier a dû venir les chercher à la ferme. J’ai reçu les colis avec les pommes. Vous embrasserez ma petite fille pour moi pour son colis et l’autre avec les pantoufles qui me vont bien. Je vous en remercie. C’est malheureux, la boîte de confiture [a] été toute renversée dedans. Après, [si] vous m’[en] envoyé encore dans des boîtes, tâchez de trouver des vieilles boîtes de conserve et vous les faites ressouder à Maurice Delval, ça sera beaucoup [mieux] que les boîtes en carton. A part ça tout va bien. Bien des compliments à toute la famille et amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »


Photo envoyée à Auguste avec le cachet d’autorisation du Stalag XVIIIA


De gauche à droite: Daniel et Michel MOUY [fils de David] et Anne-Marie [fille d’Auguste]. Les enfants ont grandi.

« 25.10.42.

Chers Parents et chère fille,

aujourd’hui, j’ai reçu le colis avec les photos de la moissonneuse. Je suis bien content, je vois que notre pays n’est pas encore comme par ici, que les céréales n’ont pas encore changé. A part [ça] tout va bien. Cette semaine, j’ai refait le boucher, faut tout faire dans notre malheur. Embrassez ma fille pour moi, je vous embrasse tous. Auguste »


« Le 1.11.42.

Chers Parents et chère fille.

 Je fais réponse à votre lettre du 2 oct qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé et le travail qui se termine mais ne vous [en] faites pas trop. Aujourd’hui, c’est une journée qui [ne] me rappelle pas de jolis souvenirs, surtout loin des siens. Ce matin, j’ai été à la messe, avec les copains nous étions 7. J’espère que vous avec connu les autres années pour les fleurs. A part ça tout va bien pour moi. J’ai envoyé mes certificats, toujours pas de nouvelles. Peut-être maintenant avec la décision du gouvernement que j’en aurai. J’ai reçu aujourd’hui aussi une carte que j’avais envoyée à Cavron, ça fait plaisir. Je vois, il en rentre toujours au patelin mes [sic] ! L’école est recommencée, vous devez être un peu soulagés. Anne-Marie est toujours contente d’aller à l’école. Lundi, j’ai fait voir mes photos avec la moissonneuse au patron, il n’en revenait pas, ce n’est comme ça par ici. Zulmé a été un peu souffrante, ce n’est pas le moment d’être malade. Faites bien des compliments à toute la famille ainsi qu’à tous les amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Bien des compliments à Waflard »


« 8.11.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée, je n’ai pas eu de nouvelles. Mais dimanche prochain, j’en aurai peut-être deux. Je vous ai envoyé 4 étiquettes tout de suite mais il en a deux pour moi maintenant. Je n’en toucherai pas avant le mois de janvier. Faites bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Auguste »


Le 9.11.42, Auguste reçoit un colis.

Lettre d’Augustine du 10.11.42 :

« Cher Auguste. Je suis allée voir vos Parents et j’ai reçu votre carte qui m’a fait grand plaisir. Anne-Marie est gentille avec moi, votre maman m’a fait venir voir toute la ferme, car je n’avais encore pas été derrière. La pâture est grande, j’ai été surprise de voir un petit bois au bout. C’est joliment beau et le jardin est bien entretenu. Votre amie qui vous aime et vous embrasse tendrement. Augustine »

« Le 15 du 11.42.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à vos deux lettres des 13 et 22 oct qui m’a fait plaisir d’avoir de vos nouvelles. Je sais que vous avez beaucoup de travail avec la batteuse. C’est toujours Raymond Bleuzet qui la conduit. Cette semaine, j’ai été aussi battre avec celle du patron chez un autre fermier. Pendant deux [manque un mot] j’ai été reçu dans cette maison comme depuis longtemps je n’avais été et un bon pourboire par-dessus le marché. Je suis bien content de savoir Zulmé bien guérie car maintenant ce n’est vraiment pas le moment d’être malade surtout elle, avec sa petite famille, elle doit avoir du travail. Faut pas se faire de la bile, ça diminue. Alors Valentine Carpentier est mariée avec Paul Sellier. Où sont-ils partis rester. Je vais à Mametz a [sic] du nouveau aussi y vont tous se marier pendant que je suis prisonnier, j’en attrape le cafard car c’est des petites parties de plaisir de manquées pour moi mais je me charge de rattraper le temps perdu après que je suis rentré. J’allais encore oublier de vous demander une paire de bretelles. Faites bien des compliments à toute la famille et surtout à tous les copains. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

Le 17.11.42, Auguste reçoit un colis de son père Léon.

Lettre d’Augustine :

« Le 20.11.42.

Cher Auguste,

 je suis encore allée voir vos Parents la semaine dernière, c’est toujours en vélo que j’y vais. Tout va bien chez vous, j’avais des courses à faire à Douai, je devais m’acheter des souliers, des rideaux car il manque toujours quelque chose. J’espère que vous êtes en bonne santé quant à moi je me porte bien. Votre amie qui vous aime et vous embrasse. Augustine »

« Le 22.11.42.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine je suis content car j’ai reçu des nouvelles 1 lettre et 1 carte. Je vois que vous êtes tous en bonne santé. Dimanche dernier, j’avais reçu le colis de noix, aujourd’hui, j’ai reçu le colis de vivres qui m’a fait grand plaisir, surtout pour les photos. Je vois [que] la famille de Madame Bachelet se porte bien, ainsi que Berthe, puis Fernand ainsi que Thérèse et sa petite.



Auguste est en bas à droite

Ça me fait penser à toute la famille ainsi qu’à tous les amis. Et notre vieux Parrain Emmanuel toujours le même lui, vivement qu’on puisse revoir ça de plus près car ici c’est la montagne. Dans les cales, il ne manquait rien. Il [y] en a qui ont vraiment de la chance de rentrer dans leur famille tandis que nous la chance a toujours passé à côté. Espérons que nous rentrons moi et mon frère tous deux en bonne santé, c’est le principal. Maintenant, c’est l’hiver. Par ici, recommençons le voiturage du bois avec les traîneaux. Quant à moi, je fais toujours le bédin comme on dit dans le Nord.




Faites bien des compliments à toute la famille ainsi qu’à la famille [sic]. Embrassez bien ma fille pour moi, je vous embrasse tous. Auguste »


Transport du bois en traîneau tiré par un cheval.

« Le 26 N[ovembre] 42.

Cher fils

 je vois que tu as reçu 2 colis et une lettre et carte. Quand on a cela ça réconforte et les photos m‘ont fait plaisir mais en ce moment on ne peut plus en faire. Je dois t’avoir dit que A. Dehay était mort. Tu sais, il y avait du monde à l’enterrement. Tu le dis, on a jamais eu de chance, mais surtout hier quand j’ai vu Terrier qui est rentré. Mardi à la communion qui pleurait et priait Dieu qu’il m’accorde de te [sic] revoir ton frère et toi. Boutillier est rentré hier soir mais il a 43 ans. Tous deux sont bien à part que Terrier avait été opéré de l’appendicite. Augustine est venue nous voir, elle a du chagrin de son père. Marie-Louise Waquez a un petit garçon, il a 15 jours. Chez nous tout va à peu près, à part que Daniel a la rougeole. Maintenant nous a avons nos pulpes car on a pas beaucoup [sic] 45 pour cent et c’est presque fini de labourer et reste la moitié de la Brayelle, il commence à geler. J’espère que ce ne sera plus l’hiver de l’année dernière. David a écrit mais il est à moitié dans sa ferme [illisible] mon grand car j’ai encore le cœur gros d’hier jour de fête. Un gros baiser de toute la famille, frère, mère, fille »


Auguste est le 1er en haut à droite

« 6.12.42.

Chers parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 14 qui m’a fait grand plaisir de vous savoir en bonne santé. Aujourd’hui, je vous ai encore envoyé de l’argent, 80. Ici, je ne sais quoi en faire. Je suis content que vous ayez fini les betteraves. Je vous souhaite une bonne année et une bonne santé et présente mes meilleurs vœux à toute la famille et amis. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste »


Auguste se situe à l’arrière en 4e position en partant de la gauche

« Le 13.12.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. J’espère qu’il ne fait pas si [mot manquant] chez nous qu’ici. J’ai recommencé à faire du [chilte] descendre du bois de la montagne, j’espère que je ne serai plus blessé comme l’année dernière. J’ai reçu votre lettre du 22 N[ovembre] qui m’a fait plaisir, je plains père qui souffre toujours de sa figure surtout pour l’hiver. Anne-Marie fait des progrès à l’école, elle n’est pas comme son père, sa tête n’est pas si dure à rentrer. David a écrit qu’il n’espère plus sur la relève, moi je n’y ai jamais pensé. J’avais fait venir les certificats comme quoi j’étais veuf, c’était la seule espérance que j’avais, mais maintenant. Si le pantalon que vous me parlez est fin, vous pouvez me l’envoyer, si c’est du drap, j’en ai pas besoin. Alors Alexandre Dehaye est mort vraiment, c’est malheureux surtout pour son fils car il n’est pas vieux comme vous dites. César ne verra plus son frère. Nous prisonniers, faut se faire une résolution car quand on va rentrer on va trouver du changement partout. Priez bien bonjour à toute la famille ainsi qu’à tous les amis, n’oubliez [pas] de leur présenter mes vœux. Embrassez bien ma fille je vous embrasse tous. Auguste »

« 27.12.42.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore les fêtes de Noël passées. J’ai été à la messe, ça m’a fait grand plaisir. Dimanche dernier, je ne vous ai pas écrit. J’ai reçu le colis avec les gants en cuir, ça m’a [fait] plaisir pour travailler dans le bois, c’est plus solide que la laine. Faites des compliments à toute la famille, ainsi qu’à tous les amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »



Photo d’Anne-Marie envoyée à Auguste avec le cachet d’autorisation du Stalag XVIIIA

« Le 29 décembre.

 Chers Parents.

Voilà la troisième fois que je vous souhaite une bonne année et une bonne santé. J’espère n’être pas obligé de le faire une quatrième fois aussi loin de vous tous. J’espère que vous avez toujours de bonnes nouvelles d’Auguste, que votre santé est bonne et que père ne souffre plus trop de sa figure. Je vous embrasse ainsi qu’Anne-Marie. Votre fils David »

« Le 31 Déc[embre] 42.

Cher fils.

 J’ai reçu 2 cartes une du 8 Novembre et une du 6 Décembre. Tu vois comme ça va. Oui, c’est la nouvelle année, mais encore bien triste pour nous de te savoir toi et ton frère encore si loin de nous. Je te remets un colis en route demain. Fernand le portera à Quiéry. Tout le monde se joint à nous pour la nouvelle année et t’embrasse de loin. Père va mieux en ce moment. Daniel va mieux.

Un petit mot de la petite. Un gros baiser de tous père mère fille L J A Mouy », suivi par une petite phrase d’Anne-Marie « un gros baiser papa. A M »

« Le 3.1.43.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 3 D[écembre] qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé, moi c’est toujours la même chose. Voilà encore une année commencée, espérons que ce sera la dernière et que nous serons bientôt réunis. J’ai été à la messe le jour de l’an avec le camarade de Bucquoy, nous avons fêté Noël. 3 jours qu’on a pas travaillé, moi si, car il faut que j’aille traire les vaches mais ça ne fait rien car le lait est bon. Quant à mon frère, j’ai écrit trois fois pas de réponse. Je ne sais si [c’]est changé ou vous ne m’avez pas bien donné son adresse. Mes colis, le dernier que j’ai reçu il y avait la paire de gants en cuir, j’en ai pas reçu depuis. Tous les camarades ont reçu le colis de Noël, moi je ne l’ai pas encore à moins que celui des gants. Le chandail vous pouvez me l’envoyer car le mien je suis toujours après en train de le raccommoder. Les chevaux commencent à partir, vaut mieux les chevaux que les hommes. Faites bien des compliments à toute la famille ainsi qu’à tous les amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste. Bien [le] bonjour à Gustave Waflard »


« 8 jan[vier]43.

Cher fils.

Cette semaine pas de nouvelles. L’année est passée, dur pour nous d’avoir ses enfants loin de nous, mais prions Dieu et nous nous retrouverons en famille. David a écrit, les petits sont guéris de leur rougeole. Les parents et amis se joignent à nous. Berthe est venue hier. Edmond a le cafard. En ce moment, il gèle et il pleut. On voiture [le] fumier avec [I], mais depuis deux jours, il pleut, on reste chez nous. J’arrête. Un gros baiser de toute la famille, surtout de la petite. Ton père mère fille L J A Mouy »

« Le 10.1.43.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 17 Déc[embre] qui me fait plaisir de vous savoir en bonne santé et que père va mieux. Alors la batteuse c’est fini, vous me parlez d’un batteur mais je ne [sais] pas lire le nom. Je vois j’ai mon frère tout le monde se porte bien, c’est [le] principal car ce n’est pas le moment d’être malade. Quant à moi, tout va bien, j’ai encore demandé pour la relève. L’officier m’a répondu que c’est à vous à envoyer les papiers et de faire valoir vos droits auprès des services des prisonniers et de dire que je suis veuf et votre soutien, car je ne vois pas qu’il y a des jeunes hommes qui rentrent qui ne sont pas soutien de famille, et nous [de] rester là. A part [ça], le moral est toujours bon. J’ai reçu le colis de Noël, je vous en remercie. Je vois que vous avez fini les blés car pour la moisson prochaine j’espère d’être rentré pour vous aider. Bien des compliments à toute la famille, ainsi qu’à tous les amis. Vous me dites que Valentine Carpentier est partie à Flers. Jean-Marie doit être rentré maintenant. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« 17.1.43.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Je me suis fait plomber une dent vendredi, ça m’a coûté 4 M[arks]. Cette semaine, il n’a pas fait chaud, mais moi dans mon étable, je ne crains pas de trop. Voilà la moitié de l’hiver passée. Faites bien des compliments à toute la famille et amis. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous de loin. Auguste »

« Le 19 janvier 43.

Cher fils.

 Je réponds à ta carte du 4 J[anvier]. Oui, j’ai présenté tes vœux partout mais c’est bien long de te savoir bien loin de nous. Ici, reste l’hiver mais jusqu’à maintenant, il n’est pas si rude que l’autre, il pleut beaucoup. Jules est venu ce matin, il se remet très bien. Toute la famille va à part Michel qui a la rougeole mais en courant. Tout le monde se joint à nous. Un gros baiser de tous père mère fille L J A Mouy »

« 24.1.43.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre lettre du 26 N[ovembre] qui m’a fait plaisir de vous savoir tous en bonne santé. J’espère que la rougeole de Daniel n’a pas été grave. Votre lettre avait du retard, à part ça tout va bien. Je vois que votre travail est à peu près fini. Ici, c’est toujours la même chose, la neige. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 30.1.43.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. J’ai reçu 2 cartes du 23 D[écembre] 8 J[anvier] qui m’ont fait plaisir de savoir que père va mieux et les petits de David sont guéris de [la] rougeole. J’ai reçu aussi le colis avec la paire [de] bretelles, je vous en remercie. Le matin, j’ai été à la messe, ça change un peu les idées. Toujours avec le camarade de Bucquoy, lui compte de bientôt retourner car il a 3 enfants. Quant à moi, je reste malgré mon « cas ». Mais à vous à envoyer les papiers et à faire la demande, ne rebutez pas, faites le plus possible, vous aurez peut-être un résultat. A part [ça], tout va bien, grand-père commence à fléchir. Remerciez Suzanne pour moi pour le tabac. Je vois qu’Edmond se fait de la bile, mais faut pas en faire, la classe approche jour par jour. Ici c’est toujours la neige mais il ne fait pas trop froid. Je vois [que] ma petite fille commence à savoir écrire. Embrassez-la bien pour moi. Pour les colis, ne vous privez pas pour m’envoyer. Faites bien des compliments à toute la famille ainsi qu’à tous les amis. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Formulaire adressé aux femmes de prisonniers, portant le tampon du 2.2.43. Avis. Ne sont plus délivrés tous les paquets contenant pour le destinataire des communications écrites et des objets interdits ou qui, par la manière de leur emballage peuvent échapper au contrôle (objets de toutes sortes constituant des moyens d’évasion). Les objets interdits sont les suivants : - argent et monnaie de toutes sortes, de toutes valeurs monétaires et de tous Etats. – vêtements civils pour prisonniers de guerre (les internés civils exceptés) et vêtements de dessous pouvant être portés comme vêtements civils (chandails, pull-over autorisés) – brassards des services sanitaires pour ceux qui n’y ont pas droit armes et instruments susceptibles d’être utilisés comme armes, grands couteaux de poche et ciseaux – munitions et explosifs – instruments pouvant servir à des tentatives d’évasion ou à des actes de sabotage – machine à copier et autres multiplicateurs, papier carbone et papier calque – boussole, havresacs, cartes géographiques, jumelles, loupes – lampes électriques, briquets, mèches, bougies – alcools et spiritueux - alcool solidifié, objets et matières facilement inflammables, radiateurs – appareils téléphoniques, postes émetteurs et récepteurs et pièces de rechange pour ces appareils – médicaments de toutes sortes et sous toutes formes, tubes de vaseline, sel ammoniac (en grains ou dissous) et ammoniaque liquide – jus de fruits, produits chimiques, acides – livres et imprimés d’un contenu douteux ou indécent – journaux étrangers, livres avec cartes géographiques annexées – papier à cigarettes et fume-cigare en papier – papier de papeterie et de toutes sortes, carnets et calepins, papier à lettres, cartes postales – pommes de terre.

N.B. Les livres autorisés doivent être expédiés séparément ou en paquets de dons patriotiques de la Croix Rouge. Les paquets doivent être emballés solidement, bien serrés et ficelés avec soins afin d’éviter des pertes et des vols [14]».

« La relève et la transformation laissent sceptiques les prisonniers, ils pensent que c’est une vaste blague, une fumisterie ou encore un chantage sur leur misère. Ils sont parfois écœurés de voir de quelle façon les désignations sont faites mais elles débarrassent les camps d’une clique de collaborateurs, souvent plus arrivistes que sincères […][15] »

« 7.2.43.

 Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine passée. Je n’ai pas reçu de nouvelles mais j’ai reçu un colis de la nouvelle année. Je vous remercie. Le camarade de Bucquoy compte de repartir bientôt avec ses trois enfants. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Bien des compliments à tous. Embrassez bien ma fille. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 12 F[évrier] 43.

Cher fils.

Je t’ai dit que j’avais eu 2 lettres. J’ai reçu aussi ta lettre du 16. Je suis heureuse que tu aies reçu ton colis de Noël, alors les autres arrivent. Je t’en remets un autre en route aujourd’hui où je te mets un tricot d’Augustine et je te remets une paire de chaussettes et de vivres. J’ai marqué les noms de ceux qui ont donné les paquets et je t’ai mis un petit pâté. Je crois que ça te fera plaisir. Je vais encore faire un certificat mais on en a tant fait que l’on est découragé. Ton frère a écrit, il est comme toi. Edmond Wacheux est rentré parce que son père est cheminot, il a 24 ans. Ici, il ne fait pas froid, à part qu’il pleut. On a fini de voiturer le fumier au champ. [illisible] aujourd’hui on va se mettre dans le jardin, Baptiste vient aider ton père à tailler et le voilà presque fini car il fait bon. Florimond va se mettre au jardin aussi. Pour la messe d’oncle Placide, il y avait de Mametz 3 personnes. Ici dans Esquerchin c’est toujours le même, c’est très calme en ce moment. Edmond te prie bonjour mais il a le cafard. Louis est toujours le même, toute la famille est en bonne santé. Dimanche, il y a une messe pour [Flaon] de la j[eunesse] catholique. Un gros baiser de tous. Grand-mère arrive pour raccommoder les bas. Ton père mère fille L J A Mouy »

« Le 14.2.43.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds à votre carte du 15 janvier qui m’a fait plaisir de vous savoir en bonne santé. Je vois qu’il pleut mais pas ici, c’est la neige mais il ne fait pas froid, mais on a toujours les pieds mouillés, à part ça tout va bien. Vous allez dire que je vous ennuie car je vous redemanderai encore un certificat de naissance de la petite et comme je suis veuf et comme quoi je suis soutien [de] famille, je vais encore une fois tenter. Je vous remercie du colis surtout pour le jambon, nous avons bien mangé. Le camarade de Bucquoy avait reçu un colis aussi avec la moitié d’une dinde, alors vous voyez que nous avons passé un bon dimanche. Je vois [que] Jules se remet, il a de la chance, lui. Je sais, être malade ce n’est pas bien, mais être chez soi ! Les enfants de David vont mieux, je suis content pour lui que sa famille est en bonne santé. Faites bien des compliments à toute la famille ainsi qu’à tous les amis. N’oubliez pas Suzanne. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

Le 19 février 1943, Auguste reçoit un colis.

« 21.2.43.

 Chers Parents et chère fille.

J’ai reçu votre lettre du 12 j[anvier] qui m’a fait plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Ici, c’est toujours la neige. En ce moment, je fais le skieur à la main de descendre du bois de chauffage de la montagne. Bien des compliments à toute la famille et amis. Embrassez bien ma fille. Auguste »

« Le 28.2.43.

Chers Parents et chère fille.

Je réponds [à] votre [lettre] du 22 j[anvier] qui m’a fait plaisir de vous savoir tous en bonne santé, à part que père a mal aux mains, vraiment il n’a pas de chance, sa figure va mieux, maintenant c’est autre chose, mais ce n’est pas si souffrant que sa figure, pour traire ça doit lui faire mal. Vous me parlez de François [Achin], vous ne me dites pas avec qui il s’est remarié, c’est peut-être une femme que je ne connais pas. Je vois [que] la famille de mon frère se porte bien maintenant, je suis content pour lui, car s’il l’a su il a du se faire du mauvais sang. Espérons que ça diminue maintenant, que nous serons bientôt tous réunis, ce sera un beau jour que celui-là. Edmond est venu vous voir, il est bien habitué dans sa cure et tante Adèle elle doit souvent [être] avec lui surtout que Jules va mieux. Et chez Parrain, comment ça va ? Paul n’est pas encore fiancé, mais dis-lui que s’il a envie de se marier qu’il attende que les prisonniers soient rentrés. Faites bien des compliments à Berthe pour Edmond ainsi que chez Carneau. Louis c’est toujours la même chose. Je vois ma petite fille, père la gâte un peu. Embrassez-la bien pour moi. Compliments à tous. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Le 7.3.43.

Chers Parents et chère fille.

Aujourd’hui je suis content, j’ai reçu des nouvelles, votre carte du 4 et la lettre du 12 qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé, surtout pour père. Vous me dites que vous m’avez envoyé le tricot, je ne l’ai pas encore reçu, j’espère le recevoir la semaine prochaine. En ce moment, vous devez avoir du travail avec le jardin. Ici, c’est toujours la même chose la neige commence à partir. On ne peut plus aller avec les traîneaux, ça ne glisse plus. A part ça tout va bien. Je vais vous envoyer deux étiquettes mais je voudrais que vous pourrez voir Abel Dron pour du tabac. Ça me ferait grand plaisir, je ne peux pas lui écrire car je n’ai pas beaucoup de papier. Je vois que votre travail avance et Baptiste qui vous aide pour tailler. Mametz est venu à la messe d’oncle Placide. Faites bien des compliments à toute la famille et amis. Anne-Marie va toujours à l’école, aussi diable. Embrassez-la bien pour moi. N’oubliez pas de faire des compliments à Edmond et il [ne] faut pas qu’il fasse du cafard car ce sera [pire]. Louis c’est toujours la même chose. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Esqu[erchin] le 10 Mars 42.

 Mon cher fils.

 J’ai [reçu] une lettre du 30 J[anvier ], cela m’a fait grand plaisir de te savoir en bonne santé. Nous ici c’est toujours la même chose, père est toujours bien à part que ses mains ne guérissent pas trop vite mais j’aime mieux cela que sa figure [phrase incomplète]. Chez David tout va bien, il a écrit. Cette semaine il travaille dans les bois pour la ferme où il est. Ici, on a fini les avoines et on a semé l’orge pour te dire qu’il fait beau. Le jardin est presque fini de finir [sic]. Il y a encore quelques arbres à tailler mais il gèle du matin, alors Baptiste les finira quand il fera bon. J’ai arrangé les tulipes et je crois que cette année nous aurons du cresson pour vendre un peu. Peu de nouvelles du village, le garde a perdu sa fille de 22 ans qui restait à Douai et Willem a été tué à la mine hier après-midi. Je crois t’avoir dit qu’Ida Audenant est venue se marier à Flers avec des parents chez [Barvé] alors de temps en temps elle vient nous voir. Les maris d’Ida et d’Andréa sont rentrés. Ici, plusieurs sont partis te rejoindre, c’est bien triste, de voir tout cela me donne le cafard. Espérons que Dieu nous viendra en aide et que bientôt nous serons ensemble car tout va bien. J’arrête car je vais faire écrire la petite. Un gros baiser de toute la famille et des amis ton père mère fille L J A Mouy ». Dans le bas de la lettre, Anne-Marie a écrit quelques mots : « papa je t’aime et j’attends [sic] ton retour bon baiser mon papa Anne Marie Mouy »

« Le 11.3.43.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée avec du mauvais temps, la neige, de la pluie ce n’est pas agréable du temps pareil. Heureusement que je suis toujours dans mon étable, nous avons le menuisier toute la semaine. Et vous j’espère que tout va bien, je n’ai pas encore reçu de nouvelles. Je vais encore vous redemandez les certificats de décès de ma femme et de vie de ma fille et comme soutien de famille et que père ne peut plus travailler beaucoup et comme quoi je suis cultivateur car je vois beaucoup de camarades qui retournent et que leur cas est moins que le mien. Ce matin, j’ai été à la messe. Dimanche prochain, j’irai encore car c’est le dimanche pour les morts, de tristes souvenirs pour moi. J’ai été dîner avec le camarade de Bucquoy. A part ça, tout va bien. Faites bien des compliments à toute la famille, ainsi qu’à tous les amis, surtout aux copains qui sont comme moi. J’ai envoyé une carte à David mais je ne sais pas, son commando n’a pas de lettres car vous ne me pas marquez [sic]. Embrassez ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« La quête impérieuse de denrées alimentaires enrichit le marché noir surtout pour la viande, les laitages et les céréales de première nécessité. Les exploitations agricoles doivent répondre aux quotas de livraison. Toujours supérieurs à leurs capacités de production. Ces exigences conduisent chaque famille paysanne à se préoccuper d’abord de sa propre subsistance. Il est risqué d’avoir au fond d’une prairie deux ou trois vaches non déclarées ou bien à la ferme un cochon anonyme car le « contrevenant » s’expose au dépeçage nocturne du bétail illicite ou à des poursuites pénales de la gendarmerie et des délégués de Vichy à la production agricole. Cependant, beaucoup acceptent de fournir de la nourriture ou du travail aux résistants ou réfractaires recherchés. Seuls quelques gros exploitants tirent avantage de la situation et amassent des billets de 5.000 francs dans une lessiveuse[16] »

« Le 19 mars 43.

 Cher fils.

J’ai une carte du 7 F[évrier], cela nous a fait plaisir. Je vois que tu as reçu ton colis. Je te refais un aujourd’hui du comité. Tu dis que ton camarade est revenu. César ne compte plus et André C non plus. A côté de cela, il y en a qui reviennent qui ont pas droit. Tout le monde en bonne santé dans la famille. On a fini de battre à la batteuse. Ici, Melle Bernadette est morte après une longue maladie, on l’a met avec Jeanne. Bon baiser de tous de la petite père mère fille L J A Mouy »

« Le 21.3.43.

Chers Parents et chère fille.

Je viens à l’instant de recevoir 2 colis avec le tricot et l’autre avec la boîte de confitures dedans qui m’a fait grand plaisir. Surtout ne vous privez pas pour m’envoyer. J’ai reçu aussi des nouvelles, une lettre du 19 S[eptembre] et l’autre du 3 M[ars]. Celle que père m’a écrit je vois qui n’a pas fait trop froid, ce n’est pas la même chose qu’ici, mais il n’a pas fait si froid que l’année dernière. J’espère bien que c’est le dernier hiver car perché à 800 mètres d’altitude, il fait plus froid que chez nous. Je vois vous autres vous avez fini vos travaux. Ici, on [n’] a pas encore commencé à labourer mais il en a pas beaucoup, une semaine c’est fini. Cette semaine, nous avons scié du bois, demain je dois labourer pour l’avoine. Florimond a été chez Cardon. Priez bien le bonjour. Espérons bientôt de pouvoir boire une bonne pinte. Et Parrain Manuel c’est toujours la même chose aussi bien des compliments. Je vois que ma petite fille fait des progrès à l’école, embrassez-la bien pour moi. Bien des compliments à tous les amis. Remerciez pour moi pour tous les petits paquets qu’on me donne. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Esquerchin le 26.3.43.

Ta mère n’a pas le temps de t’écrire. Ici ça va pour le mieux. Anne-Marie a été vaccinée à l’épaule contre la diphtérie. Melle Bernadette est morte et enterrée. Nous avons battu à la batteuse, c’est une corvée, y a plus de gasoil, il bat au charbon, chose qui est rare. Cette année, c’est pas grand-chose, espérons que la récolte prochaine ça sera mieux. Ça promet bien, mais pas d’engrais. On en touche mais au compte-gouttes. Enfin, ça ira mieux plus tard. On est obligé de déclarer toute la récolte, le lait, les poules, le tout. Ça ne va pas tout seul, on a fini de semer [l’]avoine on prépare pour les betteraves et pommes de terre, qu’on est obligé de fournir pour le ravitaillement. David a écrit, il se porte bien, il pense pas à la relève non plus, je ne sais pas. Si on en renvoie encore, tous les jeunes gens sont obligés de partir travailler en Allemagne, à part les mineurs et cultivateurs, même les étudiants partent aussi pour le moment. Ma figure va bien, j’ai un peu d’eczéma aux mains, ça me fait souffrir un peu. Ta mère ça va, Anne-Marie aussi mais c’est un diable. Le jeudi, elle me suit à vélo. Jeudi dernier, elle est venue à Frais Marais avec moi. Bonjour de tous les amis. Anne-Marie, ta mère et moi nous t’embrassons bien fort. Ton père Mouy ». Avec un petit ajout en bas de lettre : « Sincères amitiés. Suzanne »

« 28.3.43.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. J’ai encore reçu un colis. Je vous remercie surtout pour le tabac. Remerciez oncle Alcide lui n’oublie pas les fumeurs. Remerciez bien les personnes qui me donnent. Bien des compliments à toute la famille. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« 4.4.43.

Chers Parents et chère fille.

Voilà encore une semaine de passée. Je n’ai pas eu de nouvelles mais j’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Quant à moi, c’est toujours la même chose. Cette semaine, il a neigé une couche de 20 cent. Mais elle n’est pas restée. Embrassez bien ma fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Les P.G. des Kommandos agricoles finissent par être intimement mêlés à la vie de leurs patrons et du village. Par contre dans les grandes fermes les rapports sont différents, en quelque sorte collectifs, maintenant les distances entre les gens. Beaucoup de paysans se montrent bons envers leurs prisonniers. Ils s’intéressent à leur famille et compatissent à leur sort. Ils les font manger à leur table bien que cela soit interdit. Mais d’autres se montrent avares, exigeants voire violents. Tout dépend, en fait, de la particularité de l’individu. Dans la région du IIIA, beaucoup constatent que les relations avec les civils sont cordiales, surtout avec les hommes d’un certain âge, malgré l’apposition d’affiches « Allemand souviens-toi, l’ennemi reste l’ennemi ». Tous ne suivent pas aveuglément le régime nazi [17]»

« Le 18.4.43.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine, j’ai eu des nouvelles, je suis content de vous savoir tous en bonne santé ainsi que chez David et surtout père pour sa figure. Espérons que ça ne lui reviendra plus, le principal c’est la santé. Quant à moi c’est toujours la même chose. Cette semaine j’ai labouré pour les avoines, la neige a tout [de] même disparu. Je suis en train de préparer pour les betteraves mais il en a pas beaucoup. J’espère que vous maintenant ça doit diminuer. Sur votre carte du 19, vous me dites qui en a beaucoup qui rentrent mais la chance c’est toujours pour les mêmes. Comme moi, vous savez j’en ai toujours beaucoup eu, je suis [sûr] de rester jusqu’à la classe malgré que mon cas vaut celui du père de 3 enfants, à part sa santé, le principal. Je vois qui a beaucoup de changements au village. Vous me dites qu’Ida Audenant est mariée à Flers avec qui ?[18] Je vois Jean-B[aptiste] donne un bon coup de main à père pour le jardin. Tout ça ne se perdra pas. Après que vous me referez un colis, mettez du papier à cigarettes. Ici, on [en] a plus, on est obligé de fumer du journal. Bien des compliments à toute la famille. Embrassez bien ma petite fille, je vois qu’elle commence à savoir écrire. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Esquerchin le 28.4.43.

 Mon Cher Fils,

pas de nouvelles. Ta dernière date du 7 mars. La mère te fait un colis. Abel on ne voit pas, je sais qu’il est à court [de] tabac. Fais de ton mieux. On sème betteraves pour finir la semaine prochaine. Par ici, rien de nouveau, il ne rentre plus de prisonniers. Vivement la fin. On ne trouve plus rien. Anne-Marie t’embrasse ainsi que moi et la mère. Mouy »

Pendant les années de captivité de leurs fils, Léon et Juliette n’ont cessé d’entreprendre des démarches auprès des autorités pour les faire revenir, mais en vain.

Auguste entend que des prisonniers sont relevés et rejoignent leur famille. Il insiste encore et encore pour obtenir des certificats du médecin et de la mairie. Certains prisonniers reviennent parce qu’ils sont malades, d’autres on se demande pourquoi et d’autres pourquoi pas.

Le 24 mars 1943, Léon reçoit une réponse de Georges SCAPINI, Ambassadeur de France, services diplomatiques des prisonniers de guerre :

« Monsieur,

Nous avons pris connaissance de la demande de libération formulée en faveur de votre fils.

Nous vous informons que le Gouvernement français ne sollicite des autorités allemandes qu’une fraction du nombre global des libérations envisagées au titre de la relève; il a dû, en conséquence, limiter ses listes de propositions.

Pour les cultivateurs et professions assimilées, celles-ci ne comprennent que les pères d’au moins deux enfants, choisis parmi les orphelins de la guerre 1914-1918 ou dans les classes les plus anciennes (les listes soumises à l’agrément des autorités allemandes sont uniquement basées sur le recensement déjà effectué par les Services Agricoles Départementaux, sans constitution de dossiers individuels du service diplomatique des Prisonniers de Guerre.

Pour les veufs, la libération ne peut être demandée que si l’épouse est décédée depuis le 2 Septembre 1939.

Il convient d’ajouter qu’en dehors des listes établies par le Gouvernement français, les autorités allemandes désignent la majorité des bénéficiaires de la relève.

Il n’est donc pas impossible que, de ce chef, des prisonniers de professions fort diverses ou des cultivateurs ne remplissant pas les conditions indiquées ci-dessus soient également rapatriés.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués »

 

« Cher fils, je suis heureuse d’avoir eu deux lettres du 21 et 24 mars, celle du 14, elle n’est pas arrivée, mais nous l’on est content tout [de] même car tu sais ça semble long, voilà les fêtes de Pâques passées, tu n’es pas encore parmi nous. Nous avons reçu la carte d’Augustine. Nous pensions de la voir aujourd’hui, il fait tellement du mauvais temps qu’elle ne pourra pas venir. Nous avons fini de semer les betteraves, nous sommes obligés de mettre des [œillettes] une sale récolte enfin ils nous font tous vivre. André [Dupret] est rentré, il n’est pas changé. Si tu as reçu le certificat qu’on t’as envoyé est celui qu’on t’a mis dans un colis. J’ai acheté un petit mouton pour A[nne]-M[arie]. Ton frère ne parle jamais si son tour va arriver. César avec 3 enfants est toujours prisonnier aussi, sans doute qui a des préférés aussi. Celui qui est au camp a peut-être plus de chance qu’un autre. Espérons que ça va bientôt finir. Vivement, j’en ai plein le dos. Ton copain de Bucquoy est encore là. On parle que les prisonniers vont avoir 15 jours de perm, c’est un sale truc, vaut mieux pas. Ca va bientôt finir sans doute. Marthe est venue faire un tour. Ta filleule a donné sa photo, on va la mettre dans la lettre, dis si tu l’as reçue. Ici, tout va bien. Anne-Marie est à l’école, il fait calme, elle t’embrasse bien fort ainsi que nous deux. Berthe te prie le bonjour, elle attend le [illisible] avec impatience. Reçois les meilleurs baisers de nous 3 ta fille ton père et ta mère Mouy »

« La presse parisienne titre : « 250.000 Français cessent² d’être prisonniers pour devenir, en Allemagne, des travailleurs libres ». Les prisonniers sont mis en « congé de captivité ». La transformation en travailleur civil est en principe un acte volontaire mais certains subiront des pressions constantes pour forcer leur acceptation. Ce choix pose un véritable cas de conscience pour beaucoup de P.G.

La paix n’est toujours pas signée et les Alliés n’ont pas déposé les armes, l’ennemi est-il toujours l’ennemi si on se met à travailler pour lui ? Beaucoup sont tentés de recouvrer une certaine liberté après tant de mois passés en captivité mais ils perdent le statut de prisonnier de guerre soumis aux règles de détention reconnues par la convention de Genève. Les Allemands espèrent surtout obtenir un meilleur rendement et économiser des gardiens. La guerre leur dévore tous les jours entre 2 et 3 mille hommes. Les transformés restent dans la plupart des cas sur les lieux de travail qu’ils occupent déjà, dans les mêmes conditions que les travailleurs de la Relève et du STO. Ils revêtent des habits civils, qui doivent leur être envoyés de France, et portent une marque distinctive de leur nationalité. L’excuse est que leur famille a souvent besoin de ce salaire. Ils jouissent d’une liberté relative mais « tout commerce avec les femmes allemandes est interdit ». Ils ne dépendent plus de l’armée mais de la police qui leur délivre un « passeport » dès la transformation. Le transformé reste un militaire et un captif jusqu’à la libération définitive (art. 1 de la nouvelle carte titre). Si sa « laisse » est un peu plus longue par contre il perd la considération, l’amitié et la solidarité de ses camarades prisonniers. Malgré cela, il y aura 210.000 volontaires parmi les « prisonniers-soldats » pour se convertir en « prisonniers-civils » auto-gardés[19] »  

« Le 16.5.43.

Chers Parents et chère fille.

 Je réponds à votre lettre du 10 A[vril] qui m’a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé ainsi que toute la famille. J’ai reçu le colis que vous me dites, jusque maintenant j’ai toujours bien reçu. Remerciez bien Melle Suzanne pour ses paquets de cigarettes qu’elle me donne, vous lui direz que je lui payerai tout après que je suis rentré. Espérons que ça approche, on pourra un peu refaire la lutte. Remerciez bien aussi tous ceux qui me donnent pour mes colis surtout Henriette et Alice. Que fait-elle en ce moment ? J’espère que Fernand et sa femme ainsi que père Alexandre viennent toujours de bon cœur à la maison. Il y a encore du lapin dans les meules dans les bois. Voilà bientôt 4 ans que j’ai pas mangé à part on mange du chat, ce n’est pas mauvais quand il est bien cuit. Chez Edmond sa mère est toujours la même chose. Quant à Berthe c’est toujours la même, qu’elle se console, son petit mari rentrera. Je sais bien pour elle, ça n’est pas gai toute seule, mais faut se renseigner. Et Raymond Hulot qu’est-ce qu’il devient ? Faites bien des compliments à toute la famille. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste »

« Cher Auguste.

J’ai été voir vos Parents vendredi dernier. J’ai reçu 2 cartes de vous, je suis heureuse de vous savoir en bonne santé. Quant à moi, je me porte bien. Mon cher Auguste, vous me demandez ma photo, je vais la faire faire aussitôt que je pourrais et je vous l’enverrais. Je ne vous oublie pas. Votre amie qui vous aime beaucoup et vous embrasse tendrement de loin. Augustine »

« 23.5.43.

Chers Parents et chère fille.

Cette semaine j’ai pas reçu de nouvelles mais j’ai reçu un colis qui avait l’andouille dedans, je vous en remercie. J’espère que vous êtes toujours en bonne santé. Quant à moi c’est la même chose. Bien des compliments à toute la famille et amis. Embrassez bien ma petite fille pour moi. Je vous embrasse tous. Auguste ». Cette carte a été envoyée, elle n’a pas de réponse, le talon réservé aux proches parents n’est pas complété. Cela signifie que lorsque la lettre arrivera en juin, Léon et Juliette savent qu’Auguste est libéré.

« Le 25 Mai 43.

Cher fils.

J’ai reçu ta lettre du 18 Avril, presque l’anniversaire que tu nous a quittés il y a 3 ans. Dieu que c’est triste de te savoir loin de nous et David voilà 3 ans le 27 Mai qu’il est reparti. Tu sais cela est bien dur pour nous et surtout que père est encore repris de sa figure. Augustine est venue nous voir deux fois vendredi. Il a fallu lui donner une longue lettre pour t’écrire et elle a apporté un pantalon. Je te l’enverrai dans le premier colis que je vais te faire. Elle a [illisible] d’être une bonne fille. Je te mettrai du papier, tu aurais dû en demander plus vite, ton frère a écrit et tout chez lui va bien. Benoît avait conduit son cheval mais n’a pas été pris, pas un d’Esquerchin n’a été pris. Berthe a été contente, aussi espère que cela va bientôt finir. Ici, c’est toujours la même chose. Mon oncle Edmond est bien malade. J’ai été le voir hier soir. Pour le travail, tout va, les blés, avoines, betteraves tout est beau. Les betteraves sont à moitié placées et voilà les blés. Fini d’ôtez les cardons, le jardin est beau mais il n’aura pas beaucoup [illisible]. Florimond et Parrain vont dans les champs et tout va à moitié. Anne-Marie t’envoie une pensée et tous les amis te prie bien bonjour. Un gros baiser de toute la famille qui pense à toi. Gros baiser ton père mère fille L J A Mouy »

« Le 5.6.43.

Cher Fils.

Reçu de tes nouvelles hier. Expédié un colis avec pantalon, des cahiers dans une poche. J’ai acheté une vache 14.500 reçu un mandat de toi 1.300, faut pas te priver. On fait les foins, il pleut, c’est ennuyeux. Me Drouvin va mourir. Les betteraves c’est presque fini. Y a plus de prisonniers qui reviennent. A quand la fin. Anne-Marie ta mère et moi nous t’embrassons bien fort. Mouy »

LA RELEVE

Le 1er juin 1943, Auguste est autorisé à travailler à Esquerchin sous les conditions suivantes :

        Il reste prisonnier allemand jusqu’à sa libération définitive et se trouve soumis aux lois militaires allemandes.

        Il doit s’abstenir de toute attitude hostile au Reich allemand et à ses Alliés, surtout dirigée contre la force allemande. Il n’est pas autorisé ni d’avoir ni de se procurer soit des armes soit des explosifs.

        Il doit se présenter personnellement et sans retard à l’autorité militaire lui désignée par le Frontstalag en présentant un document à « toujours porter sur soi », appelé « Bescheinizung », doit répéter cette présentation régulièrement suivant les instructions de cette autorité et se faire confirmer sur ledit document.

        Il doit accepter tout travail lui désigné, ne doit pas changer d’emploi sans autorisation de l’autorité militaire et ne pas quitter son lieu de domicile sans en avoir obtenu la permission d’avance.

        Il est soumis aux ordres et instructions du Chef du Haut Commandement allemand en France-Paris.



Le 10 juin 1943, Auguste passe une visite médicale de triage lors de son arrivée à Compiègne, après avoir été douché. En retour, il perçoit une tenue complète, une avance de 1.000 francs, 2 journées de tickets d’alimentation et un paquet de tabac.


Le 11 juin 1943, Auguste obtient sa fiche de démobilisation de la gendarmerie de Douai. Il avait été appelé sous les drapeaux le 8 septembre 1939. Le 13 août 1943, il reçoit la somme de 390 francs au titre de l’Indemnité forfaitaire et celle de 1.964 francs pour solde.

LIVRET REMIS AUX RAPATRIES AVANT LEUR RETOUR EN FRANCE











Fiche d’identité et de transport pour le rapatriement d’Auguste qui est mis en congé de captivité.



Auguste reçoit une lettre d’un de ses camarades prisonniers du camp A 641 L. Elle est datée du 16 juillet 1943.

 

« Mon cher Auguste.

Aujourd’hui Samedi, je prends du repos toute la journée pour rattraper mes heures supplémentaires de la semaine. Car il a fait beau alors tu penses comme pine d’ours à rattraper le temps perdu [sic]. Nous sommes tous en bonne santé et j’espère que ma lettre te trouvera de même à son arrivée. Comme tu as dû trouver du changement en France. Et chez toi tout le monde est-il en bonne santé ? Nous avons eu la visite de deux officiers prisonniers français passés maintenant comme civils. Ils font partie de la mission Scapini. Je te joins une photo du groupe. Je t’enverrai la tienne dans 15 jours car il faut les faire développer à Vienne. Nous sommes tous bien. Le polonais est reparti au Stalag pour une opération à l’estomac, et la polonaise elle à Ste Martine. On était pété. Nous avons sa remplaçante qui n’a pas froid aux yeux. Bien le bonjour de tous les copains. Marcel a eu une prise avec le Canadien, les [palonniers] volaient bas dans la cour. Envoie-nous des nouvelles sur la situation, surtout pour la classe et où s’adresser pour passer civil. Nous sommes augmentés de soi-disant de 25 RF par jour. Je compte sur toi mon cher Auguste pour défendre le sort des Prisonniers qui attendent l’heure du départ. Mais hélas, combien de mois ou d’années. Malheureusement je te quitte en te serrant une cordiale poignée de main de la part de tous. Tous pour le Maréchal. Beuley Marceaux »



Auguste et le jeune Jean-Marie LAUNGBIEN. Les photos de la moisson datent du 30 juillet 1943..

David reste prisonnier au Kommando 470 au Stalag VIIIA.

« Le 17 février, un texte du gouvernement mobilise les classes 40,41 et 42 pour les envoyer au Service du Travail Obligatoire. Les jeunes nés entre le 1.1.1920 et le 31.12.1922 doivent être recensés, passer la visite médicale, être incorporés comme pour un service militaire de deux ans et travailler en Allemagne ou s’engager dans la L.V.F. Les mineurs de fond, les policiers, les cheminots et les cultivateurs peuvent bénéficier d’une dispense. Seuls 170.000 jeunes du premier contingent partiront sur les 250.000 demandés. Le STO concernera plus d’un million et demi de personnes mais un nombre élevé de réfractaires se cacheront ou entreront dans la résistance malgré l’ordonnance du 22.08.42 prévoyant la déportation dans un camp d’internement en Allemagne des réfractaires et la loi du 4.09.42 menaçant de 5 ans d’emprisonnement. Avec la relève et le STO, 723.162 travailleurs seront déplacés, en grande majorité de force, dans les usines outre-Rhin. Les prisonniers indispensables dans leur emploi n’auront aucune chance de figurer sur des listes du retour et il n’y aura que 111.000 prisonniers et malades rapatriés. Les Belges nés en 1922, 23 et 24 vont également être enrôlés pour un travail obligatoire[20] »

Le 25 juillet 1943, une demande d’allocation de l’indemnité forfaitaire est introduite au Secrétariat d’Etat à la guerre. On y lit qu’Auguste a été capturé le 21 juin 1940 à Pont-sur la Madon (Vosges) et qu’il a été libéré le 11 juin 1943 du Stalag XVIII A Kommando 641 L.

Dans un document daté du 30 décembre 1947, relatif à la concession d’une pension d’ascendant, il est indiqué dans la rubrique « circonstances du décès de la victime civile » : « Blessure reçue le 3 Septembre 1944 par balles d’avion ».

 

Dans la lettre accordant une indemnité d’orphelin à Anne-Marie, dans la rubrique « circonstances du décès », il est indiqué erronément : « Blessure reçue le 3 septembre 1946 [alors que c’est en 1944] par bombardement PJ Rapport Commissaire de police »


Auguste s’est présenté la première fois le 9 août 1943.

Il dormira dans l’écurie avec son père Léon dans et Juliette avec Anne-Marie. Auguste répondait régulièrement à l’appel des Allemands basés à Douai. A chacune de ses présentations, une attestation était complétée par la date de la suivante.

Entre deux appels, il faisait des voyages avec les chevaux et un chariot pour approvisionner un camp allemand à Quiéry la Motte.

« Fin 43, la ration moyenne du Français tombe à 1.000 calories par jour. La production agricole est d’un tiers inférieure à celle de 1939. Partout, sauf dans les zones rurales, la tragédie du ravitaillement y est quotidienne.

L’Allemagne aussi doit imposer des restrictions et essaie d’y parer avec de nombreux ersatz : pain de son mêlé de diverses farines, boudin au contenu indéfinissable mais dépourvu de sang, margarine semblable à la graisse de chaussures, marmelade étrange, du thé fait de décoction d’herbes ou de branchages. Les pommes de terre sont remplacées par des rutabagas, on sert des feuilles de betteraves à sucre à la place des épinards… Quand ? Au Stalag III A, la boule de pain qui était donnée pour 3 prisonniers, est désormais distribuée pour 5. Le camp est plein, il y a tellement de monde que le café se termine quand la soupe de midi commence[21] »


Dans les documents d’Auguste, Anne-Marie a retrouvé une lettre écrite de la main de sa maman Juliette, en était-elle l’auteur ou avait-elle recopié ces phrases sous la forme d’une prière à DE GAULLE :

« Notre De Gaule qui êtes au feu,

Que votre nom soit glorifié,

Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans les airs,

Donnez-leur aujourd’hui leur bain quotidien,

Donnez-nous l’offensive comme vous l’on donné ceux que vous devez enfoncer, Et ne nous laissez pas sans leur domination,

Mais délivrez-nous des Boches,

Ainsi soit-il.

 

Je vous salue De Gaule

Plein d’audace,

La victoire est avec nous,

Vous êtes béni entre tous les Français,

Et la France libre, le fruit de vos efforts est béni,

Mon cher De Gaule,

Chef des Français,

Guérissez-nous des Doryphores,

Maintenant et pour toujours,

Ainsi soit-il »

En 1944, Auguste est pris en photo avec son filleul Roland KLEIN en tenue de communiant.



Il ne se doute pas encore de ce qui se trame.

« 22 août. En Italie, Florence est libérée. Le Corps expéditionnaire français est relayé par les Américains en Toscane. Grenoble est libérée. Jodl déclare au Reichsführer que les travaux de fortification décidés fin juillet sur la Somme, la Marne et la Saône sont loin d’être réalisés. Hitler charge alors le Feldmarschall Model de superviser la réalisation des défenses.

L’avance des alliés prend des allures d’une poursuite. Les dépôts se trouvent de plus en plus éloignés du front et le ravitaillement en carburant devient crucial. Le seul XIIe groupe d’Armées US a des besoins quotidiens qui se montent à 3.600.000 litres alors qu’il ne lui en arrive que 1.400.000 litres des ports de Normandie. Les routes sont encombrées, le réseau ferré endommagé et seul le port de Cherbourg est libéré mais dans quel état !

Les communistes passent à l’action directe afin de précéder de Gaulle : « Qui tient Paris, tient la France », et déclenchent la révolte de Paris. Le général, qui vient d’être reconnu par le président Roosevelt et le gouvernement des USA, insiste auprès d’Eisenhower pour que l’armée alliée entre dans la capitale pour asseoir son pouvoir. Car il sait qu’il est contesté par le parti communiste, les syndicats et les partis politiques renaissants. Il cède pour éviter un noyau insurrectionnel au milieu des lignes tout en sachant que cela va prélever chaque jour 4.000 tonnes de ravitaillement de la logistique américaine[22] »

LA FUITE DES ALLEMANDS

Probablement à l’adresse de Léon, Juliette a griffonné quelques mots sur un morceau de papier : « Auguste a partit pour les Allemands le 23 août 1944 ».


Ce jour-là, les Allemands quittent Esquerchin. Auguste est réquisitionné avec plusieurs agriculteurs pour conduire les soldats et leur matériel en Belgique. C’est la débâcle, les Anglais les talonnent.

Vers la fin du mois d’août, le convoi arrive à Thines et se gare derrière le cimetière. Là, les Allemands récupèrent une partie du matériel et abandonnent le convoi et les Français réquisitionnés à leur sort. Les habitants se partageront cette manne inespérée (dont de petits cochons que les Allemands avaient emportés). Onze fermiers français sont présents à Thines. Deux d’entre-eux vont trouver refuge chez Jean-Baptiste VALLONS, deux autres chez Gaston CLEMENT, Auguste MOUY et un camarade au « vieux moulin »[23].


C’est sur cet attelage qu’Auguste quitte Esquerchin le 23 août 1944 pour se rendre à Thines

Durant la nuit, on frappe à la porte de la ferme CASTIAUX[24]. Cécile HOMEZ est la première à atteindre le rez-de–chaussée. Elle entend la voix d’un homme « Nous sommes Français ». Lorsqu’elle ouvre la porte, elle aperçoit les cinq derniers fermiers français qui n’avaient pas trouver où se loger. Elle leur offre le gîte et le couvert le temps nécessaire.

« Mardi 29 août. Les Allemands réquisitionnent dans plusieurs villages de quoi transporter leur matériel en Belgique. A Maroilles, la mairie désigne trois fermiers ayant des tombereaux. L’un d’eux est Pierre Burlion, 46 ans. Sur le chemin du retour, leur colonne sera mitraillée par des avions américains, entre Charleroi et Beaumont, le 3 septembre, et Pierre Burton succombera, touché par une balle à l’artère fémorale[25] »

LA MORT D’AUGUSTE

Le dimanche 3 septembre, Auguste MOUY et son camarade sont mis dehors du « vieux moulin » par les propriétaires soi-disant pour faire place aux Allemands. Auguste est en colère, il décide de retourner en France et convainc plusieurs de ses compagnons de l’accompagner.

Il participe encore à la messe de 10 heures. Olga CASTIAUX se rappelle qu’il avait une très belle voix et avait chanté durant tout l’office.

Un peu avant la fin de la messe, vers 11 heures, quelqu’un s’est approché du curé et lui a demandé que les fidèles se séparent car les Allemands allaient faire sauter deux chars dans le village afin que ceux-ci ne tombent pas entre les mains des Français.


Un char se trouvait devant cet arbre situé rue du village, à droite en descendant vers l’église

Cécile HOMEZ qui était occupée à cuire des pains au four tente en vain de retenir Auguste et ses compagnons et elle leur propose même de rester chez elle le temps que ça se calme et de les nourrir. Cependant, Auguste ne veut rien entendre. Comme personne ne peut le faire changer d’avis, Cécile leur remet de quoi subsister durant le voyage. Après avoir attelé les chevaux au chariot, Auguste se fait expliquer la route par Ernest HARTEMBERG, via de petits chemins.



Bois DUVIVIER surplombant la ferme DEPUYDT

Finalement, les Allemands n’auront pas le temps de détruire les chars. Vers 13h30, l’aviation alliée passe à l’attaque. Ça tire de tous les côtés. En face de la ferme CASTIAUX, l’arrière de l’actuel parking, situé à gauche du n° 3 de la rue du Culot, était bordé d’une haie derrière laquelle se cachait une mitrailleuse allemande. L’aviation plongeait en piqué et mitraillait les lieux.

Olga et ses parents s’étaient réfugiés dans une cave, accompagnés par les cinq fermiers français qu’ils hébergeaient.

Le soupirail de la cave n’était pas fermé et une balle avait ricoché et était tombée dans la cave aux pieds d’un des Français.

A la chaussée de Wavre, l’aviation bombarde les convois, une centaine de chevaux sont tués, à hauteur du terrain de Gaston Clément[26].

Gilbert DEPUYDT se souvient que le 3 septembre 1944, sa famille s’était cachée avec les chevaux durant toute la journée dans le petit bois DUVIVIER pour ne pas que les Allemands les réquisitionnent.



Gilbert DEPUYDT indique l’endroit où ont été mitraillés les chariots français, au bout du chemin à droite

« Vers 18 ou 19 heures, l’aviation alliée (avions à deux queues) s’est mise à mitrailler les convois allemands à la chaussée de Wavre. La route était jonchée de camions et de tanks éventrés. L’aviation tournoyait à l’Est du champ d’aviation, au-dessus de l’endroit où nous étions cachés. Lorsqu’elle aperçût le convoi formé par les fermiers français, elle se mit à le mitrailler à son tour. On recevait les douilles sur la tête, car ils avaient commencé à mitrailler à notre hauteur. Nous avons assisté à la scène, le conducteur d’un chariot avait été touché. Les fermiers s’étaient réfugiés dans les buissons, l’un d’eux s’est mis à agiter un drap blanc et un drapeau français[27]. Une de nos vaches [le vacher venait juste de mettre les vaches en prairie] et plusieurs chevaux avaient été blessés ou tués.


Restes de munitions ramassés aux alentours du petit bois

Les français sont venus nous demander une masse pour achever les chevaux blessés. Notre vache a été abattue et dépecée dans la grange, puis distribuée à la population de Thines.

Un fermier français avait été tué, il avait été emmené chez nous et installé sur un lit dans le hall d’entrée de notre maison. Je me souviens encore que du sang gouttait du lit.

Dans la soirée, une moto transportant deux Allemands est repassée par la ferme Philippart pour constater le désastre ».


Au bout de ce chemin, le convoi de chariots a tourné à droite, et, passé le pont de la rivière, l’aviation alliée s’est mise à le mitrailler

Selon Gilbert DEPUYDT : « Plusieurs chariots français circulaient, au carrefour de Thines, ils avaient emprunté l’Avenue de Vaillampont. Au bout de celle-ci, à hauteur de notre ferme, ils avaient tourné à droite et passer le pont de la rivière. C’est là où les prairies s’arrêtent qu’ils ont été mitraillés. Un Français avait été touché mortellement à la gorge ».


Auguste MOUY a été tué à gauche de la route, à hauteur de la clôture de la prairie de droite

A l’époque, Gilbert se souvient que la route était bordée tout le long de vieux saules. Aujourd’hui, il n’en subsiste que quelques exemplaires. Il se rappelle aussi que les avions étaient impressionnants, ils avaient deux queues à l’arrière. En fait, c’étaient des avions bimoteurs américains Lockheed P-38 Lightning (qui signifie foudre).

Le cercueil d’Auguste MOUY sera déposé dans le caveau CASTIAUX en attendant son rapatriement.

« Le dimanche 3, l’aviation alliée, attaque à trois reprises, à la mitrailleuse et à la bombe, les convois allemands qui encombrent la chaussée. Le bâtiment de l’école est fortement endommagé. Un français, réquisitionné avec son attelage pour conduire des bagages allemands, est tué près de la ferme de la Brassine[28]. [Il s’agit d’Auguste MOUY qui figure sur la photo en tête de cet article : il est le quatrième debout en commençant par la gauche] [29]»

« […] L’aviation alliée répandait la terreur parmi eux. Nous nous souvenons entre autre d’une attaque, le samedi 2 septembre [1944], dans l’après-midi, d’avions crachant des balles sur le parcours en carrousel faubourg de Namur–route de Genappe et semant une belle panique : soldats se réfugiant en toute hâte dans les abris privés, chevaux en débandade (on dénombra 70 cadavres de chevaux sur les territoires de Nivelles et de Thines) […] [30]»

Le lendemain, 4 septembre, on enterrait Ernest HARTEMBERG qui avait indiqué le chemin à Auguste MOUY pour retourner en France [31].

RAPATRIEMENT DU CORPS D’AUGUSTE

Le 8 septembre 1944, Charles CAUDRELIER membre du Groupe F.F.I. d’Esquerchin est autorisé à se rendre le lendemain au poste frontière d’Halluin avec la camionnette Citroën appartenant au même groupe. Il avait pour mission de se rendre à Thines pour prendre le corps d’Auguste MOUY et le ramener.




Acte de décès d’Auguste MOUY délivré par la commune de Thines


Le 9 septembre 1944, Gaspard LADRIERE acquitte la facture du cercueil pour un montant de 511,50 francs.


Le cercueil sera remplacé par un autre en zinc et plombé pour passer la frontière franco-belge.

Juliette ne pourra pas revoir son fils car le cercueil devra rester scellé.

Un office religieux avait été organisé à Thines et ensuite à Esquerchin. De retour le 9 septembre, la dépouille d’Auguste est installée à la mairie et veillée par des soldats français.

Anne-Marie n’avait que neuf ans. Elle se souvient qu’elle jouait avec sa cousine lorsqu’une dame du village est venue la chercher au café tenu par le grand-père maternel. A son retour à la ferme, elle a découvert ses grands-parents Léon et Juliette en pleurs.

Le 11 septembre 1944, Auguste a été inhumé dans le cimetière d’Esquerchin avec les honneurs militaires. Son nom a été gravé sur le Monument aux Morts d’Esquerchin.


Une croix en granit avait été placée à Thines à l’endroit où Auguste avait été abattu. Lorsque les travaux du ring ont commencé, cette croix a disparu.



L’A.S.B.L. « DU COTE DES CHAMPS » compte bien en replacer une ainsi qu’un panneau didactique expliquant les circonstances de la mort d’Auguste.

ANNE-MARIE, PUPILLE DE LA NATION


Anne-Marie sera adoptée par la Nation au titre de pupille par jugement du Tribunal civil de première instance de Douai le 3 mars 1948.

Le conseil de Famille était composé par :

Du côté paternel :

Léon MOUY, cultivateur, demeurant à Esquerchin, Aïeul

Alcide MOUY, boucher, demeurant à Douai, rue de la Massue, 7, Grand Oncle

Paul MOUY, cultivateur, demeurant à Cuincy les Douai, Grand Oncle

Du côté maternel :

Alexandre MILLEVILLE, entrepreneur de maçonnerie, demeurant à Esquerchin, Aïeul

Fernand MILLEVILLE, ouvrier mineur, demeurant à Esquerchin, Oncle

Alexandre MILLEVILLE fils, ouvrier mineur à Waziers « La clochette », Oncle.

Alexandre MILLEVILLE est subrogé tuteur et Léon MOUY tuteur datif.







BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages et autres écrits

    • LOBEAU (G), Maudite soit la guerre, LG Edition, 2004
    • CHIREL Brabant wallon, Thines 20 septembre 1998, Eglise Sainte Marguerite et Cure, Une paroisse, un village, 1998

Témoignages, informations et photos recueillis

    • DUNEUGARDIN Anne-Marie, photos et courrier d’Auguste MOUY.
    • Gilbert DEPUYDT
    • Olga CASTIAUX

Témoignage Gilbert DEPUYDT

Témoignage Olga CASTIAUX

CHIREL Brabant wallon, THINES 20 septembre 1998 Eglise Sainte Marguerite et Cure. Une paroisse, un village, 1998

 

 

 

 

 

 



[1] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, pp.70 et 74, 2004, LG édition. 

[2] Sœur de Juliette. 

[3] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, pp 81 et 90, 2004, LG édition. 

[4] Il s’agit d’Alice THEDREZ 

[5] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p. 116, 2004, LG édition. 

[6] Maurice Bleuzet, un cousin, a été tué dans son char, il n’a pas connu sa petite fille Mauricette 

[7] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p.162, 2004, LG édition. 

[8] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU p. 162, 2004 LG édition. 

[9] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU p. 204, 2004, LG édition. 

[10] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p. 126, 2004, LG édition. 

[11] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p. 104, 2004, LG édition. 

[12] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU p. 222, 2004, LG édition. 

[13] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU p. 329, 2004, LG édition. 

[14] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p. 253, 2004, LG édition.  

[15] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p. 257, 2004, LG édition.  

[16] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p. 263, 2004, LG édition.  

[17] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p. 272, 2004, LG édition.  

[18] Ida AUDENANTt a épousé Pierre TUABULIN 

[19] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, pp. 275 et 276, 2004, LG édition.  

[20] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, pp 256 et 257, 2004, LG édition.  

[21] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p 319, 2004, LG édition.  

[22] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU, p 409, 2004, LG édition.  

[23] Le « vieux moulin » n’existe plus, il a été détruit en 1971 lors d’un violent orage. Olga Castiaux se souvient que « le gamin qui dormait à l’étage a été réveillé et a eu la présence d’esprit de monter dans la baignoire, et que c’est ainsi qu’il est sorti de la maison ».  

[24] La maison était occupée par l’Etat-major allemand.  

[25] Maudite soit la guerre, Guy LOBEAU p 415, 2004, LG édition.  

[26] Les chevaux seront enterrés dans les trous de bombes à l’endroit où se trouve l’actuel magasin Ixina.  

[27] Quatre ou cinq jours avant le départ du convoi, Marie CASTIAUX avait confectionné un drapeau blanc et un drapeau français pour chaque équipage. Ils avaient été glissé dans un sac puis enterré jusqu’au grand jour.  

[28] Chez DEPUYDT 

[29] CHIREL Brabant wallon, THINES 20 septembre 1998 Eglise Sainte Marguerite et Cure Une paroisse, un village, 1998, p.68 et 73.  

[30] J. COPPENS, Nivelles et la seconde guerre mondiale, Imprimerie QUINOT, Nivelles, 1964, p. 47.  

[31] Ernest HARTEMBERG travaillait chez DURANT (l’actuel manège à Nivelles). Comme il manquait un ouvrier à la ferme CASTIAUX, M. DURANT a accepté de s’en défaire. Ernest provenait de Tubize. Il est resté une quinzaine de jours à s’occuper des vaches et à nettoyer les étables et les écuries. Il portait un chapeau qu’il posait à côté de lui, sur le sol, lorsqu’il était assis. Roger LADRIERE qui adorait faire des blagues ne pouvait s’empêcher de shooter dans le chapeau et de s’écrier à chaque fois « T’as pas vu em chapia ti z’autes ». Après sa mort, personne n’est venu réclamer le corps et jamais sa tombe n’a été fleurie. Il s’agissait probablement d’un enfant abandonné. Les Allemands l’ont abattu après l’avoir surpris à chiper des pantalons.  



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