Maison du Souvenir
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Gérard PAUQUET, alias Robert HANNE Nivelles 1943-1944.
Souvenirs d'un jeune Résistant,
originaire de Baelen-sur-Vesdre et réfractaire à la
Wehrmacht.
En ce début de juin 1943 débarque à Nivelles en gare de l'Est, d'un
convoi venu de Verviers et en partie occupé par des soldats de la Luftwaffe
casernés à Nivelles, Robert HANNE, ouvrier soudeur aux Ateliers métallurgiques.
Il porte un livre discrètement glissé sous le bras. Il se dirige vers une dame
aux cheveux ornés d'un ruban rouge, laquelle lui demande : " C'est le
volume I ? [1]".
C'est ainsi que Gérard PAUQUET, alias
Robert HANNE, jeune Résistant de Baelen-sur-Vesdre et
réfractaire à la Wehrmacht est entré dans la clandestinité à Nivelles. La dame
qui l'a accueilli à la gare de l’Est était Mme DUSSART-ANWAY, l'épouse d'un
Résistant nivellois, Armand DUSSART, instituteur à l'Ecole d'application de
l'Ecole Normale de l'Etat. Gérard PAUQUET est né en 1924 à Baelen-sur-Vesdre, une commune située en territoire belge, mais toute proche de la frontière qui avant 1919 séparait la Belgique de l'Empire allemand. Dès le 10 mai 1940 Gérard fuit l'invasion et gagne, comme des milliers de compatriotes, les Centres de renfort de l'armée belge, mieux connus sous le nom de CRAB, où sont regroupés entre autres les appelés de la classe 1940. Mais vu son âge – il n'a que 16 ans à l'époque – Gérard attendra l'appel sous les armes dans une exploitation agricole de Châtel-de-Nœuvre, localité située au sud de Moulins, dans l'Allier. Au lendemain de la capitulation, Gérard
s'en retourne, le devoir accompli, au pays. Mais quel pays ? A sa descente du
train a Verviers, en juillet 1940, il apprend qu'il ne peut regagner son
domicile car depuis le 18 mai le canton d' Eupen a été annexé au IIIème Reich
et dix autres communes, dont Baelen où il est domicilié,
ont été rattachées administrativement le 29 mai à l'Allemagne. Dans sa commune de Baelen où il a retrouvé ses parents, Gérard entre dès 1940 au Corps Franc Mary-Lou, un mouvement de Résistance qui aide les prisonniers de guerre français échappés de leur stalag a regagner la France. En ces circonstances, il héberge dans le fenil de la ferme paternelle des prisonniers évadés et les pilote ensuite jusqu'au passeur qui leur fera franchir la frontière. Le 6 juin 1943 Gérard devra lui aussi
passer cette même frontière comme réfractaire. Comme d'autres jeunes gens de Baelen-sur-Vesdre qui ont atteint l'âge de 18 ans, il a
reçu l'ordre de rejoindre la Wehrmacht, un ordre auquel il ne veut pas
répondre. Toutefois, la vie à la Belle-Maison n'offrait
pas toujours le calme champêtre que l'on pourrait s'imaginer. En effet, en
cette fin d'occupation, les Allemands perquisitionnent souvent dans les fermes,
toujours de nuit. Aussi ne dort-on que d'un œil ! Gérard occupe la chambre
située juste au-dessus de la porte d'entrée : il est ainsi le premier averti.
Les Allemands recherchent tantôt des parachutistes dont ils ont décelé les
traces, tantôt des aviateurs qu'ils ne retrouvent pas après la chute de leur
avion, ou encore des soldats ukrainiens qui, incorporés de gré ou de force dans
la Wehrmacht, ont par la suite déserté. Aussi Gaston DEHOUX, son hôte, lui confie-t-il, et à lui seul, que, en tant que membre de l'Armée Secrète, il dissimule des armes dans une fosse creusée dans la grange et recouverte de traverses de chemin de fer et de gerbes de paille, des armes qui devront être fournies à l'A.S. le jour où celle-ci recevra de Londres l'ordre d'entrer en action. Car la Libération, chacun y songe en ce mois d'août 1944, on la sent proche. Pour Gérard ce sera certes le retour au foyer paternel, ce sera surtout la fin d'un cauchemar, de la hantise quotidienne d'une arrestation, voire d'une exécution. Cette Libération tant attendue
commencera un dimanche du début de septembre, lorsque Gaston DEHOUX percevra
depuis sa ferme des tirs qui lui semblent provenir de la ville. L'heure
aurait-elle sonné de livrer les armes qu'il dissimule dans sa grange ? Il
s'inquiète de ne pas avoir reçu d'ordre précis, d'autant que la rumeur parle
d'une colonne blindée de la Wehrmacht en retraite faisant route depuis Mons
vers Nivelles[4] et
il décide d'envoyer Gérard auprès de l'abbé GOSSART pour en obtenir les
informations nécessaires. Parti à vélo, Gérard doit s'abriter place Albert I
pour éviter les tirs de L'Armée Blanche
qui postée, croit-il, dans une des tours de la collégiale visait des soldats
allemands. Fin août, début septembre, les Allemands
battent en retraite. Des documents d'époque nous les montrent traversant la
ville avec un charroi des plus hétéroclites. Certains d'entre eux, toujours
armés s'égaillent dans la nature. Qui s'imaginerait en retrouver dans le bois
du Sépulcre, là où les Nivellois viennent chaque printemps cueillir des
jonquilles ? Tels sont dans leur authenticité les
souvenirs qui m'ont été rapportés par Monsieur Gérard PAUQUET. Ce ne sont pas
des faits d'armes mais des gestes courageux empreints d'humanité et qui
honorent celui qui les a poses. Emile WARNY Août 1994
[1] D'autres "volumes", tous originaires de Baelen-sur-Vesdre, étaient prévus. Le second, Louis CORMAN, sera hébergé par Mr LOIX qui exploitait la ferme Rouge Barrette à Grambais ; le troisième " volume ", Octave WINTGENS, n'arrivera jamais : repris par la Gestapo, il sera fusillé comme otage en 1944. [2] Mr l'abbé P. GOSSART était l'aumônier de la 3e Cie Refuge " Panthère " de l'A.S. En plus de son service de renseignements, il venait en aide aux réfractaires. [3] Guillaume MASSENAUX, Baelen-sur-Vesdre, village aux marches de la Francité, 1981, pp. 15, 80, 124. [4] Les restes de 10 divisions allemandes se trouvaient pratiquement encerclées à la suite de l'avance rapide de l'armée américaine dans ce que la B.B.C. appelait "la Poche de Mons", une zone allant de la forêt de Mormal à Mons. [5] Il n'est pas inutile de rappeler les tristes représailles de l'armée allemande à Oradour-sur-Glane et dans le Vercors. |