Maison du Souvenir

Nivelles 1815 - Cérémonie du 14 septembre 2019.

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« NIVELLES 1815 »
CEREMONIE DU 14 SEPTEMBRE 2019



       Le soleil était au rendez-vous ce samedi 14 septembre à Nivelles. Dès 13h30, le bourgmestre Pierre Huart reçoit les nombreux invités à la cérémonie d’hommage aux soldats blessés et décédés à Nivelles en 1815.

       L’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » de Baulers a offert à la ville deux panneaux reprenant la liste détaillée de ces soldats tant français qu’alliés.

       A 14h00, le bourgmestre entame son discours :

       « NIVELLES 1815 », c’est le titre de l’évènement qui nous rassemble aujourd’hui. Mais en quoi notre ville est-elle concernée par les combats de juin 1815 ? A l’époque, Nivelles était occupée par les Anglais et elle n’a pas connu de combats sur son territoire.



       Des documents d’époque non encore exploités dormant aux Archives de l’Etat à Louvain-la-Neuve, attendaient paisiblement le passage de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » de Baulers.

       Ces archives nous révèlent que la ville de Nivelles a joué un grand rôle non pas durant les combats, mais après que ceux-ci aient cessé.

       Le 19 juin 1815, le sous-intendant Berlaimont du Département de la Dyle, s’adresse de Nivelles au maire de Braine l’Alleud, le médecin Pierre-Joseph Panquin et lui donne pour instructions d’envoyer sur-le-champ du monde pour relever les blessés et les mettre au moins à couvert, de les soulager un peu et de les transporter de suite à Nivelles s’il trouve des voitures.





       A partir du 20 juin, Baude, le maire de Nivelles envoie plusieurs brigades sur le champ de bataille de Waterloo afin d’y relever les blessés pour les ramener à Nivelles afin d’y être soignés, ils sont répartis dans les hôpitaux des Récollets, du Saint Sépulchre et de Saint Nicolas. Entre le 20 juin et le 3 juillet, 341 hommes interviennent sur le champ de bataille. Le 23 juin, une autre brigade de 42 hommes est désignée pour enterrer 71 morts au cimetière de Nivelles. Le lendemain, une seconde brigade de 37 hommes enterre 26 morts.



       Nivelles est en première ligne pour recevoir les blessés tant français qu’alliés et elle joue admirablement son rôle grâce à la population.

       Grâce à la collaboration de l’ASBL « ASSOCIATION BELGE NAPOLÉONIENNE » et de Roland DEWEZ, Joël FERY a édité un nouvel ouvrage intitulé « NIVELLES 1815 », il contient de nombreux documents sur Nivelles non encore exploités à ce jour.



       Il y a dressé l’inventaire des soldats blessés et décédés à Nivelles dans les hôpitaux des Récollets, de St-Nicolas ou du St-Sépulchre. Au total, 228 soldats blessés, français, prussiens, hollando-belges, suisses et anglais sont décédés et enterrés à Nivelles.

       L’ASBL a offert à la ville deux magnifiques panneaux reprenant la liste de ces soldats décédés avec leurs noms et prénoms ainsi que leur date de décès. Grâce à la collaboration avec la ville de Nivelles, l'ASBL "DU COTE DES CHAMPS", l'ASBL "ASSOCIATION BELGE NAPOLEONIENNE" et du "SOUVENIR FRANCAIS", ces panneaux ornent le mur d’enceinte du cimetière de Nivelles […] ».




       Monsieur Roger Gigandet, Aumônier des Armées (h), Délégué Général adjoint du Souvenir Français pour la Belgique, représentant l’Ambassade de France, prend la parole à son tour :

       « Un homme est agressé, un homme est blessé, un homme souffre, un homme espère, un homme agonise, un homme meurt… Abandonné, oublié, frappé, laissé pour compte, achevé !

       Combattants des guerres napoléoniennes, aussi des deux guerres mondiales et de toutes les guerres passées et présentes !

       Des larmes, du sang, des sabres, des baïonnettes, des balles, des bombes, des violences, des tragédies… des vies qui rejoignent le monde du silence dans les ténèbres de la mort. Solitude… et désespoir du combattant qui expire !

       Image contemporaine, l’agression s’exprime de multiples manières, non seulement dans les quartiers sordides de nos banlieues ni dans les mégapoles d’aujourd’hui, la violence est présente partout comme si elle faisait partie intégrante du programme de vie de chacun. La violence des actes, celle de la guerre, du corps à corps assassin mais aussi la violence des mots, des paroles, des insultes : calomnie, mensonge, accusations, torture… exécution !

       Nombreux les hommes qui, aujourd’hui, sont comme ces soldats blessés et abandonnés à leur triste sort. Chacun avec sa peur, son angoisse, sa souffrance indicible, chacun attend. Chacun attend une présence, une aide, chacun attend l’autre, frère de camp ou frère-ennemi de bataille…

       Certes, il en fut des médecins, des soignants, des infirmières et également des civils compatissants, des héros qui, jours et nuits, au chevet de ces moribonds ont tenté de soulager, de consoler, d’accompagner jusqu’au dernier souffle ! Il en fut des samaritains essayant de panser les plaies de la barbarie.






       L’homme est là, il gît sur le champ de bataille ; il est là dans le fossé, dans la tranchée, écrasé sous son cheval, membres brisés, amputés, gueule cassée… Il est là aussi sur les trottoirs de nos ville et villages et sur ces radeaux de la désespérance en Méditerranée, entrevoyant le port, comme le mourant aperçoit l’autre rive.

       La retraite de Russie, la défaite de Waterloo sont similaires dans l’horreur à la pérégrination sur les chemins des montagnes frontières… exilés ; pour certains perdus à tout jamais face aux murs de la honte.

       Mais, ô combien de samaritains concernés par le malheur des autres, étrangers capables de regarder et d’approcher la différence, comprenant la détresse de ceux qui n’ont plus la force de crier, pas même de supplier…

       Combien d’hommes et de femmes, dans tous les conflits de par le monde, compatissent, sympathisent, c’est-à-dire, souffrent avec… refusant l’indifférence, émus et engagés. Combien nombreux sont ceux et celles qui s’engagent à supporter l’autres et à veiller sur lui.

       L’horreur de la guerre… la barbarie à visage humain : serait-ce un vieux souvenir ? L’homme serait-il désormais capable de prendre soin de son frère en humanité et non de la dévorer, c’est-à-dire de lui faire la guerre ?

       L’homme a-t-il [sic] encore un état d’âme, une cohérence entre sa pensée et sa pratique ? Tout homme veut le bien pour ses proches, puisse t’il vouloir le bien de son prochain dont le sens dépasse le lien du sang et l’identité territoriale, puisse t’il [sic] être samaritain, gardien de ses frères en humanité.

       C’est bien dans cet esprit de fraternité que nous sommes présents faisant mémoire de tous ceux qui ont été sacrifiés sur l’autel de la raison d’Etat et qui, à l’aube de leur histoire et de leur expérience, en pleine vigueur ont donné leur vie par abnégation et sens du devoir, afin que nous tenions compte des erreurs et de l’absurdité d’hier.





       Œuvrons aujourd’hui, chacun à son niveau, avec ses moyens et ses talents, à maintenir la fragile paix que nous connaissons et à établir une liberté sans frontières, une humanité sereine et libre.

       Pour ceux dont les noms sont gravés dans la matière, afin comme dit Horace « qu’ils ne meurent pas tout entier » nous nous souvenons. « A eux l’immortalité » et « A nous le souvenir », c’est bien la juste devise du Souvenir Français.

       Joël FERY, président de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » et délégué local du Souvenir Français pour la région de Nivelles demande à Monsieur Flahaut, ministre d’Etat, de bien vouloir prendre la parole.

       « […] En réfléchissant à ce que vous venez de prononcer comme discours, ce texte remarquable, je regrette de ne pas pouvoir rester avec vous plus longtemps pour approfondir cette réflexion que vous venez de nous livrer de façon très vraie et combien d’actualité.

       En effet, aujourd’hui où l’Europe se construit ou se déconstruit, aujourd’hui où cette Europe se cherche où malheureusement elle donne l’image d’une entité désunie, désordonnée, chaotique, où elle retrouve quelquefois une forme d’unité, mais malheureusement une unité pour rejeter les autres.

       Alors à quoi ont servi tous ces sacrifices de celles et ceux qui d’ici ou venus d’ailleurs quelquefois de très loin, à quoi a servi tous ces sacrifices dans des guerres que l’on considère toujours comme inutiles. A quoi cela a-t-il servi ?

       Nous évoluons dans une Europe et dans un monde où certains responsables politiques au plus haut niveau des plus grandes puissances sont en train de gérer par la brutalité et au-travers de tweed en provoquant l’incertitude, l’angoisse et en pénalisant les populations les plus défavorisées, parce que les guerres c’est ça.



       N’a-t-on pas dit un jour que les guerres c’étaient des gens qui ne se connaissaient pas qui s’affrontaient selon la volonté de gens qui se connaissent. Alors il y a lieu d’être inquiet, mais pour être inquiet et réagir correctement, il faut incontestablement connaître l’histoire.

       Certes, après chaque guerre on dit « Plus jamais ça », et puis quelques années après ça recommence, et ça recommence de plus belle avec des moyens de plus en plus sophistiqués. Au moment où je vous parle, le monde n’a jamais été aussi armé qu’aujourd’hui. La Chine réarme, les Etats-Unis réarment, les grandes puissances, la Russie réarment.






       Les conflits sont en veilleuse et les conflits en cours on les oublie lorsque les caméras de télévision ont cessé de les produire sur nos écrans. Et donc il y a un devoir de citoyenneté important à mener dès le plus jeune âge dans nos écoles pour faire en sorte de comprendre le monde dans lequel nous évoluons, de comprendre aussi les institutions et surtout de faire comprendre que la démocratie si elle est complexe elle est sans doute la plus belle et la plus fragile des choses, et que nous sommes toujours à quelques minutes ou à quelques instants d’une rupture et d’une retombée dans les catastrophes que nous avons connues.

       Je ne fais pas ça par pessimisme, on ne fait pas le métier que l’on fait au niveau local ou ailleurs si on est pessimiste. On fait ce métier par ce qu’on est optimiste et que l’on croit en l’homme, la femme, que l’on croit en l’être humain, à un sursaut d’intelligence et de raison pour éviter de tomber dans ces folies meurtrières que nous avons connues dans le passé. Et pour ça je crois qu’il faut remarquer le travail considérable qui est mené au niveau de la ville de Nivelles et des associations patriotiques et des responsables pour travailler la Mémoire, travailler la Mémoire de 14-18, de 40-45, mais aussi finalement de veiller à ce qu’on n’oublie rien de ce qui s’est passé sur notre territoire, ici et le territoire du Brabant wallon.

       Et là, je crois qu’on ne remerciera jamais assez et les associations, ni Joël Fery qui a pris son bâton de pèlerin, je serai tenté de dire de cimetière en cimetière, parce qu’après avoir fait renaître les tombes françaises dans le cimetière de Baulers, c’est ici aujourd’hui qu’il se produit, et je ne sais pas comment il fait ni quand il dort, mais la production manuscrite qu’il a est tout simplement remarquable, remarquable par la précision du détail, le sérieux scientifique qui est d’ailleurs reconnu, et je crois qu’effectivement il faut le féliciter, le remercier, l’encourager à poursuivre et surtout avec l’association, l’aider à poursuivre ce travail de Mémoire qu’il a mené, parce qu’aujourd’hui, en signalant qu’il y a des soldats venus d’ailleurs qui sont venus mourir chez nous en d’autres guerres aussi.

       Il fait une œuvre de mémoire sérieuse que nous devons étudier et pour mieux connaître notre histoire, mais surtout faire en sorte que ça ne se reproduise plus, et faire en sorte qu’en nous connaissant mieux, en connaissant mieux les autres, en se souvenant que des gens venus de très loin, comme aujourd’hui des gens viennent de très loin, quelquefois pour nous aider, pour travailler aussi, nous avons un besoin, nous avons un devoir d’accueil plutôt que d’un devoir de rejet, parce qu’une société ne se construit pas dans le rejet de l’autre d’où qu’il vienne. Je vous remercie de votre attention et encore toutes mes félicitations ».






       Juste avant la dépose des gerbes, les panneaux sont dévoilés, ensuite, les hymnes nationaux français, hollandais, anglais et allemand sont joués. La police a bloqué une bande de circulation et tous les participants se retrouvent en partie sur le trottoir, en partie sur la route pour rendre hommage aux soldats tant alliés que français décédés à Nivelles en 1815.

       Quand retentit le canon commandé par Jean-Luc MONCLUS et ses soldats du 2ème Régiment d’Artillerie à pied, 7ème Cie, commandé, c’est le signal que tout le monde peut rejoindre sa place.

       Les porte-drapeaux de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » de Baulers ouvrent le cortège, suivi par un groupe de tambours et fifre[1], de plusieurs généraux et officiers accompagnés de dames, du groupe de l’Ambulance, des Autorités et du public.

       Le cortège s’arrête à la sortie du cimetière où Frank Grognet prend la parole ; il explique la façon dont les morts ont été enterrés à Nivelles.

       Contrairement à Waterloo, des tombes individuelles ont été creusées de même qu’une cinquantaine de petits trous pour y enfouir une cinquantaine de morceaux de viande contaminée (membres amputés).

       A Nivelles, il n’y a eu ni de fosses communes ni brasiers, contrairement à Waterloo où il faut creuser des fosses et y enfuir les corps, ils sont recouverts de chaux vive et d’une butte de terre.

       Des paysans étaient payés 60 centimes par tête pour ratisser la plaine avec deux chevaux de labour munis de cordes avec des crochets, tirant morts et vivants vers la fosse commune ou le bûcher.











       Des bûchers brûlent pendant plus d’une semaine. En juillet, c’est la canicule, les buttes de terre se crevassent et les cadavres réapparaissent en dégageant une puanteur fétide. Le 10 août, il faut à nouveau allumer les bûchers.

       A la sortie du cimetière, le cortège se met en place et encadré par la police, se déplace vers les Récollets, vers la place du Souvenir[2].

       Frank GROGNET intervient à nouveau et parle de l’affluence des blessés français des Quatre-Bras. Le service de Santé étant bloqué à Ligny, Napoléon ne se préoccupe des soldats français blessés aux Quatre-Bras et les laisse à leur sort. Le 17 juin, les premiers convois amènent un millier de soldats français.

       En plus de l’église des Récollets, les autres bâtiments du couvent sont transformés en ambulance.

       Ensuite, Frank parle du sort réservé aux blessés français et alliés à Waterloo.

       Le 18 juin, non satisfaits de la victoire, sur les chemins proches du champ de bataille, les cavaliers prussiens tuent les blessés français à coup de sabres, tandis que les détrousseurs de morts les achèvent pour leur voler leur uniforme et les objets de valeur qu’ils portent.

       Du 20 juin au 3 juillet, Baude, le maire de Nivelles envoie des brigades sur le champ de bataille de Waterloo pour y relever les blessés et les évacuer sur Nivelles. Une autre brigade est prévue pour enterrer les morts, encore une autre pour l’entretien de l’hôpital des Récollets.

       Les blessés sont nombreux, ils sont répartis dans les hôpitaux des Récollets, du St Sépulchre et de St Nicolas.

       Au coup de canon, le cortège, toujours encadré par la police, se remet en marche et descend la rue de Saintes pour rejoindre le cloître de la Collégiale.










       Une fois le canon mis en place à l’entrée du cloître des Récollets, le dernier coup de canon de la journée annoncent la suite des activités.

       Après la photo de groupe sur la pelouse du cloître de la Collégiale, le chanteur Georges TRAZEGNIES, accompagné d’Annick GARSO au piano, entame deux chants d’époque :

       – « Te souviens-tu » qui relate la conversation entre un capitaine et un soldat vétéran qui mendiait son pain et lui avait sauvé la vie en détournant un sabre de sa poitrine alors qu’ils combattaient ensemble.

       – Le « Chant du départ », qui est un chant révolutionnaire de 1794, écrit par Etienne Nicolas MEHULE (musique) et Marie-Joseph CHENIER (paroles) :

       « Tremblez, ennemis de la France, Rois ivres de sang et d’orgueil ! Le Peuple souverain s’avance ; Tyrans descendez au cercueil ».

       Le duo fort applaudi, fait place à l’Ambulance avec Rudy MEYLEMANS dans le rôle du Docteur PERCY. Un blessé est atteint d’une balle dans la jambe. Il est amené sur une civière et est examiné attentivement par le chirurgien qui décide de l’amputer.

       Durant l’opération d’amputation, Doc PERCY n’hésite pas à donner des explications détaillées au public.





       L’Ambulance a aussi exposé dans la salle des mariages plusieurs vitrines renfermant les instruments chirurgicaux utilisés à l’époque.



       L’après-midi se termine par deux conférences l’une donnée par Doc PERCY (Rudy Meylemans), sur « le service sanitaire en 1815 » et l’autre par Frank GROGNET, sur « le docteur SEUTIN ».







       L’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » a sorti un nouvel ouvrage, intitulé « NIVELLES 1815 », il reprend de nombreuses archives sur Nivelles non encore exploitées et s’intéresse plus particulièrement au sort réservé aux blessés tant français qu’alliés.

       L’ouvrage est en vente à l’Office du Tourisme de Nivelles, à la librairie Willems à Nivelles, à la librairie du Château à Jodoigne, ou en contactant l’ASBL au 067/842198 ou joelfery@msn.com

 

FERY Joël

Crédit-photos : DONIS Françoise et GENIN Bernard



[1] N’ayant pas trouvé de musiciens en costume du 1er Empire et en accord avec les participants, nous avons accepté un groupe de l’Entre-Sambre et Meuse en costume du Second Empire, ce qui nous sera certainement reproché par les puristes, mais que nous importe, il a accompagné les discours et le cortège en musique de façon très efficace 

[2] Qui ne sera plus qu’un souvenir vu le laid projet de construction d’un immeuble à appartements en lieu et place 



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