Maison du Souvenir

Une exécution dans le maquis de « Le Brûly ».

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Une exécution dans le maquis de « Le Brûly »[1]

ENTRÉE D'UN AGENT SECRET DANS LE

MAQUIS DE « LE BRÛLY ».

       1943 : Les organisations de Résistance s'occupent activement. de saboter le recrutement de la main d'œuvre pour l'Allemagne. L'occupant en a connaissance et ses services de police, aidés par la gestapo belge, s'emploient à rechercher les réfractaires et les recruteurs d'hommes pour le maquis.

       Le 4 novembre 1943, le Directeur de la Werbestelle de Charleroi, charge l'un des agents de la police secrète rexiste ( Brigade B) de s'infiltrer dans la Résistance. Il faut agir avec prudence, car l'Armée Blanche, comme on l'appelait alors couramment, a des ramifications partout, y compris dans les bureaux de la Werbestelle.

       Le 17 novembre, « B14 » (de son indicatif d'agent de la police secrète rexiste) est convoqué régulièrement à la Werbestelle, chambre 25. Il passe la visite médicale, est reconnu apte au travail en Allemagne et reçoit ses papiers pour le départ, fixé au 23. Seul le Directeur de la Werbestelle et les chefs de police sont au courant de cette manœuvre, c'est-à-dire que tous les employés de son office ignorent la supercherie.

       « B14 » fait état de cette situation de futur travailleur obligatoire, pour rechercher le contact des membres de la Résistance. Il manifeste son intention de ne pas se rendre en Allemagne et il exprime le désir de prendre le maquis. Le 20, un recruteur de l'Armée Blanche de Couillet veut bien se charger de placer « B14 ». Il s'enquiert de ses préférences, la ferme ou le maquis. « B 14 » choisit le maquis. Après quelques difficultés et départs ratés, il quitte Charleroi le 25, pour Walcourt, par le train de 7 h.10.

       Dans l'entretemps, « B14 » a des contacts avec son chef et lui rapporte tous les entretiens qu'il a eus avec les membres de la Résistance. En effet, « B14 » que l'on ne soupçonne nullement et qui se montre très accommodant, est informé de l'itinéraire à suivre et reçoit les instructions du voyage. Il sait qu'il disposera d'un congé dans deux ou trois semaines. Le recruteur de Couillet s'est adressé à une dame de Walcourt qui organise l'acheminement des maquisards vers leur lieu de retraite. Cette dame prend contact avec « B14 » chez le recruteur et lui donne les instructions que voici, extraites du rapport que « B14 » adresse à ses chefs :

       « Vous prendrez le train de 7 h. 20 à Charleroi-sud pour Couvin, je serai à Walcourt avec un prisonnier russe évadé, il portera dans la main comme signe de ralliement, le journal « Der Adler »  pour vous, vous vous mettrez à la portière à Walcourt avec ce journal en main. Le Russe montera dans votre compartiment, mais je vous interdis formellement de lui adresser la parole lorsque vous serez dans le train. Vous descendrez à l'arrêt dénommé « La Forge », à cet endroit vous verrez un jeune homme très mince, petite taille, visage allongé, qui se dirigera vers vous et dira le mot de passe « Walcourt » et vous répondrez « Walcourt ». Alors vous partirez tous trois dans le bois qui vous mènera au maquis de « Le Brûly ». Vous aiderez les camarades à construire une ligne téléphonique souterraine. »

       Et la dame de Walcourt d'ajouter cyniquement. : «  A l'intérieur du maquis, il existe une police secrète chargée d'abattre les traitres ! » « B14 »  ne pourra pas lui reprocher de n'en avoir pas été prévenu.

       Il y a dans ce maquis de « Le Brûly », septante-deux hommes de diverses nationalités, des Algériens, des Français, des Russes et des Belges,

       Tous ces renseignements sont relatés dans les rapports que « B 14 » adresse à ses chefs ou communique verbalement à son collègue « B15 » qui a reçu pour mission de le suivre aussi loin que possible afin de pouvoir rapporter les dernières informations.

OU INTERVIENT LA CENSURE POSTALE CLANDESTINE.

       Au local de la police rexiste, 50, Chaussée de Waterloo à Charleroi, ces rapports et renseignements verbaux sont copiés en plusieurs exemplaires, dont un est envoyé à LAMBINON, Chef du Département « Sécurité et Information » de l'Etat-Major de Rex à Bruxelles et un autre à DUQUESNE, inspecteur des Brigades pour les Provinces de Hainaut et de Namur. C'est au bureau de poste desservant le domicile de ce dernier que les plis recommandés, malgré leurs cachets à la cire et leurs bandelettes de sûreté, sont censurés avant d'être remis au destinataire. Fort heureusement, DUQUESNE n'a jamais constaté aucune trace de violation de secret de sa correspondance.

       Dès l'interception des premiers rapports de « B14 » au sujet du maquis de « Le Brûly » la filière est immédiatement alertée et les renseignements parviennent au chef du camp de « Le Brûly »,  le 30 à 18 h., juste à temps pour refuser le congé sollicite par « B 14 ».

ARRESTATION DE « B 14 »

       « B14 » est immédiatement arrêté. Il subit un interrogatoire de 23 heures au cours duquel il dévoila toute son activité et l'organisation de la police rexiste.

       Il reconnut que, pour s’échapper du maquis et renseigner la gestapo sur l'emplacement du camp, son effectif, son armement etc. .. il avait sollicité dès son entrée dans le camp, une permission pour se rendre le 2 décembre 1943, à Charleroi avec quatre maquisards afin d'acquérir des armes chez un ami. « B14 » devait les conduire à la police rexiste ou au passage de la bourse à Charleroi pour les faire arrêter par la gestapo. Il devait ensuite rentrer au maquis avec 15 camions chargés de troupes pour attaquer le camp. Pour cette mission, « B14 » devait toucher 30.000 frs.

       Le premier décembre 1943, à 17 H 30, il écrivit une lettre d'adieux à ses parents

«  Chers Parents, Sœurs et Grands Parents,

       » Je vous fais mes adieux touchants. Je vais être fusillé dans deux heures.

       » Pardonnez-moi, mille fois de vous cause, tant de peine, mais je dois tout vous dire. Je travaillais pour la police secrète.

       » C'est moi qui suis allé trouver le Directeur de la Werbestelle  pour qu'il me fasse remettre mes papiers pour partir en Allemagne, je devais rejoindre le maquis dans le but de savoir ce qui s'y passait et de remettre les renseignements à la police secrète rexiste. J'ai

reçu l'ordre de la Werbestelle de la susdite police, Mon service d'espionnage est termine. Désormais, je vais être passé par les armes, fin de ma vie coutumière.

       » Ne pleurez pas pour moi, tout ce que ,j'ai attrapé, je l'ai bien mérité, car je devais revenir jeudi. Je vous demande encore mille fois pardon.

       » Je demande aussi pardon. à ceux que j'ai dénoncés et trahis et qui sont entre les mains des Allemands actuellement.

       » Adieu pour toujours.

       (s.) André                                                                                 (B14) »

       A 18 h., « B 14 » était exécuté suivant les prescriptions militaires.

OPERATIONS INFRUCTUEUSES DE LA S. D.

       Après avoir échappé à la trahison, les maquisards repérés, sont partis s'installer dans d'autres bois.

       Les rapports subséquents interceptés à la poste, ont révélé que la S. D. de Dinant avait arrêté deux marocains du maquis de « Le Brûly », au moment où ils déménageaient des armes en camion. Martyrisés ces deux Marocains ont dévoilé l'organisation du camp et le sort qu'avait subi « B 14 ». La Wehrmacht de Dinant et de Chimay a entrepris une action conjuguée contre le maquis de « Le Brûly ». L'opération a bien réussi, dit un rapport de la police rexiste. Mais il ne restait à l'arrivée de la Wehrmacht, que le cadavre de « B 14 » enterré non loin de là.

        Durant deux mois, la S.D. de Charleroi, de Dinant et de Chimay ainsi que la police rexiste ont recherché les « assassins » de « B 14 » et l'origine de l'information donnée aux maquisards. Ils ne se sont jamais douté, qu'à 30 ou 40 km, de là, dans un bureau de poste de Province, leur sinistre inspecteur des brigades DUQUESNE, avait un « secrétaire secret », de son nom de guerre SAM.



[1] Tiré du « Cœurs Belges » du 15 octobre 1946



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