Maison du Souvenir

Le journal personnel de Raymond de Bournonville habitant Ougrée à cette époque.

point  Accueil   -   point  Comment nous rendre visite   -   point  Intro   -   point  Le comité   -   point  Nos objectifs   -   point  Articles

point  Notre bibliothèque   -   point  M'écrire   -   point  Liens   -   point  Photos   -   point  Signer le Livre d'Or   -   point  Livre d'Or   -   point  Mises à jour   -   point  Statistiques

Le journal personnel de Raymond de Bournonville habitant Ougrée à cette époque.

Il relate jour après jour son évacuation  jusqu’au 16 juin1940.

Vendredi 10 mai : A 5 h ½ du matin, réveillé au son des sirènes, une douzaine d’avions allemands survolent Ougrée. Les écoles sont fermées. La Belgique, la Hollande et le Grand Duché de Luxembourg entrent en guerre. Obligé de partir pour Lobbes. Quitté Ougrée à 13 h 47. Arrivé à Lobbes à  21 h 30 où nous couchons dans une école.

Samedi 11 mai : Eveillé à 4 h du matin. Quitté Lobbes vers 13 heures. Arrivé à Mont-sainte-Geneviève (petit village) vers 16 heures. Très bien installé dans une ferme chez Rossens.

Dimanche 12 mai : Bienheureux jour ! Après-midi, je retrouve parrain, marraine, tante Jeanne avec la famille Steiman.

Lundi 13 mai : Toujours sans nouvelles de papa et maman.

Mardi 14 mai : revu M et Mme Hamels en voiture. Obligé de quitter Mont-sainte-Geneviève vers 11 heures. Mangé à Binche. Arrivé à Habay vers 18 h 30. Couché à la belle étoile.

Mercredi 15 mai : Traversé frontière française à 19 h 15. Un petit peu avant d’arriver à Maubeuge, retrouvé oncle Victor, tante Mariette et Yvonne. Peu avant Berlaimont, chaude alerte et mitraillé par les Allemands. Arrivé à Berlaimont à 19 h 30. Couché à la belle étoile.

Jeudi 16 mai : Je pleure en pensant à mes parents que je n’ai plus revus. Quitté Berlaimont vers 8 heures. Sur le chemin de Locquignol, rencontré M, Mme Putz et Marie-Jeanne. Bombardé et mitraillé par l’aviation allemande, des bombes incendiaires tombent dans le bois. Les autorités nous réquisitionnent pour l’éteindre, alors je fais comme les autres. Arrivé à Hecques à 20 heures. Logé dans le grenier d’une maison. Rencontré là des gens d’Ougrée, M. Lamoline et son frère.

Vendredi 17 mai : Quitté Hecques à 6 h 30. Arrivé à Solesme vers 10 h 15 (bombardement). Arrivé à Cambrai à 16 heures. Perdu Paul Roosels et Hubert Hamels. Fait une partie de la route dans l’auto du maire de Saint-Hilaire. Mes pauvres parents, où êtes-vous ? Moi, cette nuit, je dors dans un abri.

Samedi 18 mai : Parti de Cambrai à 7 h 15. Arrivé à Gouzeaucourt à 16 heures. Là, plus de renseignements. Le service des évacués est en débandade. Où aller ? Nous revenons à Gonnelieu pour dormir dans une grange.

Dimanche 19 mai : Ayant rencontré des troupes allemandes, impossible d’avancer. Nous revenons sur nos pas jusque Villers Guislain. Là, nous trouvons une ferme abandonnée dont on nous donne la garde en échange d’y coucher et d’y manger. Bientôt, je tombe malade, je suis soigné par une bien brave femme, Mme Bartoletti. Où êtes-vous, papa, maman ? Je pense à vous !

Lundi 20 mai : Toujours malade. Nous faisons enfin un délicieux repas : lapin, frites.

Mardi 21 mai : Je vais légèrement mieux. Aujourd’hui, c’est moi le cuistot. Déjeuner : chocolat avec les biscuits qui nous restent. A midi : compote à la rhubarbe. Après-midi, ayant trop présumé de mes forces, je retombe malade et 39,5 ° de température ! Ma pauvre maman, si tu me voyais, que dirais-tu ? Et ici, il faut que cela passe tout seul, je prie et j’espère.

Mercredi 22 mai : Le matin, je vais mieux, je n’ai plus tant de fièvre. Je ne déjeune pas. A midi, je mange un peu de soupe que Mme Bartoletti … Soir : soupe puis crème.

Je prie pour que Dieu nous réunisse bientôt, mes chers parents, je prie beaucoup et je suis sûr que Dieu nous accordera ce que je lui demande pour nous.


Jeudi 23 mai : Je reste au lit jusqu’à midi puis, dégouté, je me lève ; miracle, je vais mieux.

Ma petite maman, mon petit papa, je pense à vous toute la journée, je vous aime et vous aimerai toujours. Vous me manquez beaucoup, voilà déjà treize jours que je ne vous embrasse plus, en principe, car je vous embrasse souvent sur la photo que j’ai emportée. Lorsque j’ai des idées noires, vite, je la tire de mon portefeuille, et alors, que vois-je ? Une belle famille unie comme elle le sera à l’armistice ou même le plus tôt possible. Moi aussi je vous manque n’est-ce-pas ? Bah ! On sera tous réunis, vous verrez ! Car si votre corps est loin de moi, je sens que votre esprit, que votre pensée ne me quittent pas et de loin, vous veillez sur votre grand jeune homme.

Des parents du propriétaire de la maison où nous sommes arrivent le soir pour coucher.

Vendredi 24 mai : Aujourd’hui, je me sens très faible, mais je n’ai plus de température. Je suis soigné par M. Crombez père qui est pharmacien et par une dame qui est garde-malade. Je n’ai pas beaucoup dormi la nuit et j’ai eu des coliques. A midi, je mange du bouillon et un peu de poulet. Vers 15 heures, la fièvre me reprend : 38,1 °. A 19 heures : 37,7 °. Si tu me voyais ma petite maman, que dirais-tu ? Toi qui me mets toujours aux petits soins, et toi aussi papa. Aussi vous ne saurez toutes ces petites misères qu’à l’armistice. A 20 h 45 : 37,2 °. Je me sens légèrement mieux.

Samedi 25 mai : Les parents de M. Crombez sont partis vers 6 h 30. J’ai passé une très bonne nuit. J’ai dormi du soir au matin. Maintenant je suis encore faible. A 7 h 30 : 36,8 °. A 10 h 15 : 37 °. Obligé de quitter la maison Crombez. Je vais m’installer chez Mme Bartoletti où je suis reçu bras ouverts. Marcel Evrard et Marcel Jeanhy, mes deux compagnons d’infortune me quittent hier et ne reviennent plus. Où sont-ils ? Mystère ! Me voilà seul, mais en de bonnes mains, celles de Mme Bartoletti et … à la grâce de Dieu. Je pense toute la journée à vous, papa, maman. Je pense que l’on se reverra bientôt !

Dimanche 26 mai : Toujours dérangé. Je me sens faible, très faible ! Ce qui me fait beaucoup de peine, c’est de ne pouvoir aller à messe, M. le curé étant parti. Enfin, je dis mon chapelet tous les jours pour que le bon Dieu et la Sainte Vierge nous réunissent bientôt, mes chers parents. Ce jour, je crois que je serai fou de joie. Comment est notre petite maison, vos affaires, les miennes ? Enfin, si on a tous la vie sauve, on fera le sacrifice du reste. Pendant toute l’après-midi, on entend la canonnade du côté d’Arras.

Lundi 27 mai : Passé une très bonne nuit. Le matin, je me sens légèrement mieux. Mais j’ai toujours la diarrhée. Ça fait huit jours que je coule. Alors ? J’ai assez bien mangé. Malheureusement, quel pain nous avons ! Il est à ne pas donner à des bêtes. Heureusement que le beurre, les œufs et le lait ne manquent pas. Et puis on remonte le moral d’un coup de ( ?illisible). Mes chers parents, je pense toujours à vous et je prie beaucoup pour que nous soyons réunis le plus tôt possible.

Mardi 28 mai : J’ai passé une assez bonne nuit. Aujourd’hui matin, il me va mieux. Je ne me sens plus si faible, serait-ce enfin la fin ? Après dîner, mes coliques cessent quelque peu. Pour goûter, je mange quatre crêpes, ces friandises me semblent bien délicieuses. Il est vrai que je n’ai plus eu aucune douceur depuis presque trois semaines. Où êtes-vous, mes parents chéris ? Quand vais-je donc vous revoir ?

Mercredi 29 mai : J’ai eu assez difficile à m’endormir car j’ai eu mal à l’estomac. Je ne me rappelle pourtant pas avoir mangé quelque chose de contraire. Le matin, je fais moi-même mon chocolat. Je pense toujours à vous, mes chers parents. Mais où êtes-vous ?

Jeudi 30 mai : J’ai passé une assez mauvaise nuit. Le matin, j’ai eu mal à l’estomac. Maintenant, c’est passé. J’apprends que je peux retourner en Belgique. J’attends la confirmation de cette nouvelle. Je crois, mes chers parents, que le bon Dieu va nous réunir bientôt. Quel bonheur !

Vendredi 31 mai : je me sens très bien le matin, mes malaises ont disparu. Allé à 1’ heures à la kommandantur, le commandant n’étant pas là, l’interprète me dit de revenir à 17 h. A 17 heures, plus de succès, je vois le commandant qui me confirme la nouvelle selon laquelle je puis partir quand je veux pour la Belgique. Il me dit de retourner demain à 10 heures pour obtenir de plus amples renseignements. Quel bonheur, enfin je vais bien sûr vous revoir, mes chers parents. Mes prières ont été exaucées. Merci Seigneur ! Fait connaissance de M. Gouverneur, un bien brave homme qui se donne bien du mal pour moi pour m’obtenir les renseignements nécessaires.

A partir d’aujourd’hui, nous avons l’heure allemande.

Samedi 1er juin : Allé trouver le commandant à 10 h 30. Je peux obtenir mon papier pour rentrer en Belgique quand je veux. Je décide de partir mardi 4 juin. Que Dieu tout puissant et la Ste Vierge Marie me protègent sur la route.

Je n’ai pas beaucoup dormi pendant la nuit. Aujourd’hui matin, je me sens très bien ; encore un jour ou deux et je serai complètement guéri. Alors en route pour Ougrée et la réunion de la famille car j’espère bien vous retrouver bientôt mes chers parents.

Je commence à me préparer pour le long voyage de retour. Comme je ne sais pas si les voies de communication sont rétablies oui ou non, je crois qu’il me faudra faire le voyage à pied ou du moins en grande partie. Ce n’est pas très réjouissant, mais enfin, quand je pense que c’est peut-être pour nous réunir bientôt, mes chers parents, je ferais le tour du monde pour vous rejoindre. Je calcule à peu près entre 175 et 215 km d’ici à Ougrée. Donc, à faire une moyenne de 20 km par jour, je puis arriver à pied à Ougrée le jeudi 13 juin, sauf imprévu. Naturellement, si les voies de communication sont rétablies, je prendrai le train le plus tôt que je pourrai. Enfin, si tout va bien, je suis à Ougrée dans 15 jours tout au plus. Courage ! Avec l’aide du Bon Dieu et de la Ste Vierge, j’arriverai à bout de mes peines.

Dimanche 2 juin : Passé une très bonne nuit. J’ai dormi du soir au matin. Aujourd’hui, je me sens frais et dispos. Mme Bartoletti me soigne très bien pour me préparer au long voyage de retour. Je répare mon sac qui a quelque peu souffert du voyage d’arrivée. Je lave ma chemise. Je m’aperçois que lorsque l’on voyage sans sa petite maman, on doit tout savoir faire. Ma foi, je tire mon plan et ne réussit pas trop mal. Je fais mon apprentissage quoi !

Je suis encore dans l’incertitude pour mon itinéraire. Je consulte les cartes du N. de la France avec beaucoup d’attention. Le commandant me conseille de prendre les petits chemins. Oui, mais je ne connais pas bien les routes ici. Je crois que j’aurai plus de difficultés pour retourner que pour venir. Enfin, si j’atteins Ougrée, je me fiche du reste.

Mes chers parents, je crois que nous allons bientôt être réunis car j’espère bien que vous aussi vous allez retourner à Ougrée. Je suis sans nouvelles de parrain marraine et tante Jeanne depuis le 15 mai, et je n’ai plus vu personne de connaissance depuis le 16 mai. Ici, on n’a aucune nouvelle des événements, je ne sais plus ce qui se passe. Je serai très heureux quand je serai à Ougrée mais quand je vois la route qui m’attend (200 km) brr, je frissonne. J’espère pourtant « avaler » tous ces km et arriver à Ougrée sauf imprévu sur la fin de la semaine prochaine à moins que mon départ ne soit retardé, ce que je ne pense pas. J’apprends que les voies de communication ne sont pas encore toutes rétablies. J’espère qu’elles le seront le plus tôt possible.

Fait connaissance d’un monsieur belge qui doit retourner en Belgique lundi 10 juin.

Lundi 3 juin : Je n’ai pas beaucoup dormi pendant la nuit à cause des chiens qui ont aboyé tout le temps. Néanmoins, aujourd’hui matin, je me sens très bien. Tous les restes de ma maladie ont disparu.

Allé à 10 h 30 à la Kommandantur pour obtenir mon laissez-passer. Maintenant que je l’ai en main, je puis partir tranquillisé. Je fais mon sac après-midi. Maintenant, tout est prêt. Je peux partir. Mais vivement Ougrée et la fin du voyage. Quand je pense que je dois encore fournir 200 km ! Quelle horreur ! Rien que d’y penser, je frissonne.

Et voilà mon dernier jour de repos passé. La tranquillité (relative) est terminée ; maintenant le long voyage qui, je l’espère, va permettre de nous réunir mes chers parents. J’ai pensé souvent à vous ce jour en faisant mon sac. Mme Bartoletti m’a fourni pour manger pour 48 heures au moins. Avant ce temps, j’espère trouver de quoi me nourrir et un peu de paille pour chaque nuit et enfin mon bon lit dans une quinzaine de jours sauf imprévus. Je prie beaucoup pour que mon voyage et le vôtre, mes chers parents, réussissent en tous points pour que nous arrivions sains et saufs à Ougrée. Quel bonheur si nous y sommes tous les trois. Mes préparatifs sont terminés, maintenant il est 19 h 20, je me repose pour être prêt pour le trajet de retour. Je ne sais pas encore au juste par où je vais partir ; c’est peut-être tard pour décider de cela, mais il y a tant de mouvements de troupes que je ne sais quel chemin emprunter. J’attends un monsieur qui doit venir ce soir, peut-être aura-t-il quelques renseignements pour moi. Je l’espère.

Mon itinéraire est enfin établi à 21 heures : Honnecourt, Avesne, Givet, Marche, Durbuy, Ouffet, Esneux … Ougrée, à moins que je ne change d’idée sur la route ou que je serais dans l’obligation de changer car je ne sais pas où je pourrai traverser la Meuse. Enfin, quelle que soit la route, du moins que j’arrive à Ougrée, c’est ce qui compte.

Mardi 4 juin : Enfin le jour du départ est arrivé. Aujourd’hui, je me sens frais et dispos. Je me suis levé à 6 heures, ce qui ne m’était plus arrivé depuis 15 jours. J’ai passé une très bonne nuit, enfin je suis fin prêt à prendre le départ. Je fais mon dernier repas chez Mme Bartoletti.

Quitté vers 8 h 30. Arrivé à Malincourt à 12 h 30 après 15 km de marche. Ici, trouvé des gens habitant Tilff. Comme je suis seul pour faire le voyage, je décide de retarder mon voyage de quelques jours, d’autant plus que les routes sont encombrées par les troupes allemandes. Installé dans une ferme à Malincourt avec les habitants de Tilff.

Mercredi 5 juin : Je me repose. Ici, à Malincourt, le pain est encore acceptable en comparaison de celui de Villers Guislain. Aujourd’hui matin, la fermière m’a donné ¼ kg de beurre qui m’a fait du bien. Il passe encore assez bien de troupes et les routes ne sont pas encore libres.

Jeudi 6 juin : Passé une très bonne nuit quoi qu’on ait assez bien tiré pendant la nuit. Moi, je n’ai rien entendu. Le mouvement de troupes se ralentit quelque peu. Nous pensons quitter dans quelques jours dès qu’il n’y aura plus tant de troupes sur les routes.

A partir d’aujourd’hui, plus de café, mais en revanche nous avons du malt en quantité alors tout est pour le mieux. Naturellement, ce n’est pas du moka, mais aussi c’est mieux que de l’eau.

Mes chers parents, j’espère que nous serons vite réunis.

Vendredi 7 juin : Voilà déjà un mois que je suis parti. Maintenant, le temps commence à me sembler long. Jusqu’à présent, le temps a passé assez vite. Mais maintenant que je puis retourner à Ougrée, je suis impatient de prendre le départ.

Après-midi, nous décidons de partir dimanche ou lundi matin si tout va bien. Maintenant, les routes sont plus libres, il ne passe plus tant de troupes. L’itinéraire que j’avais choisi lundi 3 juin sera quelque peu modifié en ce que nous devons passer la frontière entre Trélon et Doixhe ( ?) si tout va bien évidemment car il nous faudra certainement encore le changer en cours de route. Ce sera au fur et à mesure que nous avancerons que nous pourrons établir notre itinéraire final. Les 2 plus laids points à passer seront à la frontière et pour traverser la Meuse. Enfin, j’espère que tout finira par s’arranger et que je reverrai Ougrée dans une quinzaine de jours tout au plus.

Ce qui me fait le plus de plaisir, c’est que je ne suis plus seul pour accomplir le trajet. Quand on est plusieurs, et nous sommes 10, le voyage ne paraît plus si rébarbatif.

Samedi 8 juin : Passé  une très bonne nuit. Aujourd’hui, date à signaler, comme dîner : poule. Il y a longtemps que je n’avais plus mangé comme je l’ai fait. Il est vrai qu’ici, je mange beaucoup et bien souvent, le ravitaillement m’est insuffisant. Enfin, je bouffe, et c’est le principal. Nous décidons de prendre le départ lundi matin. Alors, on va commencer à s’apprêter de nouveau. J’espère que cette fois ce sera pour de bon. Je crois que cette fois, Ougrée n’est plus fort loin de moi et nous serons vite réunis, mes chers parents.

Dimanche 9 juin : Aujourd’hui, je prends mon bain et recommence les préparatifs du départ, cette fois c’est pour de bon. A midi, nous faisons un excellent dîner : soupe verte, rôti, pommes de terre et salade. Et comme c’est notre dernier dîner à Malincourt, nous sortons les bouteilles de vin qui nous restent.

Lundi 10 juin : Eveillé à 5 heures après une très bonne nuit. Nous quittons Malincourt vers 6 h 1/2. Les routes sont libres et nous sommes assez tranquilles. Nous arrivons à Busigny vers 11 h ½, là nous mangeons. Nous avons marché 18 km. Après-midi, on se met en route à 15 h ¼ et nous marchons jusqu’à 19 heures. Aujourd’hui, nous avons abattu 28 km.

Nous passons la nuit dans une ferme abandonnée non loin de Wassigny.

Itinéraire de la journée : Malincourt, Clincourt, Auclu ( ?), Maretz, Busigny, Vaux, Andigny les Fermes, Wassigny.

Mardi 11 juin : Quitté Wassigny à 6 h 30. Nous arrivons au Nouvion à 11 h 30. Là nous mangeons dans un bois. Nous repartons vers 16 heures et arrivons à 2 km de la Capelle où nous trouvons une ferme abandonnée pour s’abriter. Nous avons été bloqués pendant ¾ d’heure par un convoi motorisé allemand. Le soir, le temps fraîchit et il commence à pleuvoir. Itinéraire : Wassigny, Etreux, Boué, Le Nouvion, La Capelle.

Mercredi 12 juin : Le temps très pluvieux nous empêche de beaucoup marcher. Partis vers 7 heures, nous devons déjà nous arrêter à 10 heures pour nous abriter. Nous repartons à midi, mais pas encore pour longtemps car une dame de notre caravane tombe malade. Nous devons nous arrêter à Fourmies. Ici, nous avons assez bien de difficultés car étant à 7 km de la frontière, nous ne pouvons pas nous arrêter à moins de 10 km. Mais comme nous avons un malade avec nous, on nous accorde un délai de deux jours à la kommandantur.

Itinéraire : La Capelle, Haudroy, Montreuil, Rocquigny, Wignchies, Fourmies, soit 15 km. Jusqu’à présent, nous avons abattu 68 km, ce qui n’est pas mal et sans les malheurs d’aujourd’hui, nous serions en Belgique.

Jeudi 13 juin : Aujourd’hui, nous restons à Fourmies. A midi, nous apprenons que les étrangers doivent quitter la France dans les 24 heures. Nous partons à 5, les autres restant avec la malade. Nous passons la frontière vers 18 heures. Nous logeons dans une ferme abandonnée.

Itinéraire : Fourmies, Fourneau Ohain, Momignies.

Il fut moins cinq aujourd’hui. Nous venions de quitte Fourmies il ya ¼ d’heure, nous voyons un avion, puis boum, boum … Quelques minutes plus tard, une épaisse fumée s’élève du côté de Fourmies. Que sont devenus les autres ?

Vendredi 14 juin : Quitté Momignies à 4 h du matin. Nous nous dirigeons vers Chimay mais en cours de route, on nous fait faire demi-tour vers Macon. Nous déjeunons vers 7 h ½ chez des gens qui vivaient à Romsée et qui sont venus s’installer à Macon après la guerre 14-18. Cette étape a été très dure car nous avons dû emprunter des chemins de terre détrempés par les pluies. Quand même nous parvenons à Rance après 20 km, ce qui n’est déjà pas fort mal. Donc aujourd’hui, après notre 5e jour de marche, nous avons atteint 98 km, soit un peu moins que la moitié du parcours total. Nous espérons qu’à présent, nous ne serons plus dérangés dans notre voyage.

Itinéraire : Momignies, Macon, Baillèvre, Rance.

Samedi 15 juin : Aujourd’hui, nous avons fait « grasse matinée » su je puis dire. En effet, nous nous sommes levés à 7 h 30. Nous quittons Rance à 8 h 15. Nous mangeons à Cerfontaine à midi. Nous arrivons à Philippeville vers 17 heures et nous logeons dans une ferme. Aujourd’hui, nous avons fait 23 km et en tout 121. Nous nous rapprochons sensiblement de Liège et si tout va bien, je pourrai arriver à Ougrée mercredi. J’apprends que les vicinaux circulent, alors on va se diriger vers Terwagne pour prendre le vicinal qui va à Val Saint Lambert, à moins que nous trouvions un camion …alors vite sur Ougrée.

Itinéraire : Rance, Cerfontaine, Froidechapelle, Cerfontaine, Senzeille, Villers deux églises, Philippeville.

Dimanche 16 juin : Nous quittons Philippeville à 7 h 30. Un peu plus loin, nous avons la chance de trouver un camion qui nous conduit à Namur où nous arrivons vers midi. Nous mangeons près du pont provisoire et nous retrouvons un second camion qui va à Liège. J’arrive enfin à Ougrée à 18 heures.

FIN DU JOURNAL.

Désolé pour les noms de village qui ne sont peut-être pas corrects.

 

 



© Maison du Souvenir. Tout droit réservé. ©