Maison du Souvenir

Le message du C.A.P.O.R.A.L. du mois de Février 2012

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Le Message du C.A.P.O.R.A.L.

FEVRIER 2012

« C.A.P.O.R.A.L. » signifie: Comité des Associations Patriotiques d’Oupeye pour le Regroupement des Activités Locales.

Des nouvelles de la Maison du Souvenir

C'est en présence de notre échevin des Associations Patriotiques que l'Assemblée Générale s'est déroulée.

Après la présentation des comptes 2011, un bref résumé des activités de l'année a permis de se rendre compte qu'elles ont été nombreuses et productives : exposition très bien suivie, ce qui nous a incités à la prolonger jusqu'au 15 décembre 2012. Donc, si vous ne l'avez pas vue, profitez-en : La Résistance dans nos régions.

De plus, activités en partenariat avec Les Territoires de la Mémoire de Liège (Visite de classes primaires à Liège et à Hermalle), avec la bibliothèque d'Oupeye, étudiants en visite chez nous pour recevoir notre aide lors de leurs élocutions, visite du fort de Huy, aide à la confection du projet de déplacement et rénovation du monument aux morts d'Oupeye, etc.

Dans les prévisions pour cette année 2012 : activités en relation avec les territoires de la Mémoire, ouverture de notre bibliothèque le mercredi de 13 h 30 à 16 h 30, exposition, mais trois dates importantes à retenir :

– 27 avril : concert Django Reinhardt au château à 20 heures. Si cela vous intéresse, prévente au château d'Oupeye : 042645800

– 7 mai à Oupeye, à 10h : action patriotique pour le 8 mai, avec inauguration du nouvel emplacement du monument aux morts au bout de l'esplanade du château.

– 25 mai à Hermalle, à partir de 10 h 30, hommage extraordinaire au lieutenant-colonel de Thierry, second chef de corps du 1er Lanciers belge, avec délégation importante du 1/3 Lanciers escortant le l’Étendard remis en 1842 par le roi Léopold I. Cet officier natif de Hermalle, qui a servi sous les régimes français, hollandais et belge, est enterré dans le cimetière de Hermalle, près de l'église.

Nous rappelons que vous pouvez tout savoir sur La Maison du Souvenir et ses activités en surfant sur « maisondusouvenir.be », site mis au point par notre camarade Francis De Look. Un livre écrit par Toussaint Pirotte sur La Résistance dans nos régions est vendu à l'exposition.

Editeur responsable: M. Laurent Antoine, rue de Hermalle, 131, 4680 OUPEYE

Le mot du secrétaire patriotique


C'est une tradition que de présenter des vœux au Nouvel an. Nous ne l'avions pas fait puisque voici seulement la parution du premier numéro de 2012 de notre C.A.P.O.R.A.L. Vous ne doutez pas qu'on vous aurait souhaité les meilleures choses et surtout une bonne santé, mais on peut discuter de l'inanité de cette coutume. La plupart de ceux à qui est destinée cette petite revue ont eu plus ou moins vingt ans en 1940, ils ont la nonantaine ou presque aujourd'hui. Convenons que nous sommes fragilisés et en toute logique la grande faucheuse qui nous a épargnés lors de la seconde guerre mondiale a relancé une offensive. La mort a frappé dans nos rangs déjà fortement clairsemés et emporté un des meilleurs d'entre nous : Emile MIGNON. Ce Haccourtois qui présidait la F.N.A.P.G. locale et qui, tant qu'il en a été capable, a représenté ses affiliés au sein de notre comité communal à Oupeye, n'est plus depuis le jeudi 2 février. Grande est notre émotion. Robert Latet, qui l'a fréquenté régulièrement ces dernières années parce qu'il lui a succédé à la tête de la F.N.A.P.G. de Oupeye-Visé, lui rend hommage dans ce journal.

C'est en début d'année aussi, le lundi 11 janvier 2010, que Jeanne Froidmont dite « Blanche-Neige » parce que c'était son nom de guerre dans la clandestinité, nous a quittés. Elle était la présidente de la F.N.C. de Haccourt et de l'Amicale des Porte-drapeaux. C'est par grand froid et avec la neige que les deux cortèges funèbres ont conduit, à deux ans d'intervalle, les deux présidents au cimetière.

Jeanne Froidmont a jusqu'au dernier moment siégé dans notre comité d'entente patriotique. Nous associons dans un ultime hommage posthume nos deux concitoyens disparus ; ils ont marqué d'une empreinte profonde l'histoire de Haccourt, où ils sont nés et où ils sont morts, où ils ont vécu et où ils ont été unanimement appréciés. Leur comportement patriotique a été exemplaire mais leur personnalité spécifique a déjà été auparavant mentionnée dans le beau livre de Messieurs Jacques Hardy et Jean-Claude Lambrecht, collection « Comté de Dalhem » : « Haccourt et la vie des Haccourtois au XXe siècle. » Ce livre a été préfacé par Monsieur Paul Bolland qui était alors Gouverneur de la province de Liège. Nos deux chers disparus ne devraient pas tomber dans l'oubli.

L'hiver a été rude et d'aucuns ont comparé le temps de la première quinzaine de février 2012 à l'hiver 1941-1942. Nous avons eu froid et faim et il y a eu des morts en Belgique où nous étions rationnés. Mais nos tourments n'étaient rien à côté de la situation de nos prisonniers de guerre et de nos prisonniers politiques. L'hiver 1944-1945 a, en plus, été cruel pour les jeunes déportés au travail obligatoire en Allemagne : des gamins de 18 ans à peine. Il n'y avait pas que des Belges bien sûr, mais j'insiste sur le fait que nos ennemis avaient rétabli l'esclavagisme. Ce n'était pourtant qu'une face de leur déshumanité.

Avant de conclure, et pour donner suite à de précédents éditoriaux, j'évoquerai le fait que comme vous je suppose, je me suis réjoui qu'un accord soit intervenu à la Saint-Nicolas entre les partis politiques du sud et du nord du pays, ce qui m'a semblé, avec la formation d'un gouvernement de plein exercice, être une garantie quant à la pérennité de la Belgique. Ce serait bien, mais je ne suis pas rassuré. Nous sommes tous embarqués dans la même galère, mais à peine avions-nous levé l'ancre que certains se sont mis à ramer à contrecourant. La volonté de sortir le pays de la crise n'est pas suffisamment partagée. Je reste pessimiste quant à l'avenir. Il y a trop d'aventuriers, d'irresponsables, d'égoïstes, de rêveurs peut-être.

Je clos ici mon intervention en vous recommandant de participer, si possible, aux manifestations que va organiser sous peu le comité de la Maison du Souvenir. Elles seront grandioses et on vous en parlera incessamment. L'exposition « La Résistance » est toujours en place jusqu'au 15 décembre et sera suivie l'an prochain par une autre exposition : « La bataille des Ardennes » que la famille Jourdain nous promet somptueuse. Et bien sûr, en 2014, elle sera remplacée par l'évocation du drame de 1914.

Amicalement, Georges Antoine

Si, nos enfants comprennent !

Combien de fois, tout au long de ma carrière, ai-je entendu : Les enfants actuels ne s'intéressent à rien. Ils sont scotchés sur leurs jeux vidéo ! Ils n'ont pas de respect pour les anciens ! Ils ne connaissent plus rien de notre histoire !

Pourtant, nous venons encore de vivre, ce 11 novembre 2011, la réalisation d'une vingtaine d'élèves de notre enseignement primaire qui nous ont présenté un montage au sujet de leur visite du fort de Huy.

Au cours de notre mise au point à la Maison du Souvenir, Stella m'a apporté quelques notes qu'elle a prises lors de la diffusion du film « Apocalypse Hitler ».

Je vous les livre, mais pensez bien qu'il s'agit d'une élève de 11 ans qui a pris ces notes en cours de diffusion !

1. Mein Kampf: livre qu'Adolf Hitler a créé en prison, racontant ce qu'il voudrait faire plus tard. (Mein Kampf = Mon combat)

2. Hitler sème le chaos dans son pays (argent)

3. Angela, sa nièce, s'est suicidée car Hitler a abusé de son corps.

4. Il se dit marié à l'Allemagne.

5. Baur : pilote d'Hitler.

6. Hitler est traité d'hippopotame vaniteux.

7. 1932 : 1/3 de l'électorat a voté pour lui, mais il ne fut pas président.

8. Objectif n° 1 pour Hitler : abattre le parti communiste.

9. Hitler dit : « Je n avais qu'une chose en tête, mourir pour l'Allemagne. »

10. Le chant de HORTS VESSELS : hymne national des nazis.

11. 3 élections sur un an sont des échecs.

12. Hitler a refusé d'entrer dans le gouvernement.

13. 30 janvier 1933 : Hitler devient chancelier.

14. 10 février 1933: 1ère élection à la chancellerie.

15. Hitler continue à avancer masqué.

16. « La fin de la terreur noire est plus proche que vous ne l'imaginez »

17. Les S.A. sont très nombreux et armés.

18. 23 mars 1933 : les partis communistes sont finis.

19. Hitler promet tout mais il ne fait rien (fin du chômage ...)

20. New York : manifestation contre Hitler.

21. Les magasins juifs sont interdits.

22. Il est écrit sur les pancartes : « Les juifs font le malheur, à bas les juifs. »

23. Des étudiants et écoliers doivent supprimer des centaines de milliers de livres juifs (10 mai 1933)

24. 10 janvier 1934: Hitler interdit le parti socialiste.

25. Certains juifs peuvent quitter l'Allemagne par bateau à la condition de laisser tous leurs biens derrière eux.

26. Un nouveau symbole : la croix gammée.

27. A l'école, les enseignants apprennent le maniement des armes.

28. Des enfants de 10 ans se font tuer à Berlin.

29. Film d'Hitler : « La victoire de la foi. »

30. Röhm, le chef de la S.A., sera accusé de trahison par Hitler.

31. 14 juin 1934 : Hitler rencontre Mussolini.

32. Hitler est jaloux de Mussolini car il n'a pas de flotte alors que Mussolini en a une.

33. Röhm fait de l'ombre à Hitler.

34. Objectif d'Hitler : éliminer Röhm en disant qu'il est de l'autre côté.

35. Röhtn sera exécuté

36. 2ème film: « Le triomphe de la volonté ».

37. Hitler devient chef des armées.

38. Il dit se sacrifier pour son peuple.

39. Il fait brûler les synagogues.

40. Son grand-père pourrait être juif.

41. Il est très chanceux.

Voilà ce que cette jeune fille de 11 ans a écrit en suivant le film ! Pas mal n'est ce pas ?

Discours de Robert Latet lors de l'enterrement d'Emile MIGNON


Malheureusement, le nombre d'anciens combattants et d'anciens prisonniers de guerre diminue sans cesse. Et oui, l'âge est là, on n'y peut rien. Ce discours est aussi voué à tous ceux qui nous ont quittés ces derniers mois, que leur famille y voie ici l'expression de nos sentiments respectueux.

Mesdames, Messieurs,

Aujourd'hui 8 février 2012, nous sommes venus rendre un dernier hommage à Monsieur Emile MIGNON ! Emile MIGNON était un ancien soldat et un ancien prisonnier de guerre. Et à ce titre, la Fédération Nationale des Anciens Prisonniers de Guerre (FNAPG), que j'ai l'honneur de représenter, souhaite que l'on rende ce dernier hommage à tous ceux qui ont combattu et qui ont souffert pour la sauvegarde de nos libertés.

Pour moi, c'est là aujourd'hui un devoir à la fois émouvant et pénible parce que... je ne vous cacherai pas que j'ai eu beaucoup de contacts avec Emile, il était aussi et depuis longtemps le PRESIDENT des anciens prisonniers de guerre de HACCOURT- HALLEMBAYE, mais aussi de VISE et des environs. Et qu'à ce titre, il s'est beaucoup dévoué à la cause de ses anciens frères d'armes et aussi, quand il le pouvait, à défendre les intérêts de celles qui avaient perdu leurs époux anciens prisonniers, en s'occupant personnellement de leur dossier de pension de veuve et autres formes d'indemnités.

Tous et toutes savaient que l'on pouvait compter sur lui, en captivité, il avait appris le sens du mot « SOLIDARITE ».

Mais qui était cet homme si dévoué à la cause des autres ? Emile Mignon est né dans ce village (de Haccourt) le 5 février 1920, et comme tous les enfants nés dans les années qui ont suivi la GRANDE GUERRE, leurs parents espéraient pour eux qu'ils n'auraient jamais à connaître de pareilles horreurs !

Seulement voilà, la vie est un éternel recommencement dit le proverbe ! Et l'homme ne cesse jamais de répéter les mêmes erreurs !

L'agressivité est un trait de la nature humaine et nous voyons encore de nos jours des hommes rongés par l'ambition, des nations qui se croient supérieures à leurs voisines, des groupes qui s'affrontent sauvagement, dans des combats cruels, dans des luttes vaniteuses, pour prendre le pouvoir et dominer ses voisins !

C'est dans ce contexte qu'Emile MIGNON fera son service militaire à une époque où notre pays connaissait la mobilisation la plus importante de toute son histoire ; les menaces d'éclatement d'une nouvelle guerre étaient latentes.

Emile Mignon était mobilisé dans les G.T.A., GROUPEMENT – TERRITORIAL - d'ARTILLERIE, ceux qui devaient nous défendre contre les attaques des avions ennemis. Emile me dira que c'étaient des exercices répétés sans relâche. « Nous devions reconnaître du premier coup d'œil les avions allemands et surtout ne pas les confondre avec les avions belges ou ceux de nos alliés anglais ou français ». Mais il ajoutait qu'il avait bien compris l'étonnement et la surprise de ses camarades d'Eben-Emael « parce que ces planeurs qui avaient atterri sur le fort, ils seraient passés au-dessus de nous, on se serait demandé à quelle armée ils appartenaient. C'était un modèle d'avion que nous ne connaissions pas, on ne nous avait rien appris sur ce modèle ».

Par contre, durant cette campagne des 18 jours, Emile Mignon et ses frères d'armes avaient fait le maximum pour défendre notre espace aérien, du reste, Emile allait éprouver une très grande fierté lorsqu'un officier de liaison français viendra leur dire « BRAVO pour votre adresse au tir, je dirai aux artilleurs français de venir apprendre chez les petits Belges comment on fait pour viser juste ! ».

Mais malheureusement, cela n'allait pas suffire. Le 28 mai 1940, l'armée belge capitulait, le roi Léopold III ordonnait de déposer les armes. Emile Mignon et son régiment avaient fait la retraite à côté des troupes anglaises et il était prêt à s'embarquer avec eux lorsqu'il a appris la nouvelle de la reddition de l'armée belge. Il avait manifesté l'intention de rejoindre l'Angleterre, mais ce sont ses amis qui lui ont dit : « Ne fais pas çà, Emile, ou alors tu risques d'être accusé de désertion, il faut suivre les ordres et rester avec nous ! »

Pour avoir obéi, Emile Mignon et ses infortunés compagnons iront vers la captivité en Allemagne. Il sera versé au Stalag XIIIA. La nourriture manquait, et quand il recevait un petit peu de mauvaise soupe et du pain pas de première fraîcheur, cela suffisait à peine à calmer la faim qui le tenaillait.

Emile Mignon va alors trouver une astuce, il allait faire croire qu'il était fermier en Belgique et la chance sera avec lui. Un cultivateur allemand demandait depuis quelques temps qu'on lui donne un prisonnier « BAUER » pour l'aider aux travaux des champs depuis que son fils avait été mobilisé dans la Wermacht et qu'il combattait sur le front russe.

Emile Mignon, qui avait appris le métier de plafonneur avec son père, allait du jour au lendemain travailler à la ferme et se familiariser avec le cheval de l'exploitation agricole. Il me dira que le brave cheval était son gentil compagnon de labeur et qu'il était bien plus sympathique que les gardiens du Stalag.

Emile Mignon connut là une véritable reconversion : les travaux des champs après le travail du bâtiment. Il fut pris en charge par le fermier allemand, mais il mangeait à sa faim et à la table de la famille.

PARFOIS !... mais à cette table, chaque soir, on y installait la carte de Russie et on écoutait les nouvelles en suivant l'évolution des troupes allemandes, surtout de l'unité où le fils de la famille servait sa patrie !

Un jour, le fermier avait reçu un courrier qui l'avait rempli de bonheur et de fierté. Son fils Hans avait reçu la Croix de Fer pour acte de bravoure, il était heureux de l'annoncer à Emile. Mais la réaction de son prisonnier BAUER ne fut pas celle qu'il attendait, Emile était un homme qui s'exprimait franchement et spontanément. Ce fut chez lui un coup de colère lorsqu'il lui répondit : « J'espère pour toi que ton fils ne reviendra pas avec la croix de bois ». Ce jour-là et les jours qui ont suivi, Emile ne mangeait plus à leur table, mais malgré le froid entre les deux hommes, son patron continuait à bien nourrir son prisonnier BAUER. Et malheureusement, la prédiction allait se réaliser.

Hans, son fils était tué en Russie. Ce jour où cette mauvaise nouvelle était arrivée à la ferme, Emile Mignon voyait un autre homme en face de lui, c'était à présent un papa meurtri, un père écrasé par la douleur, un homme qui avait lui aussi une réaction de colère en allant mettre le portrait d'Adolphe Hitler sur le tas de fumier. Ce jour-là, Emile voyait non plus un BOCHE, mais un être humain, un homme qui ne méritait pas ce coup du sort, il pensait aussi à son propre père, il aurait sûrement eu la même réaction, éprouvé la même douleur si pareille mésaventure était arrivée à ses garçons.

Emile et son frère, tous deux prisonniers en Allemagne. Ce jour-là, Emile n'avait plus devant lui un ennemi, mais quelqu'un comme lui, quel que soit l'uniforme que vous portez, quelles que soient les couleurs de votre drapeau, aucun jeune homme ne devrait mourir pour des raisons semblables. Les guerres sont mauvaises, elles viennent vous faucher à la fleur de l'âge. Emile allait très longtemps regretter les propos « croix de bois » qu'il avait exprimés dans un accès de colère. A présent, c'était le cœur qui parlait, celui du fils de la ferme lui ne battait plus. Il reposait sous la neige en Russie.

Excusez-moi si j'ai été un peu long, mais j'ai voulu vous faire savoir qui était cet homme, Emile Mignon, auquel nous rendons les honneurs qu'il mérite parce qu'à la fois avec détermination, avec courage, avec émotion, avec compréhension, avec humanité, il aura servi son pays. Nous devons lui en être reconnaissants !

Et si vous me le permettez encore, je vais m'adresser à Valère, son arrière-petit-fils. Valère, je sais que ton Pinpin t'avait promis que quand il serait mort, toutes les médailles sur le coussin seront pour toi.

Alors, mon bonhomme, garde-les bien, prends-en grand soin, parce que toutes ces médailles de ton pinpin te rappelleront durant toute ta vie que c'est grâce à des hommes comme lui et à ses nombreux compagnons d'armes que nous pouvons, que tu peux avec tes petits camarades, vivre dans la paix et dans la liberté et que nous devons toujours les remercier d'avoir sacrifié pour nous, pour toi, 5 années de sa plus belle jeunesse.

Alors, à Ginette et à Jessy sa fille et son beau-fils, à Axel et Xavier, ses petits-fils et leurs épouses, à Camille, Valère et Hugo, ses arrière-petits-enfants, au nom des associations représentées ici par leurs étendards, je présente mes condoléances émues.

Adieu, Monsieur Mignon, Adieu Emile, tu vas à présent aller rejoindre Fernande qui repose déjà dans le caveau familial. Je sais qu'elle t'avait beaucoup manqué. Alors, que la terre de ton pays que tu avais bien défendu, que cette terre te paraisse légère.

Robert Latet

Président de la F.N.A.P.G. d'Oupeye, Herstal, Visé, Bassenge

Le 8 février 2012 à Haccourt.

Ma camionnette et moi

(suite)

Chapitre VI - La reddition.

Les jours qui suivirent furent peut-être les moins durs, mais bien les plus pénibles et les plus tristes. Nous avons attendu dans ce coin des Flandres l'écrasement complet. Pour le surplus, nous étions encombrés de milliers de réfugiés dont la misère faisait peine à voir. Quel interminable et douloureux cortège !

A Lichtervelde, notre état-major doit nous désigner notre lieu de regroupement. A cinq heures du soir, on vient me prévenir que je dois me rendre à Dixmude. Dans cette ville, j'eus le plaisir de retrouver le charroi et mes amis qui l'accompagnaient. Ils ne comptaient plus me revoir, aussi me témoignèrent-ils les marques de la plus cordiale amitié. Joséphine jouit de tous les égards dus à sa résistance et à ses exploits. Pour fêter mon retour, j'offris à déjeuner à tous les camarades. J'allai chercher dans mon camion le jambon, les œufs et le beurre et nous fîmes un joyeux gueuleton.

De là, nous revenons à Lichtervelde où un agent de liaison nous attendait pour nous conduire dans une petite localité où notre bataillon nous fit une chaleureuse réception.

Nous nous remémorions les heures terribles que nous avions vécues et chacun avait sa petite histoire à raconter. Comme la soupe n'était pas prête, je fis une nouvelle distribution de jambon et d'œufs et ainsi, nous avons pique-niqué au bord du trottoir.

De là, nous nous sommes rendus dans un hospice de vieillards où les petites sœurs qui le dirigeaient furent remplies d'attentions pour nous. On nous y avait casernés pour prendre un peu de repos alors que les Anglais qui y étaient cantonnés précédemment l'avaient abandonné parce que le secteur devenait dangereux.

Nous y trouvâmes plus de six cent mille litres d'essence, des jumelles de campagne, des centaines d'imperméables, des sacs et des vivres. Nous en avons profité pour nous équiper et nous ravitailler.

Après deux jours de repos, nous repartons pour le front... et, pendant vingt-quatre heures, nous avons tourné en rond. Les nouvelles les plus extraordinaires circulaient, on allait jusqu'à prétendre que les armées allemandes avaient réussi à scinder le front allié...

Ce n'était hélas que trop vrai !

Vint le soir, nous prenons notre cantonnement dans un vieux château. Nous y avons passé la nuit en faisant la chasse aux rats.

Après le lever du jour, nous repartons pour Zedelghem à onze kilomètres de Thourout. Pendant le déplacement, nous avons été impressionnés très vivement par le survol de centaines d'avions allemands et pas un seul appareil allié ! Dieu ! Que c'était démoralisant !

Parfois même, les pilotes allemands se payaient la fantaisie de raser nos camions sans tirer un seul coup. Visiblement, nous étions ménagés car si, à ce moment, l'ennemi avait voulu, aucun de nous n'aurait eut le bonheur de revoir les siens.

Le soir, on nous assure que le Grand Quartier Général envisage la possibilité d'un armistice.

Et la nuit se passe ainsi dans l'attente, l'inquiétude et l'angoisse.

A quatre heures du matin, un motocycliste arrive, remet une lettre au lieutenant Boulanger qui, fortement ému, vient nous dire : « On capitule ! »

Tous les hommes se lèvent, confusion générale.

Parmi eux, il en est même qui s'irritent parce qu'on ne leur explique pas ce que ces deux mots signifient. Nous faisons trente-six suppositions.

Qu'allons-nous devenir?

Nous demandons des explications au lieutenant Boulanger, qui nous prie de patienter. A six heures du matin, nous constatons que la cessation des hostilités est une chose faite. Tour à tour, les différents secteurs rentrent dans le calme et la voix des canons s'éteint.

L'armée belge, bien qu'ayant fait son devoir, dans la mesure de ses moyens, déposait les armes.

Personne d'entre nous ne déjeuna ce matin-là. Nous restions muets de surprise et de douleur.

A huit heures, le bataillon se rassemble et forme un large cercle. Le premier chef demande que tous les gardes-frontière se découvrent. Le clairon se tait en signe de deuil. Le lieutenant Boulanger accompagné de l'aumônier et de tout le cadre s'avance... Ses mains tremblent, il déplie une lettre et, d'une voix que l'émotion étreint, nous fait la lecture. C'est le message du Roi :

Officiers, sous-officiers, soldats

Précipités à l'improviste dans une guerre d'une violence inouïe, vous vous êtes battus courageusement pour défendre pied à pied le territoire national. Epuisés par une lutte ininterrompue contre un ennemi très supérieur en nombre et en matériel, nous nous trouvons acculés à la reddition.

L'Histoire dire que l'Armée a fait son devoir. Notre honneur est sauf.

Ces rudes combats et ces nuits sans sommeil ne peuvent pas avoir été vains. Je vous recommande de ne pas vous décourager, mais de vous comporter avec dignité. Que votre attitude et votre discipline continuent à mériter l'estime de l'étranger.

Je ne vous quitte pas dans l'infortune qui nous accable et je tiens à veiller sur votre sort et celui de vos familles.

Demain, nous nous mettrons au travail, avec la ferme volonté de relever la Patrie de ses ruines.

Léopold

Le lieutenant replie la lettre et nous demande de faire une minute de silence, puis il procède à l'appel des morts.

Son émotion fait peine à voir. Dans le silence absolu, il commence : Sergent Baudelo ? L'aumônier répond : Mort pour La Patrie. Sprimont ? Mort pour la Patrie. Lambert ? Mort pour la Patrie.

A ce moment, terrassé par la douleur, le lieutenant Boulanger s'affaisse. On le transporte dans la ferme voisine et l'aumônier continue l'appel. Ainsi, celui qui nous avait conduit au combat, qui, pendant toute la campagne avait fait preuve d'un courage surhumain, défaillait devant la dernière tâche que la Patrie lui imposait.

L'aumônier, après l'appel, fit l'éloge de notre bataillon. Tous, nous pleurions car tous, nous avions eu au moins un ami mort entre nos bras.

Après cette triste cérémonie, nous nous dispersons.

Mais la raison regagna vite ses droits. Nous avions capitulé, c'était un fait, mais on ne se battrait plus et on ne vivrait plus des jours aussi cruels. Et puis, que risquions-nous puisque le Roi, notre grand Chef, que nous avions vu partageant notre sort, avait pris la décision de rester avec nous. Toutes nos pensées allèrent vers lui, vers ce Chef qui ne voulait plus de cette bataille inégale, qui ne voulait plus voir souffrir son peuple, qui se voyait abandonné par ses alliés, bien qu'ils fussent prodigues de beaux discours et de belles promesses. Si ces heures pour nous étaient pénibles, combien pour lui devaient-elles être tragiques. Nous ne pensions plus à nous, mais à ce Chef, à ce jeune Roi qui devait à lui seul porter la responsabilité de cet acte...

Pendant toute la journée, nous déposons et classons les armes. L'armée allemande, en signe d'estime pour nos officiers, leur permet de conserver leur revolver.

Nous sommes restés là-bas trois jours dans une cruelle incertitude. Enfin, le samedi matin, nous partons pour regagner l'intérieur du pays. Le voyage à travers les lignes, où nos soldats avaient combattu, nous fut très pénible.

A chaque tombe de soldat belge, une angoisse m'étreignait, une sueur froide me perlait au front.

J'avais peur... peur d'y voir le nom d'un de mes cinq frères qui, comme moi, devaient être au service du pays.

Et c'est ainsi que le dimanche matin, nous sommes arrivés à Locristy, après-midi, nous étions à Mendoch où nous avons attendu quatre jours.

Le lendemain matin, le lieutenant Boulanger vint m'avertir que je devais conduire ma camionnette à Anvers. Je fis mes adieux à tous mes camarades et le soir, j'arrivai à la caserne Léopold.

Cette nuit-là, je dormis dans mon camion pour vivre ces dernières heures avec Joséphine. Le lundi matin, les soldats allemands nous apportèrent à déjeuner, puis un officier vint faire l'inspection de tous les véhicules. Il s'arrêta devant Joséphine et, avec le sourire aux lèvres, le demanda de la placer au fond de la cour.

Mon camion était le plus abîmé des deux cents véhicules automobiles parqués et, comme par un fait exprès, ces deux cents camions passèrent devant le mien, comme si on lui faisait l'honneur de les passer en revue !

Le défilé terminé, je refis une dernière fois le tour de Joséphine... et je partis.

Avant de quitter la caserne ; je me retournai une dernière fois et là, je vis une scène émouvante, Joséphine allait mourir.

Un soldat allemand voulant la mettre en marche, avait fait une fausse manœuvre et, par un retour de flamme, le feu s'était communiqué au moteur puis à la carrosserie et elle périt là où je l'avais abandonnée !

FIN

C'est donc ainsi que se termine le compte-rendu de Charles Wesmaef. Qu'est devenu ce monsieur, a-t-il été envoyé dans un camp de prisonniers, a-t-il pu rentrer chez lui et retrouver ses parents et ses frères ? Ses cinq frères ont-ils été épargnés par ce conflit ? Autant de questions que je me pose en recopiant ce témoignage. Si vous avez des renseignements à ce sujet vous seriez gentil de me les communiquer au n° 04-2483647.

Au mois de mai, nous avons encore reçu une série de dons avec entre autres documents une relation des événements qui se sont produits au fort de Battice en mai 1940. En compulsant les livres que nous possédons au sujet de ce fort, il apparaît que ces notes auraient servi en partie pour leur rédaction, mais en partie seulement. Nous allons donc vous la présenter. Malheureusement, la qualité de la photocopie n'est pas fameuse. Aussi, certains mots et noms ne sont-ils pas correctement orthographiés. Si un problème se pose au niveau des droits d'auteur ou pour tout autre raison, veuillez nous le signaler.

Relation des événements survenus au fort de Battice

Du 9 mai au 22 mai 1940

Il est à noter que cette relation très succincte est établie trois mois après les événements au cours d'une réunion des officiers du fort. En conséquence, il se peut qu'il y ait des erreurs dans l'ordre chronologique, mais les faits rapportés sont d'une sincérité incontestable.

Evidemment, il manque certainement le rappel de plusieurs épisodes pour lesquels les mémoires font actuellement défaut.

Jeudi 9 mai

Alors que le mardi 7 à 8 h 45, l'état major a donné l'ordre d'être d'une vigilance particulière dans la nuit du 7 au 8, l'autorité supérieure n'hésite pas à envoyer au camp d'Hechteren le 7 au matin, une centaine de militaires (officiers, troupe) du fort à l'effet d'y effectuer une période de tirs au cours du lendemain.

Les officiers suivants participent à cette période de tirs :

– Cap. Cdt G. Guery, commandant en second du fort

– Cap. Vandercam, commandant la batterie des petites armes

– Lt. J. Evrard, officier de tir des coupoles de 75

– S. Lt. P. Duyckaerts, officier de tir des coupoles de 75

– S. LtJ. Lequarré, officier des petites armes

– S. Lt médecin Thibaut

Sont déjà à Hechteren depuis plusieurs jours :

Lt J. Barthélemy, officier de tir des coupoles de 120

– S. Lt A. Jodain, officier de renseignements.

Se trouve à l'Hôpital Militaire depuis le lundi 6 courant date à laquelle il a été évacué :

– Major A. Bovy, commandant le V/ RFL et le fort.

La situation chez les sous-officiers est tout aussi grave. Font partie de la fraction se rendant au camp trois sous-officiers de tir sur quatre prévus, six observateurs munis d'instruments utilisés dans les P.O. (Postes d'observation), un T.S. et personnel T.S. avec matériel.

Sont présents au fort :

Capt. Cdt Fichefet, commandant la batterie des coupoles

– Lieutenant F. Tiquet, officier des petites armes

– Lieutenant J. Poncelet, officier des services extérieurs

– S. LtJ. Grandjean, officier de tir des coupoles de 120

– S. Lt Renaux, officier des services extérieurs

– S. Lt LecLercq, officier électricien

– Adjt. ESLRH. Doutrelepont, officier des petites armes

– Adjt. ESLRP. Nihoul

– Adjt. Chef de section L. Duvivier, commandant le cantonnement de repos qui avait été levé.

LtMédecin Bragard, chef des S.S. du fort

– S. Lt. Médecin G. Delpierre, chirurgien

– Aumônier J. Vermeire.

(à suivre)

 



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