Maison du Souvenir

Le message du C.A.P.O.R.A.L. du mois de février 2010

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Le Message du C.A.P.O.R.A.L.

FEVRIER 2010

« C.A.P.O.R.A.L. » signifie: Comité des Associations Patriotiques d’Oupeye pour le Regroupement des Activités Locales.


Editeur responsable: M. G. GOESSENS, Av. reine Elisabeth, 35, 4684 OUPEYE – HACCOURT

Le mot du Secrétaire patriotique

 


Les comités, tant des Associations patriotiques d’Oupeye que de la Maison du Souvenir, souhaitent aux lecteurs du «CAPORAL» une très belle année 2010, surtout une bonne santé et un moral d’acier.  Il convient d’avoir un bon moral car déjà, nous déplorons un deuil qui ne laissera personne indifférent, tant la personnalité de « Blanche Neige » dénotait parmi les anciens combattants lors des réunions, des manifestations, des cortèges patriotiques.

Elle en imposait cette petite bonne femme qui avait un sacré caractère, je dirais même que Jeanne Froidmont a impressionné de grands hommes, auparavant, pendant les années d’occupation et encore maintenant.  Elle est morte à l’âge de 87 ans, et ses obsèques solennelles ont eu lieu le 14 janvier avec un office à la chapelle de Hallembaye, un cortège important avec une bonne cinquantaine de drapeaux tricolores précédant le corbillard, jusqu’au cimetière de Haccourt.

Elle a eu droit à plusieurs discours qui ont rappelé la vie et les mérites de celle qui aura été la Présidente de la F.N.C. de Haccourt et de l’Amicale des Porte-drapeaux de la Basse-Meuse et de la Vallée du Geer. On se souviendra longtemps de sa frêle silhouette courbée sous le poids de l’étendard de sa section locale, de son béret de police, de ses lunettes noires et de son semblant d’uniforme, avec les nombreuses décorations épinglées sur sa poitrine. Ces décorations, elle ne les avait pas usurpées.

En 1941, alors qu’elle venait d’avoir 18 ans, elle propose déjà ses services à des responsables d’un mouvement belge de résistance à l’occupant nazi : l’Armée Secrète (A.S.). Ici aussi on peut rappeler le dicton qui dit que la valeur n’attend pas le nombre des années ; souvenons-nous d’un récent « CAPORAL » où André Pirson rappelle le cas de la jeune Josette Biertho d’Heure-le-Romain.

Elle fut arrêtée par la Gestapo à l’Athénée de Herstal en 1942, alors qu’elle n’avait que 17 ans. Déportée dans les camps d’extermination en Allemagne, elle en réchappera par miracle, mais toute sa vie aura été marquée par les épreuves subies. 

Comme sous son nom de guerre : « Blanche-Neige », qui garantissait son anonymat, notre résistante haccourtoise se verra d’abord confier des missions d’estafette, donc elle transmettra des directives et des ordres.

Elle distribuera la presse clandestine. Elle ravitaillera des réfractaires au travail obligatoire en Allemagne. Elle va aussi convoyer des prisonniers de guerre évadés, des aviateurs alliés abattus au cours de missions et qui sont tombés sur le territoire belge ou aux Pays-Bas. Elle va transporter des armes et des éléments de postes de radio émetteurs-récepteurs à l’usage des agents de renseignements. Cela est certifié par un major de l’armée belge et mentionné dans le beau livre écrit par Messieurs Jacques Hardy et Jean-Claude Lambrecht : « Haccourt et la vie des Haccourtois au vingtième siècle ».

Ce qui m’épate, c’est qu’ayant été arrêtée avec un groupe de saboteurs près d’une ligne ferroviaire qu’ils devaient faire sauter, elle parvient à fausser compagnie aux Allemands et dès lors, se verra contrainte de vivre dans la clandestinité sous différents déguisements et identités pour tenter d’échapper à la Gestapo. Or, quand les libérateurs délivrent Haccourt en septembre 1944, elle pousse probablement un gros soupir de soulagement, mais elle se porte volontaire avec cinq civils pour une mission de reconnaissance sur la rive droite de la Meuse.

Il faudra traverser et retraverser nuitamment le canal et le fleuve sur des barques et se risquer sur un territoire défendu par l’arrière-garde de l’armée allemande composée de soldats aguerris, suspicieux et particulièrement nerveux, prêts à tout. C’était risqué ! Elle en avait du cran cette jeune femme qui n’avait pas encore 22 ans, mais était-elle bien consciente du danger ? 

Pour avoir pensé ainsi, pour avoir osé l’écrire surtout, si elle le pouvait encore, elle me sauterait à la gorge, elle m’arracherait les yeux. Là où tu es, Jeanne, je ne risque rien, mais tu étais quelqu’un de brave ! Qui pourrait en douter quand on remémore ta guerre !  Au nom de tous les amis, nous sommes contraints, chère « Blanche-Neige », de dire un adieu définitif à la bonne patriote que tu as été toute ta vie.

Merci aussi de ton grand dévouement à la cause des Anciens Combattants et assimilés. On évoquera encore ta mémoire lors de l’inauguration prochaine, à la Maison du Souvenir, de l’exposition consacrée aux « Femmes pendant la guerre dans notre région ». 

Autre chose sera l’exposition consacrée à deux héros de la bande dessinée pendant la première guerre mondiale. Cela ne fait pas de bruit, pas de dégâts, pas de blessés, pas de morts.   C’est juste beaucoup de talent, beaucoup d’imagination, un régal quoi !  Dans ce bulletin, mon bon copain Robert Latet s’adresse à ceux qui restent de la garnison qui se trouvait dans le fort d’Eben-Emael le 10 mai 1940. Cette forteresse moderne qui avait été ajoutée aux anciennes fortifications de la ligne de défense de Liège, en constituait le joyau. On l’a comparée aux meilleurs ouvrages de la fameuse Ligne Maginot des Français.

A la veille de l’invasion, elle était réputée imprenable. Elle se situe à 120 mètres d’altitude, dans le schiste qui domine la rive gauche de la Meuse entre Visé et Maastricht.  Elle occupe une superficie de 66 hectares.  Elle était puissamment armée de canons de 120, 75 et 60 mm, ainsi que de mitrailleuses lourdes.

Mais le 11 mai à midi, soit 32 heures après une attaque inédite, impensable pour l’époque, avec des planeurs, des lance-flammes, des charges creuses qui ouvraient même des brèches dans l’acier des coupoles au milieu desquelles des planeurs chargés de troupes aéroportées devaient atterrir, le Major Jottrand faisait sortir le drapeau blanc, toute résistance s’avérant impossible. 

Je salue amicalement mon ami Robert Latet qui ne se contente pas d’écrire, mais se consacre beaucoup aux Associations patriotiques à Oupeye, mais aussi à Visé et à Herstal. Il œuvre également à la Maison du Souvenir.  Je profite du fait qu’on parle d’Hallembaye (Blanche-Neige) et d’Eben-Emael pour évoquer le sacrifice des soldats du 2e Régiment des Grenadiers, cantonnés pendant la mobilisation à Bassenge. On les a vus au petit matin du 10 mai à Hallembaye où ils empruntaient le thier pour aller en renfort de leurs camarades en difficultés dans les tranchées près du pont de Kanne.

Les grands planeurs de la Luftwaffe avaient atterri derrière nos lignes, et leurs occupants, profitant de l’effet de surprise, ont fait une boucherie chez nos fantassins. 

Je salue également le 23e Bataillon du Génie belge qui paracheva la destruction du pont de chemin de fer à Visé. Les gardes-frontière, après avoir fait sauter le pont de Visé, s’en étaient pris au « pont des Allemands », mais cela n’avait pas donné les résultats espérés. Il n’empêche que le Régiment des Gardes-frontière a été une unité d’élite et polyvalente. 

Les soldats du Génie ont obturé les portes de l’écluse de Lixhe à l’aide de sacs de ciment en jute qu’ils ont lancé dans l’eau tandis qu’attaquaient en piqué, sirènes hurlantes, les Stukas. Mitraillés de la sorte, la mission accomplie a été un exploit.  Les forts de Pontisse, Aubin-Neufchâteau et Barchon avaient reçu l’ordre de tirer sur Eben-Emael des obus à fragmentation pour tenter d’atteindre les pionniers.   Les Stukas plongeaient eux sur le fort et bombardaient pour que ne se soulèvent pas les tourelles.

C’était dantesque ! Même le 14e Régiment d’Artillerie de campagne installé à Houtain-saint-Siméon, Heure-le-Romain, Bassenge s’y est mis pour essayer de décourager les assaillants. Il n’y a rien eu à faire. Les artilleurs aussi ont été harcelés par les bombardiers en pique Stukas qui mitraillaient pareillement, tandis que le mugissement de leurs sirènes semait l’effroi auprès des hommes et des chevaux autant que les bombes.

Au moment où j’écris ce billet, nous ne sommes pas encore le 28 janvier. C’est lors d’un Conseil Communal, ce jour-là, et on le qualifie d’historique, que Monsieur Guy Goessens, ancien bourgmestre de l’entité d’Oupeye, premier Echevin, Echevin des finances, en charge des Relations Publiques et des Associations Patriotiques, quittera définitivement l’  « Etat-Major » de notre commune. Il ne devrait donc plus être l’éditeur responsable de ce numéro du journal où j’évoque le souvenir de « Blanche-Neige ». Celle-ci est un personnage de Haccourt. C’est peut-être mieux qu’il ne cautionne pas mes élucubrations.  A Guy Goessens, j’ai déjà dit à maintes reprises toute ma considération. Aujourd’hui, je résume en deux mots : MERCI – DOMMAGE !


Votre dévoué Georges ANTOINE


A la journée des retrouvailles du 25 octobre 2009

Notre CAPORAL était prêt à être imprimé lorsque nous avons appris la nouvelle du décès de « Blanche-Neige », cette figure emblématique de Haccourt. Nous ne pouvions évidemment pas laisser sortir ce numéro sans lui rendre un dernier hommage. C’est par les voix du colonel DE VOS, de Guy GOESSENS, Premier Echevin et de Gustaaf DIGNEFFE, Président Provincial de l’Armée Secrète du Limbourg au nom de l’Amicale des porte-drapeaux, que nous nous en acquitterons. Voici les discours qu’ils ont prononcés le jeudi 14 janvier, en la chapelle St Nicolas de Haccourt.

Discours prononcé par M. Guy GOESSENS, Premier Echevin, en charge des Relations publiques et des Associations patriotiques


Merci, Monsieur le Curé, de me permettre de prendre la parole dans cette chapelle, au nom de la Commune d’Oupeye.

Notre Commune, depuis de nombreuses années, souhaite rendre un dernier hommage à ceux et celles qui ont lutté, au péril de leur vie, pour la défense de nos libertés.  Ma prise de parole, en ces instants, n’a donc rien d’étonnant lorsqu’on connaît la vie et le parcours exceptionnel de Jeanne Froidmont.

Aujourd’hui, une page de l’Histoire se tourne.  Elle débuta près d’ici, la maison juste à côté, le 26 novembre 1922 et elle nous réunit, ce matin 87 années plus tard, dans ce lieu que Jeanne Froidmont connaissait si bien et affectionnait particulièrement.

Issue d’une famille nombreuse de 9 enfants, Jeanne Froidmont a, sa vie durant, toujours accordé une grande importance à la famille.  Dévouée sans compter pour les siens, et particulièrement pour son époux qui requerra des soins quotidiens pendant plusieurs années, elle était une maman et une grand-maman attentives. Elle ne fût pas épargnée par la souffrance, je pense particulièrement à la perte de sa fille cadette en janvier 1982. Aussi, c’est d’abord vers sa famille que je souhaite me tourner. A ses filles, ses beaux-fils, ses petits-enfants et à tous les membres de la famille, je présente les condoléances émues des membres du Collège et du Conseil communal ainsi que toute la population oupéyenne et tout particulièrement de Haccourt-Hallembaye.

Mais la page qui se tourne aujourd’hui est liée aussi au personnage historique qu’était Jeanne Froidmont.

Historique de par son engagement dans la résistance lors de la seconde guerre mondiale. Je laisserai le soin au Colonel Devos d’évoquer ces heures tragiques de notre Histoire et la détermination de celle qu’on appelait « Blanche-Neige ».

Mais personnage historique aussi pour tout ce qu’elle a pu réaliser après la guerre dans notre commune, notre région et notre pays. Inlassablement, par tous les temps, elle porta bien haut le drapeau belge, son drapeau, dans toutes les manifestations patriotiques quel que soit l’endroit où elles se déroulaient. Car pour elle, la Patrie était une réalité, elle savait de quoi elle parlait, elle lui avait donné le meilleur de son existence. Elle voulait, par ses démarches répétées, rappeler à ses concitoyens, et plus particulièrement aux plus jeunes, les sacrifices consentis par des milliers d’hommes et de femmes qui, comme elle, avaient lutté pour retrouver la liberté. Elle voulait qu’on n’oublie pas, afin que jamais ne se reproduisent de telles atrocités.

Mais, outre sa ténacité et son inlassable dévouement, Jeanne Froidmont était aussi réaliste et voulait assurer l’avenir. C’est ainsi qu’on lui doit la création de l’amicale de porte-drapeaux et de la manifestation qui réunit tous les premiers dimanches de juillet, ici à Hallembaye, des représentants des trois Communautés de notre Pays auquel elle était profondément attachée. Elle a également participé à la création du comité exécutif des Associations patriotiques de la Commune d’Oupeye destiné, notamment, à assurer demain le travail de mémoire, afin que, jamais, les générations futures n’oublient le passé et construisent un monde meilleur.

C’était une forte personnalité ; son caractère intrépide allié à une grande générosité et sa détermination ont marqué notre Histoire. Le souvenir de cette grande dame restera gravé dans notre mémoire.

Bientôt, Jeanne Froidmont, Blanche-Neige, sera inhumée dans un lieu qu’elle connaît bien, qu’elle a, de multiples fois, fréquenté, notamment lors des manifestations du 8 mai, du 11 novembre, de la Toussaint, chaque fois, pour rendre hommage à ceux qui furent ses compagnons de combat pour la liberté.  A nous, aujourd’hui, qui l’avons connue de s’inspirer de son exemple ; à nous de poursuivre l’œuvre éducative vis-à-vis des plus jeunes, afin que les sacrifices des aînés soient garants d’un monde épris de paix, objectif que, sa vie durant, Jeanne Froidmont a poursuivi. C’est le meilleur hommage que nous pouvons lui rendre.

Discours prononcé par Monsieur le Colonel DE VOS.

« Chère Famille,

Mesdames et Messieurs en vos titres et mérites,


Ce lundi 11 janvier 2010, 20 heures venaient de sonner lorsqu’une terrible et bien triste nouvelle me fut annoncée. Madame Jeanne DRIESSENS-FROIDMONT « Blanche-Neige » pour nous tous, venait de s’éteindre à l’âge de 87 ans.

Aujourd’hui, c’est non seulement le village de Haccourt et la commune d’Oupeye, mais le pays tout entier qui perd une de ses grandes résistantes, une dame qui, aux heures tragiques de notre histoire a démontré que le courage et l’esprit d’abnégation pouvaient aussi se conjuguer au féminin.

Ainsi, en janvier 1941, alors qu’elle venait tout juste de fêter ses dix-huit ans,  elle s’engagea dans un groupe de résistance, sous le nom de guerre de «Blanche-Neige».  Elle accomplit toutes les missions qui lui furent confiées : ravitaillement des réfractaires, des maquisards, des familles de déportés et de prisonniers de guerre, transport d’armes et de matériel de transmission, confection de fausses cartes d’identité, et j’en passe.  Répondant présente à toutes les missions, elle sera arrêtée par les Allemands lors de l’une d’entre elles, mais parviendra, par ses propres moyens, à s’échapper pour prendre ensuite le maquis.  Afin de se soustraire aux recherches de la Gestapo et éviter ainsi toute filature, elle saura faire preuve d’imagination et apparaîtra ainsi sous différents aspects, changeant régulièrement de tenue vestimentaire et/ou de physionomie.  Devenue agent de liaison, elle continuera la lutte et bravera tous les dangers en participant notamment à de nombreux sabotages. 

En septembre 1944, à l’arrivée des troupes américaines sur le canal Albert face à Visé, elle sera quasi la seule à se porter volontaire pour passer et repasser à diverses reprises et en divers endroits à travers les lignes ennemies, obtenant ainsi de précieux renseignements qui seront transmis aux alliés.  En guise de reconnaissance, elle sera citée à l’ordre du jour par le Général Dwight Eisenhower, commandant en chef de l’Etat-Major des Forces expéditionnaires alliées, ainsi que par le Commandant de l’Armée Secrète, le Lieutenant-Général Pire. 

Différentes médailles et distinctions honorifiques lui seront également décernées. Vu mon ignorance quant à l’identification précise de certaines d’entre elles, je me limiterai à citer ici : la Croix de Chevalier de l’Ordre de Léopold II avec Palmes, la Croix de Guerre 1940 avec Palmes et la Médaille de la Résistance, sans oublier non plus toutes celles qui lui furent octroyées par la Fédération nationale des Combattants, par nos pays alliés et par tant d’autres instances. 

La marque des êtres d’exception est de rester fidèles à leurs idéaux de jeunesse, sans compromis ni renoncement. «Blanche-Neige» fut, sa vie durant, l’exemple même de cette fidélité.  Ainsi, ayant eu à la fois l’occasion, le plaisir et l’honneur de la fréquenter régulièrement durant plus de 16 années, je fus toujours impressionné, non seulement par son dynamisme, sa détermination, son sens de l’organisation et son perfectionnisme, mais encore et surtout par son attachement indéfectible au drapeau national, à la royauté, à la Patrie et ses patriotes, mais aussi à son village natal : Haccourt. «Haccourt un jour, Haccourt toujours», telle aurait d’ailleurs pu être l’une de ses devises. 

A Haccourt, c’est sa petite paroisse de Hallembaye, son berceau, qui lui tenait particulièrement à cœur. La manifestation patriotique dont elle fut, en 1992, l’initiatrice et qui, chaque année, y réunit, dans un même hommage, des patriotes de nos trois Communautés, en est l’exemple par excellence. «Blanche-Neige», là-haut, tu peux être fière de ton initiative et sois rassurée, chaque premier dimanche de juillet nous serons toujours là afin de perpétuer ton œuvre et prendre soin de ton enfant.  En ce jour, nous ne pouvons donc que rendre un hommage vibrant et unanime à cette grande dame, femme de courage et d’honneur, femme dont la grandeur d’âme se manifesta toute sa vie durant, femme qui désormais laisse un grand vide parmi nous.  «Blanche-Neige», en ce jour où l’émotion nous étreint tous, nous sommes venus nombreux pour te saluer une dernière fois et te dire, ainsi qu’à ceux qui te sont chers, que ton souvenir restera inaltérable dans nos cœurs.  Aussi, c’est au nom de tous les membres de la FNC-HACCOURT HALLEMBAYE et de l’Amicale des Porte-drapeaux de la BASSE-MEUSE et de la vallée du GEER, dont tu assumais conjointement la présidence, que j’adresse à ta famille et à tes proches nos plus sincères condoléances.  Nous nous associons pleinement à leur douleur.  Pour conclure, je te dirai : «Blanche-Neige», ce n’est pas un adieu, mais un simple au revoir que je t’adresse, puisses-tu désormais reposer en paix éternellement, tu l’as mérité plus que quiconque. »


Discours prononcé par M. Gustaaf DIGNEFFE, Président provincial de l’Armée Secrète du Limbourg au nom de l’Amicale des Porte-Drapeaux.


« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Chacun d’entre vous en vos titres et qualités,

Chère Famille,

Nous voici réunis pour dire adieu.  Aujourd’hui c’est notre bien-aimée Jeanne FROIDMONT, mieux connue de son nom de guerre « Blanche-Neige » qui nous quitte et nous voulons par notre présence lui rendre un dernier hommage.

Née le 26 novembre 1922, décédée le 11 janvier 2010 à l’âge de 87 ans.  C’est une amie que nous avons perdue, ce qui accroît d’autant plus notre tristesse.  Sa disponibilité, sa gentillesse, ses compétences et ses prévenances offertes à tout un chacun sans distinction sont les témoins de la solidarité qu’elle a pratiquée sans faillir.

Blanche-Neige a servi jusqu’au bout – malgré l’âge  venu et les contraintes physiques – car hélas sa santé était déficiente – jusqu’au bout, je dis, l’idéal de la Résistance et de l’Armée Secrète.

Il serait trop long de retracer en détail son action patriotique, mais qu’il nous soit permis de citer que le 1er janvier 1941 et malgré sa jeunesse, Blanche-Neige venait d’avoir 18 ans, elle s’engage dans l’action clandestine de la Résistance Belge et y reste très active jusqu’au jour de la démobilisation de l’Armée Secrète le 14 octobre 1944, ayant ainsi servi comme Résistante Armée Reconnue durant une période de 3 ans et 10 mois ; disons presque 4 ans, 4 années qui auraient dû être les plus belles années de sa vie.

Chez elle, pas de forfanterie : jamais elle n’éprouva la nécessité de se répandre en récits de ses prouesses guerrières, ni de faire étalage des nombreuses distinctions honorifiques et médailles de reconnaissance qui lui furent attribuées.

Mais de ces récompenses pour les services qu’elle avait rendus au profit de ses camarades, elle n’en parlait pas et les passait volontiers sous silence.

Je me limiterai donc à rappeler brièvement son dévouement sans bornes aux valeurs morales de l’Armée Secrète auxquelles elle était attachée avec détermination et qu’elle défendit durant de très nombreuses années.  C’était son humilité, sa simplicité qui prévalaient.  Aussi, Mesdames et Messieurs, votre présence ici ce jour témoigne combien elle était aimée et respectée.

Vous tous, jeunes et anciens, souvenez-vous de Blanche-Neige et surtout de l’exemple qu’elle vous a donné durant toute sa vie.  Jeannne, Blanche-Neige, là où tu es maintenant, tu nous vois !  Tes camarades sont rassemblés autour de toi pour t’accompagner dans ton dernier voyage ici bas !

Sois remerciée par tous ceux à qui tu as rendu service.  Ils ne l’oublieront jamais !  Ton action, ta serviabilité, ta convivialité doivent être un exemple pour les générations de jeunes qui nous suivent !  Que ceux-ci soient les « passeurs de mémoire » et du « devoir de souvenir » de ceux qui ont donné les plus belles années de leur jeunesse pour combattre la barbarie et défendre notre pays, notre population, notre liberté.  Adieu, Blanche-Neige, la mémoire de votre long investissement au service des anciens combattants, nous accompagnera pour prolonger l’œuvre à laquelle vous avez adhéré sans réserve.

Chère famille, je vous présente mes plus sincères condoléances pour la perte de votre chère maman et grand-maman.

Qu’elle repose en paix. »

Des regrets, oui !       Des remords, NON !

Certains d’entre vous se souviendront, peut-être, que j’ai eu la charge d’échevin des associations patriotiques dans la première partie des années ’90.

Au cours de ce mandat, que j’ai assumé avec beaucoup de plaisir, j’avais eu de fréquents contacts avec les anciens du fort d’Eben-Emael.

A de nombreuses reprises, j’avais senti chez eux beaucoup d’amertume dans leurs propos, lorsqu’ils évoquaient la prise de leur fort par les pionniers parachutistes allemands. La manière dont la défense du fort d’Eben-Emael fut jugulée en très peu de temps, la reddition d’un fort réputé pourtant « IMPRENABLE » après seulement un jour et demi, sont restées coincées dans la gorge de bons nombres d’entre eux.

Cela en était même arrivé au point que, certains n’osaient même plus dire qu’ils avaient servi au fort d’Eben-Emael, de peur, probablement, de voir un sourire moqueur venir se marquer sur la figure de ceux à qui ils parlaient.

Lorsqu’il m’arrivait de faire le discours traditionnel, aux obsèques de ceux qui s’en allaient discrètement pour leur dernier voyage, je ne pouvais pas m’empêcher de faire allusion à cette humiliation qu’ils avaient tous ressentie, dans le long cortège des prisonniers de guerre faisant route vers les tristes camps de l’arrogante Allemagne, présentée comme étant une race supérieure.

Aujourd’hui, je réagis, parce que l’envie me prend de leur adresser un message, même si plusieurs d’entre eux ne sont plus là pour l’entendre.

Cette envie de réagir, je l’ai profondément ressentie après avoir lu, dans le dernier C.A.P.O.R.A.L., l’article consacré au commandant Victor DELCOURT. Celui-ci, ancien maréchal des logis du fort d’Eben-Emael, a vécu les événements de très près et il explique, au journaliste, qu’il y a eu des erreurs.

Bien sûr, c’est incontestable, l’histoire en a témoigné, des erreurs ont été commises, doit-on pour cela en vouloir à nos soldats ?  Moi, j’affirme que les hommes qui défendaient Eben-Emael, n’en sont pas responsables !

Des planeurs qui atterrissent sur le toit du fort, des parachutistes qui vont placer des charges creuses dans les embrasures des casemates pour rendre les canons inutilisables. Cet exemple des troupes d’élite allemandes qui rendent impuissante la défense belge en moins d’une heure, est encore, de nos jours, une tactique d’assaut enseignée dans les académies militaires aux Etats-Unis d’Amérique.

Pour l’époque, c’était l’utilisation des armes nouvelles, parfaitement mises au point par les stratèges allemands et bien maîtrisées par leurs troupes, alors que, dans notre pays, ces armes nouvelles nous étaient totalement inconnues.

Alors, dans ces conditions, il faut bien se rendre compte que nos grands officiers de l’armée belge étaient davantage préoccupés par la propreté dans les couloirs et dans les chambres troupes que par la manière de réagir et de donner la réplique à ces nouvelles armes dont on ignorait l’existence.

J’ai grandi à Houtain-Saint-Siméon et j’ai vécu dans la rue où habitaient les parents du soldat milicien Henri FURNELLE. Il n’avait pas 20 ans lorsqu’il fut un des premiers tués au fort d’Eben-Emael, le matin du 10 mai 1940. Les dernières paroles qu’il a prononcées furent « des appareils viennent d’atterrir » lorsque sa phrase fut brusquement interrompue, par une explosion qui l’a pulvérisé, en décapitant l’observatoire blindé du bloc IV, dans lequel il se trouvait.

Aujourd’hui, lorsqu’un ancien combattant me dit qu’il était au fort d’Eben-Emael, je pense encore à la tristesse qui restait marquée chez les parents d’Henri FURNELLE.

Cet événement m’a toujours fait comprendre que les défenseurs du fort d’Eben-Emael ne s’étaient pas rendus sans combattre, moi, cela ne m’a jamais fait sourire, j’ai toujours été convaincu qu’ils furent les victimes d’une conception stratégique dépassée.

SINGAPOUR, bastion britannique en ASIE.

Les stratèges britanniques étaient tout à fait convaincus que, si SINGAPOUR devait être attaqué, il ne pouvait l’être que par des forces venant de la mer.

Par conséquent, tous les canons de la forteresse étaient pointés en direction de l’océan.

Aucune pièce d’artillerie ne protégeait la forteresse d’une attaque qui viendrait par le Nord de l’île, sur leurs arrières.  Pour l’état-major britannique, les forces indo-britanniques stationnées en Malaisie étaient suffisamment dissuasives, pour empêcher toutes les attaques qui arriveraient par cette région.

ERREUR DE CONCEPTION STRATEGIQUE

Les Japonais se sont d’abord emparés de la Malaisie et ont ensuite attaqué SINGAPOUR, par son point faible, « le côté Nord » et de là, ils ont pris la forteresse à revers.

CORREGIDOR aux PHILIPPINES

Aux yeux des Américains, CORREGIDOR était une île forteresse, inexpugnable, qui devait empêcher les navires ennemis d’entrer dans la Baie de Manille, ville capitale des Philippines.

Ses canons devaient effectuer des tirs plongeant sur ceux qui approchaient, à faible distance des côtes. Mais il aurait fallu pour cela, que les Japonais les attaquent par voie maritime, en voulant à tout prix s’emparer de la capitale des Philippines.

ERREUR DE STRATEGIE ICI AUSSI !

C’est par le Nord et l’Est de l’île de Luçon que tout a commencé …

Prises en tenaille, les forces américaines et la jeune armée philippine ont dû battre en retraite jusqu’à la péninsule de BATAAN, où elles seront inévitablement vaincues, perdant au passage la capitale, Manille .

CORREGIDOR  n’avait plus de couverture aérienne, le bastion était bombardé par l’aviation nippone, et il devait aussi subir les tirs croisés de l’artillerie lourde que les Japonais avaient installée à la pointe Sud de la péninsule de BATAAN et à CAVITE, dans la Baie de Manille.

Cette combinaison des bombardements de l’aviation, avec ce pilonnage des tirs croisés de 150 batteries de l’artillerie, empêchait les Américains de manœuvrer de manière coordonnée, pour donner la réplique aux Japonais, ce qui allait également permettre aux navires de guerre de la marine nippone, de s’approcher de plus près et de mieux diriger les canons de l’artillerie navale, pour mieux atteindre leurs cibles.

Le 6 mai 1942, CORREGIDOR capitule !

PEARL HARBOR

Ce serait prétentieux, de ma part, de vouloir comparer Eben-Emael avec Pearl Harbor.

Et pourtant, les historiens, dans leur grande majorité, ont estimé que la mégalomanie de l’état-major américain a commis, à cet endroit, une erreur de conception stratégique.

Rassembler, la presque totalité de la flotte américaine dans un endroit exigu, où les navires de guerre auraient des difficultés à manœuvrer s’ils devaient être attaqués, était une tactique dangereuse.

Même les stratèges les moins brillants devaient bien se douter que c’était tenter le diable que d’offrir ainsi, à un ennemi potentiel, une proie aussi vulnérable.

Dans l’esprit de l’état-major américain, cette concentration de forces à cet endroit éloigné du Japon, était une stratégie de dissuasion qui devait décourager les Japonais d’attaquer les Américains !  On sait aujourd’hui ce qui est arrivé.

Même si notre modeste fort d’Eben-Emael n’aura pas été un problème de même nature, il n’en reste pas moins vrai que l’échec stratégique est assez comparable :

1-      Sous-estimation des forces et de l’audace de son ennemi

2-      Trop grande confiance en ses effectifs et ses moyens propres

Alors, aujourd’hui, le message que j’ai envie de faire passer auprès des anciens du fort d’Eben-Emael, est de leur dire :

« Vous n’avez pas à rougir de votre participation à la guerre des 18 jours ! »

L’histoire a bien démontré que les erreurs de conceptions stratégiques ont été aussi commises par les grandes nations. Dans notre pays, le fort d’Eben-Emael est arrivé avec une guerre de retard, et ce sont les soldats du fort qui ont dû en supporter les conséquences durant de nombreuses années.

Le message que je vous adresse aujourd’hui, j’y pensais depuis longtemps. Je regrette seulement de ne pas vous l’avoir écrit plus tôt.

J’espère seulement que mes propos auront le mérite d’apporter un peu de soulagement à votre amertume, et que les enfants qui liront ce message, eux qui n’ont  pas été les témoins directs de ces temps obscurs, sachent que :

« Ceux d’Eben-Emael ont fait leur devoir et que des garçons comme Henri FURNELLE ne sont pas morts pour rien ».

Vous, les anciens de ce fort, vous avez droit à notre respect.

Robert LATET

Ancien Echevin d’Oupeye

Une cérémonie émouvante s’est déroulée en Pologne, en présence de quelques anciens prisonniers belges du Stalag 1A. Robert Latet a recueilli le témoignage de l’un d’entre eux. Le voici !

Mon retour sur les lieux de ma captivité

Par Achille RIGAUX, ancien prisonnier de guerre.

Né en 1920, j’appartiens donc à la classe 1940. Je suis versé au régiment des Forts de Liège, et c’est le 31 janvier 1940 que je fais mon entrée dans l’armée belge. Je suis alors désigné pour servir dans les effectifs du Fort d’AUBIN-NEUFCHATEAU.

J’ai donc à peine 3 mois et 4 jours de service quand la guerre commence. Je ne vais pas refaire l’historique de notre Fort. D’autres s’en chargeront et le feront certainement mieux que moi. Je dirai seulement que notre fort s’est rendu après avoir pratiquement épuisé toutes ses munitions et surtout après que nos canons, touchés par les tirs ennemis, étaient devenus inutilisables.

Pris dans la tourmente d’une guerre que nous n’avons pas souhaitée, nous traversons l’Allemagne sous bonne garde pour nous retrouver en Pologne au Stalag 1A STABLACK (Warminsk-Mazurie).

Nous parlons beaucoup dans notre petit pays de DEVOIR DE MEMOIRE. Il est vrai que nos rangs s’éclaircissent de plus en plus et il est grand temps que nous prenions des mesures afin que les jeunes générations se souviennent des épreuves que nous avons traversées au siècle dernier lorsque le FÜHRERE ADOLF HITLER avait mis l’Europe à feu et à sang.

Ce que nous avons vécu pendant notre jeunesse, nous espérons avec force que nos descendants n’auront jamais à le connaître autrement que par le témoignage que nous devons absolument leur transmettre.

Je passais paisiblement mes vacances dans le sud de la France avec ma chère épouse lorsque notre fils nous a appris qu’une lettre de Pologne était arrivée à notre domicile en Belgique. Et quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que la ville de GOROWO ITAWECKIE nous invitait à une cérémonie organisée en hommage aux victimes  et aux prisonniers de guerre du Stalag 1A STABLACK. Cette cérémonie devait avoir lieu dans la petite localité de KAMINSK où se trouvait le camp dans lequel j’ai passé une bonne partie de ma captivité après la capitulation de la petite mais courageuse Armée Belge.  Comment les autorités polonaises ont eu connaissance de mon passage dans ce Stalag restera un mystère pour moi, mais je dois bien avouer que j’ai apprécié cette initiative et j’y ai répondu favorablement.  Après confirmation de ma participation, j’ai reçu une information assez succincte sur ce qui nous attendait là-bas. Nous avions peu de détails sur les modalités du voyage et sur le déroulement de la cérémonie.  J’ai bien essayé d’en savoir plus auprès du responsable F.N.A.P.G. de ma section locale, mais comme notre Fédération Nationale n’était pas co-organisatrice, il n’a pas été en mesure de me renseigner. Il était tout au plus au courant de cette manifestation organisée par la Pologne par l’intermédiaire d’un autre P.G. de la section qui avait reçu la même invitation à se rendre à cette cérémonie. Malheureusement, ce camarade P.G. ne pouvait pas, pour des raisons de grand âge et de santé, effectuer le voyage en Pologne et il s’en était excusé. J’adresse au passage un amical clin d’œil à cet ancien frère d’arme, Jean SCHRAYEN de Hermée en lui disant ; c’est vraiment dommage, camarade, que vous n’avez pas pu être des nôtres parce que c’était vraiment FORMIDABLE.

Le 12 septembre à 06h30, nous nous retrouvons à l’aéroport militaire de MELSBROEK. Nous n’étions que 4 anciens P.G. Que voulez-vous ? Le temps passe et les plus jeunes d’entre nous ont au moins 89 ans à présent.

En m’exprimant de cette manière, je crois que vous comprendrez tous pourquoi nous étions si peu nombreux à pouvoir faire ce voyage, je n’ai pas besoin d’entrer dans les détails. Notre délégation d’Anciens Prisonniers se composait, en plus de mon épouse et de moi-même, de Robert CAVALIER, de EGHEZEE ; Ferdinand VANDERVEKEN, de HEVERLEE ; Marcel VAN LAER, de Ostende.

Détail navrant : un autre P.G. de Binche Nestor PITOT avait lui aussi reçu une invitation à se rendre en Pologne. Malheureusement, il était décédé dans les jours qui ont précédé la réception de ce courrier.

Très touchée par cette invitation, sa fille, Francine PITOT, a demandé à le remplacer ; autorisation reçue, le couple SCHOUCKENS - ¨PITOT était du voyage.

Parmi les accompagnants, je l’ai déjà signalé, j’étais accompagné de mon épouse et de mon beau-fils également.  M. CAVALIER était accompagné par le président de la section FNAPG d’EGHEZEE, M. Michel LEFORT et de son fils Frédéric LEFORT. Ce dernier est le petit-fils d’un ancien prisonnier de guerre qui était en captivité au Stalag 1A.  M. VANDERVEKEN était accompagné par un ami, M. DEMOULIN.  M. VAN LAER était accompagné par son fils, employé à la ville d’Ostende.  Au niveau de la délégation officielle, j’ai noté la présence de messieurs Rudi SCHELLINCK qui représentait M. le Ministre Pieter DEKREM (Défense Nationale) et Jean CARDOENS, délégué représentant l’Institut des vétérans et l’INIG. 

Bien entendu, la Presse nous accompagnait, elle était encadrée par une jeune dame en uniforme. Je ne connais pas son nom, mais on m’a dit qu’elle était lieutenant et attachée au Service de Presse de la Défense Nationale. Je lui demande de bien vouloir m’excuser de ne pas citer son nom, mais il n’apparaît pas sur les documents qui nous ont été donnés.  Nous en connaissons un peu plus à présent parce que, je dois bien le préciser, un dossier nous a été remis par les bons soins de » M. CARDOENS. Ce dossier a été réalisé par l’Institut des Volontaires – Institut National des Invalides de Guerre (I.V. – I.N.I.G.) C’est une belle documentation qui retrace l’historique du Stalag 1A et qui nous en apprend un peu plus sur ce qui nous attend à KAMINSK. Cela nous sera bien utile dans l’avion, la lecture de ce dossier nous aidera à tuer le temps durant le voyage dans l’avion de notre composante aérienne (puisqu’on ne doit plus dire Force Aérienne).  Nous décollons avec un peu plus de 35 minutes de retard et le voyage va durer plus ou moins une heure 45 minutes.

ARRIVEE EN POLOGNE

Nous arrivons donc avec un peu de retard à l’aéroport de GDANSK, localité connue historiquement puisque les Allemands l’appelaient « DANTZIG ».

Après notre atterrissage, nous sommes accueillis par M. l’Ambassadeur de Belgique, par M. B. OSINSKI qui est le représentant du VOÏVODE (gouverneur) de POMERANIE et par toute une délégation menée par M. KAZIMERZ MONTEWKA qui est le maire adjoint de la commune de GOROWO-ITAWECKIE qui nous reçoit. C’est sur le territoire de cette localité que se trouve KAMINSK, lieu de notre destination.

Dans cette délégation, je me dois de vous signaler que se trouvaient également Mme Evelina STORY interprète, M. le Docteur Zbignien SZYSZKA médecin et Mme Danuta SZISZKA infirmière. Comme on peut le constater, nous sommes très bien entourés.

Nous avons à peine marché quelques dizaines de mètres sur le tarmac de l’aéroport de Gdansk pour prendre place dans un autocar qui nous attendait. Nous avons alors pris la direction de Kaminsk situé à environ 171 km de là.

La commune de GOROWO-ITAWECKIE est située le long de la frontière russo-polonaise, elle se trouve à un peu plus de 50 km au sud de la ville russe de KALININGRAD, port de la Mer Baltique. Je dois dire que nous avons tous été très impressionnés durant ce voyage en autocar par la manière dont les choses se sont déroulées.

Notre car filait à vive allure, il était précédé par les trois voitures officielles dans lesquelles se trouvaient les autorités qui nous avaient reçus et ce convoi était escorté par la police qui nous ouvrait le passage. Nous avons pu constater que les injonctions des policiers étaient très respectées en Pologne, les autres usagers s’écartaient véritablement pour nous laisser la priorité. A plusieurs reprises, notre convoi a carrément « brûlé » les feux rouges situés sur notre route et avec autorisation et protection de la police polonaise bien sûr ! On croirait que cela n’existe qu’au cinéma, et bien pas du tout ! je l’ai vécu et je n’étais pas encore au bout de mes surprises. 

Détail amusant : un petit déjeuner nous avait été servi dans l’avion, mais l’organisation polonaise n’en était pas informée. Alors des sandwiches et boissons nous ont de nouveau été servis dans le car.  A notre arrivée à Kaminsk, une foule d’au moins 2 000 personnes nous y attendait, et à notre descente du car, nous avons été accueillis par une véritable salve d’applaudissements.

C’était à la fois très impressionnant, mais aussi très émouvant. C’est difficile de décrire ce que l’on peut ressentir dans un moment pareil, on se pose carrément la question : mais qu’avons-nous donc fait de si glorieux pour être accueillis comme des héros, nous ne sommes pourtant que de modestes anciens prisonniers de guerre qui ont beaucoup vieilli. Je pense que nous avons tous éprouvé un sentiment de fierté mais mélangé avec beaucoup d’humilité.

M. LEFORT qui est beaucoup plus jeune que nous dira après coup : « J’ai eu l’impression d’être dans la peau d’un sportif qui était applaudi à tout rompre pour avoir remporté une compétition de renommée internationale !  Mais pour nous les anciens qui sommes arrivés à cet endroit en 1940, en soldats vaincus, fusils dans notre dos sous les vociférations et parfois les coups de crosse de la race des seigneurs, être accueillis par des acclamations d’un public nombreux, d’un groupe d’enfants des écoles en rangs ordonnés en tenue de circonstance, chemise et cravate, portant fièrement drapeaux de leur nation, emblème de leur école, je vous laisse facilement imaginer ce que cela représente pour nous de revenir au même endroit dans cette ambiance, 69 ans après , avec les fanfares locale et militaire qui jouent en notre honneur ! Jamais nous n’aurions pu imaginer pareil retour à l’endroit de notre captivité.  Installés aux places d’honneur, nous assistons à l’ouverture de la cérémonie qui commence par les discours prononcés en polonais, en anglais et en français.  En premier lieu par M. Marian PODZIEWSKI, voïvode (gouverneur) de la Région de WARWINSK-MAZURIE. Il est suivi par M. Rudi SCHELLINCK, au nom du Ministre de la Défense Pieter DEKREM. Ensuite c’est au tour de l’Attaché de la Défense de Grande-Bretagne, M. Andrew NOWAK et de l’Attaché de la Défense de France, M. Ronald PILLY.  M. CAVALIER s’est inscrit dans ce protocole afin de s’exprimer en notre nom, les anciens P.G. et faire part de notre sentiment et de nos remerciements pour cette cérémonie en hommage aux 484 prisonniers décédés au Stalag 1A. 

Cette partie protocolaire était suivie par la prestation de la chorale « ORNAMENT » et aussi par un véritable concert donné par l’orchestre militaire de la garnison. A la fin de ce récital d’une qualité remarquable, nous nous sommes rendus au square où se trouvait le monument qui allait être inauguré. Ce monument est un monolithe situé à peine à quelques dizaines de mètres de ce qui fut le siège du Stalag 1A.

Du Stalag, il ne reste plus rien, plus de baraque, plus de mirador, plus de barbelés, tout a été rasé. Il n’est donc pas question pour nous de revoir les endroits où nous avons tant souffert ; seul le monument témoignera du passage en ces lieux des 23 000 prisonniers de guerre belges et des 464 qui n’en sont pas revenus.  L’inauguration commence par les sonneries au clairon, ensuite c’est un peloton composé d’une trentaine de soldats polonais en armes qui rendront les honneurs en tirant les salves traditionnelles. Emouvante cérémonie de recueillement marquée par le son strident d’une sirène qui durera environ 60 secondes. L’appel en mémoire des morts a été fait dans les 3 langues : polonais, anglais et français. Ensuite, ce sera le cortège pour les dépôts des couronnes de fleurs au monument dans l’ordre suivant :  M. Marian PODZIEWSKI, voïvode (gouverneur) de la Région Warminsk-Mazurie ; M. Piotr CIESIELSKI, député représentant du Département de BARTOSZYCE ; Viennent ensuite les invités de la Belgique, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Italie ; M. Andrej BARTKIEWICZ, Directeur du Service régional pénitencier d’OLSZTYN ; M. Andrej DOSZYN ; Mme Bozena OLSZEWSKA-SWITAJ, maire de la commune de GOROWO-ITAWECKIE ; les Directeurs des écoles.  Les enfants des écoles communales ont alors allumé les feux en mémoire des morts.

Je dois ici ouvrir une parenthèse pour dire que parmi les invités belges, c’est la Section FNAPG de Eghezée qui était la mieux préparée. Elle était présente avec son drapeau, elle avait déposé des fleurs au monument, elle avait offert aux autorités communales de Gorowo-Itaweckie une stèle avec les noms gravés de ses anciens prisonniers membres de leur section qui ont appartenu au Stalag 1A, avec deux drapeaux belges qui avaient été réalisés dans leur section. Vous m’avouerez qu’il est difficile de mieux faire ! Je ferme la parenthèse.

La fin de la cérémonie sera marquée par la sortie des drapeaux et par les remerciements de Mme Bozena Olszewska-Switaj, Maire de la Commune, aux personnes présentes à cette cérémonie.

Nous allons ensuite être conduits vers le lieu de l’exposition réalisée par les élèves des écoles sur ce qui avait été le Stalag 1A STABLACK.

Là-bas, nos souvenirs reviennent un peu, nous avons pu revoir des photos de l’époque, des cartes, des plans, des objets qui avaient servi dans le campement, des tableaux avec des explications. On nous demande de signer le livre d’or et si nous le souhaitons, nous pouvons y écrire quelques mots. Que pourrions-nous dire d’autre que simplement :  « Merci aux autorités polonaises pour nous avoir permis de vivre cette journée de commémoration, merci encore d’avoir pensé à rendre un vibrant hommage à nos 484 camarades disparus au cours de cette folie meurtrière dans ce stalag et au cours de leur captivité. Merci aux écoliers et à leurs professeurs pour la réalisation de cette belle exposition. La Pologne a beaucoup souffert durant cette guerre, les soldats polonais se sont battus sur tous les fronts, leur comportement fut héroïque dans bien des endroits et leur territoire restera marqué par les stigmates de ce conflit. Alors MERCI d’avoir pensé aux autres. MERCI de nous avoir associés à votre souvenir. »

Je vais en terminer sur une phrase prononcée par notre ami P.G. Ferdinand BANDERVEKEN : « Jusqu’à la fin de ma vie, je me souviendrai de cette journée. Merci pour m’avoir permis de vivre un moment pareil ! »

Notre ami P.G. Marcel VAN LAER, lui, aura eu une autre idée, grâce à son fils qui connaît bien le bourgmestre de la ville d’Ostende, et qui a pensé à l’informer de l’invitation qu’il avait reçue pour aller commémorer dans une cérémonie en Pologne. LA réaction du bourgmestre a été positive, il lui a donné un petit cadeau à remettre à sa collègue de Pologne. Cadeau symbolique qui représente les clefs de la ville d’Ostende.

Mme Francine PITOT quant à elle, a remis à Mme Bozena Olszewska-Switaj un cadre de son papa, ce cadre est en réalité le dessin d’une baraque du Stalag 1A réalisé en captivité.  Comme on peut le constater, le côté protocolaire avait cédé la place à la convivialité, à la détente, à la fraternité.  C’est dans cette ambiance que nous nous sommes rendus au restaurant NATANGIA à Gorowo Itaweckie. Je vous fais grâce du détail de notre menu, je m’en voudrais de vous mettre l’eau à la bouche, je vous dirai seulement que c’était copieux et délicieux.  Bien sûr, cérémonie oblige, nous avons déjeuné un peu tard, mais les deux petits déjeuners du matin nous ont aidés à tenir le coup.

Bien entendu, les journalistes présents n’ont pas manqué de nous filmer, de nous interviewer, il paraît même qu’on nous a vus aux journaux télévisés avant même notre retour en Belgique.   Pour ma part, j’ai esquivé certaines questions de l’un d’entre eux qui voulait pourtant que je lui parle de la différence de traitement entre les prisonniers de guerre flamands et ceux donnés aux prisonniers wallons. Vous comprendrez facilement pourquoi je n’ai pas voulu entrer dans un jeu polémique qu’il essayait de provoquer. L’Histoire est écrite, nous étions tous sous le même uniforme, nous avons combattu ensemble contre le même agresseur. Nous avons souffert ensemble des conséquences de cette campagne des 18 jours, et aujourd’hui cela ne sert à rien de vouloir réécrire le passé. Notre pays a besoin de fraternité, il a besoin d’une véritable union, pas de divisions, ni de querelles stériles.

Après le repas, nous avons repris la route jusqu’à Gdansk, la tête encore un peu étourdie par l’émotion de cette belle journée du Souvenir. Même en fermant les yeux, les images défilent sans arrêt, oui les épisodes de cette cérémonie semblent nous revenir comme un film qui refuse de s’arrêter. Cela nous aura vraiment marqué pour la suite de notre existence. Satisfaits sûrement, heureux certainement et fatigués naturellement, nous nous sommes salués avant de nous quitter, mais peut-être épuisés par le voyage, par la concentration des événements, nous n’avons pas pensé à prendre nos coordonnées avant de nous séparer.  Je termine ce récit en exprimant toute ma reconnaissance aux autorités polonaises, à la population de cette commune et aux élèves des écoles et je souhaiterais leur dire que ce petit bout de ruban qui m’a été donné, ruban coupé lors de l’inauguration du monument, je le garderai jusqu’à la fin de mon existence.

 



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