Maison du Souvenir

La Bataille de l'Atlantique, la plus longue de la seconde guerre mondiale.

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LA BATAILLE DE L'ATLANTIQUE,
LA PLUS LONGUE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

       A 200 milles à l'ouest des côtes d'Irlande, le 17 septembre 1939, un sous-marin de la Kriegsmarine, l'U-27, torpille le porte-avions britannique Courageous. Le capitaine Makeiq Jones demeure sur le pont du bâtiment qui s'enfonce lentement. Au moment où l'eau atteint son visage, l'officier enlève sa casquette qu'il lance à la mer, salue le pavillon qui flotte au-dessus de lui et disparaît dans les flots.

       Par cet acte d'héroïsme dans la plus pure tradition maritime et britannique, le capitaine Jones répondait à l'inqualifiable forfaiture commise par la marine allemande, le 3 septembre précédent, neuf heures à peine après l'ouverture des hostilités. Ce jour-là, le paquebot Athenia faisait route vers les Etats-Unis avec 1.400 passagers à son bord, lorsque, sans préavis, il fut torpillé par l'U-30. Il y eut une centaine de victimes dont vingt-cinq touristes américains.

       Quelques semaines plus tard, le 13 octobre, l'incroyable audace d'un as de la flotte du Reich allait porter un coup terrible à la flotte britannique. Le sous-marin du lieutenant de vaisseau Prien, réussissant à se frayer un passage à travers les écueils et les filets de la rade de Scapa Flow, dans l'archipel des Orcades, envoyait par le fond le Royal Oak, l'un des plus beaux cuirassés de la flotte de Sa Majesté.

       Dès novembre, l'apparition de mines magnétiques contribuait à allonger la liste des navires disparus. Les trois premiers mois de guerre navale furent vraiment catastrophiques pour les franco-anglais. Durant les quinze premiers jours seulement, ils perdirent 27 navires totalisant plus de 145.000 tonnes. Rien de comparable à la « drôle de guerre » qui, pendant la même période, contraignait les armées de terre à se morfondre de part et d'autre des lignes Siegfried et Maginot.



Sir Peter Gretton commandait un groupe d'escorteurs. (O.R. T.F.)

       Il faut attendre le 13 décembre 1939 pour que la Grande-Bretagne enregistre un avantage. Il est d'importance et les journaux du monde entier y consacreront leurs manchettes : orgueil de la Kriegsmarine, l' « Admiral Graf Spee », mis en difficulté par trois unités de la marine britannique, l'Ajax, l'Achilles et l'Exeter, est contraint de se réfugier dans l'estuaire du Rio de la Plata.

       L'événement est d'autant plus surprenant que le Graf Spee est l'un des trois cuirassés de poche allemands, redoutables par leur vitesse, la puissance de leur artillerie et leur rapidité de manœuvre. La bataille, qui n'a duré qu'une heure, a mis l'Exeter hors de combat et réduit au silence la moitié des canons de l'Ajax. Quant au Graf Spee, il semble n'avoir subi aucune avarie sérieuse. Aussi les croiseurs britanniques sont-ils surpris de le voir prendre la fuite et s'abriter dans le port de Montevideo. L'Achilles et l'Ajax montent la garde à l'embouchure de l'estuaire du Rio de la Plata afin d'empêcher l'ennemi de sortir du piège dans lequel il s'est aventuré.

       Le monde entier guette les nouvelles d'Amérique du Sud et sa stupeur est bien compréhensible lorsqu'on annonce le 17 décembre, que le capitaine de vaisseau Langsdorff a sabordé son navire. Trois jours plus tard, cet officier se suicidait dans l'arsenal de Buenos-Aires où il avait été interné ainsi que son équipage.

       Tels furent les premiers actes de cette bataille de l'Atlantique, la plus longue bataille de la seconde guerre mondiale. Ses différents aspects seront évoqués par l'émission de lean-Louis Guillaud et Henri de Turenne, réalisée par Daniel Costelle. Cette équipe poursuit ainsi la série entreprise avec Verdun, la Bataille d'Angleterre et la Bataille du Désert. Fidèles à leur formule, ils font appel à des documents d'actualités recueillis dans les archives des deux camps, ainsi qu'à des témoins anglais, allemands et français qui prirent part aux combats.

       Les dépositions de quatre d'entre eux : l'amiral Pépin Lehalleur, Otto Kretschmer, le colonel Rémy et l'amiral Bruce Fraser, nous permettent de ressusciter quelques épisodes et certains aspects du combat.

LA BATAILLE DES CONVOIS



L'amiral Pépin Lehalleur sur « l'Aconit ». (O.R. T.F.)

       Pour protéger les navires marchands, et plus tard les transports de troupes et de matériel contre les attaques des U-Boote, il faut organiser des convois escortés par des navires légers armés pour la guerre sous-marine. Dans les premières semaines du conflit, tout ce que les marines française et britannique comptent de destroyers, de torpilleurs, de sloops, d'avisos et de corvettes se révèle insuffisant. On réquisitionne et arme des chalutiers et même des yachts particuliers. Après la défaite de juin 40, quelques navires de la Marine Nationale rallièrent les Forces Françaises Libres. Une quinzaine d'entre eux servirent d'escorteurs et l'amiral Pépin Lehalleur, qui fut « escort commander » aura l'occasion de rappeler la glorieuse conduite de la corvette française Aconit, placée sous les ordres du commandant Levasseur.

       Au printemps de 1943, ce bâtiment faisait partie de l'escorte qui convoyait soixante sept bâtiments partant de St-Jean de Terre-Neuve et faisant route vers l’Angleterre. Le 11 mars, à 1 heure du matin, le convoi est attaqué par une meute de sous-marins allemands. Le Harvester, qui remplit l'office de chef d'escorte, attaque l'U-444 à la grenade, puis, à grande vitesse, tente l'abordage. L'U-Boot plonge « en catastrophe »  mais s'accroche aux hélices de son attaquant et ne parvient à se dégager qu'après dix minutes d'efforts. Le destroyer britannique, qui s'en tire avec une machine inutilisable et l'autre tournant au ralenti, alerte l'Aconit qui se lance à la poursuite de l'U-444 et l'achève en lâchant un chapelet de grenades. Lorsque le jour se lève, la mer est couverte d'épaves, de radeaux et de canots ; de cadavres également, car trois cargos du convoi ont été torpillés au cours de la nuit.

       Comme un message radio de l'Harvester (qui menace de sombrer) l'appelle à la rescousse, le commandant Levasseur se porte au secours de son chef d'escorte. En chemin, il détecte à l'Asdic (sorte de radar archaïque), la présence d'un U. à 1.500 mètres de lui. L'historien de la marine A. Thomazi raconte que l'équipage de ce U-432 sablait joyeusement le champagne, a vingt mètres sous la surface de la mer, lorsque les hydrophones signalèrent l'approche de l'Aconit, Les hommes n'eurent pas le temps de regagner leurs postes de combat que déjà une série d'explosions ébranlait le bateau qui fit un plongeon de 200 mètres, puis remonta péniblement, en chassant l'air de ses ballasts. L'Aconit le poursuivit en ouvrant le feu, puis l'aborda au moment où il s'enfonça laissant 21 hommes à la surface.

       L'Aconit repêcha les rescapés « tous moins un qui, raconte A. Thomazi, apercevant le pavillon de la corvette, s'écrie, stupéfait : « Franzôsich ! »  arrache sa ceinture de sauvetage et se laisse couler : on lui a affirmé que la marine française n'existait plus et il ne veut pas survivre à ses illusions[1]. »

       Sir Peter Gretton, l'un des plus fameux « escort commander » britanniques, qui apportera son témoignage sur l'aspect stratégique de la bataille, fut un remarquable chasseur d'U-Boote. En mai 1943, il envoya par le fonds le sous-marin du fils de l'amiral Doenitz, chef suprême de la marine du III' Reich.

LES REDOUTABLES U-BOOTE

       Ainsi que le prouvent les faits qui viennent d'être rapportés (simple exemple parmi des centaines d'autres), les sous-marins allemands firent des ravages, surtout à partir du moment où ils adoptèrent la technique de l'attaque en meute, c'est-à-dire par groupe de dix ou douze. Pendant la journée, ils demeuraient en plongée dans le sillage d'un convoi, puis, la nuit venue, ils attaquaient en surface, à vitesse maxima, sans ordre de bataille.

       Les auteurs de l'émission ont retrouvé celui que la radio allemande, en 1941, appelait « le roi du tonnage » : Otto Kretschmer. La biographie que lui a consacrée Terence Robertson lui décerne un surnom plus significatif : celui de Loup de l'Atlantique.

       En 1940, Kretschmer, lieutenant de vaisseau commandant l'U-99, avait déjà coulé à lui seul sept navires d'un convoi, lorsqu'en novembre, au cours de la même nuit, il envoie par le fond deux paquebots transformés en escorteurs armés. En 1941, pendant que son bâtiment est au carénaqe.. on frète pour lui un train spécial entre Lorient et Berlin où il recevra les félicitations du Führer et un accueil triomphal des Berlinois. Peu de temps après cette réception officielle, il échappait de justesse à l'abordage d'un destroyer qui l'avait repéré au radar. Il faillit ainsi être l'une des premières victimes de ce nouveau-né des techniques modernes dont bien peu de bâtiments alliés étaient encore équipés en 1941.

       Quelques jours après cette chaude alerte, le sous-marin de Kretschmer dut faire surface, après avoir reçu plusieurs grenades. Le Loup de l'Atlantique fut fait prisonnier et emmené au Canada.



Le capitaine Peter Eric Cremer raconte ses souvenirs. (O.R. T.F.)

       Un autre témoignage allemand sera celui du capitaine Peter Eric Cremer qui, aux commandes d'un U-Boot, a coulé 100.000 tonnes, deux destroyers et plusieurs avions. Il apportera à cette évocation l'aspect humain et anecdotique de la bataille.

LA CONFRÉRIE NOTRE-DAME

       Il y avait à Brest, à la fin de 1940, une douzaine d'officiers de marine français auxquels les Allemands avaient attribué des postes dans l'Administration, à l'Arsenal ou dans les services du port. L'un d'eux, le lieutenant de vaisseau Philippon, ayant refusé de travailler sous les ordres de l'occupant, avait été affecté au « Service des jardins de la Direction du Port ». Ce qui, en clair, lui confiait la charge délicate de faire pousser carottes, pommes de terre, persil et fraises dans un lopin de 2 hectares de terre. Le nouveau jardinier-chef s'était vu adjoindre quelques matelots pour les grosses besognes et l'élevage des cochons. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette affectation horticole et alimentaire donnait à Philippon une position privilégiée dans la base navale transformée en forteresse par les Allemands. Les jardins, dont il avait la responsabilité, étaient situés sur le plateau qui domine la Penfeld, autrement dit aux premières loges pour surveiller le mouvement des navires. De plus, ses matelots-jardiniers avaient l'autorisation de circuler autour des bateaux pour récupérer les eaux grasses pour leurs cochons.

       Le lieutenant Philippon reçut, un matin de février 1941, la visite d'un homme. « Je lui donnai une quarantaine d'années ; pas de brillant extérieur, un aspect calme et placide. Cependant, même au repos, son regard avait une grande vivacité, une illumination[2]. »

       Sans s'embarrasser de périphrases, l'inconnu lui dit presque aussitôt : Je suis chargé de mission, j'arrive de Londres. J'appartiens à l'entourage du Général de Gaulle. Je cherche des informations sur les navires de combat et les sous-marins allemands de la base de Brest »

       Cet homme décidé était le colonel Rémy qui commençait à recruter les agents du réseau de résistance qu'il baptiserait Confrérie Notre-Dame.

       A partir de ce moment, Philippon devint Hilarion et ne connut guère de repos. Dès le début de son activité secrète, le 22 mars, les cuirassés allemands Scharnhorst et Gneisenau entrèrent à Brest, avec 22 pavillons claquant fièrement à leurs drisses : 22 cargos alliés coulés en un mois et demi. Il fallut transmettre à Londres, par le canal très complexe d'agents, de boites à lettres et de messages radio les lieux d'appontements des vaisseaux, le détail des avaries subies, les durées d'immobilisation, les systèmes de protection, etc ..

       Pour détruire les navires au port, l'aviation alliée multipliait les attaques aériennes. Dans la ville martyre, l'existence devenait impossible. Les brestois héroïques refusaient de quitter des maisons branlantes où ne demeurait plus un carreau aux fenêtres, où l’eau était rare autant que le gaz et l’électricité. Cruel cas de conscience pour un officier qui ne savait plus où était son devoir. Hilarion traduisait les douloureuses incertitudes qui l'assaillaient par des messages cinglants à l'adresse de Londres : « Bombardements du 2 au 10 mai ont éprouvé fortement la ville et la population civile. Aucun impact dans l'arsenal et sur les bâtiments. Les Anglais tirent comme des pieds ».

       Trois bombes parvinrent tout de même à immobiliser le Gneisenau à Brest, tandis que le Scharnhorst, indemne, tentait une sortie le 23 juillet. Grâce à un message d’Hilarion, il n'alla pas loin. Attaqué au large de La Palice par des avions britanniques et perforé de cinq bombes et d'une torpille, il regagnait Brest où sept mois furent nécessaires à la réparation des avaries.

       C'est ainsi que deux des plus puissants cuirassés ennemis furent neutralisés pendant un an à Brest. Finalement, le 11 février 1942, ils appareillèrent par une nuit de brouillard opaque et franchirent le Pas-de-Calais par surprise.

LA FIN DU SCHARNHORST

       L'année 1943 est marquée par une nette régression de l'activité de la Kriegsmarine. En particulier dans l'Atlantique-Nord que les sous-marins ont reçu ordre d'évacuer dès le 24 mai pour gagner le sud-ouest des Açores.

       Le dernier grand combat d'unités de surface a lieu le 26 décembre 1943. L'aviation allemande repère, au nord-est des îles Féroë, quelques jours avant Noël, un important convoi allié faisant route vers la Russie. Le Scharnhorst, qui était amarré à la base norvégienne de l'Altenfjord occupée par les nazis, fait mouvement flanqué de cinq destroyers, pour attendre ses ennemis au sud de l'île aux Ours. Les renseignements parvenus à l'amiral Bey ne mentionnaient pas que le convoi était protégé à distance par deux forces de soutien. L'une commandée par l'amiral Bruce Fraser comprenait le Duke of York, assisté d'un croiseur et de quatre destroyers; l'autre, placée sous les ordres de l'amiral Burnett, comptait trois croiseurs et quelques unités légères.



L'amiral Fraser. (O.R. T.F.)

       C'est entre ces deux branches de tenaille que le Scharnhorst va se trouver coincé. Le 26 décembre, dans l'aube polaire, les croiseurs Belfast, Norfolk et Sheffied approchent, puis attaquent au canon le cuirassé allemand. Celui-ci, légèrement touché, s'éloigne pour revenir à l'attaque du convoi vers midi et repartir au large presque aussitôt. Cette valse-hésitation semble s'expliquer par deux faits : d'une part les très mauvaises conditions météo (si détestables que l'amiral Bey avait espéré jusqu'au dernier moment que l'opération serait décommandée par l'Amirauté allemande), d'autre part parce qu'il craignait de se mesurer avec un cuirassé.

       Le Duke of York se lance à la poursuite du Scharnhorst et engage le combat vers 16 h 45, appuyé par plusieurs destroyers. La précision du tir anglais allait mettre, en moins de trois heures, l'allemand hors d'état de combattre : trois de ses tourelles sont inutilisables ; une vingtaine d'obus et une douzaine de torpilles ont ouvert dans la coque des brèches par lesquelles l'eau s'engouffre à bord.

       Vers 20 heures, le Scharnnorst s'enfonce dans les eaux grises et glaciales de ce lendemain de Noël polaire.



Devant cette villa qui fut occupée par l'amiral Doenitz, le colonel Rémy parle de l'organisation de son réseau. (O.R. T.F.)

       S'il est vrai que la Bataille de l'Atlantique diminue d'intensité à partir de mai 43, il n'en est pas moins certain qu'elle se poursuit tout de même jusqu'au dernier jour du conflit. Durant la première semaine de mai 1945, il y eut 26 sous-marins allemands coulés, soit les mêmes pertes (à une unité près) que celles déplorées par les Français et les Anglais au cours des quinze premiers jours de septembre 1939.

       Le 7 mai 1945, on dénombrait encore un U-Boot coulé à l'est des Shetland et deux navires alliés torpillés à moins d'un mille de l'ile de May.

Marialys BERTAULT.



[1] A. Thornazi : «  La Bataille de l'Atlantique » . Plon, 1949

[2] Amiral Philippon : « Le  Blocus de Scharnhorst et du Gneisenau » - France-Empire 1967.



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