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Albert Dessambre, Ville de Huy : Témoignages rassemblés, présentés et édités par Emmanuel Crosset « Historien à l’Office du Tourisme » et Luc Engen « Conservateur du Musée Communal » (édité pour le cinquantième anniversaire de la Libération) Comment se sont passés, pour vous, les débuts de la guerre ? En
fait, c'est dès la mobilisation, le 26 août 39, que tout se précise pour les
Chasseurs Ardennais dont j'étais sergent breveté en comptabilité. A ce moment,
ils sont organisés en une structure qui sera définitive : sept régiments. Les
trois premiers furent installés à Arlon, Bastogne et Vielsalm, relayés chacun
par un bataillon d'instruction qui devint à son tour régiment. Il s'agit
respectivement de Flawine, Seilles-Tramaka et d'Antheit. Le septième est né plus tard en 1940.
La Belgique demeurée neutre à la déclaration de guerre de la France et de
l'Angleterre à l'Allemagne, nous devions interdire à tout soldat non belge
l'entrée sur notre territoire. A
la mobilisation donc, où sont installés les Chasseurs Ardennais ? J'ai envie de dire un peu
partout. A la caserne d'Antheit évidemment, mais aussi, parce qu'ils sont plus nombreux, dans des baraquements, dans
des locaux publics, ici à l'administration communale d'Antheit, par exemple,
dans des écoles, à la caserne d'Aulne, siège du 12ème de Ligne... et
bien sûr au fort de Huy où fut logée la 6ème compagnie du 6ème
régiment.
Alors que nous étions arrivés seulement en 1937, nous étions déjà devenus, en quelque
sorte, les propriétaires du fort. Là, en tant que sous-officier d'élite
comptable, j'ai eu en charge la gestion des internés allemands qui avaient
franchi la frontière en dépit de notre neutralité. A la déclaration de guerre, le
10 mai 40, ils étaient 36 Allemands au fort à devenir automatiquement
prisonniers de guerre. Arrêtés essentiellement par les amis du 3ème
régiment de la région de Vielsalm, ces soldats étaient répartis en deux groupes
: les officiers prenaient la direction de Borsbeek, près d'Anvers, et les
sous-officiers et la troupe, celle du fort de Huy. Bien sûr, il y avait aussi
quelques soldats « alliés », comme des aviateurs anglais, que l'on
rapatriait toutefois rapidement... Toujours est-il que lorsqu'en octobre 1939,
un camion entier de soldats allemands entre en Belgique, il est directement
arrêté et Paul-Henri Spaak, alors Ministre des Affaires Etrangères, s'empresse de
télégraphier à notre ambassade à Berlin pour sermonner le gouvernement
allemand. Dans ces Allemands du fort de Huy, il y avait assurément des nazis à côté
de soldats qui en avaient déjà assez de la guerre, ayant, pour certains, déjà
participé à celle de 1914-1918. Pour éviter les accrochages, même entre eux,
nous avions donc veillé à constituer des chambrées de détenus de même opinion. Cependant, ils étaient tous, sans distinction,
soumis à la même discipline militaire ; ainsi devaient-ils nous saluer, que ce soit
lorsqu'ils nous croisaient dans un couloir ou encore quand nous leur payions la
solde à laquelle ils avaient toujours droit. Cette solde avait été imposée par
une loi internationale, signée à La Haye, loi qui permettait également à ces internés
de recevoir les visites des représentants de l'Allemagne en Belgique. Ainsi,
l'ambassadeur Von Bullow Schwann et Krieg, attaché militaire, nous rendirent quelques visites, accompagnés
de leurs épouses. Lors de celles-ci, il nous était rappelé
que, toujours en vertu de cette convention de La Haye, les détenus avaient
droit à un gîte convenable. J'ai pris la balle au bond pour faire savoir au casernement
qu'il était hors de question que les Allemands soient mieux logés que nos
soldats. Ainsi, nous reçûmes de bons lits pour
nos Chasseurs Ardennais... Parmi ceux-ci, il faut savoir qu'une bonne partie était
un contingent de rappelés qui avaient déjà fait leur service militaire. Il y
avait aussi une douzaine de soldats belges qui venaient de France où ils vivaient.
Or, la France était, elle, déjà en guerre à ce moment ; ce qui signifiait que
ces soldats belges de France possédaient déjà pour les Allemands une antipathie
bien marquée. Il fallut donc être vigilant pour éviter les coups de baïonnettes
perdus quand venait le tour de garde de l'un d'entre eux ... et ce d'autant plus
que l'ambassadeur revenait souvent voir ses internés. Lors d'une de ses
visites, il s'étonna de ne pas voir de machine à écrire dans nos bureaux. Ayant
suffisamment d'hommes pour noter le courrier administratif, je lui répondis que
je m'en sortais bien comme cela. A sa proposition de m'offrir une machine, je
répliquai : « Ah, non ! Je ne veux pas que vous m'offriez quoi que ce soit
! » C'est ainsi que nous avons ensuite
réalisé l'achat de cette machine de marque Mercedes : moitié payée par Von Bullow, moitié par mes deniers propres. Cette anecdote
témoigne de cet « esprit Chasseurs Ardennais » qui les caractérise. Pour revenir à ces soldats « français »,
on peut ajouter que nous avions à leur égard une attitude également adaptée en
ce qui concerne les permissions et les congés. En général, pendant la mobilisation,
les soldats pouvaient rentrer une fois par mois chez eux, et nos « émigrés »
bénéficiaient d'un jour ou deux de plus étant donnés l'éloignement et la guerre
qui sévissait en France. Un temps fort fut la visite d'inspection que rendit le
roi Léopold III aux Chasseurs Ardennais, son but essentiel était d'encourager
les troupes mobilisées. Je devais descendre tous les matins au poste de commandement
du bataillon qui se situait rue du Vieux Pont dans l'ancien refuge de l'abbaye d'Aulne
que nous nommions « caserne d'Aine ». Notre commandant était alors
Charles Roegiers, un ancien de 14-18. Cette période de mobilisation fut
nerveusement fort éprouvante ; en plus de la tension internationale ambiante,
il faut imaginer nos hommes enfermés au fort depuis le 26 août 1939 jusqu'en
mai 1940 ainsi que la vigueur de cet hiver où le thermomètre descendit jusqu'à
-10 degrés. C'est pourquoi on a du accorder des congés spéciaux à certains
pères de familles (libérés le jusqu'au 10 mai), aux agriculteurs devant
récolter ... Quels étaient les contacts avec la
population ? Les plus directs étaient ceux que nos
officiers entretenaient avec les personnes chez qui ils logeaient. Pour cela,
je rédigeais des bons de réquisition qui assuraient le paiement d'un loyer à
leurs hôtes. Ces mêmes officiers, une cinquantaine en tout, avaient, en ville,
un mess où ils mangeaient. C'était chez Aymont, un
petit restaurant de la rue Neuve. Le patron était aux fourneaux et des soldats étaient
affectés au service. D'une manière générale les Chasseurs Ardennais avaient de bons
rapports avec une population qu'ils connaissaient déjà bien pour avoir effectué
leur instruction sur les lieux mêmes de leur mobilisation. Sans insister sur
l'intérêt économique que peut représenter pour une ville la présence d'une
garnison, il convient de rappeler que plusieurs mariages furent l'heureux aboutissement
de ces « bonnes relations ». J'imagine que tout cela à été bouleversé
avec la déclaration de guerre. Le fort de Huy était en l'occurrence mal
situé. Je m'explique : la première ligne de résistance de la Belgique face à
l'Allemagne, c'était le canal Albert et la Meuse. Le fort étant sur la rive droite
était donc placé du mauvais côté de la barrière naturelle qui devait arrêter
l'ennemi. Le 10 mai 1940, nous avons été contraints d'évacuer la citadelle pour
nous replier sur l'autre rive. Cela voulait aussi dire, évacuer les internés
qui devenaient automatiquement prisonniers de guerre. Alors, avec mon copain
Charles Pétrisot, autre sous-officier de carrière,
nous nous sommes dit qu'on allait les charger au maximum, afin de les dissuader
de toute tentative d'évasion, pour les livrer au corps prévôtal[1]. Les gendarmes qui
constituaient ce dernier, se trouvaient à la caserne d'Aulne et devaient
prendre en charge les 36 prisonniers que nous avions au fort de Huy. Le trajet
entre les deux lieux, se passa dans une ambiance fort tendue ; les habitants
des maisons qui bordaient encore alors la chaussée Napoléon et le quai de Namur
se pointaient à leur fenêtre, fusil en main dans l'espoir de descendre un
Allemand. Il fallut les menacer de nos armes pour
les faire rentrer chez eux. Les prisonniers, encadrés par des Chasseurs
Ardennais, baïonnettes aux canons, étaient précédés d'une dizaine de mètres par
un gros camion de cinq tonnes rempli de nos bagages. L'opération se passa toutefois
sans encombre. Avec nos hommes, nous nous installons, sur les hauteurs de la chaussée
de Waremme, au Mont Falize. De là, nous voyions les
premiers avions allemands remontant la Meuse et nous les canardions avec un
fusil mitrailleur posé sur une fourche qui nous le permettait. Nous en avons
touché ; je l'ai vu de mes propres yeux. Avant
d'évoquer l'armement dont disposait notre bataillon, il faut signaler
l'existence d'une section de transport comprenant des camions destinés au transport
de l'armement et dont la première mission fut de vider le dépôt de munitions de
la caserne d'Antheit. Les hommes de troupe, eux, avaient des vélos ou étaient à
pieds. Comme armement, les employés comme moi possédaient un GP avec une crosse
de grande portée, les hommes avaient un petit Mauser et le régiment
était également nanti d'une compagnie d'engins. Cette dernière était essentiellement composée
de mortiers de 7,6 mm, tractés par les hommes, de canons de 4,7 mm sur chenillettes,
extrêmement précis, de quelques autos blindées, les T13, de fusils-mitrailleurs
de fabrication FN, de mitrailleuses de deux types : la française Maxime et
l'anglaise Hotchkiss, de lance-grenades DBT... Comme nous n'avions pas assez de camions
militaires, ce qui devait arriver est arrivé ; nous avons dû surcharger les camions
pour nous replier. Avant ce repli, il est important de dire
qu'alors que l'on signalait déjà la chute du fort d'Eben-Emael et le passage
par les Allemands de trois ponts sur le canal Albert, les deux ponts de Huy
étaient, pour leur part, inutilisables. Dès le 12 mai, les Chasseurs Ardennais
les avaient dynamités. C'étaient les officiers qui étaient au fort qui avaient reçu
cette mission. Le lieutenant Bastin s'occupa du Pont
de Fer, coupant ainsi la liaison de chemin de fer Landen-Statte-Ciney. Il reçut sur la nuque une pierre qui le blessa sérieusement.
Le lieutenant Bastin, avant de faire sauter le pont,
avait placé une équipe de ses hommes au-delà de celui-ci afin d'empêcher les évacués
de passer au moment fatidique. Au Pontia, placé sous la
responsabilité du lieutenant Lessire, cela à bien
fonctionné, mais au Pont de Fer, deux soldats furent tués à cause de la désobéissance
de certains civils. Le 10 mai nous avions déjà perdu le
soldat Baigeot, vraisemblablement assassiné. Il y avait
en tout, dans notre compagnie, une douzaine de gars des pays rédimés que j'ai
dû déclarer déserteurs ce même jour. Le rapatriement sur la rive gauche des
soldats demeurés sur l'autre après le dynamitage des ponts, se fit grâce à des barques
que le lieutenant Lessire avait fait préparer à cet effet
à hauteur du Pont de pierre. Les événements se précipitent alors.
Nous étions au Mont Falize, surplombant une ville de Huy
désertée par ses habitants, – il n'yen
avait plus que mille à ce moment – gardant la Meuse, comme cela avait été demandé
aux Chasseurs Ardennais d'Engis à Dinant. Les avant-gardes allemandes qui
avaient été signalées en direction de Waremme, le 13 mai, arrivent à Huy le 14,
en même temps que les Français, venus de la Ligne Maginot, et arrivent à la
place Faniel à Wanze. Conformément aux instructions,
nous avons « décroché » à destination de Saint Marc, sur les hauteurs
de Namur, laissant Allemands et Français s'entre-tuer (six Français et 17
Allemands) alors que nous sauvegardions les vies de nos Chasseurs Ardennais. Ensuite,
sur cette horrible route du replis, ce fut Temploux,
la région de Charleroi en direction de la Lys le long de laquelle nous avons
livré de rudes combats. Le village de Vinkt et une partie
de celui de Gotem furent même repris à l'ennemi par
les Chasseurs Ardennais ; mais leur vaillance n'empêcha pas la capitulation belge,
le 28 mai. La révolte au cœur, nous sommes faits prisonniers, évacués par Audenarde,
Bruxelles et Tirlemont où, avec quatorze de mes camarades nous fûmes
officiellement libérés alors que je m'étais déjà sauvé dans un bistrot, pour
rien... Avec deux, trois copains, nous avons payé bien cher un taxi qui nous a ramené
chez nous, place Faniel. Nous sommes alors le 11 juin 1940. Peu à peu la vie
reprend son cours ; on panse ses plaies, on compte et pense aux disparus...
Très vite on se rend compte que beaucoup de familles ont besoin d'aide. Afin de
leur fournir cette aide, nous avons mis sur pieds le « Service Social des
Chasseurs Ardennais ». En marge de cela, les secrétaires généraux des
différents ministères créent les « Services de l'Armée Belge
Démobilisée ». Fatalement démobilisés, nous ne touchions plus qu'un demi
salaire, à savoir 750 francs de l'époque pour ma part. Malgré tout cela, mieux loti
que beaucoup, j'ai commencé à m'occuper d'un « Secrétariat Populaire de Renseignements »,
organisé dans le cadre le la J.O.C.[2] dont j'étais animateur à
Antheit. L'amélioration de la situation des « cas
malheureux » étaient donc devenus nos soucis quotidiens. Alors, le lieutenant
Rassart, revint à Vinalmont,
après avoir été soigné dans un hôpital à Bruges, et se porta volontaire auprès
de notre service social. C'est lui qui un jour me dit, sans aucune forme
d'autorité : « On pourrait se réunir ... ». Ainsi, la première « fausse » réunion
du Service social des Chasseurs Ardennais qui se tint dans une école à l'entrée
de la place Faniel (actuellement bâtiment occupé par
l'A.L.E.) fut la toute première assemblée de la Légion belge à Huy, un jour de l'été
40, si mes souvenirs sont bons. Et là, nous avons tous solennellement refusé
l'occupation allemande et reconnue urgente l'organisation de la Résistance.
Chose amusante, ce fut avec la fameuse machine à écrire, offerte pour moitié
par l'ambassadeur d'Allemagne, que nos premiers documents de résistance furent
dactylographiés. Nous avons donc commencé à œuvrer moitié à découvert, via
notre Service social, moitié dans la clandestinité, au sein de la toute jeune Légion
belge. De premiers contacts d'amitié se sont recrées avec les gendarmes : le tandem
Rassart-Massart[3] est né. Ensuite, vu le
nombre grandissant de Hutois dans notre groupe de
résistance, nous nous sommes réunis au restaurant chez Aymont,
transféré depuis peu rue Saint Pierre, suite à l'incendie qui avait ravagé le
premier établissement de la rue Neuve en même temps que le Kursaal.
Démunis, nous l'étions tous un peu et, les vêtements neufs peu accessibles,
j'avais fait teindre en bleu ma capote militaire afin d'avoir un chaud manteau civil
pour l'hiver à venir. Ce qui me dérangea c'est que les « Gardes
Wallonnes »[4]
adoptèrent la même couleur pour leurs manteaux. Elles m'obligèrent moralement à
rétrécir le mien pour ne pas être confondu ... Le service social des Chasseurs Ardennais, section de Huy entourant le lieutenant Rassart Au premier septembre 1940, je suis
désigné, par les services de l'Armée belge démobilisée, pour aller aider les
communes à organiser le ravitaillement. Je suis envoyé aux confins de
l'arrondissement : à Acosse, Avin,
Ciplet et Ville-en-Hesbaye. Habitant Wanze, je faisais les trajets
tous les jours à vélo. En accomplissant cette tâche, je continuais à recruter,
autant pour notre service social que pour la Résistance. J'avais aussi établi
des contacts avec une dame de la Croix-Rouge, dont j'ai oublié le nom, pour lui
faire parvenir du beurre et de la farine pour faire des galettes pour nos
prisonniers en Allemagne. Nous avons aussi participé à des actions
de récupération d'armes. Un ancien sous-officier, Charles Henrion,
s'occupait pour sa part du ravitaillement de Braives et faisait route avec moi
après avoir été chercher des victuailles dans les épiceries où l'on pouvait
donner nos timbres. Au carrefour de Braives, je lui ajoutait ma part, pour
éviter de devoir faire un détour, moi qui continuait vers Ville-en-Hesbaye. En
plus de cela, nous aidions les réfractaires au travail obligatoire en Allemagne.
Certains furent installés dans les bâtiments de la râperie de Braives ;
d'autres logeaient plus simplement dans des familles d'accueil, ou encore chez
des parents. Nous parvenions, par ailleurs, à obtenir des cartes de circulation
allemandes qui nous facilitaient la tâche, en plus de celles que nous avions déjà
grâce à nos responsabilités officiellement reconnues. La complicité du
secrétaire communal de Ville-en-Hesbaye nous fut acquise lorsque je lui demandai
de ne plus fournir les registres d'état-civil, ni aux Allemands, ni à leurs
sbires collaborateurs de la Werbestelle[5]. On avait mobilisé des jeunes
du coin pour réaliser de faux registres qui furent présentés à l'ennemi jusqu'à
la fin de la guerre ; les authentiques avaient été enveloppés dans des bâches
militaires et enfouies sous terre, puis ressorties à la libération. Nous avions
aussi les moyens de réaliser de fausses cartes d'occupation professionnelle pour
éviter à certains la déportation et le travail en Allemagne. Des cartes
d'agriculteurs, qu'est-ce que j'ai pu en faire ! Tout le monde devenait agriculteur
avec moi ! Je vois encore un type qui travaillait ordinairement comme peintre en
bâtiment, un certain Monsieur Delbrouck, à qui j'ai conseillé
de rendre l'état de ses mains compatible avec son nouveau métier !... Je me souviens aussi d'une anecdote du
début de l'année 1943. Participant à certaines opérations de récupération d'armes,
nous reçûmes des instructions, mon ami Charles Henrion
et moi, pour nous rendre à Braives, dans une propriété appartenant à une Anglaise.
Un troisième que je ne connut que plus tard, Coco Grenier, se joignit à nous
lors de cette mémorable journée. On charge donc les trois vélos avec des
caisses de munitions pour mitrailleuse Maxime et l'arme assortie, le tout
emballé dans des bâches militaires. Tout ceci était tellement lourd que nous descendons
à pied depuis Marneffe, retrouvons la route de Burdinne
et arrivons à Huccorgne. Et du passage à niveau de Huccorgne, que voit-on ? Tout un groupe d'Allemands en face
de la gare, au bistrot. Après avoir sermonné Charles qui avait déjà dégainé son
revolver, je jugeai, un peu follement, que faire demi-tour allait nous faire
repérer et qu'il valait encore mieux risquer de passer au beau milieu des boches
plus occupés à boire un pot qu'à surveiller le passage... Et nous sommes passés, allant même
jusqu'à les saluer... Dès la capitulation, les militaires de
carrière que nous étions ont été recensés, surveillés et tenus de se présenter
tous les mois à la Kommandantur, dans les locaux de l'ancienne Banque Nationale,
réquisitionnée par les Allemands. On s'arrangeait pour, à tour de rôle, passer
le premier et, à la sortie, signaler aux autres, de l'autre côté de la Meuse,
qu'il n'y avait aucun problème. Jusqu'au jour où, en mars 1944, on nous
prévient que l'on risque fort de se faire ramasser. J'étais alors déjà en possession
d'une fausse carte d'identité. Je me faisait appeler Vanesse, du nom d'un
jardinier de Ville-en-Hesbaye, et ma femme, Roder. Un jour les Allemands sont
venus pour me chercher à Wanze, place Faniel, mais
l'oiseau était absent. En réalité,
il avait vu le store d'une fenêtre de l'étage descendu de façon anormale.
C'était le signe convenu
avec mon épouse pour signaler un danger. C'est à cette époque que nous avons
quitté Wanze
pour aller effectivement vivre dans ce village hesbignon
de Ville-en-Hesbaye, dans une maison bien située pour une fuite éventuelle, car
mon rôle n'était pas de prendre le maquis puisque
j'avais la charge du ravitaillement. Un jour, mon nouveau voisin, un certain
Tombal, facteur à la poste de Braives, me signala que les Allemands étaient
passés pour me prendre. Ils l'avaient arrêté à cinq heures du matin
pour lui demander s'il ne connaissait pas quelqu'un répondant au nom de Dessambre qui s'occupait du ravitaillement. Tenu au
courant, comme le reste de la population du village d'ailleurs, de mon changement
d'identité, il leur répondit que la personne qui était employé au
ravitaillement s'appelait Vanesse ; il m'avait certainement sauvé la vie. Ils
se sont aussi rendus à Wanze, à mon ancien domicile qui était depuis sous-loué
à des Liégeois, sans abris suite à la chute d'une bombe volante sur leur
demeure. Des « robotés » comme on les appelait
à l'époque. Quand avez-vous repris vos fonctions
militaires ? Nous étions mobilisables dès août 1944
et devions attendre un ordre d'affectation, venant de
l'A.S. ou de l'Armée Belge. Nous avons donc attendu un long, froid
et pénible hiver, et le 4 février 1945, je reçois l'ordre de rallier la
citadelle de Namur. Albert Dessambre en uniforme de l’armée belge, 21ème bataillon de fusiliers Là, nous constituons le 21ème
bataillon de fusiliers. Je pensais éviter la charge de comptable et entrer dans
l'effectif de combat, mais reconnu par le capitaine Carette de Vielsalm, je n'y
coupai pas, car les sous-officiers d'élite comptables étaient des denrées
rares. Nous avons ensuite pris dès le mois d'avril la route de l'Allemagne avec
des unités de chars américaines. De celle-ci ne demeuraient que deux officiers
sur cinq, dont le lieutenant Taylor. Le 8 mai 1945, un ordre parait au
bataillon nous apprenant la capitulation de l'Allemagne et d'armée de
libération, nous devenons armée d'occupation... [1] Groupe de gendarmes, affecté à l'armée pour le maintien de l'ordre et faisant partie intégrante du bataillon et dénommé aussi : La Prévôté [2] Jeunesse Ouvrière Chrétienne. [3] Le lieutenant Jean Massart était alors commandant du district de gendarmerie de Huy ; grand résistant, il fût arrêté par les Allemands, déporté dans un camps allemand où il mourut décapité à la hache. [4] Groupe armé de rexistes belges. [5] Service de l'occupant allemand s'occupant de la gestion des dossiers de conscription pour le travail obligatoire en Allemagne. |