Maison du Souvenir
Accueil - Comment nous rendre visite - Intro - Le comité - Nos objectifs - Articles
Notre bibliothèque
-
M'écrire
-
Liens
-
Photos
-
Signer le Livre d'Or
-
Livre d'Or
-
Mises à jour
-
Statistiques
Walthère Dewé, le fondateur du Service Clarence[1]. Le chef du Service Clarence en 1943. Après la capitulation de notre armée, Walthère DEWE qui, à ce moment, a le grade de général, ne reste pas longtemps prisonnier de guerre. Il réussit à regagner Liège où il refuse fièrement de se mettre à la disposition de l'ennemi qui sollicite son concours pour la remise en état des installations de la Régie. A l'heure où tant d'autres, impressionnés par le triomphe des nazis, ne songent qu'à leur sécurité et à leurs intérêts, il n'a qu'une préoccupation : reprendre la lutte contre les oppresseurs de son malheureux pays. Malheureusement l'officier britannique qui devait assurer sa liaison avec Londres a péri en mer et les débuts du service d'observation d'abord dénommé Cleveland, puis Clarence, sont extrêmement ardus et mettent à une rude épreuve la ténacité de son fondateur. Pendant plusieurs mois, en effet, il n'a pas la certitude que ses émissions sont captées par Londres. C'est le 29 janvier 1941 seulement que la liaison est fermement établie par un agent parachuté. Ce dernier est cependant bientôt arrêté et de nouvelles difficultés surgissent. Le farouche acharnement de Walthère DEWE vient cependant à bout de tous les obstacles et son service ne tarde pas d'acquérir, et de dépasser l'ampleur de « La Dame Blanche ». Et c'est le 22 juillet 1941 que la Geheime Feldpolizei se présente pour la première fois à son domicile. Elle y revient à plusieurs reprises en août, en septembre, et en décembre de la même année. Abbé Paul Firket. Membre du Service Clarence. Fusillé à Beverloo le 25 octobre 1942. L'admirable Madame Dewé. Au cours des visites et des perquisitions, c'est Mme DEWE qui subit l'épreuve des longs interrogatoires. Non seulement elle tient tête aux policiers ennemis, mais elle réussit à les engager sur de fausses pistes. Les mois passent. Tout en menant la vie incertaine et pleine de risques du proscrit, Walthère DEWE complète, parachève son œuvre. Au début de juillet 1942 la police allemande fait une descente dans un de ses refuges, la maison de Mme S. Anspach, place Emile Dupont, 8, à Liège. Cette fois, el1e croit tenir la piste du patriote belge qu'elle recherche depuis un an et elle use des stratagèmes les plus grossiers pour faire tomber Mme DEWE dans ses pièges, et découvrir ainsi la trace de celui qu'elle considère avec raison comme le plus redoutable agent secret de Belgique. Tous ses efforts restent vains, la douce et vaillante compagne de l'ancien commandant de « La Dame Blanche » redevenu à soixante ans chef du plus important service d'observation en territoire occupé, le protège de toute la force de son affection. Nicolas Doyen. Membre du Service Clarence. Fusillé à Beverloo le 25 octobre 1942. Aussi quel coup pour Walthère DEWE que la brusque disparition, le 14 janvier 1943, de celle qui était toute la lumière de sa vie ! Jamais on ne vit le rude lutteur terrassé par l'émotion comme le jour où il retrouva, étendue toute blanche et toute menue sur un lit mortuaire, sa plus chère collaboratrice, l'épouse tendrement aimée qui l'avait protégé comme un ange tutélaire. Surmontant son chagrin, l'impavide patriote continue à se consacrer corps et âme à son pays. Il ne vit plus que pour la Résistance : pour la rendre plus ardente, plus efficace, il élabore des plans, donne des conseils, s'intéresse à toutes les tonnes de la lutte contre l'occupant. On vient le consulter comme un guide sûr, on le suit avec une confiance aveugle, avec enthousiasme. C'est que, à mesure que les mois et les années passent, ce merveilleux « Chouan » chouanne avec plus de conviction que jamais et sa consigne favorite : « Face à l'ennemi ! » l'entraîne à donner partout l'exemple d'un parfait mépris de tous les risques. Madame Simone Anspach qui, traquée elle-même par l'ennemi, a été témoin de sa vie de proscrit à Bruxelles, a bien voulu nous faire part de ses souvenirs. « De tous les émouvants souvenirs que nous conservons pieusement de notre chef Walthère DEWE, fondateur de la Dame Blanche, fondateur du Corps d'Observation Belge, les plus caractéristiques peut-être sont ceux qui nous restent de son existence en exil. Quelle vie ressemble à celle-là : si grande à la fois et si simple, si tragique et si humaine ? Jules Goffin de Fouron-le-Comte. Membre du Service Clarence. Fusillé à Utrecht le 9 octobre 1943. « Un homme traqué par l'envahisseur, lui échappant sans cesse, et lui faisant, dans ses propres lignes, une guerre acharnée : le harcelant partout, organisant un réseau de contre espionnage irréductible. Continuellement sur la brèche, jamais en repos, jamais en sécurité. Déjouant les traquenards, bravant les dangers, contre-attaquant jour après jour, en opposant sa volonté à toutes les influences funestes et, gardant sa foi en la destinée de la Belgique, il savait insuffler son audacieuse conviction aux plus timorés, aux plus incrédules. Dirigeant, ordonnant, prévenant – n'oubliant rien ni personne ; sillonnant le pays entier et n'ayant jamais pour s'abriter que des refuges éphémères, des foyers d'emprunt ; tel nous nous rappelons le PATRON, gardant en éveil, à travers tout, ses clairvoyantes facultés de chef responsable. « Ce n'est pas à son génie de grand capitaine, toutefois, que j'essaie de rendre hommage par ces lignes. Seuls d'autres capitaines de son envergure peuvent l'apprécier à sa valeur réelle. En évoquant Walthère DEWE, LE PROSCRIT, c'est à l'être excellent qu'il nous était si doux de suivre, que vont mes pensées ferventes, ma gratitude et mes indicibles regrets. Une âme d'acier, un cœur sensible, un esprit délicat : le héros que l'on reverrait, l'ami à qui l'on confiait ses peines. Nous a-t-il assez réconfortés quand nous nous sentions à bout de courage ; nous a-t-il assez aidés à accomplir notre mission, à accepter nos épreuves ! Il tirait de nous le meilleur de nous-mêmes, sans jamais demander à personne plus qu'il ne pouvait humainement donner. Raymond Dorkens de Bressoux. Membre du Service Clarence. Fusillé le 30 juin 1943. « Séparé des siens qu'il aimait tant, ne voyant que de loin en loin sa femme adorée, ses enfants chéris, lui qui avait plus que nul autre besoin de l'atmosphère familiale, il s'ingéniait à créer un sentiment de famille entre les éléments de son entourage. A la solennité des séances secrètes il donnait une ambiance amicale, confiante et joyeuse. Il n'avait garde d'y faire fi du pittoresque. Il ne manquait pas une occasion de parler wallon aux agents de chez nous, encourageait les anecdotes plaisantes, et ce grand austère ne dédaignait pas de nous révéler ainsi un côté de sa nature enjouée et débordante de verve. Il tâchait que nos relations d'affilié à affilié fussent toujours empreintes de bonne entente ; s'efforçant à ce qu'il y eût en notre exil des réunions charmantes où, dès les questions graves résolues, des moments de choix fussent réservés à la littérature, à la philosophie, à des causeries de franche cordialité. « Il avait rencontré partout de l'estime, de la déférence, une obéissance exacte ; mais partout également il avait attiré des sentiments d'affection profonde. On avait tant de réconfort à le voir, on se réjouissait tellement de sa présence attendue. Dans tout son champ d'action il possédait des amis dévoués pour qui l'honneur redoutable de l'héberger était la plus précieuse des faveurs. Il leur avait une extrême reconnaissance de l'accueillir, de le comprendre, de lui offrir la possibilité de se créer des habitudes. Rien n'est touchant comme l'aspect que M. et Mme Alfred Liénart, à Bruxelles, ont conservé à sa chambrette de proscrit. C'est un musée en miniature, une façon de temple du Souvenir, où des mains pieuses entretiennent avec amour des reliques de son passage. Voici quelques fleurs et des feuilles séchées cueillies là-bas au Thier-à-Liège, disposées par lui au pied de son crucifix. Il était heureux de les revoir à leur place, à chacun de ses retours, lui que le destin condamnait à passer continuellement d'un endroit à un autre sans le loisir d'une halte salutaire au foyer. Voici des livres aussi. Des livres... compagnons chers dont il emplissait ses poches, sa valise et qu'il ne déposait qu'à regret lorsque son fardeau devenait trop considérable. Nous aimions tous son demi-sourire confus, quand il nous confessait : « Je me suis encore laissé tenter ... » Alors, tout à sa nouvelle trouvaille, il se délectait à nous lire un beau passage qu'il admirait. R.P. Charles Jacobs de Val-Dieu. Membre du Service Clarence. Fusillé le 9 octobre 1943. « Nous avons vécu avec lui, pour lui, de lui, quand nous étions proscrits nous-mêmes – munis d'une fausse carte d'identité, gîtant dans des logis de fortune – traqués parfois, presque toujours sur le qui-vive et souvent le cœur en détresse. Mais tant qu'il s'est trouvé parmi nous, sachant maintenir un contact constant entre nous et lui, nous n'avons connu ni les vraies angoisses, ni les écrasants désespoirs. « Nous partagions avec une si suave émotion le bonheur des rencontres ménagées pour lui avec Madame Dewé, Marie et Madeleine ! Ces jours-là, c'était la haute récompense de sa vie uniquement vouée à la défense de notre pays et des pays de nos Alliés. Et l'on aimait de prendre un peu sa part du sourire angélique de celle qui portait avec un si doux rayonnement le nom de Dieudonnée. « Ses filles, comme il en était fier à juste titre ! Elles arrivaient, apportant à son esprit enfiévré, à la dure tension morale, le rafraîchissement de leur bonne tendresse. Elles étaient si tranquillement héroïques, si gaiement, si sereinement jeunes ! « Ah ! chez Dewé l'on ne se payait point de phrases pompeuses sur le Devoir, sur le Sacrifice, sur les Principes. On vivait ces choses avec un parfait naturel, journellement et sans rien en dire. « Le Chef tirait de ses proches ses principales satisfactions et puisait dans l'appui de leur attachement, la force d'accomplir toute, sa tâche. « Une épouse collaboratrice admirable, des filles faisant la guerre secrète au côté des parents. Un fils prisonnier militaire en Allemagne, un autre luttant dans la clandestinité : n'était-ce pas la famille dont tout autre eût tiré un immense orgueil ? Mais l'orgueil n'a jamais effleuré la pensée de Walthère DEWE. Pour lui, servir, voir servir les êtres chéris, aller ensemble au devant des périls, accepter les renoncements, aimer Dieu et la Patrie d'un amour infini, c'était chose toute simple et que l'on accomplit sans mérite. Théophile Dewilde d’Ostende. Membre du Service Clarence. Fusillé à Gand le 9 décembre 1942. « C'est pour lui et les siens que Flaubert semble avoir écrit les paroles prophétiques : « On monte au ciel le cœur percé, les mains « en sang et la figure radieuse. » Une famille de Braves. Walthère DEWE s'étant donné tout entier au service du pays, rien d'étonnant à ce que ses proches, ses deux filles et ses fils l'aient suivi sur les voies montantes du devoir et du sacrifice avec tout leur enthousiasme. Tant de tâches nobles et périlleuses sollicitaient en ce temps l'élan des cœurs généreux ! Recherche d'armes, aide aux aviateurs alliés, diffusion de la presse clandestine, sans parler de la liaison permanente avec le cher « proscrit », ni des multiples missions de confiance qui leur furent dévolues. Comme le père, les enfants servent de tout leur cœur jusqu'au jour où ; nouvelle et terrible épreuve pour le chef de famille, ses deux filles Marie et Madeleine tombent entre les griffes des brutes de la G.F.P. Dans notre numéro du 15 mai 1945, nous avons évoqué le calvaire de Madeleine DEWE, morte d'épuisement au camp de Ravensbrück, le 17 janvier 1945, après avoir jusqu'au bout donné à ses compagnes l'exemple d'une ténacité et d'un courage à toute épreuve. Reconnaissant ses mérites, le Gouvernement vient de la citer à l'Ordre du Jour de la Nation, mettant ainsi en lumière le caractère exceptionnel des services rendus au pays par la famille DEWE. Madeleine Dewé. Morte à Ravensbrück Mlle Marie Dewé. Lieutenant A.R.R. DEWE Marie-Madeleine-Joséphine-Berthe Chevalier de l'ordre de Léopold avec palme Croix de Guerre 1940 avec palme. « Suivant l'exemple. magnifique de son père, animée d'un dévouement sans pareil, soutint très brillamment au sein d'un Service de renseignements et d'action une lutte ardente contre l'envahisseur. Avec un courage et une ténacité magnifiques, s'acquitta avec un très grand succès de la tâche qu'elle avait assumée. « Arrêtée, elle eut au cours de ses interrogatoires une attitude admirable opposant à ses interrogateur un mutisme total. Déportée en Allemagne, elle mourut victime de son amour pour la Patrie. acceptant avec résignation le sacrifice de sa vie à la cause de son Pays. » La mort du héros. Les filles de Walthère DEWE avaient été arrêtées le 7 janvier, 1944 sous l'inculpation d'avoir hébergé des aviateurs alliés et de leur avoir prêté aide. Quelques jours plus tard, le 14 janvier, le chef du Service Clarence était lui-même « accroché » par la Gestapo de Bruxelles et, sur son fier refus de se rendre, était abattu en pleine rue. Madame la Marquise de. Radiguès qui, après avoir servi dans les rangs de « La Dame Blanche » en 1914-18, fut une de ses premières et de ses principales collaboratrices dans le S. Clarence, a bien voulu nous faire le récit des derniers moments du Héros. Emile De Beer d’Uccle. Membre du Service Clarence. Fusillé à Bruxelles le 17 décembre 1943. Des renseignements signalant, que Mme de Radiguès était en danger lui étant parvenus, le 13 janvier Walthère DEWE se rendit chez sa collaboratrice pour lui demander de quitter immédiatement sa maison. Sa démarche étant restée sans résultat, le lendemain, dans la matinée, il est revenu à la charge insistant davantage encore, mais sans plus de succès. Pour des raisons de famille, Mme de Radiguès ne croit pas pouvoir partir avant un jour ou deux. « Il me quitta bien contrarié de me voir rester chez moi », raconte-t-elle. Dans le courant de l'après-midi, à 3 heures et demie, il se présenta une troisième fois au domicile de sa collaboratrice. Celle-ci était sortie avec son fils venu de Paris. Il voulut partir, mais, comme il y avait justement alerte, la femme de chambre qui lui avait ouvert la porte, insista pour qu'il entre, disant que Madame ne tarderait pas de rentrer. Il déposa son chapeau et son manteau au vestiaire et s'installa dans un petit salon qui servait habituellement de lieu de réunion. Dix minutes plus tard, les policiers allemands faisaient irruption dans la maison, Passant par le vestiaire, ils demandèrent à la servante à qui appartenait le manteau et le chapeau. « C'est un monsieur qui est venu pour voir Madame », répondit-elle. Ils se sont alors précipités dans le petit salon où ils trouvèrent le chef du Service Clarence. II est à supposer qu'interrogé Walthère DEWE aura déclaré qu'il était venu offrir du charbon. « En effet, relate Mme de Radiguès, à ma rentrée, l'officier allemand qui me questionna, me demanda qui me fournissait mon charbon. Je ne m'attendais pas une telle question et je ne sais trop ce que j'ai balbutié. L'officier n'a d’ailleurs guère attaché d'importance à ma réponse et m'a dit qu'il allait me mettre en présence de quelqu'un, mais qu'il était strictement interdit de dire un mot. Ce quelqu'un était notre cher ami M. DEWE. Dès que je suis entrée, il s'est levé et s'est avancé vers moi. Je voudrais pouvoir décrire son regard ardent, flamboyant où on lisait la force prodigieuse d'un homme décidé à mourir plutôt que de jamais se rendre. En cette minute tragique, il était admirable. S'avançant vers moi, d'une voix forte il m'a dit : « Muraille », son nom de guerre de « La Dame Blanche » et qui était inscrit sur sa carte d'identité. Dès que ce mot eut été lâché, les allemands ont poussé des cris parce que nous avions parlé et m'ont fait sortir. Abbé Paul Désirant. Membre du Service Clarence. Fusillé à Liège le 31 août 1943. « Ils m'ont fait monter au salon d'où j'ai continué à entendre leurs hurlements. Ils interrogeaient leur prisonnier tantôt en allemand tantôt en français et criant toujours : « Où avez-vous couché ? Où logez-vous ? » Je ne pouvais entendre les réponses. Alors l'officier est monté, m'a interrogée sur un coup de téléphone reçu de Liège et a donné l'ordre de prendre une auto et de conduire M. DEWE à St-Gilles. J'ai alors entendu beaucoup de bruits, des portes s'ouvrir et se fermer, puis des cris suivis de coups de feu. L'officier était resté au salon et les agents de la Gestapo venaient lui rendre compte de tout ce qui se passait. L'un d'eux annonça à son chef que le prisonnier s'était sauvé, puis un autre cria qu'on avait tiré sur lui… Quelques minutes après, un troisième apporta la nouvelle qu'il était tué. Là-dessus l'officier leur fit des reproches, disant qu'ils n'auraient pas dû tirer. « Plus tard on m'a dit que le corps de notre valeureux ami était resté une vingtaine de minutes étendu sur le trottoir au coin de la rue de la Brasserie près de l'Avenue de la Couronne. Pendant qu'il était là étendu, un Franciscain qui passait a voulu s'en approcher, mais les allemands l'en ont empêché, alors de loin le religieux lui a donné l'absolution. Une camionnette est venue l'enlever et l'a transporté à l'hôpital militaire de l'Avenue de la Couronne. Le prêtre, qui était encore la, a donné une dernière bénédiction au convoi partant. Quand ils l'ont dépouillé de ses vêtements, ils ont trouvé sur lui des documents importants, ce qui explique l'acharnement qu'ils ont mis à découvrir son identité. Grâce à Dieu, ils n’y ont jamais réussi. » L'Apothéose. Marcel Verhamme de Bruxelles. Membre du Service Clarence. Fusillé le 16 novembre 1943. Le corps du célèbre chef de « La Dame Blanche » et du Service Clarence fut enfoui comme celui d'un inconnu dans un coin perdu du cimetière d'Ixelles. C'est là que ses collaborateurs sont allés le reprendre pour le ramener en triomphe dans sa chère ville de Liège. Oui, journée d'apothéose que ce 19 octobre 1945, où l'on vit groupés dans la cour du Palais des Princes-Evêques de Liège, prestigieux cadre historique merveilleusement adapté à la grandeur de cette, cérémonie, les plus hautes personnalités du monde militaire, juridique et politique, la foule émue de ses innombrables amis et admirateurs, tous les soldats sans uniforme, observateurs, courriers, marconistes, qui, aux heures décisives, avaient répondu à son viril appel. Minute poignante : voici que lentement l'auto-corbillard fait son entrée dans le vaste quadrilatère dont le frais soleil d'octobre avive, d'un éclat discret, l'impressionnant décor. Brusquement des ordres retentissent, les soldats de la garde d'honneur britannique et du détachement belge présentent les armes, toutes les têtes se découvrent et la « Brabançonne » jette aux échos ses notes exaltantes. L'hommage au Héros prend à ce moment le caractère d'un pathétique et unanime élan des esprits et des cœurs belges vers l'homme qui en vouant toute sa vie terrestre à un grand Idéal y mit tant de sereine beauté. Le ministre de la Défense Nationale apporte alors au plus illustre de nos combattants du front intérieur le vibrant merci de la Belgique reconnaissante. Il termine en ces mots : «
Par ses éminentes qualités de cœur et d'esprit, sa surhumaine énergie, sa
noblesse d'âme, autant que par l'inappréciable valeur de son activité au cours
des deux guerres, Walthère DEWE s'est acquis des titres exceptionnels à la
reconnaissance de la Nation. » Puis ce fut à travers la ville de Liège, derrière la glorieuse dépouille, un défilé impressionnant que les couronnes et les fleurs égayaient d'un long chatoiement. La vaste cathédrale de Liège où Son Excellence Monseigneur Kerkhofs officiait en personne, put à peine contenir l'immense multitude qui l'escortait. Après la grandiose cérémonie, le héros fut reconduit à travers les rues pavoisées de drapeaux en berne vers son Thier-a-Liège qui lui fit une réception poignante. Jean Bastin de Marbehan. Membre du Service Clarence. Fusillé le 12 juillet 1944. Le 17 octobre 1945, S.A.R. le Prince Régent avait décerné à l'impavide patriote liégeois la Croix .de Commandeur de l'Ordre de Léopold avec palme et la Croix de Guerre avec palme pour : «
Après s'être consacré au cours de la guerre précédente à la recherche et la
transmission de renseignements militaires dans des conditions qui participant
de l'histoire, a en 1940, dès le début de l'occupation du territoire du Royaume
malgré la surveillance dont il était l'objet de 1a part de l'ennemi, réussi
l'extraordinaire exploit de réorganiser le plus important service de
renseignements militaires en territoire occupé par l'ennemi. Pendant
quarante-quatre mois, sans désemparer, il l'a dirigé, recueillant et
transmettant des renseignements d'une valeur inestimable qui ont eu sur les
événements militaires une répercussion directe. Arrêté le 14 Janvier 1944, il
a, en tentant de soustraire à l'ennemi des documents dont il était porteur, été
abattu sur place. Par sa fermeté d'âme, par
son abnégation, par le sacrifice total à son idéal patriotique a donné à ses
compatriotes, le plus noble des exemples et tracé l'une des plus belle pages de
gloire de la résistance belge à l'ennemi. » Témoignages sur
Walthère Dewé S. E. MONSEIGNEUR KERKHOFS EVEQUE DE LIEGE « Ce que j'admire et vénère en Walthère DEWE ce n'est pas seulement le grand patriote, l'organisateur génial de la résistance, c'est aussi, faut-il le dire ? le chrétien d'élite. « Il ne m'a guère été donne de le fréquenter. Je le rencontrais aux messes et assemblées générales des Sociétés de Saint Vincent de Paul de Liège, ou pour traiter à l'occasion quelque question de son patronage paroissial. Mais depuis longtemps, depuis l'année 1926 où Léopold Levaux publia le Journal de sa conversion, je portais en moi la belle et noble figure de Walthère DEWE, figure de Christ du moyen âge, à la fois énergique et douce. Regard droit, émanant de deux yeux d'un bleu limpide où se concentrait la flamme intérieure de son âme ardente. Voix au timbre grave un peu brisé qui annonce un homme compatissant. Et au moral un homme simple et vrai, brûlé d'une foi forte et agissante qui n'exclut pas cependant une vision stendhalienne, réaliste et amère, de la vie, et dont la tolérance n'est à aucun degré faite de tiédeur et de bien séance mondaine. » Frans Lenaerts de Nylen. Membre du Service Clarence. Fusillé le 17 décembre 1943. « Ce portrait suggéré par la lecture et que j'aurais pu croire idéalisé, ne perdait rien à être confronté avec la réalité. Si, au physique comme au moral, l'ingénieur DEWE était un beau type d'homme – esprit fin, et cultivé, technicien remarquable, caractère ferme et d'une noble droiture, haute valeur morale – toute cette richesse naturelle baignait dans une atmosphère surnaturelle de foi, de grâce, de charité. Il pratiquait sa religion, sans forfanterie comme sans respect humain, et il fallait une vraie impossibilité morale pour le faire renoncer à sa messe et à sa communion quotidiennes. « De par ce contact habituel avec le Christ, dans la prière, la lecture des livres saints, les sacrements, l'esprit du Maître et de l'Evangile passa de plus en plus dans l'âme et le cœur du disciple. N'est-ce pas là qu'il puisait cette préférence marquée pour les pauvres, qu'il aimait à visiter et à secourir à l'exemple d'Ozanam, et pour les enfants auxquels le dimanche il consacrait tant d'heures de ses rares loisirs ? Dans le prochain, dans les humbles et les petits en particulier, il voyait, il aimait le Christ. Comme il avait lu et relu la parole de Jésus sur le renoncement, comme il connaissait la parole de Saint Jean : « Si le Christ est mort pour nous, nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères », l'oubli de lui-même lui était devenu en quelque sorte naturel, et la mort elle-même, la mort au service de son Pays et donc de tous ses frères, lui paraissait dans la logique de sa foi et, de sa charité. « Ceux qui vécurent avec lui, notamment pendant les rudes années de l'occupation, et qui furent témoins de sa constante sérénité, des délicatesses de sa charité, de sa sollicitude pour les autres, de son désintéressement total, de sa simplicité dans l'héroïsme, ont tous subi le mystérieux ascendant de sa personne et traduit dans une même formule ce quelque chose d'indéfinissable qu'ils percevaient en lui : Monsieur Dewé était un saint. Romain Ballieul d’Ostende. Membre du Service Clarence. Abattu en mer, le 22 novembre 1941. « N'est-ce pas l'illustration concrète de ce qu'écrit le Chanoine Leclercq : « Aujourd'hui encore, là où passe un lion chrétien; le parfum du divin se répand sur ses pas et fait palpiter chez les hommes la nostalgie d'une pureté qui n'est pas de, ce monde. Sur le chrétien repose cette « gloire du Seigneur », reflet de ce que les disciples voyaient en Jésus ; elle, transparaît de son âme dans ses actes, ses paroles et jusque dans l'expression de son visage. C'est elle qui attire, qui convertit ; c'est elle qui anime tout le corps de la Sainte Eglise, car elle est la vie divine passée dans les hommes. » (Chanoine J. Leclercq. Trente Méditations sur la Vie chrétienne. Casterman, 1946, p. 79.) E. RONGVAUX MINISTRE DES COMMUNICATIONS : « J'ai connu M. Walthère DEWE, entre les deux guerres, lorsqu'il fonctionnait en qualité de directeur des téléphones ,à Liège. Sans l'avoir approché de très près, je le considérais quelque peu comme un fanatique et un démagogue. Il s'est passé, notamment au cours des grèves de 1936, des événements qui ont modifié mon opinion ; il a pris vis-à-vis de son personnel et de l'extérieur des attitudes telles que mes préventions à son sujet se sont évanouies. Il avait reconnu le bien-fondé des revendications de ses petits agents et les avait encouragés à exiger un salaire convenable. « Je l’ai approché de nombreuses fois pendant la guerre. Nous connaissions, l'un et l'autre, nos opinions politiques et philosophiques et cependant nous nous sommes rencontrés dans une atmosphère de concorde, de collaboration, de confiance. Je lui ai apporté tout mon concours ; je sentais devant moi un homme résolu, disposé à sacrifier sa vie s'il le fallait pour aider son pays. Jean Van Ooteghem d’Anvers. Membre du Service Clarence. Mort en service, le 7 septembre 1944. « J'ai eu l'honneur de le voir encore. Quelques jours avant sa mort ; la même résolution froide se lisait dans ses yeux ; personne n'aurait pu penser à ce moment que sa fin était si proche. « Tous nous avons été atterrés par la triste nouvelle qui nous est parvenue en janvier 1944 ; nous avons longtemps espéré qu'elle, serait controuvée. Il a fallu se rendre à l'évidence. « La Régie des Télégraphes et des Téléphones a perdu un fonctionnaire de tout premier plan ; la Belgique a perdu un grand serviteur. « En ma qualité ancienne de collaborateur du service « Clarence » et en ma qualité actuelle de Ministre des Communications, j'apporte ici l'hommage fervent d'un admirateur de ce patriote éminent que fut M. Dewé. » LIEUTENANT GENERAL MOZIN : « Grand, mince, peu soucieux d'élégance ou de coquetterie vestimentaires. Visage d'ascète, émacié, pâle. Les yeux d'expression douce, mais où brille une flamme lorsque sa pensée se concentre sur l'action qu'il mène ; des yeux qui révèlent une vie intérieure intense, fiévreuse, un cerveau en travail poursuivant sans relâche l'accomplissement de l'œuvre de sacrifice à laquelle il a voué sa vie. Voix prenante, qui convainc et ordonne sans commander. Ame noble, généreuse et vaillante, qu'habite une foi profonde. Georges Pinon de Seilles. Membre du Service Clarence. Mort en service, le 7 août 1944. « Tel était Walthère Dewé ; tel l'ont vu tous ceux qui l'ont approché et ont eu l'honneur de l'avoir pour chef dans la lutte secrète et opiniâtre qu'au cours de deux guerres il a menée contre un ennemi odieux. Un pur héros, dont la nation se doit de perpétuer le souvenir. » BARON MEYERS PROCUREUR GENERAL Hre : « Idéaliste, Walthère Dewé le fut dans la bonne et belle acception du mot. Chez lui, l'idée partait de l'amour de Dieu et du prochain, engendrant l'amour de la patrie. « Dans ce triple .amour, Dewé trouvait l'inspiration de son activité. Il y puisa l'énergie d'un dévouement à toute épreuve et la force d'une mort qui fut le digne couronnement de sa vie généreuse et héroïque. « On est heureux et fier d'avoir pu approcher d'un aussi noble exemple de grand chrétien et de bon citoyen. » A. DEMOULIN CONSEILLER A LA COUR DE
CASSATION : « Monsieur Dewé, le Chef, ainsi que l'appelaient les membres du Service Clarence, alliait au suprême degré la sensibilité, la douceur et la simplicité à la force, à l'énergie et à la vraie grandeur. « Croyant, sa tolérance était absolue. « Chaque fois que, surgissant d'une allée, il arrivait chez moi, malgré le caractère champêtre et intime du décor, j'étais pénétré du rayonnement de sa personnalité à la fois si puissante et si attachante. Maurice Seys. Commissaire de police en chef d’Ostende. Membre du Service Clarence. Mort au camp de Ellerich (Buchenwald). « Lorsqu'en philosophie il analysait le livre qui avait occupé ses veilles ou appréciait l'événement du jour ou, sujet inépuisable pour son cœur aimant, parlait des siens dont le devoir envers la patrie avait seul été assez puissant pour l'amener à se séparer, il s'exprimait doucement et dans des termes empreints de cette suprême distinction qui lui était naturelle. « Mais s'il venait à retracer les événements de mai 1940, au cours desquels, aux armées, il avait joué un rôle éminent, son ton devenait tranchant, ses, yeux flamboyaient, son geste se faisait, impératif et le conducteur d'hommes, conscient de l'importance de sa mission et de la pureté des mobiles qui l'inspiraient, apparaissait dressé de toute sa haute stature. « Ainsi se dévoilaient les aspects divergents de sa si riche nature. « Lors d'une des visites qu'il me fit, je lui montrai une médaille à l'effigie du Roi Albert portant en exergue la phrase suivante : « Avant que l'on détruise mon armée, il faudra que l'on me passe sur le corps ! » « Plein d'admiration, il me demanda de pouvoir emporter la médaille. « Il ne devait plus revenir chez moi ! « Bien souvent depuis, je me suis demandé, si au moment où il refusait de se rendre à l'ennemi et acceptait ainsi le sacrifice suprême, un tel homme ne s'est pas souvenu des fortes paroles du Roi-soldat, si bien dans la ligne de son admirable courage ! » Chevalier Jean de Moreau d’Andoy. Chef du secteur Namur. Service Clarence. Mort à Dora le 5 décembre 1944. J. ORBAN-ENGLEBBRT: « La vie moderne, par son rythme essoufflant, par sa dureté croissante, est peu apte à créer ces historiques figures d'humanité dont l'équilibre du cœur et de l'esprit dominent non seulement leur entourage, mais encore projettent leur reflet sur toute une époque. Ces hommes de haute vertu et de qualités intellectuelles suréminentes ont d'abord eu à construire leur personnalité, à l'accorder ensuite à leur temps pour enfin lui donner l'orientation créatrice qu'ils ont conçue dans la solitude de leurs méditations. Walthère Dewé fut une de ces « figures-forces », pas un battement de son cœur, pas un instant de sa vie n'a été distrait de son but : « Servir sa patrie ». « Il n'est personne, quel que fût son âge ou sa conviction, qui, le rencontrant, ne se sentît bouleversé par le rayonnement inouï qu'il émanait ; le souffle brûlant, pathétique de sa voix profonde faisait de suite ressentir que l'on rencontrait quelqu'un d'une grandeur hors la mesure, on se sentait petit, mais pas diminué. Au contraire, auprès de lui chacun se sentait transporté, bissé presque à sa taille, tant la puissance de sa volonté, la subjugation de son regard était quelque chose de surhumain, doux et implacable, humble et majestueux. Il joignait à la vue d'ensemble et à la décision foudroyante du grand capitaine la souveraine prudence des hommes formés aux services secrets. Toute ma vie je retournerai avec pitié à ces longues veillées de 1940 à 1944 où, assuré de l'avenir, certain de la victoire, il créa, dirigea un nouveau service digne continuateur de la White Lady de 14-18. Dans toute la grandeur du mot, il était le « Chef », adoré et obéi. Léon Calmeau de Marche-en-Famenne. Membre du Service Clarence. Décédé en captivité. « Walthère Dewé était aussi un « Saint » un véritable saint dont la croyance, la ferveur et les actes ne le cèdent en lien aux images les plus vénérées. Pour reprendre une expression biblique, il « vivait en Dieu ». Tout ce qu'il a pensé, fait, souffert, était animé d'une foi totale ; son prodigieux sens du devoir n'était pour lui qu'une simple manifestation de sa religion. Tout lui était simple et facile, son âme reposant dans sa foi ; la Providence, comme il disait, avait fait de l'espionnage sa carrière, l'information militaire était devenue pour lui son premier devoir d'état. On a dit un jour que Walthère Dewé était une sorte d'association de Saint Ignace de Loyola et de Saint Augustin ; du premier il avait la froide méthode, intellectuelle, l'implacable discipline et presque une sorte de férocité orgueilleuse dans l'accomplissement de son devoir ; de Saint Augustin, il avait l'enthousiasme dévastateur, la charité douce pour les fautes d'autrui et ce particulier lyrisme qui le rendait si impressionnant pour son entourage. Je suis convaincue qu'il est la plus pure image du devoir patriotique et qu'il est une des plus grandes figures de notre combat. Walthère Dewé deviendra un de ces personnages légendaires qui honorent les fastes d'un pays, un de ceux dont on lit l'histoire aux enfants pour les éduquer à leurs devoirs envers la Patrie. « Il avait la prescience de sa fin tragique qu'il envisageait sereinement comme l'accomplissement final de son œuvre. « Ayant vécu en saint, ayant commandé en chef, il finit en martyr, silencieusement, humblement, comme il l'avait souhaité. » Frans Kennes de Stavelot. Membre du C.O.B. 1939-1940. Décédé à Gross-Rosen en janvier 1945. COLONEL M. MODARD COMMANDANT DU R. F. L : « D'une intelligence très vive, d'un jugement très sain et très nuancé, aussi érudit que modeste, Walthère DEWE était doué d'une volonté de fer s'alliant à un tact très prenant et à une délicatesse touchante. Très rares sont ceux qui, comme lui, réunissent un tel ensemble de qualités portées à un potentiel si élevé. Elles étaient indispensables à la direction d'un organisme comme le Service Clarence ; elles en firent un chef respecté et vénéré de tous. Walthère DEWE ne donnait jamais d'ordre au sens strict du mot : il n'utilisait que la persuasion. Une persuasion imprégnée de tact. C'est celui-ci et sa grande bonté qui furent le secret de l'ascendant profond qu'il exerçait sur tous. De ma vie, jamais je n'ai rencontré un si grand Chef au sens le plus élevé du mot. Trois idées peuvent résumer toute son existence : Dieu, le devoir, servir ; elles en firent un héros d'une pureté exemplaire. » R. BOSERET AVOCAT A LA COUR D'APPEL.
LIEGE : « Walthère Dewé ! quelle admirable synthèse des qualités de cœur et d'esprit ! « Il nous paraissait tellement grand, tellement supérieur à tous ceux qui nous entourent ! « Toutes ses actions étaient inspirées par le « Devoir », devoirs envers Dieu, devoirs envers sa patrie, devoirs d'état. Mlle Elisabeth Plissart de Bruxelles. Membre du Service Clarence. Décédée en captivité. « Son âme généreuse n'admettait pas de marchandage, il se donnait tout entier ; sa vie et sa mort glorieuse l'ont prouvé. « Et ces qualités de bonté et de fermeté se reflétaient dans son regard étrangement profond. » H. HEUSE AVOCAT PRES LA COUR D'APPEL CONSEILLER COMMUNAL DE LA VILLE
DE LIEGE : « J'ai connu Walthère DEWE au printemps de 1919 et depuis lors ai entretenu avec lui 1es relations les plus cordiales. J'en conserve le plus cher souvenir, je suis fier de l'avoir approché. Il pensait avec droiture, il jugeait loyalement, avec générosité. Modeste, il voyait grand. Pour lui, « servir » c'était se dévouer avec abnégation. Pour les humbles son cœur débordait de bonté. Il regardait, les grands de 1a terre en face et jamais ne leur cachait la vérité fut-elle brutale. Sa vie ne lui appartenait pas, il l'a donnée en exemple à ses concitoyens. Ceux-ci se doivent de conserver pieusement le souvenir de ce parfait homme de bien. » Mlle YETTA DUPUICH : « Je me sens incapable d'exprimer d'une façon digne de lui, la profonde admiration, l'estime et surtout la grande, très grande affection que j'éprouvais pour Walthère DEWE. J'avais eu le grand honneur de travailler sous ses ordres pendant la guerre 1914-1918, depuis il était devenu un ami. Jacques Bertels de Hasselt. Membre du Service Clarence. Décédé en captivité. « Jamais je n'oublierai sa bonté, sa modestie. Il avait le don de vous élever au-dessus de vous-même, de vous inspirer une telle confiance que c'est avec joie qu'on lui obéissait, avec la conviction, qu'en ce taisant on suivait le droit chemin. » JOSEPH DEMARTEAU : « Je sers qui j'aime », dit un adage breton. « C'est parce que, dans son grand cœur, brillait un ardent amour pour tous les hommes ; ses frères, que Walthère Dewé les a servis tous si généreusement. « Il les a servis dans les œuvres d'édification spirituelle et d'assistance Sociale comme dans ses relations personnelles. Il les a servis dans l'exercice de sa profession, où, par un dévouement sans limite et sans défaillance, il fut le serviteur de ses subordonnés. Il les a servis dans le déploiement d'une activité patriotique sans égale, par quoi il eut une influence considérable sur l'issue de deux guerres mondiales et ainsi sur les destinées de l'humanité. « Ami de sa jeunesse, témoin des premières manifestations de sa passion de servir tous ceux qu'il aimait, je joins avec émotion mon fervent témoignage à tous ceux que mérite ce héros de la charité la plus sublime. » LEOPOLD LEVAUX : « Cet homme de feu, qui devenait parfois un homme de fer, était plus que tout, un homme de cœur, un homme de compassion. La bonté brillait sur lui. Le nombre de personnes qu'il a aidées est incroyable. Le nombre de causes, grandes et petites ; qu'il a défendues, en avocat libre et toujours désintéressé, en chevalier errant, est exceptionnel. Il était pour le caractère, et réserve faite de ce qu'on pourrait appeler la chimère d'application, donc réserve faite des moulins à vent, un don Quichotte, c'est-à dire un membre de l'authentique et presque défunte Chevalerie, un croisé. » Mme Berthe Morimont de Liège. Membre du Service Clarence. Décédée en captivité. ABBE E. DRUART AUMONIER GENERAL DU SERVICE
CLARENCE : « C'est en 1921 que, par l'étude de l'histoire, de Louis et Antony Collard, je suis entré en rapport avec M. Walthère Dewé. « Ce qui m'a frappé en lui au premier abord, et cette impression n'a fait que de s'accentuer, c'est sa droiture et sa loyauté, son ardeur chevaleresque, la ferveur et l'idéalisme pur de sa belle âme. Il répugnait aux compromissions, voire aux demi-mesures ; il ne supportait ni le terre à terre ni la médiocrité ; il rejetait toute fraude, tout mensonge, toute injustice même pour aboutir aux résultats les meilleurs en apparence. Il avait en horreur la pusillanimité au point de trop mépriser, au gré de ses amis, la prudence. L'héroïsme l'attirait, et animait sa vie. « Depuis 1939 jusqu'au jour de sa mort tragique, recevant fréquemment sa visite, ayant le bonheur de l'hospitaliser parfois et l'honneur d'être un des confidents de son travail patriotique inlassable et si divers, j'ai pu constater l'élévation, la virilité de son âme qui n'en restait pas moins sensible ... Victor Janssens de Liège. Membre du Service Clarence. Décédé en captivité. « Il s'inquiétait de la situation matérielle de ses agents et de leur famille, des périls qu'ils couraient et qu'on pouvait leur faire éviter ; il admirait et soutenait leur bon travail ; il les aimait vraiment et leur était à jamais attaché. » FRANÇOIS CAPELLE : « Nous nous connaissions depuis 30 ans. « Lors de la première guerre mondiale, je lui avais apporté une modeste collaboration que me permettaient déjà mes voyages dans différents coins de la Belgique. « Il s'en était souvenu et lorsqu'en 1939 les hostilités commencèrent, je me remis à sa disposition. Ce fut l'époque où je pus apprécier ses qualités, que je ne répéterai pas, mais qui faisaient de lui à mes yeux presqu'un surhomme. Il faut lui avoir remis des rapports, lui avoir donné des renseignements pour se rendre compte de sa force morale et de son abnégation. Quel éclair brillait dans ses yeux lorsque, dans un détail, il voyait déjà la possibilité d'autres renseignements, à obtenir. Quelle joie reflétait son visage lorsqu'après de longues recherches il trouvait ce qu'il avait, peut-être mis des mois à obtenir. Mais aussi quelle affectueuse poignée de mains pour remercier ses collaborateurs lorsqu'il jugeait, avec sa bienveillance coutumière, que ceux-ci avaient bien travaillé. Quelle profondeur dans sen esprit, quelle élégance dans ses pensées ! Quel grand homme nous avons perdu ! » ABBE LISSOIR. CURE DE SCLAYN AUMONIER GENERAL ADJOINT DU
SERVICE CLARENCE : « Tous ceux qui, comme moi, ont eu l'insigne privilège d'approcher de très près et d'être les confidents de Walthère Dewé, ont pu apprécier la valeur merveilleuse de ce grand homme, de ce patriote éclairé et intrépide, de ce chef à la volonté d'acier, de ce chrétien tout d'une pièce. Ernest Gilain de Liège. Membre du Service Clarence. Décédé des suites de sa captivité le 16 mars 1944. « Au cours de la guerre, après avoir parcouru les quatre coins de la Belgique, Walthère Dewé, dont j'ai ressenti la perte comme celle d'un très proche parent, aimait à venir chez moi se reposer des tracas et des transes innombrables que sa passion de servir totalement la grande Cause, lui attirait. Se reposer n'est pas le mot exact, car chacune de ses visites – et celles-ci s'espaçaient de 15 en 15 jours depuis juin 1941 jusqu'à sa mort tragique – était pour lui l'occasion de voir divers agents du Service. « On n'a jamais fini de faire son devoir », se plaisait-il à répéter bien souvent. C'était aussi parfois pour le « proscrit » des rencontres avec les membres de sa famille, tout entière vouée, elle aussi, à la même Cause sacrée. Et quand le calme de la nuit enveloppait le presbytère, dans des conversations intimes à jamais inoubliables, toujours sur la brèche, il échafaudait des plans, élaborait de nouveaux projets, contait ses espérances et ne vivait que de cette unique pensée : sauver le Pays. « La Belgique a perdu un grand homme, mais sa vie, ses exemples et son ardent patriotisme ont semé pour l'avenir. » N. DESSARD : « Tout qui a eu le bonheur d'être à l'Université l'ami de Walthère DEWE en a gardé le souvenir d'un camarade au contact duquel on ne pouvait que devenir meilleur. C'était l'ami par excellence, l'ami sur lequel on pouvait toujours compter. Le regard. profond, concentré, d'aspect ascétique, tout en lui laissait deviner l'âme d'un apôtre et d'un noble idéaliste. Charles Henri Lammers de Saint-Trond. Membre du Service Clarence. Décédé des suites de sa captivité. « Nous nous rendions compte que rien ne pourrait le faire fléchir, que rien ne pourrait le détourner de la ligne droite que sa conscience scrupuleuse et son idéal lui avaient tracée. Rien, ni le martyre, ni la mort. « Avec lui, les conversations durant les intervalles des cours se déroulaient toujours sur des sujets d'un plan supérieur, la philosophie, la religion, la morale et toujours l'on retrouvait chez lui les mêmes principes droits, rigides, élevés. « Walthère DEWE, nous le pressentions, devait devenir dans notre pauvre monde moderne le type le plus pur du chevalier sans peur et sans reproche. » ROBERT DUPUIS CHARLEROI : « Il faudrait, pour exalter l'héroïsme d'un DEWE, inventer des mots religieux, des verbes surhumains. Il faudrait trouver des accents pieux et pleins de gloire, qui seraient pour lui comme une offrande solennelle, qui dresserait son souvenir haut dans le ciel, un souvenir impérissable plus éternel que l'airain. Ernest Jacob de Plombières. Membre du Service Clarence. Décédé en captivité. « Walthère DEWE, héros magnifique, qui a voulu que son martyre reste obscur, que son exemple reste anonyme et que l'on n'allume pas sur lui l'encens grisant des éloges. Quelle leçon pour notre jeunesse, quelle source intarissable pour y puiser l'amour du devoir, l'amour du droit et de la justice, l'amour de notre indépendance et de nos libertés ! « Quelle leçon à méditer, pour les résistants de la onzième heure, qui se sont servis du tremplin de la « RESISTANCE» pour se créer une publicité tapageuse, pour briguer des mandats politiques, ou se lancer, bride abattue, à la course aux distinctions honorifiques. » JEANNE GOESEELS EX-CONDAMNEE A MORT: « Bien des années ont passé depuis ... et cependant comment oublier l'impression que je ressentis lorsque dans ma cellule de condamnée à mort me parvint le premier message du Chef « Je vous félicite de votre attitude devant le conseil de guerre. Différentes démarches sont faites afin que l'exécution n'ait pas lieu, « mais si, malgré tout, elles étaient vaines, restez ce que vous êtes : patriote et chrétienne. Sursum Corda ! » L'homme est tout entier dans ces quelques mots : quelle que soit la situation, savoir l'accepter. Emile Buzin de Dinant. Membre du Service Clarence. Décédé à Buchenwald le 20 janvier 1945. « Je l'ai revu lors de l'arrestation de ses deux chères filles : il était resté ce qu'il était trente ans plus tôt : prodigieusement calme et fort devant l'épreuve. Comme tous ses agents, je considère comme un honneur inappréciable d'avoir pu servir sous les ordres d'un Chef aussi éminent. » CHANOINE ACHILLE KNOOD DIRECTEUR DIOCESAIN DES OEUVRES SOCIALES DE LA PROVINCE DE NAMUR : « J'avais souvent entendu parler de Walthère Dewé, au cours de l'autre guerre, par ses collaborateurs enthousiastes. J'avais toujours désiré rencontrer cet homme dont on m'avait dit tant de bien, mais l'occasion ne m'en fut pas donnée. « Or, fin septembre 1940, Walthère Dewé me procura l'heureuse surprise d'une visite. Depuis, j'eus souvent l'occasion de le revoir et même de passer une bonne soirée en sa si intéressante compagnie. « Il était d'une simplicité charmante et aimait à raconter, avec l'accent du terroir, les histoires savoureuses du bon peuple liégeois, auquel il était très attaché. C'était un démocrate sincère, qui cherchait à élever le peuple et à soulager ses misères. « Esprit d'une lucidité et d'une élévation remarquables, meublé de connaissances solides et extrêmement variées, sa conversation était un régal, qui s'agrémentait de faits précis et venant juste à propos. « Mais ce qui frappait en Walthère Dewé, c'était l'homme de principes, de principes chrétiens, pour qui la vérité et la justice avaient des droits imprescriptibles, avec lesquels il ne biaisait jamais. Une fois qu'il avait conscience de son devoir, rien ne pouvait l'en détourner, quelque pénible qu'il fût. Il aimait à répéter qu'une charge acceptée en temps de paix pouvait comporter le sacrifice de la vie, en temps de guerre. Lui-même était prêt à la mort. « Son abord un peu froid et son regard apparemment sévère s'adoucissaient vite, parce que son grand cœur parlait, laissant à ceux qui l'approchaient un souvenir impérissable, le souvenir d'un grand homme de chez nous. » V. COPPENS. HASSELT ET SES COLLABORATEURS DU
LIMBOURG : « Si invraisemblable que cela puisse paraître, M. Dewé n'était pas un inconnu pour le Limbourg. « Depuis juin 1940, le regretté défunt était en contact permanent avec nous. « Que de fois n'est-il pas venu à Hasselt ! Que de fois ne nous a-t-il pas assistés de ses précieux conseils et de ses encouragements ! Il n'est pas superflu de dire que c'est grâce aux conseils et aux encouragements de M. Dewé que nous sommes parvenus à nous initier et à nous habituer à cette dure et difficile fonction d'observateur militaire clandestin, et même, à aimer ce genre de travail, malgré les dangers y afférents, dangers dont lui-même personnellement ne se souciait guère. « Par son enseignement, mais surtout par son exemple, il nous a montré le chemin du devoir et nous a fait comprendre l'intérêt primordial de notre activité « A chacune de ses visites, ce fut pour nous un vrai régal d'entendre M Dewé, de sa voix profonde et prenante, exposer ses vues et ses idées sur les problèmes, non seulement du service d'observation, mais également sur tous ceux qui intéressent l'avenir et la grandeur de notre pays, et même de l'humanité. « En dehors des multiples qualités dont était doué M. Dewé, tous ceux qui l'ont approché ont admiré son profond esprit religieux, sa dévotion exemplaire et la sincérité de sa conviction. Robert Fabry de Berchem-Anvers. Membre du Service Clarence. Décédé en captivité. « Malgré ses dons innés de chef, il était d’une simplicité extrême, et s'intéressait au sort des plus humbles agents de son service ; malgré les soucis, que lui procuraient inévitablement ses fonctions de chef de réseau, et malgré les malheurs, qui se sont abattus sur lui et sa famille, il restait un père pour ses collaborateurs et s'occupait d'eux en tout ce qui pouvait leur être utile. « Si, a son grand regret, tel qu'il l'a déclaré personnellement, M. Dewé ignorait la langue flamande, il ne faisait pas de distinction entre Belges, Flamands ou Wallons. Il appréciait en tous, leur caractère propre, mais admirait surtout, chez tous, l'amour de la patrie commune. « Pour nous, qui sommes fiers de pouvoir nous nommer ses collaborateurs et amis, M. Dewé restera toujours l'homme exemplaire sous tous les rapports ; nous nous laisserons guider par son esprit de travail, d'abnégation et de dévouement à toutes les belles et nobles causes. « Les Limbourgeois, qui ont travaillé sous ses ordres, n'oublieront jamais cette noble figure, ce défenseur du droit, ce sublime serviteur de notre Belgique.» J. GILLET SECRETAIRE DE LA VILLE DE NAMUR
: « Je considère comme un honneur d'avoir servi pendant la guerre sous les ordres de M. Walthère Dewé. La rigidité de ses principes, son esprit de devoir, ses sentiments de haut patriotisme, son intelligence éclairée, la fermeté et la droiture de son caractère, toutes ces qualités auxquelles s'alliaient une grande bonté et une extrême modestie eu faisaient une forte personnalité qui s'imposait à tous. Il émanait de lui une force surnaturelle qui édifiait, réconfortait et entraînait ; je conserve de nos entretiens un émouvant souvenir. « La mort de M. Dewé est pour, la Belgique une lourde perte ; l'ascendant que lui valaient ses grandes qualités et les éminents services qu'il a rendus pendant les deux guerres, eût fait de ce héros, dans les temps troublés que nous vivons, un des principaux artisans du relèvement, économique et moral de notre pays. » S. LACROIX, INSPECTEUR
DES TELEPHONES ROCHEFORT : « J'ai eu l'honneur et le privilège de servir la cause de la Belgique, sous les ordres de M. Dewé, du 2 août 1940 au14 janvier 1944, jour de sa mort. Parmi les lourds souvenirs accumulés tout au long d'une intime collaboration, je détache deux évocations particulièrement significatives. « La première : le 2 août 1940 au moment où il esquissait, devant moi le plan de son action future, M. Dewé me déclara : « L'Angleterre tiendra seule aussi longtemps qu'il sera nécessaire. Tôt ou tard, l'Amérique et la Russie seront contraintes à l'intervention. La guerre sera longue : cinq ans, dix ans peut-être ! Qu'importe ! La grandeur de notre cause exige que nous ne fixions aucune limite à notre devoir .. Quoi qu'il arrive, nous irons jusqu'au bout ! » Léon Lambert de Liège. Membre du Service Clarence. Mort en captivité. « La seconde : quand, le 7 janvier 1944, j'eus achevé de le mettre au fait de la catastrophe survenue chez ses enfants et de l'avertir des grands dangers qui menaçaient son service tout entier, je craignis d'avoir porté un coup fatal au père sensible que je connaissais. Je m'aperçus de mon erreur lorsque, en conclusion à notre entretien, je reçus cette simple et pathétique exhortation : « Allons ! A la grâce de Dieu ! Courage ! » « J'ai jugé bon de rappeler ces deux attitudes pour montrer que face aux malheurs de la Patrie et aux déchirements de la famille, Walthère Dewé avait réagi avec une cornélienne grandeur. » NESTOR, ALDO MORNIE, GAND : « Gloire à ce grand chef ! Walthère DEWE a « lutté.» dangereusement et sans armes, de tout son cœur, – de toute son intelligence, – s'immolant pour rendre à son pays ce droit sacré : « la Liberté ». Heureuse Belgique, qui engendra un tel fils. – Sa mémoire trouvera ses hommes toujours vibrants, – toujours debout ! » Directeur-fondateur Laurent Lombard Rue Hennet, 1, Liège.
|