Maison du Souvenir
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Populations martyres Les tragiques événements d’août 1914 à
Oupeye Eglise d’Heure-le-Romain Samedi
13 septembre 2014 Textes :
Jean-Michel Charlier, Guy Lhoest et Geneviève Deghaye Aux sons et lumières :
Michel Adam Photos :
Marc Durieux Sans
oublier de remercier Monsieur le Curé Le fil rouge : Juliette Emeline
Purnelle Sa maman Nathalie
Purnelle Hubert Antoine
Niwa Anne-Françoise Driesen – Anne-Marie
Navette – Camille Valoir Noël Valoir – Jean-Michel Charlier L’église : Abbé Janssen Marc
Niwa Antoine Léonard Paul
Ernoux L’officier allemand Laurent
Hensen Soldat roux Jean-Michel Charlier 2e soldat Jérôme
Demarteau L’école : L’instituteur André
Pirson Et Liam, Sylvain, Louis, Lilou, Hugo, Guillaume et Benjamin Scène 1 –
La leçon d’histoire Epoque contemporaine. Un instituteur donne une leçon sur le début de la guerre 14-18. Epoque contemporaine, une leçon sur le début de la guerre 1914-1918. Monsieur André Pirson et Liam, Sylvain, Louis, Lilou, Hugo, Guillaume et Benjamin Idée de terminer sur une allusion à la belle époque, insouciante et heureuse : on demande aux enfants de fermer les yeux et d’imaginer. (De manière à faire charnière avec la séquence 2) Scène 2 -
Transition musicale Changement d’époque / transition musicale. Pot-pourri des introductions de : · Paris de la belle époque · Auprès de ma blonde · Sous les Ponts de Paris Scène 3 -
Fil rouge : La mobilisation La scène de la mobilisation. Juliette par Emeline Purnelle et Hubert par Antoine Niwa Juliette est assise
sur une chaise. Elle chantonne « sous les ponts de Paris » et est
occupée à broder. Hubert entre
vivement, puis marque un arrêt à quelques mètres de sa fiancée. Juliette : (mi-français, mi-wallon) Ah ! Hubert, mon amour, tot-l’minme ! (Elle se lève et dépose son ouvrage). Tu as été long aujourd’hui, on vient déjà de sonner vêpres. On t’attendait, le souper est prêt ! Hubert : Excuse-moi, ma Juliette, mais j’ai dû repasser par… Juliette : Pas par le cabaret, j’espère ? Ce n’est pas jour de paie ! (Petit temps) Non, je plaisante, mais je commençais vraiment à m’inquiéter. (Hubert ne réagit pas, petit temps) Ét qué novèle ? Vos n’mi rabrèssez nin, poyon ? Hubert : Siya m’tote bèle ! Je n’suis v’nu que pour ça d’ailleurs. T’embrasser, ma Juliette ! (Il se « jette » sur elle, l’étreignant plus qu’à l’habitude) Juliette : Ooooh ! Tot doû m’trésôr ! Héhé, quél amoûr po nosse gate ! Je te manquais tant que ça, mon cœur ? Y a pourtant que quelques heures qu’on s’est quitté, hi hi ! (Un temps) En plus, j’ai deux excellentes nouvelles à t’annoncer… D’abord, les hommes ont formidablement travaillé aujourd’hui : la maçonnerie de notre future maison est terminée ! Ils ont mis le bouquet et papa leur a offert le genièvre. Tu te rends compte ? Notre future maison, Hubert ! Sauf accident, elle sera complètement finie fin septembre, juste pour notre mariage ! Hubert : (peu gai malgré la nouvelle) Sauf accident, oui ! Sauf accident… J’ai hâte de remercier ton père pour tout ce qu’il nous offre. Juliette : Oh, pour ça, tu attendras un peu. Il est resté avec les maçons et quand il reviendra, il ne marchera certainement plus très droit. Mais tu n’as pas l’air plus heureux que ça… Hubert : Si, si, je suis très heureux. Pour la maison, je veux dire… Juliette : Et ce n’est pas tout ! Tu sais ce que j’ai fait aujourd’hui ? (Il est dans ses pensées) Ho ! tu m’écoutes ? (Il lui sourit en guise d’acquiescement) Je suis passée chez Henriette pour le premier essayage de ma robe ! Ma future robe de mariée. J’ai peine à y croire. Tu veux savoir à quoi elle ressemble ? Hubert : (silence) Juliette : Et bien, tu ne le sauras pas ! Je ne peux rien dire, cela porte malheur, paraît-il… (Elle revient contre lui et l’embrasse sur la joue) Hubert : Malheur ! (Il se retire, prend un ton grave et ému à la fois) C’est plutôt d’un porte-bonheur dont nous aurions besoin, ma Juliette… Juliette reste silencieuse, elle ne comprend pas. Hubert : Tu vas me manquer ! (Il s’écarte de 2-3 pas et sort une lettre de sa poche) Juliette : Une lettre ? Tu… (silence) Ce n’est pas un décès, j’espère ? Hubert : Non, pas un décès. Enfin, pas encore…(un temps) C’est pas une lettre, Juliette ! (Il lui montre l’enveloppe avec le sceau militaire sans s’approcher d’elle) Juliette : (Inquiète) Qu’est-ce que c’est ? Je peux voir ? Hubert : (Un peu dur) Y a rien à voir ! (silence) A part le sceau de la 12e brigade… (Pensif, il range la lettre dans sa poche) Juliette : (Qui ne veut pas comprendre) La 12e brigade, mais… Ce n’est pas possible ! Il y a à peine six mois que tu as fini ton service ! Hubert : C’est bien pour ça que je fais partie des premiers mobilisés. Mobilisés, Juliette, tu comprends ce mot ? Cela veut dire que je dois rejoindre mon régiment dès lundi. La situation internationale est grave, ma chérie. Tu le sais, n’est-ce pas ? La guerre menace. Les Allemands sont là, Juliette ! A nos portes… Juliette : Mais … pourquoi ? Tu m’as expliqué l’autre soir que nous étions un pays neutre, un pays qui n’est ni pour les uns ni pour les autres. Alors, cela ne nous concerne pas. Laissons se déchirer ceux qui le veulent. Pas nous ! Hubert : Ce n’est pas si simple. Une neutralité, ça se défend, tu sais. C’est pour ça que notre roi met la Belgique sur pied de guerre. Il est toujours possible que les armées des puissants trouvent intéressant de passer par notre territoire. Raison stratégique, cela s’appelle ! Juliette : Excuse-moi si je ne comprends pas bien. Qui pourrait nous en vouloir ? Nous ne sommes en conflit avec personne, nous voulons vivre en paix. Hubert : Oui, et c’est ce que disent beaucoup de gens en Europe. Malheureusement, tu vois, le jeu des alliances entre pays, c’est comme un domino, comme un château de cartes. On touche à l’une et tout s’écroule. Ici, la carte de trop, c’est l’assassinat à Sarajevo d’un quelconque prince que personne ne connaît… Juliette : Nèni ! Nin vos ! Nin vos m’trézôr ! Je veux mon Hubert, mon foyer, des enfants à élever… Hubert : Moi aussi ! Mais vois-tu, cette vie-là n’est possible que dans un pays libre, où il fait bon vivre. Ce pays, il faut le mériter. Parfois, il faut le défendre, c’est tout ! Et pour cela, les hommes de notre pays ne peuvent pas se dérober. Il faut accepter des sacrifices. Juliette : Des sacrifices ? Tu crois que je n’en ai pas fait depuis des années, des sacrifices ? J’ai tout donné pour notre futur bonheur. Et tu viens me parler de sacrifices ! Pourquoi pas de gloire et d’héroïsme, tant que tu y es ! (Elle s’écarte, un temps) Oh, mon Dieu, mon Dieu ! Excuse-moi, Hubert, mais … Hubert : Tu es tout excusée, mon coeur. Mais ne dramatise pas. La guerre est probable, mais nous, Belges, on a une chance d’y échapper. Tu sais ce que disaient les Romains : « Si tu veux la paix, prépare la guerre. » C’est ça que fait notre gouvernement, tout simplement. Juliette : Et où vont-ils t’envoyer ? A moins que ça ne soit secret ? Hubert : Dans un fort. A Loncin…. Juliette : Un fort ? Que vas-tu faire là ? Hubert : N’oublie pas que j’ai été formé comme canonnier ! Un fort, c’est une place forte, cachée, bien protégée par des tonnes et des tonnes de béton et qui n’a de sens qu’avec des canons, bien sûr ! Juliette : Mais à quoi ça sert de se retrancher dans un endroit protégé ? D’y rester enfermés ? On finit par y mourir de soif, de faim, … et on ne sert à rien. Hubert : Ecoute-moi… Les forts sont disposés en réseaux tout autour de Liège. Ils se couvrent les uns les autres. Et notre rôle, c’est de canonner l’armée ennemie qui voudrait prendre la ville. Nos canons tirent loin, tu sais. A des kilomètres ! Tu comprends maintenant ? Juliette : Je comprends que notre bonheur est remis à plus tard ! (Elle se colle à lui et sanglote) Hubert ne dit rien, il lui embrasse le dessus des cheveux, tendrement. Juliette : Je les
déteste !... Je les hais ! … Poqwè fåt-i todis qu’on s’bate ?!! Hubert ne dit toujours rien, il la cajole. Juliette : (Silence puis se redressant légèrement) Tu reviendras… ?... Promets-moi que tu reviendras ! Hubert : Evidemment que je reviendrai ! Juliette : Promets-le !... Je veux que tu le promettes ! Hubert ne dit rien.
Il la regarde. Prend tendrement sa tête entre ses deux mains et pose un baiser
sur ses lèvres. NOIR Scène 4 - Proclamation
Von Emmich Déclamation façon « Hérault » d’un comédien en officier allemand. Accent germanique. Proclamation Von Emmich par Laurent Hensen Les portes de l’église s’ouvrent
brutalement. Poursuite fond d’église. L’officier allemand entre et s’immobilise en
claquant des talons. Il se met à lire. Au peuple Belge ! C’est à mon plus grand regret que les
troupes allemandes se voient forcées de franchir la frontière de la Belgique. Elles agissent sous la contrainte
d’une nécessité inévitable, la neutralité de la Belgique ayant déjà été violée
par des officiers français, qui sous un déguisement, ont traversé le territoire
belge en automobile pour pénétrer en Allemagne. Belges ! C’est notre plus grand
désir qu’il y ait encore moyen d’éviter un combat entre deux peuples qui
étaient amis jusqu’à présent, jadis même alliés. Souvenez-vous du glorieux jour
de Waterloo où c’étaient les armes allemandes qui ont contribué à fonder et
établir l’indépendance et la prospérité de votre patrie. Mais il nous faut le chemin libre.
Des destructions de ponts, de tunnels, de voies ferrées devront être regardées
comme des actions hostiles. Belges ! A vous de choisir. J’espère donc que l’armée allemande
de la Meuse ne sera pas contrainte de vous combattre. Un chemin libre pour
attaquer celui qui voulait nous attaquer, c’est tout ce que nous désirons. Je donne des garanties formelles à la
population belge qu’elle n’aura rien à souffrir des horreurs de la
guerre ; que nous payerons en or monnayé les vivres qu’il faudra prendre
du pays ; que nos soldats se montreront les meilleurs amis d’un peuple
pour lequel nous éprouvons la plus haute estime, la plus grande sympathie. C’est de votre sagesse et d’un
patriotisme bien compris qu’il dépend d’éviter à votre pays les horreurs de la
guerre. Le Général Commandant en chef l’Armée de la Meuse Von Emmich Il fait demi-tour et
sort. Scène 5 -
Vivegnis : la vue sur Visé en feu Récit dit
par Jean-Michel Charlier Vivegnis, la vue sur Visé en feu. Récit dit par Jean-Michel Charlier Moi, Albert Josse de Vivegnis, je travaillais au Charbonnage des 3 Boules à Milmort. Ce matin-là, le 4 août 1914, vers les 5 heures du matin, comme tous les jours avec mon frère, je montais notre jardin qui arrive à une centaine de mètres du Fort de Pontisse. Là, nous retrouvions des camarades pour faire la route vers le charbonnage. Plusieurs manquaient à l’appel. Nous ne savions pas que la guerre était déclarée. Mon copain Nicolas avait été rappelé pendant la nuit. Au lieu de descendre dans la mine, ce matin-là, nous – tous les ouvriers – nous avons été dirigés du côté de Liers pour faire des tranchées. Cela a duré toute la journée. Et le soir, retour au charbonnage. On s’est lavé, puis on a repris la route de la maison. Nous avions entendu le canon de Pontisse qui tirait sur le Pont de visé. Alors, sur la route qui menait au fort, à hauteur de la dernière maison, sur la gauche, il y avait un talus. A une dizaine nous y sommes montés. C’est là que j’ai vu le feu qui brûlait. Visé était la proie des flammes. Nous sommes restés là, paniqués, un certain temps, à regarder. La frousse au ventre, on a repris la route. Pontisse tirait, Visé brûlait, les Allemands allaient bientôt passer la Meuse. Scène 6 -
Vivegnis incendié Récit dit à
2, par Anne-Marie Navette et Noël Valoir Vivegnis incendié. Récit dit par Anne-Marie Navette et Noël Valoir Noël : Au pied du Thier d’Oupeye, J’ai vu les soldats Ernest Dockier et Joseph Rocour en patrouille. Ils surveillaient pour voir s’il ne venait pas d’Allemands et pouvoir alors avertir le Fort de Pontisse. Peu après, les deux soldats ont repéré deux cavaliers allemands qui descendaient en avant-garde. Ils se sont couchés au pied du premier arbre à gauche de la chaussée et ont abattu un des deux cavaliers, avant de filer vers le fort. Le deuxième cavalier, lui, est reparti vers Oupeye pour avertir ses compatriotes. Anne-Marie : Alors ils sont venus. Comme toujours, ils ont dit que des francs-tireurs cachés dans les maisons du village avaient tué le cavalier. Ils sont entrés dans les maisons. Chez Bodeus, avec leur baïonnette, ils ont tué la famille qui s’était réfugiée sous le lit. Noël : J’étais sur la Place de l’Eglise. Je jouais avec des amis. Un casque à pointe est venu vers moi et m’a poussé avec son revolver sur l’estomac en hurlant. Il m’a poussé jusqu’à la rue. Là j’ai vu des personnes du village venant de Fût-voie qui marchaient en colonne. On nous a mis avec eux et nous avons marché vers Herstal, jusqu’au terrain. Quand les Allemands ont cru que toutes les personnes de Vivegnis étaient là, ils nous ont quadrillé avec des mitrailleuses. Nous étions tous là comme des moutons et on attendait. Anne-Marie : Pendant qu’on était là, les Allemands mettaient le feu aux maisons. J’ai regardé de loin. Tout brûlait des deux côtés de la rue. Noël : Des officiers boches parlaient avec Monsieur Michel, du thier d’Oupeye, et avec le curé. Il parait que c’est eux deux qui ont réussi à nous faire libérer. Ce n’est qu’après que j’ai appris que c’était pour l’affaire du Thier d’Oupeye que nous avions tous été pris en otages. Anne-Marie :
Tout le village brûlait. Chez moi, il ne restait plus que les deux cheminées
qui séparaient les maisons. Et deux pigeons de papa… Scène 7 -
Fil Rouge : les lettres Une douche éclaire
un coin à droite. Juliette entre, sous la lumière, une lettre en main. Elle
s’ancre et se met à lire. On entend la
voix de Hubert. Voix de Hubert : Les lettres : Quand on voit Hubert c’est la voix de Juliette et vice-versa Ma Juliette, Un instant de répit pour te gribouiller ces quelques lignes. J’ignore quand tu les recevras, ni même si tu les recevras un jour. Notre situation s’aggrave. Les forts de la rive droite sont tombés. Pontisse aussi. Nous, nous tenons encore. Pour combien de temps ? Le combat est inégal. Mais je crois que notre résistance a bien surpris ces salopards. Pour l’instant, nous les arrêtons, mais Liège sera dépassée, c’est sûr ! Mais nous donnons le temps à nos alliés français et anglais de s’organiser. Pour nous, c’est déjà une victoire. Même épuisés, nous ne nous rendrons pas. Mais peut-être faudra-t-il un moment, nous replier et rejoindre les lignes arrière. La douche de droite
s’éteint et celle de gauche s’allume. Hubert entre une lettre à la main. Il
s’ancre et commence à lire. On entend la voix de Juliette. Voix de
Juliette : Les lettres : Quand on voit Hubert c’est la voix de Juliette et vice-versa Mon Robert adoré, Comment vas-tu ? Je suis morte d’inquiétude en te sachant au front. Depuis ton départ, c’est un vrai désastre ici. La violence et la mort sont partout. Les Allemands sont arrivés dans le village avec une haine pas possible. Ils sont d’une méchanceté incroyable. Il y a eu des drames terribles. Hier soir, Hadelin Verjus a été tué par des soldats. Il essayait de s’enfuir parce qu’ils faisaient sortir les gens des maisons. On l’a vu tomber, foudroyé par les balles des soldats qui tiraient. Hubert relève la tête et dit : « Oh non ! » La lecture reprend. Et ensuite, ils ont mis le feu à sa maison. Mais aussi à celles d’Arnold Hoho, de Constant Droogmans et de Pierre Gathy. Les malheureux ont été enfermés dans une grange pour passer la nuit, avec des Boches qui les gardaient. Bascule douches
gauche – droite. On revient sur Hubert. Voix de Hubert : On dit ici, que les Boches passent leur furie et leur frustration sur les civils. Villes en feu, pillages, meurtres, nous dit-on. J’ai peur ! Peur pour toi et pour les nôtres ! Pas de bêtises, Juliette, pas de provocations ! J’aurais trop mal s’ils s’en prenaient à toi et à vous. Ici le moral reste bon. Ce n’est pas l’enthousiasme. Personne n’est là, la fleur au fusil, mais nous restons confiants. Notre armement est bon et nous le montrons. Le commandant Leman est un chef compétent, un gars qui nous galvanise. Pourtant, l’atmosphère est lourde, grave. Il règne une chaleur épouvantable. Mais le plus pénible est d’être loin de toi, de te savoir, peut-être, en danger ! Aux moments d’accalmie, mon cœur se serre, il déborde de toi. Je pense aux jours heureux. As-tu trouvé le trèfle à quatre feuilles dont nous parlions l’autre jour ? De mon poste, moi, je ne vois que des champs qui devraient être moissonnés. Et plein de coquelicots. « Gentil coquelicot, mesdames, gentil coquelicot… » Je ne savais pas que ça pouvait être si triste un coquelicot ! Frêle, fragile, comme notre sort ! Rouge, rouge comme le sang, le sang déjà versé et à venir. Bascule douches. On
revient sur Hubert. Voix de
Juliette : Sois fort, mon amour. Je veux que tu puises ta force et ton courage dans ces quelques mots que je t’écris. Tu es le plus beau, le plus courageux, le plus fort ! Je sais que tu vas revenir et qu’on va vivre de longues et belles années tous les deux ! Je pense à toi. A chaque minute, à chaque seconde ! Je t’écris encore demain. Je t’aime. Très fort ! Bascule douches. On
revient sur Juliette. Voix de Hubert : Je t’écrirai bien sûr encore, dès que possible. J’ai hâte de te revoir mais j’ai perdu l’espoir d’une guerre courte. Courage, ma Juliette. Sois forte et patiente. Et reçois mille baisers de ton caporal qui t’adore. Ton Hubert à jamais. Elle laisse
retomber sa main, qui tenait la lettre, et se met à pleurer. La douche
s’éteint. NOIR Scène 8 -
L’assassinat de JJ Verjus Récit dit
par Fanfan Driesen L’assassinat de JJ Verjus récit dit par Fanfan Driesen 16 août. 6 heures du matin. Je me trouvais dans le jardin. Je m’étais évanouie suite à la peur causée par la fusillade. Quand je revins à moi, les balles sifflaient toujours au-dessus de ma tête. Je n’osais pas bouger. Les Allemands pillaient notre maison et celle de notre voisin, Monsieur Henry. Tout à coup, j’ai vu Madame Henry qui revenait de la prairie avec un seau de lait. Elle rentrait chez elle, accompagnée par mon père Jean-Joseph Verjus. J’ai entendu mon père qui s’entretenait avec les soldats. Puis brusquement, deux coups de feu. C’était papa qu’on fusillait ainsi que le jeune Ernest Henry, qui n’avait que 17 ans. Les parents Henry, pris d’une attaque nerveuse, s’étaient réfugiés dans la cave. Les Boches ont mis le feu à la maison. Les deux vieillards, emprisonnés par les décombres de la maison qui s’écroulait, y restèrent jusqu’à huit heures du soir. Madame Henry parvint alors à desceller la pierre du soupirail. Elle s’extirpa de la fournaise en montant sur un tonneau vide, puis elle tira comme elle le put son vieux mari hors de la cave. Je n’avais pas bougé, toujours cachée et couchée dans le jardin depuis le matin. J’entendis les Allemands demander aux deux vieillards où ils allaient. Ils répondirent qu’ils se rendaient chez leur fils, fermier à Beaurieux. Ils les conduisirent, les mains liées, dans la cave de la ferme. Je n’osais pas remuer. Je suis restée jusqu’au matin
cachée dans les plants de pommes de terre. J’étais percée par la pluie et
transie par le froid. J’ai voulu voir où se trouvait mon père. On l’avait
enterré, dans la même tombe qu’Ernest Henry. Après avoir placé une petite
croix, les Boches avaient par dérision répandu sur la tombe les coquilles des
œufs qu’ils avaient gobés, une cinquantaine au moins. Et des trois mille francs
que papa avait dans son portefeuille, on ne trouva évidemment plus trace… Quand
ces bandits font quelque chose, ils le font dans les règles… Scène 9 –
Fil rouge : souvenirs Juliette et sa
maman sont ensemble au salon. Elles font toutes les deux de la broderie. Juliette et sa maman Nathalie Purnelle On entend la
chanson « Le temps des cerises » Intro et premières
paroles : « Quand nous chanterons le temps des cerises… » Juliette : (Elle se lève) Oh mame ! Houtez !... Vos étindez ? (La maman fronce les sourcils et laisse à penser qu’elle ne comprend pas) C’est nosse tchanson… Da Houbert èt da meune… (La maman tente toujours de comprendre) « Et les amoureux du soleil au cœur Juliette dépose son ouvrage et
écoute Quand nous chanterons le temps des cerises dans
sa tête en souriant Sifflera bien mieux le merle moqueur » Juliette fredonne au 2e couplet : >Mais il est bien court le temps des cerises Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant Des pendants d’oreilles… Maman se prend au jeu, sourit, s’assied.
Elle n’entend rien mais regarde Juliette qui vit la chanson. Elle joue le jeu comme si elle l’entendait. Juliette vivra la chanson, se rassoira à un
moment. La chanson se termine. Juliette : Qui c’esteût bê mame… Maman : C’esteut-st-è vosse tièsse, mi binamèye… Mins n’åyîz’ nole sogne, i r’vinrèt « le temps des cerises »… Et vosse galant ossi. Scène 10 -
Témoignage de Noël Valoir Récit dit
par Noël Valoir Témoignage de Noël Valoir. Récit dit par son petit fils Noël Valoir Le mardi 18 août, vers 10 heures du matin, un officier allemand vint me demander s’il n’y avait pas de Français dans ma maison. Je lui fis visiter toutes les pièces et il s’en alla convaincu. Mais vers 13 heures, de nouvelles troupes arrivèrent. J’étais dans le jardin avec mon beau-père. Ils arrêtèrent ma femme et mes enfants, à qui ils déclarèrent que cette rangée de belles maisons allait être brûlée ! Quelques instants après, les coups de hache de ces bandits brisèrent les portes. L’incendie commençait. La ferme sauveur brûlait, ainsi que les maisons de La crayère, la mienne y compris. Le jardin étant en gradins, je m’étais avancé vers la partie la plus élevée. Je pouvais apercevoir la ferme Sauveur sans être vu des soldats qui l’incendiaient. Malheureusement, de la prairie voisine, quatre soldats me tenaient en joue. Je n’eus que le temps de les entrevoir. Une balle siffla à mon oreille. Je me sentis soulevé de terre et tombai le dos tourné vers mes assassins. Le sang m’arriva à la bouche. Je suffoquais. J’étais atteint au bas du dos, au niveau de la ceinture.. Deux autres balles m’atteignirent. Je restai étendu, privé de mouvement. Je ressentais une douleur atroce au bras droit. Mon beau-père, Joseph Valoir, au péril de sa vie, s’avança jusqu’à moi. Je perdais beaucoup de sang et j’étais torturé par une soif ardente. Il m’apporta de l’eau. J’en bus énormément. Et je lui fis comprendre qu’il ne pouvait rester là. Il se réfugia dans le fournil où il passa deux heures d’angoisse affolantes. Vers 16 heures, je le vis qui se dirigeait à nouveau vers moi. Il me rejoignait pour m’entraîner avec lui. - Retirez-vous, lui dis-je, laissez-moi ici, vous allez vous faire tuer ! Il s’avance, pour regarder du côté de la prairie. Des coups de feu retentissent. Les balles sifflent… Et il tombe, raide mort. Je me tournai face contre terre et fis le mort. A la nuit tombante, quelques crapules vinrent m’examiner. Leurs mains meurtrières fouillèrent mes poches, comme elles avaient fouillé les moindres recoins de nos habitations. Ils ne trouvèrent pas mon porte-monnaie, caché sous moi. Et ils s’en allèrent. Je restai couché dans mon sang jusque minuit. J’avais froid. Rassemblant toute mon énergie, je me traînai jusqu’au fournil. J’avais soif. Péniblement, je pris un verre d’eau. Mais elle était bouillante tant la chaleur de la maison en feu se dégageait dans le fournil. Le matin du 18, on vint me chercher, dans une charrette à bois. Et le soir, je fus conduis à l’hôpital de Herstal. En traitement jusqu’en novembre 1914… Aujourd’hui, je me ressens toujours de ma blessure au bras. Scène 11 - Fil
Rouge : l’angoisse La maman de
Juliette est seule en scène. Elle a son tablier de cuisine et des marmites en
main. Juliette revient de la messe, elle a son sac à main et une veste. Maman : (Elle est tendue à l’idée de ce qu’elle va devoir annoncer) Ah ! Te voilà, Juliette... Il y avait du monde à la grand-messe ? L’angoisse par Juliette et sa maman Juliette : L’église était pleine, maman. Tu aurais dû venir au lieu d’aller à basse messe si tôt. Monsieur le curé Janssen a bien parlé, tu sais. Il a réconforté tout le monde. Il a glorifié nos braves gars qui se battent si bien. Il a dit de tenir bon, de se tenir tranquilles, de ne surtout pas provoquer les Allemands. Il paraît qu’ils commettent des atrocités partout, qu’ils s’en prennent aux civils au moindre prétexte. Maman : Pour nous, le plus dur est fait ma fille. Ils ont dépassé le village, nos soldats reculent. Seuls, les forts tiennent bon… Enfin, pas tous … Juliette : Oui, je sais, Pontisse est tombé. Il y a eu beaucoup de prisonniers. Maman : Pas seulement Pontisse, Juliette… Je ne sais pas comment te le dire… Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle ? (Un temps) Loncin s’est rendu hier… Juliette : Oh ! (Un temps de surprise) Hier, le 15 août, jour de Marie… Mais…, les hommes …, mon Hubert…, prisonnier lui aussi ? Oh… oh non, Seigneur, pas … Maman : On ne sait pas, ma belle. Le fort a sauté, explosé. Il paraît qu’un énorme obus ennemi a touché la poudrière. Le commandant Leman ne pouvait plus rien faire… Il y a des prisonniers, bien sûr, beaucoup de prisonniers… mais… Juliette : Mais quoi ?... Parle si tu sais quelque chose. Je serai forte. Parle ! Maman : Non, non… je ne sais rien d’Hubert. Rien du tout ! (un temps) Mais on dit que des hommes - beaucoup d’hommes peut-être - ont été coincés dans les débris… Enterrés vivants dans l’explosion de la poudrière ! Juliette : Seigneur ! Pas mon Hubert, maman, dis-moi qu’il n’était pas là ! Un canonnier doit être près de son canon, pas ailleurs… (Un temps) Dis-moi au moins qu’il est prisonnier. Maman : Je n’en sais rien, ma chérie. J’espère, comme toi. Garde confiance, on finira par savoir. Le bon Dieu ne permettra pas que cet enfer continue. Juliette : Ce n’est pas juste ! Je hais cette guerre ! Oh ! Comme je la déteste. ! (Un temps) Même notre curé qui dit qu’il faut pardonner à ceux d’en face, que la plupart préfèreraient être chez eux. Je ne peux pas le croire. Plus maintenant. (Elle se réfugie contre sa mère) Maman : Fais comme moi… Je prie... Que pouvons-nous faire d’autre à présent ? NOIR Scène 12 - Hermalle : vols et séquestrations Récit dit
par Fanfan Driesen Hermalle : Vols et séquestration. Récit dit par Fanfan Driesen depuis la chaire de vérité Samedi 15 août. Ferme Colson à Hermalle. Les Prussiens ont donné l’ordre de laisser les portes de la ferme ouvertes pour la nuit. Leur chef a dit à Papa et aux domestiques qu’ils étaient dorénavant prisonniers et qu’ils ne pouvaient plus sortir de la ferme sous peine de mort. Il a dit : « Nous sommes les maîtres ici ! » Vers 11h du soir, arrivent Mr et Mme Baré. Après une courte explication avec les soldats qui montent la garde sur le trottoir, ils sont brusquement séparés. Monsieur est violemment poussé dans le fournil en pleine obscurité. Bientôt 3 pauvres hommes, à demi-vêtus et qui semblent être liés l’un à l’autre, sont jetés également dans ce réduit à coups de poings et de pieds. Ils poussent des cris assurant qu’ils n’ont rien fait et pleurent comme des enfants. Sur la rue, c’est un va-et-vient continuel de militaires. Ils arrivent en grand nombre à la maison et, par quelques mots et par gestes, ils racontent qu’on a tiré sur eux. Mais que les coupables sont arrêtés. Qu’on leur coupera les bras, les jambes, les oreilles, le nez, qu’on leur arrachera les yeux et la langue et qu’après avoir souffert tous ces tourments, ils seront enfin fusillés. Nous répondons que nous ne croyons pas que les habitants aient tiré sur eux. Que la population d’Hermalle est d’ailleurs très paisible. Mais ils sont bien convaincus de ce qu’ils disent. Mieux vaut se taire ! Vers 5h et demie du matin, Papa et moi sortons. La cour est pleine de casques à pointe. Et là, stupéfaction ! Les trois malheureux poussés la veille dans le fournil, sont là, à demi-vêtus, les bras liés derrière le dos à une roue de charrette, les membres raidis par la fraîcheur de la nuit, les yeux hagards, le teint plus pâle que la mort. Ils nous regardent d’un air suppliant. Nous en avons le cœur fendu. Quand les chefs ont déjeuné, ils nous expliquent en peu de mots ce qui s’est passé la nuit. Ils nous parlent des trois prétendus coupables et nous assurent qu’ils seront fusillés. Nous faisons l’éloge de ces hommes et demandons pardon pour eux, nous les supplions de ne pas mettre à exécution leur terrible projet, hélas ! ils semblent bien peu disposés à nous écouter. Les 3 malheureux sont débarrassés de leurs liens pour quelques instants. On les fait marcher en cercle sur le fumier, l’un à la suite de l’autre. Un soldat nous demander un morceau de pain sec et de l’eau pour leur donner. Nous insistons pour pouvoir leur donner une tartine et une tasse de café. Cette brute nous le refuse ! Ces innocents mordent à peine dans le morceau de pain noir, tout en continuant à piétiner le fumier. Puis on les relie de nouveau à la charrette. Quel supplice pour eux d’être livrés aux mains de tels bourreaux ! A midi, on fait évacuer tout le village et on réunit la population à l’église sur le cimetière et la place publique car l’église est bien trop petite pour contenir la foule. Notre famille seule est exempte de ce nouvel ordre. La tristesse la plus profonde se peint sur tous les visages. Dans le courant de l’après midi, Monsieur le curé m’appelle et me dit : « Julia, fais tout ton possible pour obtenir la délivrance des 3 malheureux liés à la charrette ». Je me promets d’en causer au médecin allemand. Et l’occasion ne tarde pas. En effet, Mme Roba et ses 2 filles passent dans la rue. Je le dis au docteur, je plains ces pauvres filles, j’en dis tout le bien possible et demande si on ne peut pas encore leur annoncer la délivrance de leur époux et père. « Montrez-les moi » ,dit-il. Je cours sur la rue, le docteur m’y suit et s’entretient avec Mme Roba. Il lui assure qu’ils ne seront pas fusillés et qu’ils seront bientôt délivrés. Quel soulagement ! En attendant cette heure tant désirée ces pauvres hommes sont toujours soumis à cette torture. Le lendemain matin, les Allemands se lèvent de bonne heure. L’heure du départ est arrivée. Quant aux 3 prisonniers, ils prétendent qu’ils n’ont pas le pouvoir de les mettre en liberté mais qu’ils enverront le sapeur pour venir les délivrer. En attendant ils vont être conduits à l’église. Ce n’est hélas, qu’après avoir séjourné plusieurs jours encore à l’église qu’ils ont pu réintégrer leur famille. Enfin, les voilà partis ; il est 5 h du matin. Nous voilà enfin débarrassés de ces maudits prussiens, quel bonheur ! Il ne devait hélas pas durer longtemps. Scène 13
- Assassinat de Madame Borguet Récit dit à
deux, par Camille et Noël Valoir Assassinat de Madame Borguet. Récit à deux, par Camille et Noël Valoir Noël : 18 août, 14 heures. Heure-le-Romain. La famille Borguet, accompagnée d’autres personnes terrorisées par des officiers et des soldats allemands, décida de s’enfuir. Camille : Il y avait là Louis Borguet, le père ; sa femme Anne-Marie, et leurs deux fils : Pierre 6 ans, et Jean, 3 ans. Ils prirent le sentier qui aboutit ruelle Bara et s’en allèrent silencieusement. Noël : Ils n’eurent le temps que de faire quelques pas quand une vive fusillade se fit entendre. Madame Borguet tomba, ainsi que le petit Jean qu’elle tenait par la main. Son mari se précipita pour la relever, aidé de sa mère. Ils la transportèrent à leur domicile. Hélas, elle avait eu le cou transpercé et sa mort avait été foudroyante. Camille : Pendant ce temps, les allemands arrivèrent sur les lieux. Ils injuriaient les quelques personnes restées auprès du petit blessé, qui hurlait de douleur. Il était gravement touché au bras. Ils disaient que les fuyards les avaient attaqués ! Noël : Une fois calmés, ils prirent des bandelettes, de la gaze et les donnèrent au malheureux père pour qu’il bande son enfant. Camille : Quelques instants après, une automobile allemande venait chercher le petit Jean pour le conduire à l’hôpital d’Herstal Scène 14 - Les
événements de l’église d’Heure-le Romain Attention :
Pendant la musique de Vangelis, on descend le pendrillon de fond de scène pour laisser voir le chœur de
l’église en entier et l’autel au fond. On entend le chant matinal du coq. Brusquement les
portes de l’église s’ouvrent avec fracas. On aperçoit, sur le
parvis, une grosse mitrailleuse pointée vers la nef centrale. On entend des hurlements Allemands : - « Raus ! » - « In die kirche ! » - « Schnell ! » On entend des coups de feu venant de l’extérieur. Les habitants
–surtout des femmes et des enfants, et quelques vieillards- sont violemment
poussés vers le chœur et les premiers bancs. La population d’Heure-le-Romain est amenée dans l’église On entend un brouhaha de panique. Des enfants pleurent et appellent leur
mère. Les Allemands
bousculent les retardataires. Un vieil homme tombe et se relève, livide. Les habitants
viennent se placer sur les bancs avant. D’autres s’assoient sur les marches du
chœur. L’Abbé Janssens est
debout dans le chœur. Il se tient face à ses ouailles, près de l’autel. Et il
vient promptement au bord praticable centre. Des mères serrent
leurs enfants contre elles. Abbé Janssens : (s’adressant à l’officier allemand) Capitaine ! Ne commettez pas l’irréparable ! Pourquoi ?... Pourquoi ? tous ces enfants ! Toutes ces femmes ! Et ces vieillards ?... Ce sont des innocents… Monsieur le curé François Janssen en discussion avec l’officier allemand L’officier : (avec un fort accent, dur) Innocents ?! Et vos francs-tireurs dans vos maisons, qui blessent et tuent sans scrupules nos valeureux soldats, ils sont innocents aussi, Monsieur l’Abbé ? L’Allemand tourne les talons et sort. Les portes se referment violemment. Un soldat reste dans l’église. NOIR Fond musical : Piste 15 Dark suspense LUMIERE Tableau vivant : L’assemblée est silencieuse. On voit des femmes avec des mouchoirs qui
essuient des sanglots. Des habitants sont en prière, à genoux, près
du prêtre. Des enfants dorment sur les genoux de leur
mère, qui les caressent. Les
cloches de l’église sonnent 10 heures. NOIR Fond musical : Piste 17 Dark suspense LUMIERE Le curé et Antoine Léonard parlent avec un
groupe d’habitants. Leur conversation est inaudible. Antoine Léonard (Paul Ernoux) demande à Monsieur le curé de parlementer avec l’officier allemand Les autres sont toujours à leur place. Mais on entend des conversations nerveuses. De nouveau, des pleurs d’enfants. Une femme est au bord de la crise de nerfs. Les
cloches de l’église sonnent 2 heures. La conversation du groupe, jusqu’alors
inaudible, se termine : Camille : Papa ! J’ai peur ! Je veux rentrer à la maison ! Antoine Léonard : Moncheû l’curé, I nos fåt prinde nosse corèdge à deûs mins ! On n’pout nin lèyî fé çoulà ! Vos djåsez ine miète d’al’mand, mi sonle-t-i… Abbé Janssens : Je suis votre homme, Antoine. Les gens n’en peuvent plus. On doit faire quelque chose. Antoine Léonard : Fwèrt bin ! Haye, insi ! Ils s’avancent dans l’église (jusqu’au
niveau du public) et interpellent le soldat. Antoine Léonard : Monsieur ! Monsieur, s’il vous plaît ! Abbé Janssens : Bitte !
Können wir dir sprechen ? Le soldat avance vers eux. Un soldat allemand est appelé Abbé Janssens : Mein Herr! Regardez… Sehen… Tous ces gens! Ce n’est plus possible… unmöglich… Appelez votre officier, bitte ! (Il ne comprend visiblement pas) Der hauptmann… Antoine Léonard : Oui, c’est la terreur ici ! Laissez-les partir, Monsieur. Ils n’ont rien fait ! Le soldat : Oh oh oh ! Ich verstehe nicht ! Ich komme ! Il fait demi-tour très énergiquement et va
chercher son officier par les portes du fond. Des remous se font entendre dans
l’assemblée. Abbé Janssens : Du calme, restons calmes ! Il va chercher son officier. On va pouvoir parlementer… L’officier allemand et deux soldats
apparaissent. Ils avancent d’un pas rapide vers les deux hommes. L’officier : Was ist los, Monsieur le curé ? (Très dur) Vous n’avez pas compris ce qui se passe ici ?... Nicht Klar ?... Je n’ai pas été assez clair ce matin ?... Abbé Janssens : C’est trop dur, Capitaine ! Zu hart ! Antoine Léonard : La population n’en peut plus ! Que va-t-il arriver ? Personne ne sait. Ne nous laissez pas dans la terreur, capitaine. Il y a des femmes, des enfants, c’est inhumain. L’officier : Trop dur ? (Il ricane un peu) Trop dur… Ja ! Vous avez raison, c’est trop dur… Tous ces pauvres gens, pleins de peur… Abbé Janssens : La guerre est déjà assez cruelle comme ça, capitaine. Laissez ces gens rentrer chez eux… L’officier : (Il se durcit) Nein ! Monsieur le curé ! La population belge cache des Français. Ils tuent des soldats allemands ! Et vous, Monsieur le curé, et vous, Monsieur Léonard, vous osez demander de la clémence ? Vous avez le toupet ! (Il les regarde l’un et l’autre, puis se tourne vers le soldat) Raus ! Alle beide ! Les soldats pointent leurs armes vers eux et
les font avancer vers la sacristie pour les faire sortir. L’ordre a été donné d’emmener les deux malheureux 1er soldat : Raus ! Antoine Léonard : Non ! Qu’allez-vous faire ? Vous ne pouvez pas… 2eme soldat : Hände hoch ! Les cinq hommes sortent par la sacristie,
sous le regard atterré de l’assemblée ! Des remous de panique se font
entendre dès qu’ils ont quitté la scène. « Wisse
vont-i ? » « Qui vont-i fé ? »
« Nèni, mon diu ! » De l’extérieur, on entend les deux hommes
qui protestent et crient (coups reçus). Tout à coup deux coups de feu claquent. Silence
deux, trois secondes Un cri d’abord dans l’assemblée, puis un
brouhaha de panique s’élève. Les gens quittent leur place, tumulte. Rapidement, deux
soldats allemands – dont un grand roux – font irruption, ils repoussent
violemment les gens en un groupe serré. Soldat 1 : Still ! Schweiggen ! Soldat roux : Groupieren! Groupieren! Soldat 1 : Schnell ! Groupieren ! Le soldat roux se précipite vers le fond pendant
que l’autre tient le groupe en joue Il emmène 3 personnes de force. Les soldats emmènent trois otages avec eux Soldat roux : Kommen
sie mit mir ! Schnell !
(Les grandes portes s’ouvrent sur la
mitrailleuse, les 3 hommes sont poussés dehors). Maschinengewehr
auf leute ! Pointez
sur eux ! (en montrant le groupe de
personnes tenus en joue par le soldat) Les 3 hommes
réquisitionnés rentrent avec de la paille, qu’ils sont forcés à mettre aux
pieds du groupe. Les Allemands obligent les otages à amener de la paille La population réagit verbalement, avec
remous. Le soldat intervient de la voix Soldat 1 : Still ! Schweiggen ! (Il montre la paille) Pour bien dormir, ha!ha !ha ! Il fait demi-tour et s’enfuit par la porte
d’entrée qui se referme bruyamment. NOIR Fond musical Les cloches de l’église sonnent 6 heures LUMIERE La porte de
l’église s’ouvre. Deux soldats entrent avec un seau rempli de soupe fumante,
quelques gamelle et une louche. Les Allemands se moquent de la population Soldat roux : Ahaaa ! Soupe ! Kommen sie hier ! Gutte soupe ! Le second soldat remplit une gamelle et la
tend vers une première personne. Un habitant : Non ! N’y touchez pas ! La personne s’arrête net. Un autre : Qui vous dit qu’ils ne l’ont pas empoisonné ? Le soldat tend à quelqu’un d’autre, qui ne
bouge pas. Un troisième : awè ! is-ont mètou ine saqwè d’vins, lès moûdreûs ! Le visage du soldat
roux se raidit, contrarié. Soldat roux : Was ist los ? (Il se saisit de la gamelle, puis s’approche d’un habitant) Nein? (un temps) Sehr gut ! (Il se tourne et renverse violemment le bol dans le seau). Da ! (Il se tourne vers la population) Crevez de faim ! Les deux soldats tournent les talons et
sortent. NOIR Fond musical Un coq chante Les cloches de l’église sonnent 7 heures. LUMIERE Dans l’église les
gens sont couchés. Des enfants dorment encore. Quelques personnes se lèvent et
s’étirent. Après quelques
instants, des habitants se mettent à parler : - C’est bizarre. Aucun bruit dehors… - Moi ça me fait peur, c’est trop calme. - Ils sont peut-être partis ? - Tu crois au Père noël ! C’est le calme avant la tempête, oui ! - Partis sûrement pas. Occupés à de basses besognes plutôt. Un téméraire
s’approche de la porte. D’autres réagissent de suite : - Que fais-tu ? tu es fou ? - Tu vas nous faire tuer ! - Il faut qu’on voie ! Il entrouvre, puis
ouvre carrément. Il fait un pas dehors. La mitrailleuse n’est plus là. Il
regarde et se tourne vers l’assemblée : « ça brûle ! Nos maisons, en feu ! Mais la voie est libre ! On peut filer ! » Les Allemands sont partis mais ont mis le feu aux habitations, la population fuit et va se cacher Il se rue à
l’extérieur. Les autres suivent, marquent un temps d’arrêt avant d’oser sortir. Quelqu’un crie : « Dans les campagnes ! Faut se cacher dans la campagne ! » La foule s’enfuit. NOIR Musique Scène 15 - Fil rouge
4 : L’adieu Maman est en scène.
Elle est toute affairée. Hubert est à l’autre bout de la pièce. Maman : Juliette, viens vite ! Vite, viens voir qui est là ! Juliette : J’arrive ! J’arrive ! Tu as des nou… (elle s’interrompt, elle voit Hubert) Maman : Mieux que ça, m’fèye, ! Juliette : Oh, Hubert ! (Elle se précipite sur lui et l’embrasse avec passion) Mon amour, c’est toi … C’est un miracle. Merci, Seigneur. Oh, mon Hubert. Les retrouvailles Maman les regarde avec un sourire puis
s’esquive discrètement. Hubert : Je t’avais dit que je reviendrais ! Tu vois, je suis là. Que je t’aime ! (Bisou) Serre-moi plus fort ! Je sais que je ne dois pas sentir très bon, mais… Juliette : (Joyeuse) C’est vrai que tu pues ! Et tu as une mine affreuse, de la crasse partout. (Elle se retire pour mieux le regarder) Et ces habits de paysan ? C’est quoi ? Hubert : Laisse-moi le temps de respirer, chérie. La crasse, ça se nettoie. Les blessures, ça se soigne. La peur, ça s’oublie, rien que de te voir ! Tu as les joues bien creuses, ma Juliette. Tu as pleuré ? Juliette : Oh, Hubert, si tu savais … la peur, l’horreur, l’effroi ! Tout ce qu’a subi notre village, c’est inhumain, abominable. Notre cousin Ernest, il est mort, Hubert, assassiné par ces lâches. Et il n’est pas le seul. Mais as-tu seulement reconnu notre village ? Toutes ces ruines fumantes, les maisons pillées, les gens terrorisés, les morts… C’est l’enfer, Hubert. Tu es sorti d’un enfer pour en retrouver un autre. Hubert : C’est vrai que j’ai eu de la peine, cette nuit, pour retrouver mon chemin et arriver jusqu’ici. Je me suis caché dans des ruines. Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Juliette : Je te raconterai, Hubert, je te raconterai l’horreur. Mais pas maintenant. Tu es là, c’est ce qui compte. (Elle retrouve de la joie) Mais comment es-tu là ? Flairant comme un bouc et habillé comme un clochard ? Je parie que tu as même des puces… Hubert : (Qui rit) Ce ne serait pas étonnant, mais si tu me laissais d’abord me débarbouiller et me changer. Juliette : (Qui s’accroche de nouveau à lui) Plus tard, mon amour, plus tard. Je veux d’abord tout savoir. Beaucoup de choses à se dire Hubert : Oh, je crois que tu sais déjà l’essentiel. As-tu reçu mes lettres ? (Elle sort la lettre qu’elle a sur elle) Une seule ? Je vois… Et bien, le 15 août, après une nuit blanche passée au canon à pilonner l’ennemi, j’étais épuisé. Mort de soif et de chaud ! Tu ne peux pas imaginer la chaleur dans la casemate ! Le canon était brûlant. On devait de temps en temps le laisser refroidir de peur qu’il explose. Et puis, les munitions diminuaient méchamment ! Mais pas question d’arrêter ! Pas question de se rendre ! Même si on sentait venir la fin, il fallait tenir, encore et encore. J’avais les mains en sang, je n’entendais plus rien, je ne pensais plus à rien. Le lieutenant m’a dit d’aller m’étendre un peu. J’ai regagné mon bloc et je me suis endormi comme une masse. Juliette : Dans le tonnerre et la chaleur ? Hubert : Oui, il vient un moment où le corps est à bout. Tout à coup, un fracas gigantesque m’éveille en sursaut. Panique autour de moi ! Le noir complet ! Je marche au hasard au milieu des débris. Soudain, un rayon de lumière, l’air libre… Je me précipite et je me retrouve dehors, sur le glacis du fort ou sur ce qu’il en reste. Et je prends mes jambes à mon cou et je fonce à travers un champ de désolation. J’atteins un petit bosquet. Je m’y écroule. Je me cache. Et j’attends la nuit. Alors, je repars prudemment, puis de plus en plus décidé. Je marche des heures, encore des heures. A l’aube, j’atteins une ferme, je ne sais trop où. Et là, de braves gens me recueillent et me cachent toute la journée dans un appentis. Le soir, je repars avec quelques provisions. Et ainsi de suite. J’ai troqué mon uniforme plein de sang contre ces vieilles hardes. J’ai mis plus de trois jours à me cacher, à marcher. Mais je suis là, à Heure-le-Romain. Si je n’avais pas pensé à toi, tout ce temps, mon amour, je n’y serais jamais arrivé. Mais me voilà, Juliette, me voilà ! Oh, mon amour ! Juliette : Mon chéri, mon pauvre chéri ! C’est un miracle ! Je n’osais plus y croire. C’est monsieur le curé qui avait raison. Mais lui, il l’a payé de sa vie. Monsieur Léonard aussi, tu sais le frère du mayeur ! Moi non plus, je ne pourrai oublier. Hubert : Non, Juliette, on n’oubliera jamais… La barbarie, il faut la combattre sans merci ! Sans haine, mais sans faiblesse ! Juliette : Sans haine ? Pour toi, peut-être, mais pas pour moi. Maintenant, c’est fini. On va te cacher, le temps qu’il faudra. Cette stupide guerre va bien finir un jour. Les jours heureux vont revenir ! Hubert : Les jours heureux ? Ils sont encore loin, Juliette… Juliette : Non ! Pour nous deux, le cauchemar est passé. Tu as fait plus que ta part. Ton avenir est avec moi. Hubert : Juliette, je... Je suis un soldat... L’armée belge se bat toujours. Je ne suis pas un déserteur. Beaucoup de choses à se dire Juliette : Tu es fou ? Tu veux m’abandonner ? Aller à la mort ? A la gloire des martyrs ? Tu ne peux… (Hubert la coupe) Hubert : Je dois le faire, Juliette. Pour toi, pour moi, pour notre avenir, pour tous les camarades morts au combat ! Pour notre liberté ! Pour notre honneur ! (silence. Elle le regarde avec stupeur). Je vais partir vers la Hollande. Je sais qu’il y a moyen de passer du côté de Remersdaël. J’ai déjà trouvé un guide. De là, en route pour Anvers ou l’Angleterre, et puis, retour au front. (Elle vient à lui comme pour l’empêcher de poursuivre) Je ne pourrais plus me regarder dans une glace si je ne faisais pas cela. Et… toi non plus. Juliette : … (Elle baisse les yeux) Hubert : Juliette ? Juliette : Je t’attendrai… Je t’attendrai des mois, des années s’il le faut … Tristesse pour Juliette mais elle va attendre son Hubert Juliette : Combien de temps me laisseras-tu avant de repartir ? Hubert : Je repars ce soir, ma chérie… Ce soir… Scène 16 – La leçon
d’histoire Musique de transition qui nous fait revenir en 2014. Retour sur la classe. Conclusions de la leçon. Un élève demande à son instituteur si il a connu Hubert et Juliette. Et l’instituteur répond : Oh ! que oui, c’était mes grands parents Un élève demande à son instituteur si il a connu Hubert et Juliette. Et l’instituteur répond : Oh ! que oui, c’était mes grands parents NOIR Musique FIN Toute la troupe salue les spectateurs |