Maison du Souvenir
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Ma déportation en 1942 Marcel Labie Voici les
souvenirs inoubliables des faits marquants que j’avais consignés dans des
petits carnets durant toute la durée de ma déportation. Chapitre 1 : Préface Après mon retour de la campagne de 18 jours, entre une période de briqueterie et les travaux à la ferme, j'avais souvent des moments d'anxiété, j’appréhendais l’avenir, me demandant ce qui pourrait m'arriver et incapable de faire des projets. Photo prise le 31 mars 1940 lors d’une permission A cette époque, Rose et moi étions fiancés, mais,
étant chacun les aînés de familles de
petits agriculteurs, il était de mon devoir de trouver un emploi avant
d’envisager le mariage. Puisque j'avais suivi avant la guerre des cours
de dessin industriel, j’ai sollicité un emploi aux usines Jadot
à Beloeil et le 25-8-1941, je suis
embauché. Ce que je pensais être ma planche de salut,
s’avéra être une des causes de ma déportation. Qui aurait pu prévoir cette
issue puisque je fus le seul de mon âge à être déporté. Lorsqu’il nous
arrive de grandes épreuves, cela nous donne l’occasion de renforcer notre
orientation de vie, j’optais donc pour le dévouement à mes frères, dans l’amour
du Père. Ce fut ma trame de
vie dans cette épreuve, pour me rendre digne de l’amour du Père et ce qui est
resté pour toujours ma ligne de conduite. Chapitre 2 : La
déportation En date du 6-10-1942, une ordonnance de l'occupant instaurait le travail
obligatoire en Allemagne, cette décision marquait le début de l’aggravation de
ma situation. Novembre 1942. Le vendredi 13-11-1942 : des
autorités allemandes sont descendues à l'usine faire une visite de
reconnaissance afin de repérer le personnel qui les intéressait. Nous étions
une dizaine d'ouvriers concernés, les plus jeunes furent donc repris sur la
liste pour le départ, étant le dernier embauché, je suis le premier à être
repris. Le lendemain : nous devions nous présenter à Tournai au bureau de la Werbestelle pour remplir
les formalités, c’est en vélo qu’avec les copains, nous avons fait
l’aller-retour. Le lundi 16-11-1942 : vers 5h40, nous sommes sur le quai de la gare de Huissigies, Maman (Emilia Lorphèvre),
Rose, et sa mère (Jeanne Durez) nous y avaient rejoints, ce fut un au revoir
très émouvant. Départ par le train de 5h50 du matin avec mon parrain, Georges
Labie, il m’accompagne jusqu’à la gare de Mons. C’est dans la résignation que
je suis parti, de peur que mon frère et ma sœur ne subissent des représailles. Le mercredi
18-11-1942 : Le temps est à la neige,
parmi les occupants du camp, je retrouve Paul Barbieux
et Léon Massy, tous les autres sont dispersés. Le jeudi 19/11/1942 : Roger Gilgean et moi, nous sommes
désignés avec 33 autres pour la même usine. C’est le patron qui est venu nous
chercher et nous partons à pied avec nos bagages, en chemin, il nous fait prendre
une charrette à bras pour transporter nos effets, mais il faudra la ramener.
Nous arrivons à 14h30 à Bösdorf, à 10 km à l’est de Leipzig. C’est un petit village situé à
quelques kilomètres de Zwenkau. Le kino où nous sommes logés les premiers jours. Nous sommes désignés pour travailler dans une petite fonderie d’un petit
complexe industriel. Nous y étions près de 100 avec les ouvriers allemands et
on y coulait des pièces pour le chemin de fer. Place de Bösdorf avec en fond l’église (protestante) PS : Nous sommes dans un petit village tranquille en compagnie de
quelques PG (Prisonnier de Guerre) français, de notre patron (bon pépère), de
l'ingénieur de l'usine et surtout des quelques responsables de l'usine et du
camp qui sont plus sectaires. Les deux contremaîtres étaient plus
compréhensifs, aucun d’eux n'a jamais couché dans la chambre qui leur était
réservée dans le baraquement. La population est assez courtoise, même parfois
sympathisante par contre, la jeunesse allemande est embrigadée à outrance par
les nazis. Des colis seraient les bienvenus car on nous donne juste la
nourriture nécessaire qui se compose de pains gris, de choux, d’un peu de
viande et de café synthétique. Au début,
nous avions un prisonnier de guerre français comme interprète, mais en son
absence, pour nous faire comprendre, nous utilisions un petit dictionnaire français-allemand et ce, jusqu’à
ce que nous sachions nous débrouiller. Du 16-11-1942 au 8-9-1943, il y eut
18 déportés originaires de Huissignies, puis, ce fut
le tour des réfractaires. A l’ouvrage : Les faits marquants de mon exil Novembre 1942. Vendredi
20-11-1942 : Nous sommes à l'usine et là
on nous dit que le régime de travail est du type « semaine anglaise »
c'est-à-dire que le samedi, nous sommes en repos, que l’horaire des autres
jours va de 6h30 à 17h. Vue du cul de sac qui mène à l’usine. Sehèque et Roger Gilgean avec les usines en fond Me déclarant dessinateur
industriel, je suis désigné pour travailler au bureau (en effet, j'avais suivi
avant la guerre des cours de dessin par correspondance) et pour corroborer mes
dires, je m’inscris à l’école professionnelle de Leipzig. Avec nous, l'usine
comptait un effectif d’une centaine de personnes. Me voilà installé à la table de dessin Le dimanche 22-11-1942 : Je
ne suis pas sorti. Il a fait froid toute la semaine qui suivit. Le jeudi 26-11-1942 :
C’est la première lettre que j’envoie à Rose, j’en enverrai une chaque semaine
de ma déportation. Nous recevons notre première paie, 12,47 RM (Reich Mark) ce
sera notre salaire hebdomadaire. Le dimanche 29-11-942 : Il
neige, mais nous allons suivre la messe dans l’arrière salle d’un café à Zwenkau, un village voisin, (pas de lieu fixe pour la
messe, soit Eythra ou ailleurs). Et en fin de messe,
nous récitons quelques prières ensemble. Décembre
1942 Le mercredi 3-12-1942 : Je
reçois la première lettre de Belgique, Rose me donnait les dernières nouvelles
du village. Le vendredi
5-12-1942 : Nous logeons pour la
première fois à la baraque à l'arrière de la fonderie. Vue de la baraque avec l’usine en arrière plan Elle est subdivisée en 3 parties, une, pour
les moments de la vie courante, une seconde en dortoir et la troisième est une
chambre avec un lit normal pour les malades. Le camp où est implanté notre
baraquement est dénommé BETRIEBSLAGER " STAUSSEE" ce qui signifie le
camp du lac car au village existe une retenue d'eau sur l'ELSTER pour alimenter
la ville de Leipzig en eau potable. Notre adresse est :
BETRIEB MAX HELLER HARTGUSSWERK BÔSDORF ELSTER. De bas en haut, Musin, Lestrade, R. Gilgean et Moi Les lettres de Rose et des
autres ont continué à arriver normalement, mais, il est bon de savoir que toutes nos lettres étaient ouvertes et
contrôlées tout comme nos colis. Le dimanche 19-12-1942 : Je
reçois mon premier colis. Dehors, il gèle à -7°c et il grêle. Noël 1942 : Ayant un emploi au
bureau, je fus désigné responsable de la baraque. Chaque dimanche, j’ai la
possibilité d'aller à la messe, mais, il n’y avait pas de lieu fixe, il fallait
se renseigner. L’après-midi, avec des copains de Leipzig, nous nous rendons
réciproquement visite et cela selon les disponibilités laissées par les menus
travaux d'entretien personnel: raccommodage des chaussettes, fait tant bien que
mal, ainsi que de légers travaux sur notre propre habillement et notre petite
lessive. Pour des travaux plus importants, j'avais recours à une bonne femme occupée au restaurant et notre lessive
importante était faite par le service de nettoyage de PLAGWITZ. Nous avions
droit à la douche de l'usine une fois chaque semaine 1943 Janvier
1943 1er janvier 1943 :
C’est vendredi, nous sommes au repos mais le moral est assez bas (J’ai le
cafard). Lundi 4-1-1943 : 50ème jour de déportation. On place des barbelés
autour de la baraque. Jeudi 7-1-1943 : Première
réunion d’un groupe de prière formé de Félix Viel (PG français), Edgard Cailleaux, Michel Rochart, Armand
Musin et moi (vie chrétienne). Et ceci se répéta
presque chaque semaine. Samedi 16-1-1943 :
Première alerte vers 21h. Des avions américains venus d’Afrique vont survoler
Berlin, mais même chez-nous, la DCA est en alerte. Dimanche 17-1-1943 :
Le soir à la même heure, même alerte que la veille. Les avions ne font que
passer. Dimanche 24-1-1943 :
C’est mon 70ème jour de
déportation. 10 hommes doivent décharger des wagons à 7h du matin, cela arrive
rarement. Samedi 30-1-1943 : 10ème
anniversaire du nazisme, moment bien triste pour la population âgée, impression
que nous ressentons pour la première fois. Janvier a été très froid, de temps à autre, un de nous
était hospitalisé car c’était un hiver assez rigoureux. Février 1943 Le jeudi 4-2-1943 :
Après la capitulation des nazis à Stalingrad (Russie), la population allemande
porte le deuil pour les 200 000 hommes qui se sont soi-disant suicidés, plutôt
que d'être faits prisonniers. Cela pour glorifier les victimes de Stalingrad. Le vendredi 5-2-1943 :
Nous installons le portrait du roi Léopold III et la vie continue tant bien que
mal. Le lundi 15-2-1943 : C’est mon 3ème mois d'exil. Annonce de la chute de Rostof (autre ville russe). Mars 1943 Dimanche 7-3-1943 :
Messe à Plagwitz près de Leipzig, le prêtre parle
français. Dimanche 21-3-1943 : Après-midi, nous allons à Leipzig visiter le monument, en souvenir
de la défaite que Napoléon y a subie, le 18-10-1813, pour atteindre le sommet
de cet édifice, il y avait 500 escaliers. Avril 1943 Le lundi 5-4-1943 : Je
suis malade. Le dimanche 11-4-1943 : Le
temps est détestable. J’ai le cafard car à Huissignies,
c'est la communion solennelle de mon frère Willy. Vendredi 30-4-1943 :
Pour noyer notre chagrin, ce fût une soirée d'ivrognes, on avait reçu 12
bouteilles de liqueurs à la cantine et elles y passèrent toutes. Mai 1943 Dimanche 2-5-1943 : 167ème
jour d'exil. On va visiter le zoo et la maison Wallonne à Leipzig. Lundi 3-5-1943 :
Nous sommes obligés de nous rendre à Leipzig pour écouter de 12h40 à 13h50, un
discours du Docteur Leys, c’est un chien enragé. Les
belges restent assis lors de l’hymne Nazi. Le mardi 4-5-1943 : Armand Musin apprend la mort de son grand-père. Le lendemain avec
Delporte, nous l’accompagnons à la gare de Leipzig car à cette occasion, il
peut rentrer au pays. Le vendredi 7-5-1943 : Je
réceptionne pour Armand une lettre recommandée ainsi que 14,96 RM, mes chefs
l’apprennent et par chance je ne suis pas menacé. Le jeudi 13-5-1943 : Je
reçois pour la baraque, un second colis de JECF (Jeunesse Etudiante Chrétienne
Féminine). La température dehors est de 40°. Le dimanche
16-5-1943 : Début de notre 6ème mois d'exil, je fais une promenade
au lac de Bösdorf. Lors d’une promenade autour du lac, il y avait du monde ! Le dimanche 30-5-1943 :
Armand Musin revient. Il y a une alerte la nuit et
ce, 3 jours de suite. Moi, Sehèque et Musin devant la porte du bureau à la fonderie Le patron nous dit qu’en cas de
bombardement sur l’usine, il est opportun de fuir le plus loin possible dans la campagne avec ce qu’on a de plus
précieux. Et, c’est ainsi que la vie monotone s'égraine. Répétition d’alertes
que nous ne prenons plus que comme de simples distractions. Et le moral est toujours au plus bas, cafard,
gorge serrée et envie de pleurer. Juin 1943 Le mardi 8-6-1943 : Je
vais chez le dentiste à Zwenkau. A partir du samedi 12-6-1943 : Il
faut une autorisation de la police pour aller à Leipzig. Dimanche 13-6-1943 : C’est la Pentecôte, nous
allons à la messe à Grösdalwigt, un village
voisin. Vendredi
18-6-1943 : Les chefs proposent aux PG français de signer pour
devenir travailleurs civils, 4 des 6 occupés à l’usine ont signé. Juillet 1943 Le lundi 5-7-1943 :
Réunion avec les autorités allemandes à Leipzig, le Lager
fhùreur nous accompagne en train. Et en rentrant,
nous sommes interpellés par la police car nous chantions. Mardi 6-7-1943 :
Toujours les idées moroses et les lettres n'arrivent plus de Belgique. Mes
collègues ironisent sur notre sort, je réplique avec des propos malveillants à
l'égard de l'Allemagne. Mon chef ne sourit pas. Je me suis excusé. Il me menace
mais heureusement, il n’y eut aucune suite. Ouf ! Jeudi 8-7-1943 : Les
PG français qui ont accepté de
travailler comme civil, viennent habiter dans une petite baraque à côté de la
nôtre. Un de ces prisonniers de guerre français. Le vendredi 9-7-1943 : Ils
nous reçoivent dans une bonne ambiance. Samedi 10-7-1943 : Les
hommes mariés déportés retournent en permission au pays. Dimanche 11-7-1943 : A
quelques-uns, nous assistons à Leipzig à une conférence du délégué de L'UTMI
(syndicat des travailleurs) pour la province, sa conférence dura 1h pour
démontrer la nécessité de la victoire du Reich pour le sort de l'ouvrier. Et,
il termina en demandant des volontaires pour la Légion Wallonne. Ce qui n’est pas peu de chose.
Nous y faisons la connaissance des légionnaires
wallons. Et, le délégué me conseille de me rendre le mardi suivant, au bureau
de l’ARBEST FRONT, pour y déposer notre dossier de revendications ou plutôt de
réclamations. Une charge de plus qui m’incombe dans les difficiles relations
avec nos patrons. Je suis rentré en train avec la migraine. On annonce que la Sicile est envahie. Nous
n’avons plus de lettres de Belgique mais elles reviendront peut-être
après. Rochard, Sehèque, Felix Viel (PG français), Caillaux et Moi au jardinet près de la baraque. Le jeudi 15-7-1943 :
Nous recevons notre nouvelle solde qui n’est plus que de 15 RM pour 15 jours. Vendredi 23-7-1943 : Un
furoncle se déclare à ma main droite. Je vais au docteur, comme ils sont
fonctionnaires, les consultations sont gratuites. Dimanche 25-7-1943 : On
nous annonce qu’en Italie, le Duce Mussolini a démissionné. Un train de PG
Hollandais et de troupes allemandes passe. En Belgique, à Tournai, c'est
l'ordination sacerdotale de mon cousin l'abbé Maurice Leleux,
grosse déception, j’aurais tant voulu y
être, car, c’est exceptionnel qu’il y ait un nouveau prêtre dans une famille. Le 28-7-1943 : Alerte à 11h du matin, on a un arrêt de
travail d'une heure. De nouveau alerte le lendemain à 9h30, nous nous
dispersons dans la campagne voisine. On
se cache sous une meule de paille. Août
1943 Dimanche 1-8-1943 : Il
y a une fête de la moisson au village, avec kermesse antique pour les
gosses. Mardi 3-8-1943 : Je
vais au kino (notre cuisine) pour réclamer sur la
qualité de la viande. Ce fût une intervention inoubliable, le meister ne fut pas
content. Vendredi 6-8-1943 : Je
reçois une attestation de mes parents comme quoi je suis fils de fermier et que
ma présence est indispensable pour la moisson. Le certificat demandant une
permission de retour est ratifié par le Bourgmestre. Le samedi 7-8-1943 : Je
vais à l'Arbeitsamt avec mon certificat, mais hélas,
demande refusée, il n’y a pas de permission possible. Je renvoie les papiers au pays. Jeudi 12-8-1943 :
J’ai reçu plusieurs colis dont un de Madame Didion du
30-6, c’était une fermière de Havelange (Ardennes),
elle était la mère de la responsable de la JECF qui parrainait notre baraque en nous
envoyant des colis. Mardi 17-8-1943 : La
guerre est finie en Sicile, elle est libre. Dimanche 29-8-1943 :
Durant la nuit, à minuit, il y a une alarme formidable, la baraque a oscille
pendant 2h, la DCA crachant ses faisceaux de balles vers les avions américains qui venaient
d’Italie pour bombarder Berlin. Septembre 1943 Mercredi 1-9-1943 : La
poste de Leipzig a été bombardée et incendiée de la nuit, que vont devenir les colis qui auraient pu y être ? Samedi 4-9-1943 : Les
anglo-saxons débarquent en Italie, ce qui est une cruelle déception pour les
allemands mais, une bonne nouvelle pour nous, qu’ils continuent surtout. Jeudi 7-9-1943 : En rentrant d’une réunion à Leipzig, mon
furoncle à la main refait mal. Je prends des bains chauds. Le lendemain, le
docteur a tout nettoyé mais le 14, je dois aller le revoir. Mercredi 15-9-1943 :
Depuis 3 jours, des trains remplis de soldats italiens passent, ils arrivent
d'Italie, embarqués par les allemands qui les traitent comme déserteurs. Jeudi 16-9-1943 : 10ème
mois d'exil. Le vendredi 17-9-1943 : Je
reprends le travail après 10 jours de repos. Convalescent, je profite du soleil d’automne à l’entrée du bureau. Mardi 28-9-1943 :
Nous sommes au moins 10 à souffrir de démangeaisons et de boutons (on se
gratte). Nous trouvons les responsables, les lits sont remplis de puces. Le jeudi 30-9-1943 :
grand nettoyage de la baraque pour se débarrasser de nos hôtes. Octobre 1943 Dimanche 3-10-1943 :
Dupont commence la ronde de garde à la baraque. A la messe, nous apprenons que
L'abbé Aubry a été emmené à Plagwitz comme
communiste. Mercredi 6-10-1943 : Les
allemands invalides de l'autre guerre sont embrigadés par nécessité dans le
service de la défense passive. Jeudi 7-10-1943 :
Discussion avec mes chefs car ils soutiennent que ce sont nous, les Belges, qui
avons déclaré la guerre en 40. Je rouspète avec véhémence, mais pétard de
tonnerre, la discussion s’est envenimée, finalement, cela se calma quand même. Mardi 12-10-1943 : La
femme d'Auguste Violet, le français ancien PG, arrive comme travailleur
volontaire. Elle vient retrouver son mari, elle va travailler à la tannerie et
ils logeront en privé. Mercredi 20-10-1943 :
Vers 20h, alarme, cela devient terrible. Nous préparons nos paquets, prêts à
partir. L'électricité est coupée et cela frappe dur jusque 22h. La lumière
revient à 23h. On se couche mais nous étions épouvantés. Jeudi 21-10-1943 :
Nous sommes obligés de faire nos paquets, un de vivres et un autre de linge. La
ville de Böhlen est touchée ainsi que Zwenkau à 4 km de nous. Knauthain et
Leipzig ont un avant goût d'une pluie de bombes. Vendredi 22-10-1943 :
Nous avons des échos d'un violent bombardement vers Halle. Le samedi 23-10-1943 :
Nous avons rencontré l'abbé Aubry revenu de Plagwitz. Le mardi 26-10-1943 : Je
retourne au docteur, pour les furoncles qui m’ont obligé à m'absenter plusieurs
fois du bureau et ce depuis le 7 septembre dernier, il me confirme la fin de
l’infection. Vendredi 29-10-1943 : Une
cloche de gaz explose à l'usine Grübbe, voisine de 20 m. On a eu peur. Samedi 30-10-1943 :
Nous n'avons plus de réunions de prières avec Félix car nous avons été surpris
par la police qui nous interdit même de parler aux catholiques et de nous
confesser à un prêtre allemand. Dimanche 31-10-1943 :
Fête du Christ Roi, après la messe, nous rendons visite à plusieurs amis à
Leipzig. Nous apprenons qu'Emile Dubois et Léon Massy retournent en congé le 19
et le 12 décembre. Depuis quelques temps, l'usine
tourne au ralenti. Novembre 1943 Lundi 1-11-1943 :
C’est la Toussaint,
nous travaillions et on nous annonce que Roger, Robin et Max retourneront les
premiers. Pour chaque homme qui repartait, un autre de nous devait signer une
déclaration comme quoi il aurait son congé supprimé au cas où le bénéficiaire
ne reviendrait pas, j’ai signé pour Roger et je suis resté. Le jeudi 11-11-1943 : Un
garde arrive pour la nuit, une place spéciale lui est réservée dans la chambre,
on installe une sonnette à la baraque et 3 hommes sont désignés pour le service
incendie. Pour sa première nuit dans la chambre, le garde est l’objet de
nombreuses farces, il n'a pas su dormir, il ne reviendra plus. Robin et Tonneau
dorment ailleurs, mais où ? Samedi 13-11-1943 : On
fait notre photo à Zwenkau pour notre passeport
Deutsch. Le mardi 16-11-1943 : On
annonce à Roger son départ pour le 11-12.
Le samedi 20-11-1943 : Je
suis de garde pour la chambre. On apprend que les allemands âgés de 50 à 55 ans
sont appelés sous les armes pour la seconde fois. Notre restaurateur au Kino,
Monsieur Albin est du nombre. Le soir, nous avons un souper extra,
exceptionnel : 3 kg de pain gris, 400g de blanc et du saindoux. Le jeudi 25-11-1943 :
Sainte-Catherine, on annonce à Roger qu’il n’a pas de congé avant le 21
janvier. Le vendredi 26-11-1943 : Le
soir, première des réunions mensuelles à la maison Wallonne de Leipzig. Il y eut
une alerte vers 20h 45. Nous allons nous mettre à l’abri à la gare jusque 22h
15. Nous prenons le train du retour à 23h30, on arrive au camp à 1h30. Mes copains m'avaient attendu jusque minuit
puis ils sont allés se coucher. Samedi 27-11-1943 : Je
suis allé porter le linge à laver à Knauthain. Lundi
29-11-1943 : 3 jeunes filles viennent
pour la 3ème fois à la baraque, mais cette fois, jusque dans la
chambre, voir Busiaux qui malade, était au lit. Je
les ai mises à la porte, Lespagne n’est pas d’accord
et discute avec moi mais le lendemain c'était fini. Le groupe dans un moment d’euphorie. Doucement nous arrivons à la
période la plus terrible, pour nous distraire, nous avons organisé à plusieurs
reprises, des matchs de football contre des français ou des italiens au stade
du village. Les réunions chrétiennes interdites sont reprises cette fois à Bösdorf. Décembre 1943. Mercredi 1-12-1943 : C’est la St Eloi,
les occupants de la baraque ont bu 150 verres de bières pour 3O,15 RM. Nous
nous sommes couchés à minuit. Le matin, je suis de corvée cuisine au kino. Vendredi 3-12-1943 :
Réunion à Leipzig avec mon ami Robert Sehéque. Nous
sommes rentrés à la baraque à minuit. Mais vers 3h30, alarme, cela frappe dur
sur Leipzig, la gare et le centre ville sont visés. Samedi 4-12-1943 : De
la journée, des réfugiés passent à pied de Leipzig vers Zwenkau
car il n’y a plus de train. Dimanche 5-12-1943 : Au
café, on retrouve des belges et français que l’on invite à la baraque. Vers
14h, une mère, son fils, sa fille et une autre, tous déportés, arrivent, on
leur fait du cacao au lait et on leur donne des biscuits. On chante pour se
réconforter. Et à 16h30, ils partent eux aussi vers Zwenkau.
De la nuit, nouveau bombardement sur Leipzig, toute la ville est touchée
(100.000 sans abri, une bombe incendiaire est larguée toutes les 5 minutes), le
toit de la prison a brûlé, les SA (Sentinelles Allemandes) ont tués comme des
bêtes les détenus politiques qui se sauvaient. Jeudi 9-12-1943 : 3
jeunes filles dorment à la baraque dans la chambre spéciale pour les
malades. Vendredi 10-12-1943 :
Nous refusons de signer notre engagement pour la défense passive proposé le
11-9-1943. Dimanche 12-12-1943 :
Curieux, nous allons à Leipzig pour voir les ruines, quelle désolation, c’est
inouï de voir pareils dégâts. Le camp de Louis Duquesne a été très touché et sa
baraque détruite, où est-il? Nous ne
l’avons pas vu. Dimanche 19-12-1943 :
Avec Edgard, en allant au linge à Kwanthain, nous
rendons visite au délégué Charles Leclercq (collaborateur) pour des renseignements.
Le lendemain chez Dervise (autre collabo), nous
rencontrons le délégué suppléant concernant la bouf (la nourriture) dont la
qualité ne fait que se dégrader. Mais, nous avons été jetés à la porte avec un
coup de poing dans le dos. Le lundi 20-12-1943 : Je
suis allé voir le Lagerfhureur, notre responsable
pour la baraque. Il me dit qu'il ne me fait pas confiance ni aux délégués. Car
selon lui nous sommes tous des menteurs. Il ne me donne pas l’autorisation
d’aller à l’ADHF. Le soir, je vais à Grosschocher,
là, je reçois le tableau de rationnement pour cette période. Le mardi 21-12-1943 : Je
vais à nouveau voir le Lagerfhureur qui refuse de me
recevoir car c'est l'heure du travail. L'après-midi, nous allons à Leipzig
prendre le colis express de la JOC à l’occasion de la
Noël. Le délégué du syndicat devait venir jusqu’ici, nous ne
l’avons pas vu. Le vendredi 24-12-1943 : Le
réveillon de Noël se passe assez bien, sauf un léger incident, l'arbre de Noël
a pris feu. Et le jour de Noël, nous voilà à notre 405ème jour
d'exil et nous avons eu à ce jour 25 alertes et 143 pré-alertes. Le mercredi 29-12-1943 : On annonce que les anglais ont débarqué sur une île de la Manche. Le réveillon du 31-12-1943 : Nous le passons avec les Russes, les Tchèques et les Polonais dans la baraque, nous nous couchons à 5h du matin. 1944 Janvier 1944 Le 4-1-1944 :
Je reçois un colis de chez moi datant du
25 novembre. Le jeudi 6-1-1944 :
Nous apprenons que la jeune fille qui
était venue voir Busiaux et que j’avais chassée, a
été tuée en ville dans un bombardement. Le mercredi 12-1-1944 : On
apprend qu'il ne sera plus possible d'écrire que 2 fois par mois. Le vendredi 21-1-1944 :
Roger retourne en congé. J'ai signé garant pour qu’il parte en congé et qu’il
revienne. Sinon pas de congé pour moi. Le samedi 22-1-1944 : Une nouvelle baraque se monte prés de la nôtre. Février 1944 Le jeudi 3-2-1944 :
Seul Henri revient, mais pas Roger. Le plus terrible coup au moral que je n'ai
jamais eu. Le vendredi 4-2-1944 : Les
autres rentrent de permission (Robert, Jules, Urbain et Victor le plus âgé de
nous tous). Le dimanche 6-2-1944 :
Nous constatons une nouvelle invasion de puces dans les lits. Le lundi 7-2-1944 :
Tonneau tombe dans une crise d'épilepsie. Je dois alors faire le cuistot à sa
place et ce, 1 heure par jour, je suis absent du bureau, pendant ce temps. Dimanche 20-2-1944 :
Depuis quelques jours, il neige et aujourd’hui de plus belle. Il y eut une
alerte à 2h45 du matin. Des bombes tombent tantôt loin ensuite plus près (même
à 300 m dans une déflagration formidable), c’est un roulement infernal pendant presque
1h., la baraque oscille, nous nous couchons par terre. Il y a plusieurs
incendies dans les villages environnants. Tout l'horizon est en feu. A 10h 30,
on vient nous chercher pour dîner au kino. Je pars
avec 10 camarades pour aller déblayer chez notre patron à Plagwitz.
A 13h encore une alerte sur Leipzig. Nous revenons à 18h. et nous apprenons que
d'autres ont dû aller déblayer à Bösdorf et qu’un
avion américain a été abattu, il est tombé sur le village avec beaucoup de
dégâts. Deux copains sinistrés viennent dormir à la baraque. Le lundi 21-2-1944 : A
l’usine, on travaille à la réparation et à la protection, on n'a pas encore
repris le travail, 9 autres camarades vont de nouveau à Plagwitz
pour déblayer. A 14h, nouvelle alerte qui dura une heure. Onze villages et cinq
villes sont touchés. Le mardi 22-2-1944 : On
continue les réparations à l'usine (vitres). Il y eu une alerte de 12h45 à 15h.
Ces raids sont, paraît-il, les
représailles pour les bombardements de cette semaine sur Londres. Le mercredi 23-2-1944 : Les
lettres et les colis arrivent de nouveau.
Lundi 28-2-1944 : On reprend le travail au bureau. A 10h, je suis rappelé à la baraque car André est de nouveau tombé malade. Il neige toujours. Mars 1944 Le dimanche 5-3-1944 : 51ème
alerte ce matin, comme presque chaque jour, à n'importe quelle heure. Mercredi 8-3-1944 :
Comme très souvent je vais à Leipzig chercher des colis et en même temps j’assiste aux réunions des délégués. Jeudi 16-3-1944 : 16ème
mois d'exil. Exceptionnellement, on a un gâteau pour dîner. Voici une anecdote de la vie ici
: au village, une sinistrée ne dit pas "Heil
Hitler" en passant devant la fille de Fridrich,
l'ingénieur de l'usine. Celle-ci l'oblige à saluer, sinon elle fait appel à la
police. (Jugez donc de l’ambiance.) Vendredi 17-3-1944 :
C’est un jour malheureux pour Michel Rochart de Ath,
qui pour taquiner les allemands, façonna une faucille et un marteau (emblème
russe). Il est menacé d'être dénoncé à la police. Dimanche 19-3-1944 : Je
participe avec Armand à une récollection à Wahren, de
7h du matin à 19h, avec une messe en français pour les victimes du bombardement
du 20 février, discussions et commentaires. C’est une belle journée empreinte
de spiritualité. Vendredi 31-3-1944 : Notre 502ème jour de déportation. Le matin, deux gendarmes viennent arrêter Michel Rochart pour la blague qu’il avait faite 8 jours plus tôt. Avril 1944 Mardi 4-3-1944 : Après plusieurs crises d’épilepsies, André Tonneau retourne au pays, avec Musin, nous le reconduisons à la gare de Leipzig. Ensuite, nous allons voir le délégué de l’UTNNI pour défendre la cause de Michel. Dorénavant, je suis toujours à la baraque plutôt qu’au bureau. Il faut assurer son bon ordre ainsi que son nettoyage. Chaque midi, je vais chercher la nourriture au kino avec une charrette à bras. La charrette à bouf !! Dans la nouvelle baraque, adossée à la nôtre, des déportés Tchèques
arrivent. Vendredi saint 7-4-1944 :
Avec Félix et Armand, nous avons passé un après-midi de pénitence et un chemin
de croix au tour du lac de Bösdorf. Le fleuve Elster
est en crue, il déborde. Le samedi 8-4-1944 :
Nous avons été autorisés à rencontrer Michel à la prison Riberstrasse
(rue). Le mercredi 12-4-1944 : Avec
Musin et Delporte, je vais voir Michel et lui porte
un colis. Dimanche 16-4-1944 : J’ai
fait pendant 2h une promenade seul autour du lac en disant mon chapelet. Le jeudi 20-4-1944 : Ce sont
les 55 ans d'Hitler, un événement pour les allemands. Mercredi 26-4-1944 :
J’ai eu une discussion avec Zihbold, notre surveillant,
(pour des aspirines), après avoir été un loup lors de la discussion, 1h après
tout était changé, il était devenu un mouton, il ne donne des aspirines pour
ceux qui en ont besoin). Jules Duret part à l'hôpital à Zwenkau. Samedi 29-4-1944 :
Maurice Houssiau part en congé. Dimanche 30-4-1944 : Je rends visite à Jules Duret à l'hôpital ainsi qu’à un ami de Félix (PG). Le chef de bureau me prête désormais son vélo pour me rendre à Zwenkau. Mai 1944 Le vendredi 5-5-1944 : Nous avons une surprise, à 6h15 du matin, Robert Sehèque de Labouvrie rentre dans la baraque, il revient après être parti en congé il y a 3 mois. Mais nous apprenons qu’il fut ramassé lors d'une rafle et conduit dans un camp de discipline. Mardi 9-5-1944 : Notre
surveillant nous réveille à 6h pour le grand nettoyage : laver les
couvertures et nettoyer les lits. Mercredi 10-5-1944 : Je
porte un nouveau colis de vivres pour Michel à la prison. Les congés sont
définitivement supprimés. Jeudi 11-5-1944 : De
nouvelles couvertures nous sont apportées. A 13h, nous connaissons notre 80ème
alerte. Pour la première fois, on se sauve dans la campagne en plein jour et on
se réfugie sous une meule de paille. Böhlen est en
feu. Le dépôt d'essence saute, cinq villes furent touchées. Lundi 15-5-1944 : On retravaille
désormais de 6h à 17h30. Dimanche 21-5-1944 : Il
y a une alerte, un chasseur américain est abattu. Ce sont les premiers que l’on
a aperçus ici. Jeudi 25-5-1944 : On va
pour voir Michel à Riberstrasse, il n'est plus là. Dimanche 28-5-1944 : Les chasseurs américains mitraillent la DCA allemande dans les environs. Juin 1944 Lundi 5-6-1944 :
Chute de Rome. Le mardi 6-6-1944 : A
12h, on nous annonce le débarquement américain à Cherbourg et au Havre, le soir,
on nous dit qu’ils sont déjà à 80 km de St Lo. C’est une nouvelle ère d'espoir qui commence
mais hélas pour peu de temps. Le vendredi 10-6-1944 : Les allemands annoncent les bombardements de Londres avec une nouvelle arme, le V2. Avec cette annonce, leur moral est au plus haut car la semaine dernière avec le débarquement en Normandie, il était très bas. Juillet 1944 Samedi 1er-7-1944 :
Léon Degrelle, le rexiste belge, vient faire
une conférence au zoo de Leipzig. Ce fut inoubliable, un loup aux abois vociférant comme une bête
fauve ! Nous avons été obligés de nous y rendre. Dimanche 2-7-1944 :
Notre ami Joseph Busiaux de Lanquesaint
en promenade autour du lac s’y noie à 19h20, pourtant il était en compagnie de
Georges Louis qui faillit périr aussi. Mercredi 5-7-1944 : Le
corps de Joseph est retiré des eaux. Vendredi 7-7-1944 : Alerte de 9h à 10h45, des bombes incendiaires tombent près de nous dans le champ, un brouillard de fumée s’en dégage. La gare de Leipzig est très atteinte ainsi que les villes de Leuna et de Böhlen. Joseph est enterré au cimetière, je lui porte des fleurs. Lespagne sur la tombe de Busiaux. Dimanche 9-7-1944 : 600ème
jour d'exil. Samedi 15-7-1944 :
Pour la première fois avec Musin, nous assistons au
cours d'allemand à Leipzig. Samedi 22-7-1944 :
Armand reçoit une lettre de Michel, il est à Weimar (camp de discipline). Samedi 29-7-1944 :
Alerte pour la 100ème fois mais presque chaque jour il y a des
pré-alertes. Leuna serait détruite. Lundi 31-7-1944 : Pour la première fois, nous envoyons un colis à Michel au camp de discipline. Août 1944 Mardi 8-8-1944 : Les
américains avancent en Europe, plus particulièrement en France : Angers, le
Mans, ils sont à 220 km de Paris. Dimanche 13-8-1944 :
Messe à Eythra pour Joseph. Depuis le 28-7-1944, les
chasseurs alliés viennent en reconnaissance plusieurs fois par jour. Le mardi 15-8-1944 :
Tandis que nous suivons la messe à Plagwitz, nous
apprenons le débarquement français à Marseille. Mercredi 16-8-1944 :
Bombardements sérieux de 10 à 12h sur Böhlen, Zeits. Le soleil est obscurci par la fumée. Mercredi 23-8-1944 :
Paris est libéré. Septembre 1944 Le dimanche 3-9-1944 :
Tournai, Mons et Charleroi sont libérés. Le 5-9-1944, c’est au tour
de Bruxelles. Dimanche 10-9-1944 :
Nous avons eu une bonne réunion dans les bois avec Félix, Armand et 8 autres
français. Les alertes pour les chasseurs alliés en reconnaissance se succèdent
toujours. Nous sommes à notre 110ème alerte. Samedi 16-9-1944 :
Nous allons planter une croix sur la tombe de Joseph et nous lui portons des
fleurs. Dimanche 17-9-1944 :
Avec Félix et Armand, nous allons voir les dégâts à Taucha. Vendredi 22-9-1944 : Il
y a un incendie terrible chez Guibbé Léopold, nos
voisins, il ne fût éteint qu’à 4h du matin. Le 23-9-1944 et le mercredi 27-9-1944 : Nous maraudons des pommes de terre, le fermier nous surprend, il nous chasse mais nous en laisse 25 kg. Octobre 1944 La police inspecte régulièrement
plusieurs camps à la périphérie de Leipzig. Lundi 16-10-1944 :
C’est la 120ème alerte. Mardi 17-10-1944 :
Ordonnance de Degrelle, les jeunes gens belges de 19 à 20 ans sont mobilisés au
service du travail. Mardi 24-10-1944 :
Edgard Cailleaux est averti qu'il doit partir au
service du travail le 1-11. A partir du mercredi 25-10-1944 : Nouvelle
restriction, on ne reçoit plus à souper
que 2 fois par semaine. Dimanche 29-10-1944 :
Beaucoup de trains sont supprimés. Lundi 30-10-1944 : On annonce à Edgard qu’il doit partir à Hanovre. Novembre 1944 Le 1er novembre : Je
conduis Edgard à la gare de Liepzig. Le jeudi 2-11-1944 :
Effroyable combat aérien, 18 chasseurs allemands affrontent 70 anglais. Ce fut
le grand fracas. Dimanche 5-11-1944 :
Désormais à chaque visite à Leipzig, nous en profitons pour manger le plat du
jour "stam" dans certains établissements de
la ville. Une nouvelle à partir de ce jour, une garde de l'usine est organisée
par la police. Le jeudi 9-11-1944 :
Nous échangeons facilement des pommes de terre contre du tabac (nous en avions
une bonne réserve). Et, nous subissons notre 130ème alerte. Le lundi 13-11-1944 : Le
travail diminue beaucoup. Ceci par manque de combustible, il devient rare et
n'arrive plus car les voies ferrées sont endommagées. Le jeudi 16-11-1944 : 2ème
anniversaire de notre exil, il est « fêté » avec du sirop de
betterave sucrière. Des lettres continuent d’arriver. Mercredi 22-11-1944 :
Nous recevons une lettre spéciale de la croix rouge qui nous permettaient de réécrire
au pays, elles repartent le 23. Le 23-11-1944 :
C’est aujourd’hui mon 24ème anniversaire. La nuit venue, je vais
chercher des pommes de terre dans un silo que j’avais repéré en plein champ. Le lundi 27-11-1944 : Il
y a des combats aériens, un chasseur allemand tombe dans le lac. Un train
complet de femmes soldats passe. Le mercredi 29-11-1944 : Alerte, 17 bombes tombent presque à la même place que le 20-2-44, à 30m de nous et des obus à 5 m. Décembre 1944 Le 1er –12-1944 :
Lors d’une réunion du syndicat à Leipzig, on a voulu nous faire signer un
certificat comme délégués syndicaux, ce
qui aurait été assimilé à de la
collaboration. Le 5-12-1944 : Une
seconde baraque est construite contre la nôtre, mais, ce n’est que le
20-12-1944 que des hollandais y arrivent. Le samedi 30-12-1944 :
Edgard revient en permission. Le 31-12-1944 : 150ème alerte. 1945 Janvier
1945 Le 4-1-1945 : On
recommence à travailler à la fonderie. Dimanche 7-1-1945 :
Visite à l'hôpital à Zwenkau (secteur tuberculeux). Le samedi 13-1-1945 : On
ne peut plus voyager librement, il faut une autorisation de la police locale. Dimanche 21-1-1945 : Je
vais de nouveau en visite à l'hôpital de Zwenkau. Et,
je porte la communion à certains camarades hospitalisés. Une fois de plus, les
trains express sont supprimés. Donc le trafic postal est réduit ce qui veut
dire plus de colis. Mercredi 24-1-1945 : Les Russes sont à Pausem et ils avancent toujours. Ils sont à 210 km de Berlin. Février 1945 Dimanche 4-2-1945 :
Visite à l'hôpital de Zwenkau. Vendredi 9-2-1945 : Nous
apprenons que le cabinet Pierlot (gouvernement provisoire belge en Angleterre) est
renversé. Le 11-2-1945 : Un
train de prisonniers politiques passe venant de Leipzig. 40 morts sont jetés
sur la voie (c’est horrible). Le 19-2-1945 : Un
train de soldats évacués et du matériel, passe venant à Leipzig. Le 22-2-1945 :
Trois civils du village, des gens d’un certain âge, sont mobilisés (soldats). Le 23-2-1945 : Il
y a une offensive américaine en Europe. Deux français et un flamand
arrivent dans la baraque voisine. Dimanche 25-2-1945 :
Deux wagons de munitions sautent à la gare de Wahren. Le 27-2-1945 : Nous avons notre 190ème alerte. Mars 1945 Le 1–3-1945. : La Turquie entre en guerre Le 3-3-1945 :
Avec Armand, nous allons chez Madame Thiele au
village voisin. C’est une personne très sympathique que nous rencontrions
souvent à la messe, son fils, soldat à
la marine fut foudroyé dans une torpille guidée, Kamikaze forcé, il était seul
à bord et la dirigeait sur un cuirassier allié. Le 4-3-1945 : Désormais, on ne sonne plus les pré-alertes. Les
rations de pain sont ramenées de 960 gr à 345 gr. Le 12-3-1945 : En allant à Plagwigtz, pour nous confesser, fait exceptionnel, nous voyons passer un train de voyageurs. Avril 1945 Le 1-4-1945 :
C’est Pâques. De nouveau, je vais à l'hôpital de Zwenkau pour visiter les tuberculeux, ils ne sont pas
beaux à voir. Le 5-4-1945 :
Depuis le début de guerre, il y a eu 319 alertes. Le 8-4-1945 :
Nous recevons plus que 225 gr de pain. Le 10-4-1945 :
Leipzig subit son 10ème bombardement, la gare est détruite. Depuis quinze jours, le soir,
les alertes n’arrêtent plus, on entend le canon. Des blindés américains
viennent jusque Zwenkau, on entend leurs
mitrailleuses. Hitler répète qu’il faut résister à l’ennemi, des soldats
allemands nous demandent des tenues civiles. En effet, le canon tonne à Leipzig. Les usines
arrêtent et la ville se déclare ville sanitaire pour être épargnée. Le 11-4-1945 :
Durant la nuit, nous nous abritons dans l’abri creusé dans le sol près de la
baraque. Quelques-uns restent dans la
baraque, ils ne se doutaient pas du danger. Le 12-4-1945 : Tôt
le matin, la 236ème alerte sonne. C’est une « Panzer alarm », les tanks alliés arrivent. Le 13-4-1945 : Chacun
reçoit 20 cigarettes et 2 chemises. On entend les canons et les mitrailleuses
sans cesse. De nouveau, la nuit se passe à l'abri, les détonations
s'amplifient. Les canons placés prés du lac nous réveillent. Le 14-4-1945 : A
minuit, l'ordre est donné aux PG français d'évacuer. Et à 3h du matin, ils
partent. Le climat est très tendu. A midi, nous recevons de la nourriture et à
13h30 sur ordre de Ling Friedrich, notre chef, Zibol, le Schweirarbeit nous ordonne d'évacuer. Nous faisons nos
bagages en toute hâte. Ce fut inoubliable car sur une 1h de temps ils étaient
faits. On partage de la nourriture et un supplément de 1kg de pain, 300 gr de
viande, 40 gr de margarine et 500 gr de sucre. A 14h, on part à pied, tous les
étrangers ensemble, avec une charrette à bras, nous transportons nos bagages. A
15h, nous prenons la route de Hartmansdrof, village
distant de quelques kilomètres. Nous arrivons dans une salle où avaient logé
des prisonniers Russes (puces, saleté). Certains reviennent à notre baraque
chercher des réserves. Toute la nuit, il
y eut des alertes, on entend les canonnades près de nous à Eythra.
Nous sommes enfermés et gardés toute la nuit dans la salle. Dimanche 15-4-1945 : La FLAC (DCA) de Eythra est très endommagée. Il y a toujours des
bombardements, les avions n’arrêtent plus de passer. Je reviens chercher de la
nourriture au kino à Bösdorf.
Par la même occasion, je vais visiter la baraque, elle est presque vide. Le
soir, une voiture radio passe (pour soutenir le moral, c’est de la propagande).
Nous apprenons que DRESDEN est aux mains des Russes. Lundi 16-4-1945 : 30ème
mois de captivité. Comme toujours, on entend continuellement le canon. On nous
ordonne de partir pour Leipzig, on prépare les valises. On doit partir à 16h, nous
discutons alors avec nos gardiens (Volkesturme), des soldats plus âgés qui restent indécis.
Alors, nous décidons de nous disperser partout dans le village pour trouver du
travail chez des maraîchers qui voici quelques temps, occupaient des femmes russes
pour leurs travaux agricoles. Mardi 17-4-1945 : On
part toute la journée, travailler à Bösdorf, dans des
couches de salades, une fillette de 5 ans s'amuse avec nous. Des bombes tombent
près de nous et des éclats d'obus nous arrosent, nous nous couchons. Les
combats aériens et les mitraillages entre allemands et américains sont
continuels. Vers 22h, dur combat, on se réfugie dans l'abri. Puis, on revient
dormir tout habillé sur une chaise dans la salle. Mercredi 18-4-1945 : À
5h du matin, alerte générale à Leipzig (des coups longs de 5 minutes). On reste sur place car
où aller ? A 6h30, un soldat américain entre dans la baraque, nous l’avons
embrassé. Nous sommes ENFIN libres après 884 jours d’exil. Hourrah !!!! nous
sommes libérés !!!! Partout les
habitants sortent le drapeau blanc. Je me lève les yeux et le poignet enflés et
ce sans être malade (puces, cafards, punaises). Ici à Hartnrannsdorf,
le nettoyage en règle du village est
organisé. Les Hitlerjunge sont réfugiés dans les
bois. Après le déluge de la nuit, c'est presque le calme, seuls de petits
combats continuent dans les bois de Leipzig à la chasse des derniers jeunes hitlériens.
Jeudi 19-4-1945 :
L’armée américaine occupe le village et le nettoie. Nous revenons à Bösdorf drapeau en tête et vers 10h30, nous pénétrons dans
notre camp, aussitôt, nous nettoyons la baraque. Les français trouvent une auto
et espéraient partir, nous aussi on croyait partir, hélas !!!, les soldats
américains qui sont partout la reprennent !!! Vendredi 20-4-1945 : Les
français sont partis. A quelques-uns, nous allons avec les soldats américains
visiter les bureaux de l'usine. Nous recevons 3 kg 500 de jambon, une caisse de
biscuits et du pain de la boulangerie locale. Nous mangeons à notre appétit mais
nous sommes toujours ici. Les soldats de la troupe de choc américaine partent à 11h30 pour la bataille de Leipzig où
1400 soldats américains furent tués. Dimanche 22-4-1945 :
Nous allons à Leipzig pour trouver le bureau belge mais c’est le français que
nous trouvons. Nous avons renseigné le
nom des traîtres et des chefs allemands les plus sectaires de l'usine. Ici, la
police américaine monte la garde :
2 soldats américains et 2 civils belges avec des brassards. Lundi 23-4-1945 : En
vélo, nous allons à Leipzig pour une réunion, où il y avait beaucoup de
flamands. Le comité est bilingue, nous sommes 5000 belges ici. Mercredi 25-4-1945 : A 8h, nous partons de Bösdorf pour Messplatz où se situe un important camp de déportés. Là, nous sommes de nouveau envahis par puces et punaises. Des camions militaires emmènent les PG français. Au camp avec des soldats de passage. Vendredi
27-4-1945 : Une fois encore, j’ai un œil enflé. On nous conduit en camion
dans une caserne, nous y sommes
rassemblés à environ 1000 belges et ravitaillés par les américains. Samedi 28-4-1945 :
L'Allemagne capitule, le soir, nous dansons avec des soldats belges incorporés
dans les troupes américaines. Dimanche 29-4-1945 : Messe à la caserne. Des soldats belges nous autorisent à aller chercher de la nourriture à la cantine, nous avons fait un bon souper. Dans la cour de cette caserne allemande, il y avait un char factice. La semaine se passe calmement, nous rencontrons des femmes de soldats belges. Les américains dressent une liste avec les mentions « volontaires, déportés et prisonniers ».
Mai
1945. Lundi 7-5-1945 : A Reims (France), la signature de la capitulation, la reddition inconditionnelle de l'Allemagne est officielle et fut annoncée à 18h à la radio. C’est la fin de la guerre en Europe. Mardi 8-5-1945 : Trois trains de prisonniers politiques sont partis de Leipzig, plutôt de PLAGWITZ (faubourg de la ville). Jeudi 10-5-1945 : Jour de l'ascension, nous allons à la messe à Leipzig. Mais, nous n’avons pas encore trouvé le bureau Belge. Vendredi 11-5-1945 : Enfin, nous trouvons le bureau belge à Leipzig. On reçoit du ravitaillement par des soldats américains. Les trains de prisonniers de guerre partent chaque jour. Dimanche 13-5-1945 : Fête des mères, la messe en français est célébrée en plein air par un prêtre allemand. Dimanche 20-5-1945 : C’est la Pentecôte. Chaque jour, de nombreux prisonniers sont rapatriés. Nous les travailleurs déportés, nous sommes les derniers à partir. Une décision a été prise pour que les américains qui ont libéré Leipzig se retirent pour laisser la place aux russes. Mardi 22-5-1945 : Enfin, tous ceux de Bôsdorf, nous allons partir ensemble, excepté Fernand Delhaye (Ath), il est toujours absent, tant pis, il suivra. Le départ est programmé pour demain à 4h30. Mercredi 23-5-1945 : Après 919 jours de déportation, levé à 3h, branle-bas de combat et à 5h, un train de wagons plats, part avec nous de Plagwitz. Nous avons croisé des prisonniers de guerre allemands et nous avons vu un camp nazi complètement détruit. Jeudi 24-5-1945 : Nous sommes à Fulda. Là, il y a un arrêt, désinfection et application d’un cachet sur la carte de déportés que nous avions en Allemagne, nous sommes ravitaillés. A Francfort, les usines Opel sont anéanties. Vendredi 25-5-1945 : A Mainz, passage difficile du Rhin sur un pont provisoire de 600m, avec une voie unique car l’ancien est en ruine. Vue de l’ancien pont détruit. C'est la désolation partout, tout est détruit. Il pleut. Nous voyons un grand camp de prisonniers de guerre allemands et traversons un important champ de bataille le long de la Löhe, une vue de désolation. Samedi 26-5-1945 : Nous passons la frontière française à 14h45. Nous atteignons le Luxembourg à minuit. Nous sommes acclamés par des soldats américains. Dimanche 27-5-1945 : Nous
entrons en Belgique à 2h : Arlon 2h32, Namur 10h. Là, des soldats belges
gardent des PG allemands. Nous arrivons à Jambes dans un camp de transition.
Nous nous rendons dans un dépôt américain pour recevoir notre passeport et y
passer la nuit. Voici LEIPZIG et les principaux bourgs où nous avons vécu. Voilà la carte de la ville de LEIPZIG avec tous les villages que nous traversions. En 1944,
nous étions 2.120.000. Belges déportés en Allemagne. De notre
exil, quelques-uns sont revenus avec une jeune femme russe ou polonaise (des Athois, des Tournaisiens et bien d’autres). Que sont
devenus ces ménages ? Pendant les 924 jours de
déportation, nous avons subi 236 alertes, au 27-2-1944, nous en avions 190,
après ce fut terrible, mais jamais sanglantes pour nous. Nous étions tous,
soit Athois, Tournaisiens, du Borinage, du Centre
ou de Soignies. Nous ne pouvons
pas trop nous plaindre de notre sort, bien qu’une fois, où l'on n'avait plus à manger, on a dû tuer le chat
et le manger pour nous nourrir, C’est un souvenir du groupe et du malheureux chat que nous avons mangé. Mais dans l’ensemble ce fût supportable en comparaison de ceux des grands camps dans les villes importantes où la discipline était plus rigoureuse. |