Maison du Souvenir
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Un témoignage sur l’attaque du Fort Le 10 mai 1940, l’Allemagne rompt le pacte de neutralité avec la Belgique et envahit son territoire, en portant son attaque principale sur le canal Albert. En quinze minutes, le fort d’Eben-Emael est neutralisé, lui qui se disait « imprenable ». Les Allemands avaient construit une maquette qui était une fidèle réplique du fort et avaient répété minutieusement chaque détail de l’attaque de celui-ci, ils en connaissaient chaque point de faiblesse. Dès l’aube, des planeurs transportant une unité d’élite atterrissent sur le massif du fort. A l’aide de charges creuses, les casemates sont rapidement mises hors de combat. Le plan est bien rôdé, les Allemands savent où traverser le fleuve, tandis que les soldats du génie savent exactement où placer les charges, les mitrailleuses et les lance-flammes font le reste. Après 31 heures de combat, la garnison se rend. Lucien FABRY, milicien de la classe 40, est fait prisonnier. Le champ de bataille au 5ème
jour Cinq jours après l’attaque, les corps de ses camarades jonchent toujours le sol et les tranchées de Kane. FABRY est désigné pour les ensevelir. C’est une vision d’horreur qui l’attend : des corps enchevêtrés, démembrés, déchiquetés par les bombes, noircis, brûlés vifs par l’huile enflammée des lance-flammes. Il s’imagine les souffrances que ses camarades ont endurées avant de mourir, c’est à devenir fou. Il parvient à resituer les corps des victimes, la position qu’elles occupaient par rapport aux tranchées qu’elles défendaient et surtout il cite les noms de ceux qu’il a reconnus. FABRY parvient à s’évader. En civil, il erre dans les environs d’Eben et parvient à échapper aux Allemands. Le 13 septembre, il écrit à son camarade milicien de la même classe, Gustave BRICHAUX, ce dernier a participé aux combats d’Eben-Emael et a été fait prisonnier et envoyé dans un camp en Allemagne, mais relâché très rapidement, étant néerlandophone : « Grez-Doiceau
13/9/1940 Cher Camarade,
J’ai bien reçu ta lettre m’informant que tu étais rentré d’Allemagne,
j’en suis heureux et content d’apprendre que tu étais encore en bonne santé.
Les pauvres Wallons auront bien du mal au cœur de vous voir partir, j’ai
failli en être de ces Wallons mais la chance m’a souri et m’a écarté de ce
chemin. Ce ne fut pas sans risques que j’ai réussi à me sauver. Pendant
plusieurs jours j’ai réussi à me sauver et erré dans les environs d’Eben - et
de Came camouflé en civil mais cela ne m’empêcha pas de passer d’angoissantes
heures le ventre creux et sous la menace des soldats de l’occupant ; j’ai
vécu après que je vous ai quittés les plus affreux moments, je dirai pire que
dans les tranchées mais c’est trop long à détailler.
Permets-moi de te dire pourtant que j’ai enterré tous nos chers
camarades de la 5ème, ceux que nous croyions lâches et nous ayant
abandonnés, ils étaient là, dans leurs tranchées, fauchés pour toujours... tous
l’un près de l’autre, je dirai dans l’autre et c’est ainsi que je retrouvais
MEUNIER à genoux, le front en terre, PONCELET dans ses jambes, couché sur le
côté, BOES à peu près dans la même position, le Caporal LIMAGE couché sur le
dos et quelle horreur ces figures... c’était le 5ème jour qu’ils
étaient là exposés au soleil, de leurs bouches s’échappaient des dizaines de
mouches. DETRE était étendu de tout son long sur le bord d’une tranchée, mais
en dehors et EVRARD que je revois encore avec sa petite chemise Lacoste
empeignée de sang sur toute la moitié de sa poitrine. Près de lui le grand
Caporal GHENNE qui eut certainement une mort affreuse car depuis le dépliant
des genoux derrière [sic] jusqu’aux épaules, il était rôti, grillé, tout noir
et à côté de lui une tête toute noire grillée avec un morceau de buste, on n’a
pu l’identifier, le feu avait détruit l’abri de paille et plusieurs hommes
furent carbonisés à l’intérieur et enterrés là quand l’abri... s’effondra. Ce
sont des hommes de ce groupe mais j’ignore qui est-ce, les Allemands ne
voulurent pas qu’on ouvre cet abri... WACHTEL, je l’ai trouvé 20 m sur la
gauche du chemin creux qui se trouvait sur notre gauche, il était enveloppé
dans sa couverture, son havresac sous sa tête mais mourut ainsi, et à quelques
mètres de lui le comte de BEAUFOFRT [sic] dont la figure était tellement tordue
et crispée que ma mémoire en est encore toute bouleversée. Vingt autres se
trouvaient dans ce petit chemin qui ramenait en face du petit magasin
« Persil » mais ceux-là tout déchiquetés par des bombes, 4 ou 5
étaient décapités, presque tous sans jambes ou sans bras, d’autres tout en
morceaux et on a dû les ramasser avec la pelle, c’était affreux à voir... des
jambes avec des souliers et guêtres que nous ramassions sur le fossé et des
mains arrachées au poignet. Je n’exagère pas, bien au contraire, je ne saurai
te dire tout ce que j’ai vu là ; j’étais comme fou devant toutes ces
horreurs mais je devais conserver mon calme en apparence du moins car la
moindre imprudence m’eut pu être fatale.
DEBLIQUY était parmi ces vingt, MARTIN aussi, décapité, GHIGNY, DE
BRABANTER, LEGRAND, VAN DAMME, VAN DRIESCHE, BRENAER, STEFFENS, ARNOULD,
STERCKX, MARTENS, JONARD, ARY, BONHALS, WILLEMS, ...
Dans une autre tranchée : MEES, GOSSET, DEFOSSEZ (celui du bureau),
DE DECKER, le Commandant GREGOIRE, l’Adjudant BAUDOT, un sergent inconnu :
c’était dans la tranchée au-dessus de nous que se trouvaient : GILMONT,
VAN DAMME (Caporal), SOMMEVILLE, DE WOLF, LUYCKS, VANDRIES, HOUDART.
Dans une autre tranchée : KETTEBANT, SCHAPELARE, MASURE, MICHIELS,
VAN AERSCHOT, LARDOUX, LECLERC, MAYEUR, VAN HEKKEN VERMEULEN, un sergent
inconnu et tant d’autres, il y en avait 90 et 5 ou 6 du Génie.
Je t’ai cité tous ces noms pour que tu saches te rendre compte comme
nous l’avons échappé belle et que tu saches les noms de ceux de nos camarades
qui sont morts dans cette affreuse bataille.
J’ai encore tant à te dire mais je t’expliquerai cela si je te revois.
En attendant, je penserai encore souvent à toi en revivant dans ma
mémoire les heures affreuses de la tranchée d’Eben-Emael Ton ami GHILAIN
FABRY » Images : You tube « Dangerous Missions – Eben-Emael - World War II » et « La chute du fort d' Eben-Emael », faire-part mortuaire du Comte de Beauffort. Au nom de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » Son président FERY Joël |