Maison du Souvenir
Accueil
-
Comment nous rendre visite
-
Intro
-
Le comité
-
Nos objectifs
-
Articles
Notre bibliothèque
-
M'écrire
-
Liens
-
Photos
-
Signer le Livre d'Or
-
Livre d'Or
-
Mises à jour
-
Statistiques
Le psychiatre Frankl, ancien
déporté nous parle du « le sens de la vie » ![]() « Quand nous ne sommes pas
capables de changer une situation, nous devons alors nous changer nous-mêmes » 1) Introduction J’ai lu et relu de nombreuses fois cet
admirable petit livre de 125 pages « Oui à la vie » écrit par le Dr Victor
E. Frankl. Ce neuropsychiatre autrichien nous explique
longuement le sens de toute vie humaine et cela malgré les destins tourmentés
entraînant difficultés et souffrances. Nous pouvons nous fier à ce médecin
autrichien qui parle de ce qu’il a bien connu. An 1942, il est déporté avec son
épouse enceinte, ses parents dans le ghetto de Terezin.
Son père y meurt épuisé tandis qu’il crée une équipe pour prévenir les suicides.
En 1944, ils sont embarqués pour Auschwitz. Sa mère est sélectionnée à l’arrivée
pour la chambre à gaz, sa femme est envoyée à Bergen-Belsen tandis que lui-même
rejoint un Kommando de travail à Kzufering
et plus tard à Tuerkheim qui connut la déportation
pendant trois ans dans les camps nazis. En plus de connaître la souffrance du
déporté, au moment de sa libération, il dut affronter la terrible nouvelle de la
mort de son épouse enceinte dont il espérait la survie. Le malheureux médecin
sait donc de quoi il parle quand il nous entretient du sens de la vie malgré la
souffrance ! Après la guerre, le Dr Frankl eut
une brillante carrière de psychiatre. Il mettra en pratique ses idées dans ses
consultations en créant la logothérapie (A ne pas
confondre avec la logopédie !), une psychothérapie destinée à sensibiliser
l'individu au sens de sa vie. Elle est considérée comme la troisième école
viennoise de psychothérapie focalisée sur le besoin de sens, alors que la
psychanalyse freudienne est plus centrée sur le principe de plaisir et que la
méthode d’Adler est plus centrée sur la puissance. La logothérapie
postule que tout être humain est doté d'une motivation primaire qui l'oriente
vers le sens de sa vie. Aussi, le thérapeute n'est-il pas là pour diriger le
patient mais pour l'aider à reconnaître les valeurs qui l'attirent et à
réaliser son « entéléchie », c'est-à-dire les meilleures possibilités
inscrites dans sa situation concrète. Je suis un fervent admirateur de ce
confrère et c’est pourquoi j’ai désiré vous faire part ci-dessous du résumé de
son livre reprenant trois de ses conférences qui nous enseignent, nous
encouragent, nous consolent. Vous trouverez ci-dessous le résumé de
ce livre. J’y ai repris en italiques les paragraphes de mon confrère qui m’ont particulièrement
marqué ! Puisse mon petit travail vous faire apprécier ce grand humaniste !
![]() Le livre de Viktor E.Frankl « Oui à la vie », Editions de l’homme, 2021. 2) Le sens de la vie expliqué par le Dr Frankl « Quoi que nous réserve l’avenir, nous
voulons dire « oui » à la vie parce qu’un jour viendra où nous serons
libres ! » (paroles
du chant des déportés de Buchenwald) Si des prisonniers de Buchenwald,
torturés, exténués par le travail et tombant d’inanition pouvaient trouver de
l'espoir dans les paroles du chant composé par les premiers occupants du camp,
le docteur Frankl nous demande si nous, qui, vivons dans
un bien plus grand confort, ne devrions pas pouvoir dire « oui » à la vie,
malgré les difficultés qu'elle peut nous apporter. Les trois façons de
donner sens à la vie D’après Frankl, il existe
trois principales façons dont les gens trouvent un sens à leur vie : Premièrement, il y a l'action,
comme créer une œuvre, qu’il s’agisse d’une œuvre d'art ou d'amour, quelque
chose qui nous survivra. Deuxièmement il y a l'appréciation de
la beauté, de la nature, d'œuvres d'art, ou simplement de l‘amour, qui
peuvent apporter un sens.. Troisièmement, il y a la souffrance,
la façon dont une personne s'adapte et réagit aux limites inévitables des
possibilités de sa vie, comme faire face à sa propre mort, à la maladie ou subir un destin
terrible, telle la détention dans un camp de concentration. Bref, nos vies acquièrent un sens dans l’action,
l'amour et la souffrance. Dans une de ses conférences, Frankl parle du bilan erroné que dressent de sa vie certains
candidats au suicide. Un suicide faisant suite à une telle
motivation est communément appelé « suicide de bilan». Ce suicide découle d'un
soi-disant solde de vie négatif. La personne procède à un « bilan », compare ce
qu'elle a (crédit) avec ce qu'elle croit qu'elle devrait avoir (débit); elle
soupèse ce que la vie lui doit encore par rapport au bénéfice de plus qu'elle
croit pouvoir tirer de la vie, et le solde négatif qui en résulte le pousse au
suicide. Nous allons maintenant inspecter ce bilan. Normalement, la colonne des
crédits contient toutes les souffrances et les douleurs, et la colonne des
débits comportent tous les bonheurs et la bonne fortune que la personne n'a pas
atteint. Mais ce bilan est fondamentalement erroné car, comme le dit l’adage : « Nous
ne sommes pas sur Terre pour le plaisir.» Et c'est aussi vrai dans le double
sens de ce qui est, que de ce qui devrait être. Toute personne qui n'a pas
ressenti cela pour elle-même pourrait se référer aux écrits d'un psychologue
expérimental russe, qui a déjà prouvé que la personne moyenne éprouve beaucoup
plu de sentiments d'insatisfaction que de sensations de plaisir. Par
conséquent, dès le départ, il ne serait pas possible de ne vivre que pour le
plaisir. Mais, est-ce même nécessaire ? Est-ce vraiment cela, la vie ? (…) Le plaisir en lui-même ne peut donner de
sens à notre vie ; donc l’absence de plaisir ne peut pas enlever de sens à
notre vie, ce qui nous semble déjà évident. (…) Rabindranath Tagore
a si bien exprimé dans le poème qui suit, la déception qu’éprouvent les êtres
humains face à leur quête du bonheur dans la vie. « J'ai dormi et j'ai rêvé Que la vie était joie. Je me suis éveillé et j'ai vu que la vie
était devoir. J'ai travaillé, et voilà : le devoir
était joie. » Ainsi, la vie est en quelque sort un
devoir, une seule grande obligation. Et il y a certainement de la joie, aussi,
dans la vie mais on ne peut poursuivre
ce but, on ne peut pas « vouloir la concrétiser » en tant que
joie ; elle doit survenir spontanément et à vrai dire, c’est ce qu’elle
fait, comme une conséquence peut survenir : le bonheur ne devrait pas, ne doit
pas et ne peut jamais devenir un objectif, mais seulement une conséquence : la
conséquence de la concrétisation de ce qui est appelé, dans le poème de Tagore,
le « devoir », que nous tenterons de définir plus en détail ultérieurement.
Dans bien des cas, tous les humains en quête de bonheur, en ce sens, sont voués
à l'échec, car la bonne fortune ne peut que tomber du ciel ; on ne peut jamais
la pourchasser. C'est Kierkegaard qui a dit, dans sa sagesse, que la porte du bonheur
s’ouvre toujours de l’extérieur, ce qui signifie qu’elle se ferme précisément
lorsque la personne tente de pousser la porte menant au bonheur vers
l'intérieur. (…) Il serait utile, comme le dirait Kant, de « procéder à une
révolution copernicienne », soit un virage conceptuel à 180 degrés ; après
quoi, la question ne peut plus être : Que puis-je attendre de la vie ? mais seulement : Qu’attend la vie de moi ? Quelle tâche m’attend dans la vie ? (…) Nous comprenons maintenant comment, en
dernière analyse, la question du sens de la vie n'est pas posée correctement,
si elle est posée de la manière dont elle est généralement posée : ce n'est
pas nous qui sommes autorisés à poser la question sur le sens de la vie ; c'est
la vie qui pose les questions, qui oriente les questions vers nous : c'est nous
qui sommes questionnés ! C'est nous qui devons répondre, qui devons fournir
des réponses à la question constante de la vie, aux « questions essentielles »
de la vie. Vivre en soi, ne signifie rien d'autre que d’être questionné ; l’acte
d’exister n’est rien de plus que de répondre à la vie et d’assumer sa
responsabilité à son égard. (…) Frankl poursuit
sa conférence en expliquant que nous
n’avons pas besoin de savoir ce qui nous attend dans l’avenir en nous citant un
exemple, celui du malfaiteur condamné à être déporté à l’ile du Diable et dont
le bateau s’enflamme en pleine mer. En raison de l’incendie, il est libéré de
ses chaînes et sauve dix vies. Il obtient alors le pardon et la liberté. Si on lui
avait demandé avant de s’embarquer à Marseille, si le fait de continuer à vivre
avait encore un sens pour lui, il aurait
dans doute secoué la tête ! Mais, nul d'entre nous ne sait ce qui
l'attend, ne connaît ce grand moment, cette occasion unique d'agir de façon exceptionnelle,
comme le sauvetage de dix personnes par le malfaiteur à bord du Léviathan. La question que la vie nous pose et, en
y répondant nous pouvons saisir le sens du moment présent, ne change pas
seulement d'heure en heure, mais aussi, de personne en personne. (…) Il ne s’agit pas de savoir où nous sommes
dans notre vie, ou le métier que nous faisons mais plutôt de la façon dont nous
occupons notre cercle de vie et notre place. Moi qui suis, un
aide-tailleur, comment puis-je donner un sens à ma vie par es actes ? Que notre vie soit bien remplie ne dépend
pas de d’étendue de notre rayon d’action, mais du fait que nous occupions
entièrement notre cercle de vie. Dans ce contexte particulier de la vie,
chaque être humain est irremplaçable el inimitable, et c'est vrai pour chacun
d'entre nous. Les tâches que la vie impose à une personne lui sont propres, et
elle est la seule qui est tenue de les accomplir. Et la vie d'une personne qui
n'a pas complètement rempli son cercle de vie (relativement) étendu est moins
réalisée que celle d'une personne qui accomplit les tâches qu'elle trouve dans
son cercle plus étroitement dessiné. Mais tout le monde n’a
pas un poste à grande responsabilité, à grand rayonnement. Eh bien, dans son
environnement particulier, l'aide-tailleur peut accomplir davantage et, par les
choses qu'il fait et les choses qu'il ne termine pas, il peut mener une vie
mieux remplie que la personne qu'il envie, si cette personne n’est pas
consciente de sa plus grande responsabilité. (…) Frankl ajoute ensuite
un commentaire sur les sans-emplois en précisant que ce n’est pas uniquement le
travail qui nous fait remplir notre cercle. Ce n'est pas seulement par nos actions
que nous pouvons donner un sens à notre vie (dans la mesure où nous pouvons répondre
aux questions particulières de la vie d'une manière responsable) ; nous
pouvons répondre aux exigences de l'existence non seulement comme des agents
actifs, mais aussi en tant qu’êtres humains aimant : dans notre dévouement bienveillant
envers ce qui est beau, ce qui est grand, ce qui est bon. Devrais-je peut-être
tenter de vous expliquer, en termes banaux, comment et pourquoi l'expérience la
beauté peut donner un sens à la vie ? Je préfère me borner à cet exercice de pensée
: imaginez-vous dans une salle de concert, à écouter votre symphonie préférée ;
vos mesures favorites emplissent vos oreilles, et la musique vous émeut
tellement que vous en avez des frissons dans le dos ; et maintenant imaginez
qu'il soit possible que quelqu'un vous demande à ce moment précis, si votre vie
a du sens. Je crois que vous seriez d’accord avec moi si je déclarais que, dans ce
cas précis, vous ne pourriez donner qu’une réponse qui ressemblerait à
celle-ci : « Cela aurait valu la peine de vivre, rien que pour ce moment-là. Le docteur Frankl
explique ensuite que nous pouvons avoir une réaction semblable non seulement avec
l’art mais aussi avec la nature ou avec l’amour d’une personne qui donne un
sens au monde et un sens à la vie dans ce monde. Nous donnons donc un sens à notre vie
par nos actions, par l’amour de l’art, de la nature, des autres et enfin par la
souffrance car c’est, dit-il, la manière dont nous affrontons les difficultés
qui nous montre vraiment qui nous sommes et cela aussi peut donner un sens à
notre vie. Un sens à la vie dans
la souffrance… À mon avis, l'essence de
l'accomplissement dans la souffrance véritable a peut-être été traduite le plus
clairement par le poète Rilke, qui s'est
déjà écrié « A quel point devons-nous souffrir ! » Rilke a saisi que
nos accomplissements significatifs, dans la vie, peuvent se réaliser autant
dans la souffrance que dans le travail. Dans tous les cas, on ne peut choisir
qu'une alternative à la fois pour donner un sens à sa vie, dans le
moment présent ; ainsi, à chaque instant, nous n'avons qu'à prendre une décision
quant à la façon de répondre, mais chaque fois, une question très précise nous
est posée par la vie. De tout cela, il s'ensuit que la vie nous offre toujours
la possibilité de lui donner un sens ; il y a toujours cette option. On
pourrait aussi dire qu’il est possible de rendre notre existence humaine pleine
de sens « jusqu'au dernier souffle » ; tant que nous respirons, tant que nous
sommes encore conscients, nous avons la responsabilité de répondre aux questions
de la vie. Cela ne devrait pas nous étonner, lorsque nous nous rappelons la
grande vérité fondamentale du fait d'être humain : être humain n’est rien
d'autre qu’être conscients et responsables ! Frankl parle
ensuite de la mort. Pour lui, la mort elle-même nous pousse jusqu’au dernier
moment à l’action. Si nous étions immortels, nous pourrions remettre tout à
plus tard et nous ne verrions aucune utilité à entreprendre quelque chose !
A l’inverse, le fait, et rien que le fait,
que nous soyons mortels, que notre vie ait une fin, que notre temps et nos
possibilités soient limités, est ce qui donne un sens à I' accomplissement de
quelque chose, à l'exploitation d’une possibilité pour en faire une réalité, la
réaliser, y consacrer de notre temps. La mort nous donne la pulsion de le faire.
Par conséquent, la mort constitue la toile de fond contre laquelle notre acte
d'être devient une responsabilité. Tout est transitoire
mais reste l’irradiation de nos actions Ce que nous accomplissons en
saisissant l'instant est définitivement sauvegardé dans la réalité, réalité
dans laquelle il n'est qu'en apparence « oblitéré » en devenant le passé. À
dire vrai, il est préservé, en ce sens qu'il est gardé en sécurité. En ce
sens, « avoir été » est peut-être la forme le plus sûre d’être. L’être, la
réalité que nous avons servie ainsi, ne peut plus être affecté
par le caractère transitoire. Bien sûr, notre vie biologique et physique est de
nature transitoire. Rien de tout cela ne survit, et pourtant il en reste une
grande partie ! Ce qu’il en reste, ce qu’il reste de nous, ce qui nous survit, c'est
ce que nous avons accompli durant notre existence et qui continue à avoir des
effets qui nous transcendent et qui se prolongent après nous. La réalité de
notre vie devient incorporelle, en ce sens qu'elle ressemble au radium, dont la
forme physique est aussi, pendant son « cycle de vie » (et les matières radioactives
sont reconnues pour avoir une durée de vie limitée), convertie en énergie radiante,
et ne retourne jamais à la matérialité. Ce que nous irradions dans le monde,
les « vagues » qui émanent de notre être, voilà ce qui restera de
nous lorsque notre être sera mort depuis longtemps. Le psychiatre Frankl
nous explique ensuite que l’individualité, le caractère unique de chaque
individu, similairement à chaque cellule du corps humain, malgré son
imperfection acquiert sa valeur au moyen de sa relation avec un tout qui est
ici la communauté humaine. Elle acquiert sa valeur non par son intérêt propre
mais par l’intérêt de la communauté humaine. Si nous devions tenter de résumer en
une formule la nature unique de l'existence et le caractère unique de chaque
être humain (ce caractère unique étant « à l' égard de », autrement dit, un
caractère unique axé sur les autres, sur la communauté), une formule qui peut
nous rappeler la terrible et glorieuse responsabilité des êtres humains face au
sérieux de leur vie, alors nous pourrions nous appuyer sur un précepte de
Hillel le Sage, l'un des rédacteurs du Talmud, dont il avait fait sa devise, il
y a près de 2000 ans : « Si je ne le fais pas, gui le fera ?
Mais si je ne le fais que pour moi, que suis-je ? Et si je ne le fais pas
maintenant, quand le ferai-je ? » Dans
le « si ce n'est pas moi » réside le caractère unique de chaque personne ; dans
le « si je ne le fais que pour moi » réside le manque de valeur et de sens de
ce caractère unique, à moins que l'idée de « service » ait un caractère unique
; et dans le « si je ne le fais pas maintenant » réside le caractère unique de
chaque situation particulière ! Si nous résumons maintenant ce que nous
avons dit à propos du « sens » de la vie, nous pouvons conclure ceci : la vie
signifie de se faire poser des questions et d'y répondre, et chaque personne
doit être responsable de sa propre existence. La vie ne nous semble plus
être quelque chose d'acquis, mais une chose qui nous est confiée ; c'est une
tâche de tous les instants. Elle peut donc seulement avoir plus de sens à
mesure qu'elle devient plus difficile. L'athlète, le grimpeur qui recherche activement
des tâches, se crée même des difficultés : ah, comme le grimpeur est ravi
lorsqu'il se trouve face à une paroi rocheuse qui constitue une « variante »
encore plus difficile de la tâche qu'il s'est assignée ! Il faut cependant
noter ici que les croyants, selon le sens qu'ils donnent à la vie, selon leur «
compréhension de l’être », se distinguent parce qu'ils font un pas de plus que
la personne qui ne voit sa vie que comme une tâche ; ils perçoivent aussi
l'instance qui leur « donne » cette tâche, ou qui les place devant cette tâche :
l'être divin ! Autrement dit, les croyants considèrent leur vie comme une
mission divine. En résumé, que pourrions-nous dire sur
la question de la « valeur » de la vie ? Peut-être est-ce l’écrivain Hebbel qui
exprime le mieux notre point de vue : « La vie n'est pas quelque chose ;
elle est seulement l'occasion d'accomplir quelque chose". » Encore sur le sens de
la souffrance Demandons-nous honnêtement et
sérieusement, si nous voudrions effacer nos expériences malheureuses de notre
passé, peut-être dans nos vies amoureuses, si nous voudrions passer à côté de
tout ce qui a été douloureux ou souffrant ; la réponse serait certainement
« non ». D'une certaine façon, nous savons à quel point nous avons pu grandir
et évoluer, précisément pendant ces périodes dénuées de joie de notre
existence. Frankl nous
explique alors que dans les camps, les soucis étaient basiques, la nourriture
et la fatigue, mais que tous les prisonniers aspiraient, en songeant à l’avenir,
à retrouver un état où ils auraient encore à souffrir, mais à souffrir de
problèmes humains et non de souffrances telles qu’un animal les connaît. Il poursuit en racontant l’accomplissement
humain dans la souffrance d’un jeune dessinateur, malade très gravement d’une
tumeur maligne médullaire et qui lui demanda un jour qu’on lui fasse sa piqûre
de morphine avant la nuit, cela simplement pour… ne pas déranger l’infirmière
de nuit. Notre psychiatre conclut : Vous
me comprendrez si je dis maintenant qu'aucun dessin publicitaire, même le plus
beau du monde (si le patient l'avait créé pendant qu'il avait encore une vie
professionnelle active) n'aurait constitué un accomplissement égal au simple
geste humain de cet homme dans les dernières heures de sa vie. Nous constatons
donc que la maladie n'entraîne pas nécessairement de perte de sens,
d'appauvrissement du sens de notre existence; mais, selon les possibilités,
c'est toujours quelque chose qui a du sens. Autre exemple cité par Frankl : la nouvelle écrite par le romancier Werfel
intitulée « La mort du petit bourgeois ». Werfel décrit un petit-bourgeois
classique, dont toute la vie est constituée de misère et de soucis, et il
semble entièrement absorbé par cela. Cet homme tombe malade et est hospitalisé.
Werfel nous montre alors que cet homme livre un combat héroïque contre la mort
qui approche, car sa famille touchera une prime d'assurance s'il meurt après le
Premier de l'an, sinon aucune indemnisation ne sera versée. Dans ce combat
contre la mort, dans sa lutte pour vivre au-delà du jour de l'An, dans ce
combat pour assurer la sécurité financière de sa famille, cet homme simple
atteint la grandeur d’un être humain que seul un poète peut décrire. Le Dr Frankl
cite encore l’histoire d’un homme paralysé depuis cinq ans et qui retrouve
subitement l’usage de ses membres un matin et s’assied dans son lit (sans doute
ce que l’on nomme aujourd’hui un locked-in syndrome).
Peu à peu, ce « miraculé » retrouva ses forces et put reprendre ses
activités. Plus tard, il donna une conférence devant ceux qui l’avaient soigné et témoigna, en suscitant l’étonnement de
tous ses auditeurs, de la richesse spirituelle vécue alors qu’il était
paralysé. Notre médecin conclut alors : Dans ma première conférence, lorsque
nous avons abordé le fait que le caractère unique et l'individualité de chaque
être humain constituent la valeur de cette personne, et que cette valeur doit
être liée à une collectivité pour laquelle ce caractère unique a une valeur,
nous y pensions tous essentiellement en termes de service à la collectivité.
Mais maintenant, nous pouvons voir qu'il y a aussi une deuxième façon selon
laquelle la personne, en tant qu'être unique en son genre et individuel réussit
à se faire reconnaître, à voir la valeur de sa personnalité appréciée et à trouver
un sens personnel et particulier à sa vie : c'est le fait d’aimer ou encore
mieux d’être aimé. Bien entendu, au terme de cet article on
aura compris que le Dr Frankl est contre toute
euthanasie, terme qui à l’époque était ambigu puisqu’il signifiait souvent la
provocation du décès sans consentement du patient ou de sa famille. Mais il faut comprendre que ce médecin donna
ses conférences à une époque directement postérieure au programme T3 des nazis
qui « euthanasièrent » des milliers de malades mentaux ». Il
vécut aussi dans l’enfer nazi des camps où l’on menait des « sélections »
dans les infirmeries des condamnés au travail lorsque les malades ne
guérissaient pas rapidement. 3) Conclusion Ce que nous créons, vivons, et
endurons, en ce temps, nous le créons, vivons, et endurons pour l’éternité.
Dans la mesure où nous assumons la responsabilité d’un événement, dans la
mesure où son « histoire » est notre responsabilité, cela porte le
fardeau écrasant du fait que quelque chose qui s’est produit ne peut pas
« être enlevé du monde ». Cependant en même temps, un appel est fait
à notre responsabilité, précisément pour faire arriver au monde ce qui ne s’est
pas encore produit ! (…) Il
est terrible de savoir qu'à tout moment, j'assume la responsabilité du moment
suivant, que chaque décision, de la plus petite à la plus grande, est une
décision « pour l’éternité », que dans chaque moment, je peux concrétiser la
possibilité d'un moment, d'un moment particulier, ou la perdre. Chaque moment
renferme de milliers de possibilités, et je ne peux en choisir qu'une à
concrétiser. Mais en posant ce choix, je condamne tous les autres à « ne jamais
exister », et même cela est pour I' éternité ! Cependant, il est merveilleux de
savoir que l'avenir, mon propre avenir ainsi que l'avenir des choses et des
gens qui m'entourent est, en quelque sorte, quoique dans une bien moins grande
mesure, dépendant de mes décisions à chaque instant. Tout ce que je concrétise
avec ces décisions, ou que je réalise en ce monde, comme nous l'avons vu, je le
sauvegarde dans la réalité et le protège contre l’impermanence. ![]() La vie de chacun est inscrite dans l’histoire
de notre monde, de notre univers jusqu’à la fin des temps. « Notre unique obligation morale, c’est
de défricher en nous de vastes clairières de paix, et de les étendre de proche
en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y aura
de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans le monde en ébullition. » (Ecrit par Etty Hillesum le 29 septembre 1942. Etty
est morte dans la chambre à gaz d’Auschwitz) Dr Loodts, en ce 80ème
anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau |