Maison du Souvenir
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Commémorations du 16
mai 2013 à Baulers Discours prononcé par
Monsieur le Bourgmestre Pierre Huart Mesdames, Messieurs, Au nom de la Ville de Nivelles, je tiens d’abord à saluer et à remercier de leur présence : Monsieur le Consul Général de France Monsieur le Vice-Consul de France Messieurs les Elus du CPAS, les Echevins et les Conseillers communaux Monsieur le Commissaire Divisionnaire Monsieur le Commandant militaire de la Province du Brabant wallon Mesdames et Messieurs les Représentants des Associations patriotiques françaises et belges Messieurs les représentants du Souvenir français et de l’Armée française Monsieur et Madame Thévenin et leurs enfants Madame la Directrice de l’Ecole André Hecq Mesdames et Messieurs les Enseignants Messieurs les ouvriers de la Ville de Nivelles Souvenons-nous de mai
1940… Le 10 mai 1940, le champ
d’aviation de Nivelles est bombardé. Les hangars sont détruits. Trois victimes
sont à déplorer et l’une d’elles est décédée. Le lendemain, l’aviation
allemande bombarde la gare de Baulers, les annexes sont détruites ainsi que
deux habitations, tuant Victorine Janssens et son garçon de cinq ans. Le 13 mai, le 1er
P.A.D. (Parc d’Artillerie Divisionnaire) français prend position au château
Bouillon, chez le Bourgmestre Amaury de Ramaix. Il y
installe son Q.G. Le 14 mai, la compagnie
d’ouvriers du 1er P.A.D., pourtant bien camouflée sous les arbres du
parc du château, est en butte à des mitraillages d’avions. Vers 11 heures, le
cantonnement est violemment bombardé par des escadrilles d’avions allemands
volant assez haut, et cela à trois reprises différentes. Elles larguent généreusement des bombes incendiaires, puis des
bombes explosives. L'occupation des caves et abris est immédiatement ordonnée,
mais une partie du personnel ne peut s'abriter avec assez de célérité; de
lourdes pertes s'ensuivent : le chauffeur RICHE est tué, 12 hommes sont
blessés et évacués par le médecin du P.A.D. Quatre à cinq blessés sont dans un
état grave dont le brigadier-chef BAUDUIN et l'ouvrier RAVAUX, grièvement
blessés, ils succomberont à leurs blessures peu de temps après. De nombreux dégâts matériels
sont à déplorer, cependant, de graves accidents ont été évités grâce à la
présence d'esprit et au courage de chauffeurs qui, animés par les officiers et
les cadres, parviennent à éloigner des incendies les camions chargés de
munitions. Au début de l'alerte, le P.C.
fonctionnait au château. Les occupants avaient émigré vers des caves voisines.
Leur déplacement fut fort opportun car, peu après, le P.C. se trouvait en effet
complètement écrasé, mais sans accident de personnes. Une soixantaine de bombes
tombent au village à différents endroits. Au moment de l’attaque, une
bombe incendiaire a explosé à l’endroit où nous sommes, détériorant le monument
de 14-18. On peut encore y voir les impacts de shrapnel. Le 15 mai, une partie de la
population baulersoise avait évacué vers la France.
Cependant, face à la désorganisation du service des trains (absence
d’aiguilleurs et de chef de gare), les autres habitants sont contraints de
partir à vélo ou en chariot. Certains se réfugieront à la malterie proche de la
gare. Le 15 au soir, à la nuit tombée, ordre est donné au P.A.D. de quitter
Baulers et de se porter au bois
de Baudemont, 5 km plus à l'ouest, en évitant la
traversée de Nivelles où des incendies sévissent depuis plusieurs heures. Le
repli est consécutif à celui qu'effectue la division. Le mouvement s'achève le lendemain
matin. Le 16 mai, dans l’après-midi,
le P.C. du 43e Régiment d’Infanterie s’installe dans la ferme du
Chapitre, située à quelques dizaines de mètres de l’endroit où nous nous tenons.
Le 43e RI (Régiment d’Infanterie) prend position dans le village de Baulers depuis la chaussée de Bruxelles au bout de la rue de Dinant jusqu’au carrefour de Thines. Il doit tenir un front de plusieurs kilomètres. Cependant, les unités encadrantes n’ayant pas eu le temps de se ressouder au 43e RI et les points d’appui des bataillons étant séparés par de larges intervalles, le Colonel du 43e RI avait donné l’ordre à la CRME (Compagnie Régimentaire Engins Mitrailleurs) de défendre et de couvrir le flanc droit du Régiment. Dans l’après-midi, l’artillerie
allemande va attaquer les positions françaises et entamer un large mouvement
d’encerclement. La ferme Hanneliquet est prise sous
le feu des chars et des automitrailleuses allemandes. Lucien CAUDMONT parti en
reconnaissance avec sa section, sera tué lors de l’attaque d’un char à la
grenade et sa section d’essimée. Puis les Allemands donnent l’assaut de la
ferme, le canon de 25 est mis hors d’usage et malgré les nombreux blessés, les
soldats français tiennent bon et font face. Du côté de Hanneliquet,
l’attaque allemande est stoppée. Entre Alzémont
et Thines, la CRME (Compagnie Régimentaire Engins
Mitrailleurs) est en position. Lucien VANDAELE, un membre de la section et
camarade de Roger THEVENIN part en éclaireur, il n’en reviendra pas. En fait, l’infanterie
allemande est proche et prépare l’attaque. Lorsque l’ordre de repli est
lancé, la CMRE quitte sa position, seule la section de Roger THEVENIN reste en
place avec le dernier canon de 25 encore en état, en fait, elle n’a pas reçu
l’information. A la ferme Hanneliquet,
les soldats français quittent discrètement Baulers, emmenant les blessés,
laissant les morts. Lucien CAUDMONT, Lucien VANDAELE et Roger RICHE sont
enterrés sur place. A Alzémont,
les Allemands attaquent et la section de Roger est prise à revers. Les balles
ricochent sur l’acier du canon. Un groupe de prisonniers français est envoyé
par les Allemands pour parlementer et demander à Roger de se rendre car sa
section est la dernière à combattre, sinon elle périra. La section n’a pas
d’autre choix que de se rendre. Les blessés sont soignés et évacués. Roger est
emmené comme prisonnier. Le 17 mai, les Allemands
envahissent le village et Nivelles. Les réfugiés de la malterie et les Sœurs
seront les premiers à rentrer. Madame Ceulemans est retrouvée morte dans sa
cave. Elle sera enterrée, enveloppée dans un simple drap, car il n’y a pas de
menuisier pour lui confectionner un cercueil. Il n’y aura pas de cérémonie
funéraire, le prêtre étant lui aussi absent. Beaucoup de maisons ont été
pillées, le linge, le savon, le sucre et la farine ont été volés. Certains réfugiés rentreront
bien plus tard, bloqués sur les routes de l’exode. A leur retour, certains
retrouveront leur maison occupée par les Allemands. Lors des combats, Roger
THEVENIN a été blessé à la main par un éclat d’obus. Il n’a jamais voulu se
faire opérer pour l’enlever, et cela en souvenir de ses camarades blessés ou
morts au combat. L’an dernier, les classes de 5e
et 6e années l’attendaient avec beaucoup d’impatience car durant
l’exposition organisée par l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS », il avait
été beaucoup question de lui et de cet éclat d’obus. Et la première chose que
les enfants lui avaient demandé, c’était : « Roger, on peut toucher
ta main, celle avec l’éclat d’obus ? » Maintenant, je vais laisser la
parole à notre ami Roger, qui nous fait l’honneur, ainsi que son épouse, d’être présent parmi nous pour la troisième
année consécutive. Sachez que Roger est le dernier soldat du 43e RI
ayant combattu en 1940 encore en vie. Avant de terminer ce discours,
je tiens à saluer toutes les victimes de guerre tant militaires que civiles,
dont la plupart des noms sont repris sur les Monuments aux Morts, et plus
particulièrement ceux parrainés par les classes de 5e et de 6e
années primaires de l’Ecole André HECQ : Gaston AVERMAETE Georges CLAES Etienne VAN WEZEMAEL Fernand BOURGUIGNON Pierre PETITNIOT Lucien CAUDMONT Lucien VAN DAELE Roger RICHE L’an dernier, grâce aux
subsides de la Région wallonne et dans le cadre de l’appel à projets « Nos
mémoires vives », l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » a pu entreprendre
la restauration du Monument 14-18, ainsi que la plupart des sépultures des
victimes des deux guerres des cimetières de Baulers. Cette année, dans la même
optique, la Ville de Nivelles a répondu à un appel à projets pour le Centenaire
de la 1ère guerre mondiale. Elle aura à cœur de continuer le travail
commencé par l’ASBL et de l’étendre au niveau de tous les cimetières de
l’entité. Nous avons un devoir de
Mémoire envers les jeunes générations afin que toutes ces atrocités qu’ont
vécues nos Anciens ne tombent dans l’oubli. Il est important de raviver la
mémoire collective et aussi de la faire vivre le plus longtemps possible, de la
remettre à l’honneur et de la sauvegarder. Les actions que nous allons mener pour préserver cette Mémoire seront un des
garants de la pérennité de celle-ci auprès des générations futures, et
contribueront à une certaine réhabilitation aussi de l’image parfois négative
qui avait été faite du combattant de 1940 à cette époque. Vive la France, Vive la Belgique. Je donne maintenant la parole
à Roger. Discours prononcé par
Monsieur Roger Thevenin Cela ne doit pas arriver souvent de prendre la parole pour la première fois à quelques mois des 99 ans devant un micro ! C’est pourquoi je vous demande toute votre indulgence, mais quand il s’agit d’un devoir sacré, il n’y a pas de limite ! Je salue Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de France en Belgique qui nous fait l’honneur d’être parmi nous cette année. Je remercie de leur présence, tous les membres officiels de Belgique et de France, les organisateurs de cette journée commémorative, l’A.S.B.L. du Côté des Champs Joël Fery, Ergo Jean-Paul et tous mes nouveaux amis et toute l’assistance. Aujourd’hui, il ne me reste plus qu’une chose à faire, vous faire entendre de ma propre voix le récit de mon engagement ici à Baulers le 15 mai 1940, face à l’ennemi ! Eh bien oui mes chers amis 73 ans plus tard on peut toujours voir et toucher à ma main gauche, le petit éclat de la taille d’un petit pois, qui ne risquait pas de m’emporter la main ! Par contre si je l’avais reçu au cerveau, il m’aurait certainement privé de mémoire et je ne serais pas ici avec vous pour la troisième fois ? J’ai relu dans le livre de mes mémoires la lettre que j’ai envoyée à Monsieur Cardon le 5 avril 1995 relatant les moments tragiques ou j’ai été fait prisonnier avec mon groupe face à l’ennemi ! Mais ils sont encore ancrés si profondément dans ma tête que j’aurais pu m’en passer pour vous parler aujourd’hui. Par contre, j’ai conclu que le reste de mon groupe malgré la fatigue des cinq nuits passées sans dormir a quand même fait tout son devoir en donnant le reste de leurs forces dans les préparations en vue de l’attaque qui se préparait. Une fois notre emplacement terminé, toujours grâce au louchet de la ferme du Dragon, nous étions relativement bien camouflés : mais les buissons se trouvant devant nous nous masquaient une partie de notre angle de tir. Et je revois encore aujourd’hui notre ami Maurice Vandael, il a toujours ses vingt ans ! Comme sa fonction était d’approvisionner les munitions stockées dans la remorque de la chenillette, il restait disponible à toutes les tâches ! Je vais aller voir ce qu’il y a derrière dit-il ! Nous étions bien loin de penser que l’ennemi était déjà près de nous et c’est certainement cette ignorance qui lui a couté la vie. L’idée de lui conseiller la prudence à ce moment a du me paraître inutile. Or, ma compagnie s’était déjà repliée pour éviter l’encerclement. J’ai appris par la suite que le motocycliste chargé de nous prévenir avait été blessé et contraint de faire demi-tour. On les attendait devant, et c’est derrière que crépitèrent les fusils mitrailleurs allemands : les balles ricochant dans le bouclier du canon risquaient de nous toucher à chaque instant : vraiment pris au piège, impossible de relever la tête ! Je ne pense pas que leur intention était de nous tuer, fort de leur supériorité une ou deux grenades tout de suite aurait suffit, c’est ce qu’ils firent comprendre à un de leurs prisonniers qu’ils nous envoyèrent pour nous rendre. Tué ou blessé, j’y avais pensé, mais prisonnier, jamais ! L’aide conducteur Léon Gheskiere qui s’était réfugié avec Julien Barois sous la remorque de la chenillette, était gravement blessé au talon, et je fus étonné avec quelle rapidité, une civière fut mise à notre disposition pour le conduire au poste de secours allemand ? Nous n’étions pas au bout de nos surprises, car quelques minutes plus tard, Barrois, Joss et moi, nous nous retrouvions devant un peloton d’exécution qui n’attendait qu’un ordre ! Oui, nous nous sommes retrouvés tous les trois devant ce mur que nous voyons ici il y a 73 ans jour pour jour ! Ce mur que j’ai eu un moment envie de sauter ! Si cela me paraît impossible maintenant, à l’époque, j’en étais capable ! On change avec le temps ! Mais, des moments comme celui-ci, d’une telle intensité d’émotions restent à jamais gravé dans la mémoire. C’est une plaie profonde qui fait mal chaque fois que je reviens ici ! Je conclurais que si nous étions capables de nous mesurer face aux engins motorisés de l’ennemi, nous ne l’étions pas dans d’autres circonstances et je me console en pensant que l’adversaire n’a pas voulu prendre de risque ! Il nous a vaincus sans gloire, avec ses fusils mitrailleurs ! Vous connaissez maintenant dans les moindres détails, le comportement du caporal chef Marcel Ligot dont j’ai pris la relève après sa blessure. C’est lui que je vous demande d’applaudir avec notre tué Maurice Vandaele et les blessés Smaggue et Gheskière. Ce sont les véritables héros car ils ont payé de leur sang. Quant à moi je m’étonne d’être toujours là ! C’est sans doute parce que je dois encore me trouver avec vous pour les honorer dans le plus grand recueillement ! Quel est ce mystère qui a voulu que je sois l’ultime survivant du 43ème R.I. ? Une chose est sure, je veux rester encore le plus longtemps possible le Porte Croix de Guerre de tous ceux qui ont connus l’enfer de la Belgique à Dunkerque. Nous ne les oublierons jamais. Rouleau : Marche
du 43ème RI Cette année, j'avais envie de faire plaisir à Roger. J'ai d'abord pensé à la chanson « Dors mon p'tit Quinquin » et j'ai écrit de façon culottée à Line Renaud. Elle m'a répondu qu'en mars elle débutait une tournée théâtrale et qu'elle ne pouvait pas venir. Un peu déçu, je me suis tourné vers M. Dupont joueur d'orgue de Barbarie. Je lui ai demandé de chercher l'air de la marche du 43e RI. Après quelques temps, il m'a répondu que ça n'existait pas sur le marché. De là, nous est venue l'idée de faire graver cet air sur rouleau. Ça a pris quelques mois, nous avions choisi une version épurée de 3 minutes (coût près de 160 €). J'ai alors demandé à M. Dupont s'il avait dans ses réserves « Dors mon p'tit Quinquin », lorsqu'il m'a répondu qu'il l'avait et qu'il pouvait même le chanter, j'ai de suite été preneur. Mais il fallait que tout ça reste secret jusqu'au dernier moment. Ce qui fut fait. Petit mot de Roger sur un des cartons perforés : Marche du 43e RI Joël Fery |