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Poèmes du Chanoine Mathieu
Voncken[1] Aumônier des fusillés
de la Citadelle de Liège Le Chanoine Mathieu Voncken INTRODUCTION Nul n’ignore le rôle courageux joué dans
la Résistance pendant les deux guerres par Monsieur le Chanoine VONCKEN. L'on connaît également le dévouement
avec lequel l'« Aumônier des fusillés » a assisté les patriotes captifs de
l'ennemi, sans aucune discrimination quant à leurs opinions politiques ou
religieuses. Rien n'est plus insupportable, pour la
nature humaine, que la torture morale du condamné qui, en pleine santé physique
et en parfaite lucidité d'esprit, voit s'égrener une à une les quelques heures
qui le séparent d'une mort certaine et inévitable. L'Aumônier des fusillés – les lettres de
ces martyrs et les déclarations des témoins en font foi – a réussi à force de
prières, d'affection paternelle, d'habile tendresse, à transformer l'horreur de
cette agonie en un état d'exaltation patriotique et mystique qui transportait
les âmes de nos fusillés bien au-delà des contingences matérielles et leur
faisait affronter la mort avec une sérénité, parfois avec une joie surprenantes. C'est pour reconnaître de pareils
mérites que s'organisa la manifestation du 4 avril 1954 en
l'honneur de Monsieur le Chanoine VONCKEN, à l'occasion de son Jubilé de 50 ans
de prêtrise. Mais il est un trait de son caractère
généralement ignoré : l'Aumônier des fusillés aime à l'occasion de taquiner la
Muse, il est poète ... Ses vers, il les compose pour soi-même,
il ne les destine pas à la publicité. Parmi ses œuvres, il en est
quelques-unes que le Comité organisateur de la manifestation du 4 avril 1954 a
souhaité pouvoir faire imprimer. Elles forment le contenu de la présente
plaquette. Pourquoi ces poèmes ont-ils été choisis ? –
Parce qu'ils reflètent les sentiments que nous admirons le plus chez notre jubilaire
: sa foi ardente, son amour de la Patrie, son courage et aussi l'immense et très
fidèle affection qu'il porte et portera toujours à ceux dont il a en quelque
sorte partagé et à tout le moins soulagé les affres face à leur impitoyable
destin. Cette brochure sera comme un complément
au très beau livre : « Nos Fusillés nous parlent ». Des veuves, des parents, des enfants y
verront les noms d'êtres chers morts pour la Patrie. Puissent-ils y trouver aussi
consolation, réconfort et un baume à l'atroce blessure qui, malgré les années
écoulées, saigne encore et saignera toujours ! Jules MUSCH, Président du Comité de la Défense gratuite des Belges devant
le Conseil de
Guerre Allemand, Président du Comité organisateur de la
Manifestation de M. le Chanoine. * * * Le rêve du
premier Fusillé René Zabeau, Maréchal de Logis
au Fort René Zabeau. (photo bel-memorial.be) de Tancrémont, exécuté à
la Citadelle, le 21 mai 1941. (Nos Fusillés nous parlent, p. 17.) Moi,
qui n'avais jamais rêvé, J'ai
fait un rêve inachevé, Car
commencé dans la lumière, Il se
poursuit sous ma paupière, Où je
jouis de son reflet Et du
bonheur le plus complet ! Je
m'évadai, la nuit, en rêve De ma
prison ; la nuit fut brève. Que
voit en songe un vrai soldat, Sinon
le lieu de son combat ? A
Tancrémont, tout camarade, En
combattant, acquiert le grade De
frère d'arme. On s'est promis D'y
revenir en bons amis, D'y
célébrer l'anniversaire, Du
jour, où face à l'adversaire, Tous
ont montré que Tancrémont N'est
plus jaloux de Franchimont ! Le
Rêve m'a pris sous son aile, Au
rendez-vous je fus fidèle. Quelle
est ma joie en y venant De
voir les miens, leur lieutenant, Qui
sont tombés dans la mêlée, Dont
l'âme au ciel s'est envolée ! Ils
sont là, tous, vaillants et beaux. Nos
morts, debout sur leurs tombeaux, A
Tancrémont montent la garde ! Tout
ébloui, je les regarde. Leur
défilé dura longtemps ; Ils
passaient tous fiers et contents, Ils
portaient tous tunique blanche, Mantille
rouge, et verte branche, Prise
là-haut du grand palmier. Le
Lieutenant, mort le premier Parce
qu'il en fut le plus digne Me
voit de loin et me fait signe. Je
sors de l'ombre et vais vers lui. Tant
de clarté soudain a lui Que
je me vois, étrange chose En
robe blanche et manteau rose ! Il me
dit : „ Premier fusillé, “ Commande
aussi le défilé De
tes amis “. Je prends la palme, Qu'il
tend et vois fièrement calme, Ceux,
qui sortant de leur prison, Montent
joyeux à l'horizon. Rouges
et blancs, à chaque aurore, Ils
se suivront longtemps encore. Leurs
nombreux rangs encore distants Vont
se serrant en peu d'instants. En
agitant la palme verte, Nous
défilons d'un pas alerte, Nous
nous rangeons tous : “ Halte ! Front ! “ Face
aux anciens de Tancrémont ! On se
salue, on cause, on conte Sa
belle mort, on rit, on monte... Je
vois avec étonnement Qu'un
vent très doux, très doucement A
soulevé mon manteau rouge, Que
le sol fuit, que le fort bouge, Que
tout descend, devient petit, Que
le brouillard s'appesantit. Quand
le soleil levant l'écarte, Au
loin, s'étend comme une carte, Un
sol de plus en plus réduit. Un
point, de-ci de-là, reluit. C'est
là qu'ils ont acquis la gloire, Ceux
dont ces lieux gardent mémoire. C'est
là que sont tombés ensemble Ceux
que la gloire au ciel rassemble. Champs
de combat, poteaux sanglants, Vous
demeurez des points brillants. Là
Tancrémont... Plus loin où l'ombre Engloutit
tout en son lac sombre, Voici
qu'émerge un bâtiment, Qui
brille ainsi qu'un diamant, Cette
merveille, oh ! quelle est-elle ? Grand
Dieu ! Mais, c'est la Citadelle ! J'ai
tout compris et j'obéis : Aux
soldats morts pour le Pays, Dieu
nous unit comme victimes Et
nous serons, comme eux, sublimes. Fusillés,
nous ne sommes plus Des
condamnés, mais des élus ! Ce
soir, vivons la féerie, Demain,
mourons pour la Patrie ! Dans
ma cellule, à mon réveil, Il
est entré du gai soleil. * * * Deux
frères d'armes René
JAMAR et Gaston ROBION René Jamar et Gaston Robion. (photo bel-memorial.be) Fusillés à la Citadelle de Liège, le 8 septembre 1941. Dédié aux Résistants du groupe Antoine Longueville, de Seraing. Honneur
aux Résistants, dans la souffrance unis Sans
regrets et sans larmes, Qui,
jusque dans la mort, sont plus que des amis, Qui sont des frères d'armes. C'est
le Val-St-Lambert, qui dans ces âmes sœurs Mit
le même courage Il en
fit des héros, qui sont tombés vainqueurs, Fiers de leur fier ouvrage. Tous
deux sont du Pays, où le corps au métal Emprunte
l'endurance; Tous
deux sont du Pays, où l'âme du cristal Garde la transparence. L'amour
de la Patrie, avant l'invasion Les brûle
et les pénètre ; A
chacun, le dix mai donne l'occasion D'être ce qu'il veut être. Leur
âme honnête et droite eut un noble sursaut Devant
le vilain traître; Tous
deux devant le juge, ici bas et là-haut „ Sont prêts à comparaître “. Dangers,
maux et labeurs, qu'ils n'ont jamais comptés Soutiennent
leur constance ; Ils
sont des Valeureux, des Belges indomptés, Ceux de la Résistance. Pour
eux, le sacrifice est source de bonheur ; Ils
sont joyeux et calmes. Ne
vont-ils pas semer leur sang au Champ d'Honneur Et
moissonner leurs palmes ? De
cette Citadelle, et de cette hauteur Ils
vont plus haut encore Monter
vers la lumière et jusqu'à son Auteur, Dès
la première aurore. Leur
noble mission, Gaston la dévoila Cet
homme à l'âme grande Dit :
„ Il faut des martyrs, nous serons de ceux-là ! “ Est-il
plus belle offrande ? René,
qui plaint le monde et ses jeux puérils, Les
trouve ridicules ; Il
dit : „ Les plus heureux, vraiment, où donc sont-ils “ ? Ils
sont dans ces cellules. Je
suis prêt, dit Gaston. La Vierge sut offrir Au
serviteur fidèle „ Son
“ jour de „ fête “. Il dit : „ Quel beau jour pour mourir Et
pour aller près d'Elle ! “ „ Au
revoir ! “ En chrétien, demain, je vais
partir ! Aux
enfants, à l'épouse Ainsi
parle René, ce Belge, ce martyr Auquel
la mort est douce. Voici
l'aurore ; tous deux, ils marchent au poteau D'un
pas ferme, en priant ; Debout,
droit, grave et fier, chacun sous le bandeau Demeure
souriant. Famille
des héros, votre nom fut le leur, Il
demeure le vôtre ; Leur
sang en a fait un rubis de valeur Plus brillant
que tout autre. Ami,
repose en paix et protège tous ceux Qui
gardent ta mémoire ; Garde-les
fiers et forts, ardents et courageux, Et
heureux de ta gloire ![2] * * * A LA
GLORIEUSE MEMOIRE DU GENDARME GUILLAUME HOCKE ; fusillé à
la Citadelle de Liège, le 28 décembre
1941 et de son père, Pierre HOCKE, ancien
gendarme. Dédié à la famille, .aux gendarmes et aux
Belges de l'Est, aux
gendarmes de Liège et Seraing. Les
gendarmes Hocké Guillaume Hocké. (photo bel-memorial.be) Les Hocké, père et fils, unis dans leur tombeau, Montent
toujours la garde auprès du cher drapeau, Qui,
sur La Calamine, en libre territoire, Etale
nos couleurs et chante leur histoire. Ils
t'ont sauvé, drapeau ! Laisse-nous dans tes plis Relire
les hauts faits par tous deux accomplis. Pierre
Hocké, le père, était l'ancien gendarme, Qu'on
surnommait „ le Belge “ et qui donna l'alarme Afin
que „ Ceux de l'Est “ fussent prêts aux combats. Le
jour de leur départ, ses bien-aimés soldats Ont
défilé devant „ leur Chef “ qui les regarde Et
devant le drapeau, dont il aura la garde ! C'est
la guerre !... Au mois d'août, le père est convoqué Chez
le chef allemand: „ C'est vous Pierre Hocké ? “ „ Oui
“. „
Vous le Président des Anciens Militaires “ Belges.
Vous enrôliez de jeunes volontaires “
Pour la Belgique ? “ „ Oui
“ „
Votre Société “
Possède un drapeau ? “ „ Oui
“ „
C'est la propriété “ De
l'armée occupante. Il faut nous le remettre ! “ Pierre
Hocké se tait... „
Vous allez le promettre ! “ Il se
tait... Son regard reste fixe et perçant Devant
le revolver, qui brille menaçant. „
Répondez, je le veux ! “ „
Brûlez-moi la cervelle, “
Mais vous n'aurez jamais mon drapeau ! “ „
Sentinelle, “ Déliez-le,
Sortez ! J'attends votre étendard ! “ Un
sourire vainqueur éclaire le regard Du
courageux gendarme et son visage blême. Il
rentre à la maison, tire le clair emblème De sa
sombre cachette. Après un long baiser Il le
tend à ses fils, qui le voient abaisser La
hampe et le drapeau, dont l'étoffe folâtre Au
souffle chaud du feu, puis s'enflamme dans l'âtre. La
flamme fut l'éclair, le tonnerre aux bruits sourds Ce
fut l'irruption des soldats aux pas lourds, Qui,
la figure rouge et par l'échec durcie Ne
peuvent emporter que la hampe noircie ! Guillaume
avait onze ans ; mais du drapeau soyeux Qu'il
a baisé, la flamme est restée en ses yeux La
menace de mort, qui plane sur son père, L'incite
à l'imiter dans tout ce qu'il opère. A la
fin de la guerre et des hostilités, Il
sent la froide haine et les rivalités Entre
les habitants, ruminant leur défaite ; Et les
autres, hissant leurs drapeaux jusqu'au faîte De
leurs vieilles maisons et de leurs mâts fleuris. Au
sein de cette arène, où la lutte a repris, Au
sein de la famille, où la vie est austère, Il
acquiert des Hocké, le viril caractère. La
devise qu'un père a pu lui confier : „
Suivre la ligne droite et n'en point dévier “, Il
sut s'en montrer digne en toute circonstance, Au
combat, dans le bagne, et dans la résistance ! La
guerre recommence, et déjà nos soldats, Au
matin du dix mai, livrent de durs combats. Devant
les chars d'assaut, non loin du cimetière, Un
gendarme est tombé, sur la route frontière. Il
est fait prisonnier. C'est Guillaume Hocké. Mais
les sept mois de bagne ont chez lui provoqué Plus
d'audace à servir le droit et la justice : „
Sans regarder s'il va tout droit au sacrifice ! “[3] Quand
l'ennemi l'arrête et le condamne à mort, Le
fier pilote voit qu'il entre tout droit au port. Bien
qu'à la Citadelle, il reste leur otage, Qui
doit les prémunir contre tout sabotage, Trois
officiers pourtant un jour l'ont convoqué. Le
Chef lui dit : „ C'est vous le gendarme Hocké ? “ „ Oui
“ „ Ce
métier vous plaît ? “ „ Oui
“ „
Depuis votre enfance “
Vous parlez l'allemand ? “ „ Oui
“ „ Courez
votre chance, “ Voulez-vous
NOUS servir dans NOTRE Gestapo? “ Il se
tait... Dans ses yeux, la flamme du drapeau Brille
comme un éclair. „ Ce
qu'un otage envie La liberté,
l'argent, vous les aurez... et la vie ! “ Il se
tait... „
Répondez “ „
J'aime encore mieux mourir ! “ „
Sortez ! “ Il
part, sa chance, il vient de la courir. Au
fort de la tempête, il n'a pas fait naufrage L'un
de ceux dont il vient de saboter l'ouvrage, Se
rit de sa tenue. Il riposte au moqueur : „
J'en suis fier, je lui fis, je lui ferai honneur ! “ Après
dix jours d'attente, après un sabotage, Les
Allemands vont sévir contre le fier otage. Pour
que l'acte vengeur semble moins hasardeux, Au
lieu d'une victime, ils en choisissent deux. Au
courageux gendarme, ardent et volontaire, Ils
adjoignent le bon et valeureux notaire. Ils
sont calmes et gais, la joie est en ce lieu, „ Ils
se sentent très forts de la force de Dieu. “[4] A la
messe, au matin, qu'ils ont tous deux servie, Sans
appel, sans réserve, ils ont offert leur vie. Ils
affrontent la mort, se donnent tous entiers : „
C'est volontairement qu'on s'offre et volontiers ! “[5] Guillaume
dit encore : „ Ce sont eux qui me tuent, Mais
c'est moi, moi qui meure... “ De tels mots accentuent Leur
don si personnel ! Avant l'ultime assaut, Ces
soldats s'embrassant se sont dits : „ A tantôt ! “ C'est
l'heure !... Au garde à vous, Guillaume d'un grand geste Enfile
lentement et boutonne sa veste ; La
montrant aux geôliers, il dit sans nul regret : „ Je
lui fis, je lui vais faire honneur ! Je suis prêt! “ Il
marche d'un pas ferme, arrête son escorte Au
moment de passer devant la lourde porte Du
notaire et lui crie : „ Ami Coëme, au revoir ! “ La
réponse au ton clair prouve qu'on peut avoir De la
joie en s'offrant à Dieu pour la Patrie ! L'œil
fier et souriant, Guillaume avance et prie „ J'ai
toujours respecté mes chefs et le chef Dieu “[6] ; Déclare
ce croyant. Son sacrifice eut lieu. Lorsque
devant l'autel, il a conclu le pacte. Il va
l'exécuter ; il va signer „ son “ acte. Il
s'adosse au poteau, soulève les sourcils Et,
malgré le bandeau, fait trembler les fusils,[7] Baise
le crucifix, se signe avant l'orage, Récite
le Pater, couronne son ouvrage. L'éclair
à lui !... Son Dieu vient de le convier A
monter jusqu'à lui, tout droit, sans dévier ! Ta
tenue est sans tache et ta grande âme est blanche, Guillaume,
ce dimanche est l'éternel dimanche ! „
Protège notre joie “. Il nous en a donné La
promesse à nous tous, quand il a fredonné, En
écrivant ces mots, pendant la nuit tragique, Ce
chant : „ Tu renaîtras, ô vaillante Belgique ! “ Gendarmes,
soyez fiers de Guillaume Hocké. Qu'en
vos fastes toujours son nom soit évoqué ! Que
tout Belge en soit fier et qu'il s'en montre digne, Suivant
sans dévier, toujours, la droite ligne. Belges
de l'Est, tout en annexant le terrain, L'Allemand
n'a pas pu détruire le bon grain. Honneur
vous soit rendu, gardiens de la frontière, Votre
antique vaillance est demeurée entière. * * * Le 9 novembre 1947. Emis par Radio-Liège, le 9 novembre, à 19 h. 15, jour du 5ème
anniversaire de l'exécution
des douze. Dédié
aux familles de ces jeunes héros et à la jeunesse
belge. « Ils
étaient douze… » Ils
étaient douze, 0 Belgique chérie, Auxquels
l'amour sacré de la Patrie, Sut
inspirer l'audace et la fierté De
s'immoler pour notre Liberté ! Ils
étaient douze... Après ces cinq années Leurs
souvenirs, fleurs qui se sont fanées, Pour
recouvrir nos chaumes endeuillés, Se
sont sur nous lentement effeuillés. Ils
étaient douze... En leurs larges poitrines Ces
fleurs encore ont de fortes racines. CE
NEUF NOVEMBRE, elles vont en s'ouvrant Nous
redonner leur arôme enivrant ? Ils
étaient douze... Et leurs fières paroles Comme
un parfum montent de ces corolles. Gaiement,
nos gars chantent tous à la fois ; Enivrons-nous
en écoutant leur voix. Ces
jeunes gens chantaient dans leur cellule ; De
bouche en bouche un gai refrain circule „
Voici la route, elle s'élance au ciel ; “
Jusqu'à la mort, nous suivrons son appel ! “ De
toute lettre, il est temps qu'on recueille Chaque
secret que contient chaque feuille. Dans
ces écrits, chacun, sans le vouloir, Redit
sa joie... Entrons dans le couloir. „
Vous vous croiriez dans ce bloc cellulaire „
Etre à la fête ! Il ne peut nous déplaire “ De
nous trouver ensemble au Ciel demain. “ Je
vois la Vierge en fleurir le chemin. “ „
C'est le dix mai, le matin à la messe, “ Qu'à
mon pays, je m'offris ! Ma promesse “ Fut
agréée !... Heureux et sans regret “ Je
partirai demain : car je suis prêt “ ! „
Qu'il me soit fait selon votre parole... “ La
nuit se passe et notre temps s'envole. “ Nos
chers Parents, offrez-nous tout entiers ; “ Et
comme nous, faites-le volontiers ! “ A
l'officier qui dit : „ Qu'est-ce qu'on gagne A
résister à la grande Allemagne ? “ L'un
d'eux répond : „ L'Honneur ! Moi j'obéis Jusqu'à
la mort à mon petit Pays ! Leur
sacrifice, ils le font avec calme, Ne vont-ils
pas bientôt cueillir la palme Qu'en
rêve vit le premier fusillé ? Ah !
Le palmier du ciel sera pillé ! Minuit,
une heure... Adieu dernier dimanche ! Ils
sont montés dans la Chapelle blanche. Comme
le Maître aux siens l'a conseillé, Ils
vont veiller „ ainsi qu'Il a veillé “ ! En
cette nuit, le Christ est leur exemple ; „ Ce
Condamné “ chacun d'eux le contemple, Le
comprend, l'aime et le suit aujourd'hui ; Il
fut comme eux, ils seront comme Lui. A ce
moment, leur offrande est complète ; Chacun
déjà se sent un cœur d'athlète ; Ils
s'en vont fiers, descendent l'escalier... Dieu
de chacun a fait son „ Chevalier “ ! C'est
la fierté qui leur dicte ces lignes : „
Dieu nous choisit, Il nous a trouvé dignes “
D'être martyrs. “ En maîtrisant le „ moi “ „ Je
sortirai vainqueur de ce tournoi ! “ “ Mon
âme, 0 Vierge, au Ciel sera choyée ! “
Cette faveur qui nous est octroyée, „
C'est de mourir et de vous libérer. “ „ Meilleure
mort, qui pourrait l'espérer. “ Joie
et fierté font un heureux mélange : „ Au
Paradis, vous aurez un grand ange. “ „ Que
Dieu nous aime ! Ensemble, on va partir, “
Heureux de joie, en soldat, en martyr ! “ Pureté,
joie et pleine confiance : „
Bien plus que vous, nous avons de la chance. “ „
Tout va très bien à bord, c'est ce qu'il faut. „
Jetons du lest, amis, montons plus haut ! “ A la
Chapelle, en groupes, ils remontent, Tout
en riant de ce qu'ils se racontent : „
Comment fait-il là-haut, au Paradis ? “ Voilà
l'objet de leurs pressants paris. La
Messe ! Ensemble, ils répondent au prêtre ; Ce
bel ensemble étonnera peut-être, Si
quelque chose encor peut étonner Chez
ceux à qui le Christ sut tout donner. Ils
savent tous qu'au moment de l'offrande Sur
la patène, une Hostie, une grande, Est
au milieu de douze petits pains, Que
tout ne fait qu'UNE offrande en leurs mains. Le
propos ferme est un louable pacte, Qu'à
ce moment il faut traduire en „ Acte “. Leur
volonté, dans un suprême effort Dompte
le corps et le livre à la mort. Voici
levés l'Hostie et le Calice. Avec
le Christ, ils font leur sacrifice. L'ACTE
EST POSE ! Triomphal en ce lieu S'élève
un cri ! „ Mon Seigneur et mon Dieu ! “ Vous
vous rendez au lieu de leur supplice. Mais
c'est ici qu'ils sont entrés en lice ! Faut-il
laisser plus longtemps dans l'oubli Ce
Sanctuaire, où tout s'est accompli ? Les
douze gars, dont la joie est parfaite, De la
Chapelle ont fait un lieu de fête. Ils
nous l'ont dit, c'est la réalité : „ Le
reste n'est qu'une FORMALITE “ ! Le
reste, c'est une joyeuse aurore, Mais
sa lumière est vacillante encore ; Il
faut monter, sortir de ce vallon : „
L'Heure approche et... le temps nous semble long ! “ Ils
se sont dits, redit de proche en proche : „ Oui
l'heure avance et le temps nous rapproche “ De
notre gloire !... „ Aux cloches “ tous, en chœur Ont
répondu... C'est l'appel du Seigneur ! “ „ Je
vais au Ciel “ tout droit “ et „ sans encombre “ Ils
sont si fiers de s'y rendre en grand nombre : „
Quel beau cortège on va faire ! Oh ! là-haut, Saint
Pierre nous recevra “ comme il faut „ ! “ „
Notre âme est blanche et nous prenons nos ailes “, „
Nous montons purs, légers, libres, fidèles “ ; „
Vous enviez un peu notre bonheur ? “ „
Priez vos fils “, priez en notre honneur ! La
longue attente est-elle terminée ? Non,
pas encore. En cette matinée Du
neuf Novembre, un sombre, épais brouillard Impose
au moins une heure de retard. Ils
attendront, en disant le Rosaire Pieusement...
Serait-il nécessaire Pour
achever là-haut le beau décor Que
la Vierge ait quelques roses encor ? L'heure
est passée... Ils ont même courage, Sont
toujours prêts, vont achever l'ouvrage. Au
firmament de leur âme, un soleil Luit...
mais moins clair que celui du réveil. C'est
trois à trois qu'ils vont „ A la Victoire “. C'est
trois à trois qu'ils s'en vont vers leur „ Gloire “. Ils
en sont sûrs !... Leur cri, même au poteau, C'est
: „ A tantôt, les amis, à tantôt ! “ Ils
étaient douze... A cette heure historique Les
Alliés débarquaient en Afrique ! De
leur offrande est-ce un premier effet ? „
Dieu, c'est le Maître, il fait bien ce qu'il fait ! “ Ils
étaient douze, ils tombaient à l'aurore, Ils
sont toujours et là-haut douze encore, Jeunes
toujours, et pour toujours joyeux, Ayant
pris place au milieu des aïeux. Ils
étaient douze... En secouant la manche „ Du
grand Seigneur, au soir de ce Dimanche, Toujours
ils vont protéger et bénir Ceux
qui chez nous gardent leur souvenir. “ Ce
peuple est grand, qui donne à la Patrie Tant
de Héros, dont l'âme fut pétrie De
foi, d'honneur, de force et de fierté, Et
dont la joie est : NOTRE LIBERTE ! * *
* Dédié à la famille, aux professeurs et élèves de l'Ecole Coloniale de Liège. Emis par Radio-Liège le 11 décembre 1947. Les
talents 5ème anniversaire de la mort glorieuse du colonial
Jules MERLOT, fusillé à la
Citadelle le 1l décembre 1942. Jules Merlot. (photo bel-memorial.be) C'est
un Liégeois, un fils de Wallonie, Dont
la Belgique et dont la Colonie Chantent
le nom, et d'un éclat plus beau L'étoile
d'or brille sur le drapeau ! Jules
MERLOT est liégeois de naissance, Dans
sa jeunesse et son adolescence, Il
s'ingénie à rendre équivalents Ses
durs labeurs et ses riches talents. Tant
de talents mettent en évidence Sa
grande dette envers la Providence, Qui
fait lever et mûrir le bon grain, Sous
son soleil, en fertile terrain. Talents
du cœur, la mère les active ; Ceux
de l'esprit, le père les cultive ; Ce
professeur de l'Université Se
réjouit de leur diversité. Jules
MERLOT, toujours très humble, est l'homme Qui,
sans repos, veut acquérir „ la somme “ Dont,
dès l'enfance il est le débiteur Et
dont s'acquitte un loyal serviteur. Il a
jugé lui-même à l'échéance Toute
sa vie et dit : „ J'ai conscience D'avoir
rempli toute ma vie au mieux ! “ Ce
mot le peint, tel qu'il fut, à nos yeux. C'est
à seize ans, qu'après la Rhétorique, Il
entre en première scientifique. Cet „ Ingénieur “
c'est l'Université Qui
le fera ?... Non, c'est l'adversité ! L'épreuve
va forger dans son cratère Une
grande âme, un viril caractère. Le père
est mort, confiant à l'aîné Ceux pour
lesquels il a toujours peiné. Il a
seize ans, une âme généreuse ; „ Mon
père a mis sa famille nombreuse “ Entre
mes mains. Mon acceptation “ Fit
et fera sa consolation ! “ La guerre
dure, il veut se dévouer. Trois
fois, il voit ses projets échouer ; Trois
fois, il doit renoncer au fusil. Sa
plume alors deviendra son outil. C'est
avec elle, acier trempé qui brille, Qu'il
va gagner le pain de la famille ; Mais le
soir et bien tard dans la nuit Il étudie
et gaiement il s'instruit. C'est
une langue, une autre, une autre encore, Ce sont
des mots, puis la phrase sonore Qu'il
dit et chante... Il prend son violon, Rêve
gaiement, tout haut, se croit „ colon“ ! Il
dort et rêve, et dans leur dialecte Il parle aux noirs, les aime et les respecte. Il
part enfin... Il est heureux de voir Qu'il
accomplit son rêve et son devoir. Il
part encore. Sous le soleil d'Afrique II sait
que c'est du bonheur qu'il fabrique Pour tous
les siens. „ J'ai pu par lues sueurs, “ Aider
Maman, lues frères et mes sœurs. “ Il a trente
ans, il connaît bien l'Afrique ; Il en
poursuit l'étude ethnographique, De
ses devoirs l'accomplissement strict Le fait
nommer commandant de district. Poste
d'honneur ! C'est gaiement qu'il le gagne ! Sa chère
et jeune épouse l'accompagne. Elle
a pu voir qu'amour, joie et bonheur L'ont
soutenu dans son constant labeur. Souvent
l'épouse en sa sollicitude Voudrait
freiner son ardeur à l'étude. Le jour
s'écoule en d'incessants travaux, La
nuit, l'étude empêche le repos. Il a
le cœur et l'âme d'un apôtre, Du
temps, trop peu ; des talents, plus qu'un autre ; Il
veut, il doit servir ! En vérité Il a
su faire aimer sa Charité. Il
fit aimer sa douceur énergique Il
sut ainsi faire aimer la Belgique. Il
vit souvent dans les yeux noirs des pleurs Qui,
comme un baume, allègent ses douleurs. Il
emporta de la côte africaine La
fièvre, et crut sa mort prochaine. Il
était prêt et serait mort heureux Ayant
rempli sa dure vie au mieux ! Dès
qu'il le peut, dès sa convalescence, C'est
tout le fruit de son expérience Qu'il
cède, ainsi que de riches joyaux A ses
amis, futurs coloniaux. La
guerre vient, il la sent imminente. Il
veut servir de façon éminente. Pour
refouler ceux qui viennent de l'Est, Il
s'associe à Delville, à Van Dest. L'école
semble en sa monotonie Ne s'occuper
que de la Colonie. Elèves
et maîtres agissent en commun. Pour
eux, Patrie et Congo ne font qu'un. Soucis,
revers, stimulent leur courage. Avant
sa fin, qui peut juger l'ouvrage ? Voir
d'en bas où monte leur dévouement ? Mesurez-le
du haut du dénouement. Fait
prisonnier, il n'est rien qu'il regrette, Lorsque
l'auto monte par Fond-Pirette, Il
voit, écoute, une dernière fois, Gens et
enfants, leurs gestes et leurs voix. Ils ont
revu leur Cité fière et belle ; Car
ils sont deux qui, dans cette Citadelle Auront
plaisir à voir lune et soleil Leur
dévoiler quand même un coin de ciel. „ Sur
mon cachot, j'ai vu l'œil fatidique, “ C'est
à ma porte un signe véridique. “
L'abbé Firket sut, comme Daniel “ L'interpréter
: „ En route pour le Ciel. “ „ Il
m'est présent, je prie en sa cellule ; “ Mais
je n'aurai plus besoin de formule “
Pour adorer, dans le bonheur sans fin, “ Sur
l'éternel trône, l'Agneau divin. “ La
Messe ici, un Saint Liégeois l'a dite ; Ici,
par cœur, un Liégeois la récite ; Et le
voisin, sans en comprendre un mot, Saisit
le sens et s'offre en son cachot. „ Quand
de ma mort, l'heure m'est annoncée “
Dieu me fait voir ma prière exaucée. “
Offre, Maman, ta fière affliction “ Et
donne-moi ta bénédiction. “ Jean
COLINET, condamné pour port d'arme Est
seul, a peur, mais une voix le charme... Cette
voix douce, à travers la paroi ; Vient
d'un ami qui calme son effroi. Jules
MERLOT fait cette œuvre dernière ; Il
réapprend au voisin sa prière ; C'est
en priant ensemble dans ce lieu Qu'ils
s'en iront ensemble vers leur Dieu ! De l'Aumônier,
de sa bonne visite Il
veut surtout que le voisin profite ; „Au
compagnon, donnez le plus de soin, „ Le
plus de temps, il en a plus besoin. “ Il
sait goûter la calme solitude : „ Je
ne ressens aucune inquiétude ; “ De
cette vie à l'autre, en plein devoir “ Je
glisserai sans m'en apercevoir ! “ De
nos talents, quand Dieu fit le partage Jean
reçut peu, Jules davantage. Leur „
onzième heure “ en a fuit ces Vaillants Qui,
dans l'épreuve, ont doublé leurs talents. Jules
MERLOT est rempli d'allégresse Quand
dans le bien son cher voisin progresse. Il
dit, tant il en reste soucieux, „ Je
veux remplir ma vie encore au mieux ! “ „ Cet
idéal, notre jeunesse entière “Moins
attachée aux biens, à la matière, “ Le
reprendra, donnant, comme il convient, “ A
son esprit la part qui lui revient ! “ Tous
deux, là-haut, ont eu même salaire Le
juste Maître a le droit de se plaire A
honorer la bonne volonté Dont
la bonté reflète Sa bonté. Le „
Te Deum “, chant solennel et grave, Termine
sa lettre : „ En ce jour de l'Octave “ Je
vais fêter l'Immaculée aux Cieux. “ J'y
veux remplir, pour vous, ma vie au mieux. “ C'est
un Liégeois, un fils de Wallonie Dont
la Belgique et dont la Colonie Chantent
le nom, et d'un éclat plus beau L'étoile
d'or brille sur le drapeau ! * * * Emis par Radio-Liège le 10 avril 1948. Dédié à
la famille et aux «frères d'armes » de Jean CLOKERS,
fusillé à la Citadelle, le 10 avril 1942. « Nos Fusillés nous parlent », p, 93-114. Notre Jean Jean Clockers Parmi
les Morts, qu'honore la Patrie, Chaque
contrée à bon droit s'approprie De fiers
Héros, parce qu'ils sont des siens Dignes
d'amour et dignes des anciens. A Vivegnis, dans toute la contrée L'affection
s'est surtout concentrée Sur Jean
Clokers, que ce pays mosan Tout simplement
appelle „ NOTRE JEAN “. Depuis
six ans, la radieuse aurore Du 10
avril, est lumineuse encore. Dans la
clarté, Jean lutta jusqu'au bout ! Dans la
clarté, toujours il est debout. Il est debout, ce jeune homme robuste Qui ne
veut plus être un sauvage arbuste. Il a
taillé les jets de ses défauts, La sève
monte en des bourgeons nouveaux. Pour
greffer l'arbre, on y fait une entaille. En
grand secret, Jean lui-même détaille Ce qui
brisa l'écorce de son cœur, Ce qui
remplit son âme de vigueur. Son père
meurt... La chambre mortuaire Etend
sur Jean son douloureux suaire. L'homme
nouveau qu'il vient de découvrir En lui s'éveille...
Il est prêt à souffrir. Un an
plus tard, lorsque Jean communie, C'est
pour toujours que son âme est unie Par
don total, à son divin ami : „ Je
ne sais pas me donner à demi ! “ Il
s'en souvient de pieuse manière Quand
il fait sa communion dernière, Jean,
dans les deux, a tout abandonné „ Je
ne reprends pas ce que j'ai donné ! “ IL
EST DEBOUT sous le soleil d'Afrique ; Où
librement ce soldat se fabrique ; Les épurant
dans le même brasier, Son
corps de fer et son âme d'acier. Cet
homme agit sans aucune contrainte, Dans les
périls, il ignore la crainte. Sa
volonté le fait avec fierté Suivre
sa voie en pleine liberté. Dans sa
cellule, où le glas tinte et vibre, Ce condamné
à mort se prétend libre. Toute
sa vie, il suivit le chemin Qu'offre
l'honneur ; il le suivra demain. Il
dit gaiement, commentant sa devise : „ Je
suis le maître, „ ils “ sont à mon service „ En
m'exécutant, „ ils “ ont la bonté “ D'exécuter
ma propre volonté. “ C'est
lui qui s'offre, il le dit, le proclame : „ Ils
ont mon corps, ils n'auront pas mon âme. “ Le „ dernier
coup “ qu'on va mettre en mourant, Il
veut qu'il soit le plus beau, le plus grand. Il est debout, quand le régiment gagne Le front
lorrain, qu'envahit l'Allemagne. Son
seul regret fut d'y cesser le feu. „
J'ai pu me battre une fois, c'est trop peu. “ Du
beau corps franc, sur le front de Lorraine, Il ne
reste qu'une demi-douzaine De
survivants ! L'arme en main, mais enfoui Sous
les débris, Jean s'est évanoui. A
l'hôpital, la jambe dans le plâtre, Sa
volonté demeure opiniâtre De s'évader,
de rentrer au Pays, Dont
les appels doivent être obéis. Attendra-t-il
que sa jambe guérisse, Que
son espoir de liberté périsse ? Non
pas. Il part, marchant clopin-clopant, Bravant
son mal, le temps et l'occupant. Il est debout, enfin sur la frontière ; Il
est bien las, mais sa joie est entière. C'est
son Pays, qu'il s'en vient secourir Sa
devise est toujours : „ Vaincre ou mourir “. Il a
donné de son sang pour la France ; Pour
la Belgique, il en a l'espérance, „
Comme soldat “ il reprendra son rang Sans
marchander le reste de son sang. Passant
la Meuse, il la voit magnifique, Car
elle aussi vient de France en Belgique, Elle
a sa source à ce même plateau Qui
vit son sang se mêler à cette eau. Quand
à Cheratte, il revient en décembre, La
Résistance acquiert un nouveau membre, „ Peut-on
compter sur vous, Jean ? “ Il répond Par
ce seul mot qui le dépeint : „A fond “. Voici
Fût-Voie et la vieille Chapelle, Où
Notre-Dame, Elle aussi, le rappelle. Sa
jambe raide a raidi ses genoux... Il
sert debout la Vierge de chez nous. Dans la
maison d'Alexandre et d'Adèle, Il réunit
son corps franc et fidèle, Tous
ses amis, tant anciens que nouveaux, Ont même
but comme mêmes travaux. Dans l'atelier,
paisible en apparence, On fait
la guerre à toute concurrence, Entre
la Meuse et le nouveau canal, Jean
seul possède son secret „ ARSENAL “. La dynamite
en cette étroite usine Du coton
poudre est la proche voisine. Pour
l'ouvrier, la paye évidemment Comme
la bombe est à retardement. La clientèle
est nombreuse et gourmande ; Chaque
matin, elle attend la commande. Tout
en guidant ses commis-voyageurs, Jean,
sans compter, se mêle aux pourvoyeurs. La
canne en main, le bonnet sur l'oreille, Comme
en tanguant un navire appareille, Il va,
portant bien plus que de raison, Double
valise et double cargaison. Quand
il a fait journée après journée, Nuit
après nuit, une même tournée, Qu'il
a tout vu, le pauvre colporteur Vide
son sac et se fait saboteur. Un
jour que Jean est „ en service “ à Liège, Il
veut sauver un jeune homme du piège De
l'occupant et de ses noirs valets ; Tous
deux, captifs, sont conduits au Palais. Maître
de lui, debout à ce prétoire, Que répond-il
à l'interrogatoire ? „ Que1est
ce mot, ce plan ? “ – „ Je n’en sais rien. “ „ Mais...
vous mentez ! “ Il rit : „ Peut-être bien. “ Au
tribunal, il est fier, calme et digne Et souriant.
L'interprète s'indigne : „ Qui
fit ce plan, qu'ici je vous soumets ? “ Jean
lui répond : „ Je ne trahis jamais ! “ Ce brave
attend le verdict avec calme, Demander
grâce en refusant la palme Serait
pour lui finir par un faux pas... „ Au garde
à vous “ il dit : „ Je n'en veux pas ! “ Il
dit qu'un tel recours ne lui plaît guère „ Pour
respecter ma blessure de guerre, “ Que
j’ai reçue en un 1oya1 combat, “ Je veux
l'honneur de mourir en soldat. “ Il est debout dans l'étroite cellule, Quand
l'officier à ce jeune hercule Dont sous
les fers a saigné chaque main, Vient
annoncer qu'il doit mourir demain. A l'aumônier,
qui dès le soir l'assiste, Il
dit : „ Ça va très bien. Rien n'est plus triste „ Que
d'expirer dans un lit !... C'est trop laid „ Mieux
vaut mourir ainsi, car ça me plaît ! “ Son
sacrifice, il nous le dit lui-même, Sera
total. C'est comme un nouveau thème Qu'à sa
devise il vient de découvrir : „ Vaincre
ou mourir “, c'est „ se vaincre et mourir ! “ A tous
les siens, il défend qu'on le pleure. C'est
fièrement qu'il leur dit à cette heure „ Vous
n'aurez pas à rougir de celui „ Que
vous aimiez, qui vous aime aujourd'hui. “ C'est
de grand cœur qu'il fait son sacrifice Pour
que tout Belge ait part au bénéfice. „ Soyez
heureux, pour cela, je suis prêt “ A vous
donner ma vie et sans regret. “ Il
dit encore : „ Ma mission commence „ Car
le sang pur des martyrs est semence “ De Belges
vrais, Pays, grâce à ce sang, “ Tu vas
reprendre et ta gloire et ton rang. “ D'un cœur
chrétien, c'est Dieu qu'il remercie : „ Je suis
fier que le Christ m'associe “ A
sa grande œuvre. Il permet aujourd'hui “ Que
je me donne, en hostie, avec „ Lui “. IL EST DEBOUT... Sa dernière toilette, De
son bonnet alpin, il la complète Il va
partir fier de sa région, De
son Pays et de la légion. C'est
au poteau, qu'il parut magnifique, Son
dernier cri fut „ VIVE LA Belgique ! “ Baisant
la CROIX, expirant en priant, Jean,
même mort, demeura souriant. Ecoutez
tous son mot d'ordre magique, „ Je
meurs heureux afin que la Belgique “ Ait
fièrement le droit de rechanter “ Sa
Brabançonne ! “ Il faut le contenter. Vive
à jamais la Brabançonne ! Vive
son noble et fier martyr. De
les aimer tous deux, personne Ne pourra
plus se départir. Belges,
chantons la Brabançonne, Chantons
la mieux à l'avenir, Qu'en
notre voix, sa voix résonne, Gardons
vivant son souvenir. [1] Tiré de : Poèmes « Gerbe de Fleurs » offerte aux Fusillés de la Citadelle de Liège – Le Chanoine Mathieu Voncken Aumônier des Fusillés – Liège 1954 [2] Composé pour le jour du transfert de René Jarnar, de Seraing à Liège, le 17 décembre 1949. Voir « Nos Fusillés nous parlent » P. 27 à 38. [3] Epitaphe de la première tombe à Stembert. [4] Paroles de fusillés (lettres publiées dans « Nos Fusillés nous parlent », pages 47 à 53. Voir aussi : « La Défense des Belges devant le Conseil de guerre allemand », pages 88-90 [5] Idem 4 [6] Idem 4 [7] Aveu des soldats du peloton. |