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Commémoration 2014 de
la Bataille de Baulers Discours aux Monuments
1914-1918 et 1940-1945 Une fois encore sur cette place va retentir le son de La Marseillaise et de la Brabançonne en hommage aux victimes militaires et civiles des deux guerres. Nous sommes rassemblés ici car nous avons un devoir de mémoire envers les générations futures. Même si on peut pardonner, il n’est pas question d’oublier ce qui s’est passé. Comme chaque année, vous pourrez visiter à la salle paroissiale une exposition organisée par l’A.S.B.L. « DU COTE DES CHAMPS », un des thèmes sera notamment le camp de concentration de Soltau, aussi appelé le camp des Belges (en 1914, ce sont les premiers prisonniers belges qui l’ont construit). De nombreux combattants ont été faits prisonniers et envoyés dans ce camp. Cependant, à partir de 1916, des civils ont été déportés pour servir de main-d’œuvre dans les usines allemandes en remplacement du demi-million d’Allemands morts sur les champs de bataille. Le 5 novembre 1916, à la gare de Nivelles-Nord, un millier d’hommes de la région, aptes au travail sont dans 32 wagons à marchandises à destination de Soltau. Nivelles devient le nœud ferroviaire du dispositif de déportation mis en place par les Allemands. Réfractaires au travail, les déportés ne jouissaient d’aucun statut, d’aucune reconnaissance, contrairement aux prisonniers de guerre, ils ont été méprisés, brimés, torturés, voire assassinés. Ceux qui en sont revenus ont été marqués à vie. Beaucoup sont morts de maladie dans les années qui suivirent leur retour. Nous leur rendons un hommage tout particulier, ainsi qu’à tous ceux qui ont combattu les Allemands durant les deux guerres tant Français que Belges. Saluons humblement tous ces noms gravés sur les monuments pour la postérité. * * * Depuis 2011, nos amis Roger THEVENIN et Denise DUPLOUY nous font l’honneur de leur visite et nous sommes très heureux de les rencontrer une fois de plus. Comme vous le savez, 2014 est l’année de leur centenaire. Roger est né le 6 août 1914, deux jours après la déclaration de guerre et Denise le 9 mai 1914. A eux deux, ils totalisent 72.975 jours de vie, alors que moi j’en atteins à peine 19.000. Roger a suivi son instruction militaire au 43ème Régiment d’Infanterie de Lille. Il était de la classe 34 et une des premières victimes du passage du service militaire d’un an à deux ans. Le 19 août 1937, alors qu’il lui restait quelques semaines de service à effectuer, il épouse Denise. Roger et Denise s’installent à Lille au 26, rue de Valmy où ils louent le deuxième étage avant d’acheter la maison deux ans plus tard. Roger est au chômage. En attendant de trouver du travail, il aide sa mère au café pendant les heures de cours que donne Denise à l’école de l’Immaculée Conception. Un jour, un client du café l’informe qu’un directeur de dépôt recherche un bon conducteur pour effectuer une tournée de lait dans la région. Roger se présente et est engagé, il doit conduire une voiturette, peinte aux lettres de la Laiterie des Marguerites, attelée à un cheval. Il tiendra ce boulot pendant deux ans. Fin août 1939, Roger est mobilisé, la guerre est déclarée le 1er septembre. Il n’assiste pas à la naissance de son fils Jean-Claude le 2 septembre. Ce n’est qu’en février 1940 qu’il a la permission de le voir pour la première fois. Ensuite, Roger est trimballé sur les routes de France et de Belgique jusqu’à son arrivée le 13 mai à Hévillers. Le 15 mai, le caporal-chef LIGOT est blessé par des éclats d’obus et Roger endosse la fonction de chef de pièce. Le même jour, il échappe à la mort de justesse, alors qu’il porte sur le dos son ami SMAGGHE blessé, jusqu’au poste de secours, et cela sous les balles ennemies. Le 16 mai, Roger est fait prisonnier à Baulers et envoyé au Stalag IIIA pour cinq ans, privé de liberté derrière des barbelés, loin des siens. Denise devra quitter Lille avec son enfant âgé de quelques mois, avec sa poussette et quelques maigres bagages. Elle devra beaucoup marcher car les automobilistes refusent de la charger à cause de la poussette et elle devra dormir dans de granges car les hôteliers refusent de la loger car un enfant, ça pleure et ça dérange les clients. Heureusement, elle est accueillie dans une famille nombreuse dont les parents vont mettre leur propre chambre à sa disposition. Durant de très longs mois, les jeunes mariés restent sans nouvelles l’un de l’autre, en pensant au pire. Cette longue attende va les dévorer et consumer leur espoir de revoir l’autre encore vivant. Jusqu’au jour où Roger parvient à lancer un appel sur les ondes, son message sera intercepté et transmis sans attendre à Denise. Enfin, ils peuvent correspondre. Et chaque fin d’année, l’espoir est au rendez-vous, puis la triste réalité les rattrape, ce ne sera pas encore pour cette fois. A l’incompréhension suit la tristesse, puis la promesse de ne plus s’abuser de vaines illusions au risque de souffrir inutilement. Durant ces cinq longues années de séparation, tels des Roméo et Juliette des Temps Modernes, Roger et Denise vont s’aimer de plus en plus. Cette longue attente ne fera que renforcer leur amour, qui deviendra un peu plus fort chaque jour. En 1945, les Russes sont aux portes du camp, Roger est libéré en février, mais il ne sera de retour à Lille que quelques mois plus tard dans un bombardier, après être passé en zone américaine. Roger voit son fils pour la seconde fois cinq ans après sa naissance, en rentrant du stalag. Il découvre un fils qu’il va devoir apprivoiser petit à petit. Comme je l’ai déjà dit, 2014 est l’année du centenaire de Roger et à cette occasion, nous avions voulu lui réserver une surprise, cependant suite à une défaillance technique du transporteur, celle-ci est reportée dans la journée (finalement la surprise n’aura pas lieu, la remorque transportant une chenillette et un canon de 25, ainsi qu’un camion de transport de troupe est tombée en panne à 150 Km de Nivelles et n’arrivera jamais). * * * Très récemment, nous avons retrouvé d’anciennes archives dans les greniers de l’Hôtel de Ville. Joël FERY a eu l’autorisation de les scanner et de les étudier dans le cadre de l’inventaire des sépultures d’intérêt historique local. Une farde a attiré son attention, elle concerne des listes des soldats français tués en mai 1940, ainsi que des courriers de la Croix-Rouge ou de la parenté demandant des nouvelles de soldats susceptibles d’avoir séjourné dans une des communes de l’arrondissement de Nivelles et alentours. Au nom du Collège de la Ville de Nivelles et de l’A.S.B.L. « DU COTE DES CHAMPS », je remets cette double plaquette à Monsieur le Consul Général de France, elle est la copie conforme de ces archives. * * * Après la visite au cimetière, une messe sera donnée par l’abbé Guillaume. Pendant ce temps, ceux qui ne désirent pas assister à l’office peuvent visiter l’exposition à la salle paroissiale. A 11h25, nous nous donnons rendez-vous à l’arrière de la cure pour reformer le cortège et nous rendre à la ferme Hanneliquet. Pour les personnes moins valides, la ville met à leur disposition un bus navette. Merci de votre attention. Vive la France, Vive la Belgique.
Discours à la ferme Hanneliquet Je tiens d’abord à remercier Monsieur le Bourgmestre qui me fait le grand
honneur de me céder la lecture de son discours. Il y a 74 ans, jour pour jour,
les soldats du 43e RI se retrouvent à la ferme Hanneliquet, alors
abandonnée, ils manquent de sommeil depuis deux jours et n’ont plus mangé
depuis la veille. Nous sommes le 16 mai 1940,
les soldats se reposent à tour de rôle dans la grange de cette ferme, quand ils
sont réveillés par une volée de détonations. La toiture est traversée par un
obus de char. La saleté et la poussière volent partout, des bouts de tuile
tombent. En même temps, des rafales de mitrailleuses crépitent. Des balles
traceuses de gros calibres viennent, en sifflant, s’aplatir contre les murs. La jonction avec le 1er Régiment
d’Infanterie n’a pas été assurée à hauteur de la rue de Dinant et de la
chaussée de Bruxelles. Le flanc gauche est découvert et les Allemands en
profitent pour encercler le Nord de Baulers par Lillois. Il en va de même du
côté de Thines où la jonction avec le 110e Régiment d’Infanterie n’a
pas été effectuée, découvrant aussi le flanc gauche. Le village est pris en
tenailles. Un groupe d’hommes commandé
par l’adjudant Allaies tente une sortie par le Nord afin de prendre les
automitrailleuses allemandes à revers. Quant au sergent Lucien
CAUDMONT, il est envoyé en reconnaissance
avec sa section, il doit rapporter des renseignements sur les chars
ennemis. Lucien qui venait tout juste d’avoir vingt ans est tué et sa section
décimée. En 1945, Philippe GRIFFART, le
meilleur ami de Lucien, adresse une lettre à sa famille et y explique les
circonstances de sa mort : « Le lendemain de la mort de Lucien, j’étais arrêté dans un petit
village couché sur un trottoir quand tout-à-coup je me sentis réveiller par un
sergent de sa section m’annonçant cette triste nouvelle, je ne pouvais en croire mes
oreilles. De suite j’ai été trouvé son chef de section qui était cantonné dans
une rue voisine, lui demandant de plus amples détails. Il me répondit
ceci : « Nous avions devant nous des chars ennemis qui devaient nous
attaquer d’un moment à l’autre, ils étaient dans un petit bois devant nous.
Caudmont fut envoyé en reconnaissance avec son groupe avec mission de rapporter
quelques renseignements et aussi de se défendre à la grenade contre les chars
s’ils se trouvaient en présence d’eux. C’est ce qui se produit. Nous avons vu
Caudmont tomber et devant l’attaque
imposante de chars nous nous sommes repliés. De son groupe, quelques hommes
seulement ont pu rejoindre nos lignes, nous apportant la confirmation des
morts […]. Puis je n’ai plus rien su
jusqu’au jour où je fus prisonnier. Il s’est produit, dans un cantonnement pour
prisonnier dans une espèce de couvent, j’étais couché à côté d’un soldat du 43
et la première chose que je lui ai demandé : quelle compagnie es-tu ?
Il me répondit de la 1ère – donc tu connais le sergent Caudmont – je
pense bien me dit-il c’était mon chef de groupe. Pour savoir si le malheur
était réel car j’en doutais encore un peu, je lui ai demandé : qu’est-il
devenu, est-ce qu’il est prisonnier – Il me répliqua : « Non
malheureusement il n’est pas prisonnier ; j’étais à côté de lui lorsqu’il
est tombé. Nous nous sommes trouvés en présence d’un char et Caudmont en tête
de son groupe a ordonné l’attaque du char à la grenade, il a donc couru vers le
char pour se mettre le plus rapidement possible dans son angle mort afin de
placer une grenade sous les chenilles mais le char manœuvra sa tourelle
rapidement et le frappa d’une balle en plein front, la mort fut instantanée,
sans aucun cri, aucune plainte, aucune souffrance ». Les faits se sont passés entre
19 et 21 heures. Le corps de Lucien a été ramené et déposé dans la cour de la
ferme Hanneliquet. Entre temps, la ferme est prise d’assaut
par les Allemands, l’attaque est menée par le mamelon situé en face de la
ferme, l’engagement est meurtrier. Il ne reste plus aucun homme
pour desservir le canon de 25, tous sont blessés. C’est le capitaine Jabiol et
le sergent Lezani qui ont bondi sur le canon, le sergent comme tireur et le
capitaine comme chargeur. Lezani met le canon de 25 en batterie et par deux
fois, il fait mouche au premier coup, deux automitrailleuses sont touchées, il
est suivi par le bruit des détonations des mitrailleuses lourdes d’engins
blindés allemands. Les balles traçantes ricochent sur le bouclier du canon de
25 qui a été bousillé. Les balles pètent de partout. Du haut de la crête, à environ
300 mètres, l’adjudant Allaies aperçoit les deux automitrailleuses abandonnées
mises hors d’usage par le canon de 25. Il décide de se replier vers la ferme. Un des Allemands qui était
parvenu jusqu’à un des murs qui ceinture le bâtiment est abattu par Pacos. Son
corps gît sur les pavés de la cour. L’ennemi cherche à utiliser
les dernières lueurs du jour pour resserrer son étreinte, ses tirs augmentent
d’intensité, le débordement par le nord s’accentue. Mais la Compagnie Oheix
tient bon, répond au feu par le feu et gardent les Allemands à distance. Le jour qui décline voit les
automitrailleuses s’embosser, sur son flanc sans pousser leur mouvement plus
avant. La nuit venue, leur action ne sera plus à redouter dans ce terrain
extrêmement coupé. Effectivement tout se borne maintenant, de part et d’autre, à des tirs de
harcèlement, l’artillerie ennemie bombarde violemment Nivelles où l’on voit des
incendies s’allumer. L’obscurité est venue. Le capitaine fait remonter
les blessés de la cave pour les installer le mieux possible sur la chenillette.
Le matériel est chargé sur les voiturettes. La compagnie est rassemblée et
quitte la ferme, par un chemin encaissé, elle descend vers Nivelles. Le ciel
au-dessus de la ville rougeoie aux lueurs des incendies. Par là aussi, le canon
tonne. Rendons hommage à Lucien
CAUDMONT et à ses compagnons d’armes. Discours lu par Isabelle FERY,
fille du président de l’ASBL « DU COTE DES CHAMPS » ARTIGES (Cl.), Avec ceux du 43ème RI, de la Belgique à Dunkerque, Bruxelles, Editions DEREUME, 1972.
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