Maison du Souvenir

Le Namurois André Joseph, timonier extraordinaire d’un frêle esquif, au service d’autrui !

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Le Namurois André Joseph, timonier extraordinaire d’un frêle esquif, au service d’autrui !



L’abbé Joseph André

       L’abbé André est né le 14 mars 1908. De santé très fragile, il parvint au bout de ses humanités au collège Notre-Dame de la Paix à Namur mais, atteint de tuberculose, il doit abandonner son noviciat dans l’ordre des Jésuites. Il entame alors une longue convalescence dans sa famille puis dans une ferme. Ce n’est qu’à l’âge de 22 ans, qu’il peut recommencer des études. Finalement inscrit au séminaire de Namur, il devient prêtre en 1936. Il est ensuite désigné professeur au petit-séminaire de Floreffe avant de devenir en 1941 vicaire de la paroisse populaire de Saint-Jean-Baptiste à Namur.

       L’abbé André est de santé fragile, mais son frêle esquif contient l’âme d’un timonier extraordinaire doté d’une volonté peu commune et d’un cœur des plus compatissants à la souffrance humaine. Le chétif Joseph André est de plus animé par une charité extraordinaire. Il donne et partage tout ce qu’il possède particulièrement dans cette période de l’hiver 41-42 où le froid et la faim s’ajoutent aux malheurs du temps de guerre.

       Ce petit abbé en rendant visite à ses paroissiens, découvre un jour une famille vivant dans un misérable garni. Il s’agit d’un avocat juif allemand, de son épouse et de leurs deux enfants venus se réfugier en Belgique. L’abbé André va aider la famille Burak menacée par l’ogre nazi et va s’arranger pour lui fournir de fausses cartes d’identité. C’est le début de l’entrée en résistance de Joseph André. Il va rapidement devenir la providence pour beaucoup et surtout pour les enfants juifs qu’il héberge dans la maison des œuvres de Saint-Jean, Place de l’Ange, juste à côté… de la Kommandantur.



Namur, place de l’Ange

Pour les curieux, ces enfants étaient censés être les membres du patronage paroissial. Après un séjour plus ou moins long dans la Maison des Œuvres, les enfants étaient dispersés dans des homes ou des familles d’accueil. Mais en attendant le placement adéquat, il y avait en permanence une vingtaine d’enfants à occuper, à cacher et à nourrir ! Ils furent des dizaines à devoir leur survie à l’abbé. Ce n’était pas une mince affaire pour notre héros de maintenir sa filière durant près de trois ans. Le 5 mai 1944, l’abbé André prévenu d’une rafle à temps parvient à évacuer les enfants de la maison des œuvres mais un matin de juin 1944, occupé de célébrer une messe, on vint à nouveau lui chuchoter à l’oreille que l’on allait perquisitionner à nouveau la Maison des Œuvres. L’abbé fit évacuer les enfants à temps puis disparut pour aller se cacher à Moorsel-Tervuren. Il ne reparut que lors de l’arrivée des Américains. Ce qui fut remarquable dans ce sauvetage d’enfant, c’est qu’aucun d’entre eux ne fut pris par les Nazis.

       Mais l’histoire de l’abbé André ne se termine pas avec la guerre. Après la libération, il transforma son home en synagogue mise à la disposition des rabbins de l’armée américaine puis s’occupa d’organiser des vacances pour les orphelins. Malgré la désorganisation générale, l’abbé André s’embarquait avec ses petits protégés dans un bus pour rejoindre en France un hébergement souvent trouvé à la grâce de Dieu ! Il s’occupa aussi des déshérités, des « SDF » comme on les appellerait aujourd’hui. En 1956, ce sont surtout des Hongrois qui firent l’objet de son attention. La Hongrie venait de connaitre une insurrection populaire écrasée par les chars russes qui avait entraîné un exode de milliers de Hongrois sur les routes de nos pays. Un peu plus tard, ce fut le tour des Nord-Africains. En 1957, il fut nommé aumônier de la prison de Namur et se démena pour réinsérer les anciens détenus. Pour eux, il fonda aussi le foyer Notre-Dame de Sion à Bomel, maison qui offrait un gite à ceux d’entre eux qui devaient retrouver un toit.



Le foyer Notre-Dame de Sion est devenu aujourd’hui le siège de l’association « Avec toit »

       La vie de Joseph André au foyer ne fut pas une vie tranquille. Un jour un d’entre eux vola la caisse de la maison et l’abbé André se mit à sa recherche dans les boites de nuit de Namur. Il retrouva le voleur accoudé dans un bar et parvint à le convaincre de rendre ce qu’il lui restait de la somme volée, c’est-à-dire à peu près la moitié. Une autre fois, il subit la rage de deux pensionnaires qui, ne respectant pas les consignes, rentraient nuitamment au foyer en faisant du tapage. L’abbé les y attendait et leur fit une remarque. Celle-ci déplût tellement aux pensionnaires fautifs, que ces derniers saisirent l’abbé et le tenant par les jambes le firent basculer tête en bas par une fenêtre de l’étage. Le bon abbé récupéra vite de cette agression pourtant très traumatisante pour laquelle il ne voulut pas porter plainte !

       Bien entendu en plus du foyer, Joseph menait une vie très active à la prison de Namur. Il se levait à 5 heures, faisait oraison à 6h30 et après la messe célébrée à la prison, il passait le reste de la matinée aux contacts avec les détenus et le personnel. L’après-midi était consacrée aux visites des familles des prisonniers et aussi à des démarches dans divers ministères à Bruxelles pour obtenir des papiers pour les pensionnaires du foyer. Ses déplacements se faisaient en auto-stop. Lorsqu’il était pressé, l’abbé n’hésitait pas à se mettre les bras écarté au travers du chemin d’une voiture !

       Un beau jour de 1967, l’abbé André reçut une invitation à se rendre en Israël pour recevoir la médaille des Justes. Il hésite longtemps avant d’accepter car il ne considère pas être un héros mais seulement quelqu’un qui a fait son devoir. Finalement, il accepte de partir pour avoir l’occasion de revoir après tant d’années quelques-uns de ses anciens protégés qui le réclamaient. Les aléas du départ en dirent long sur les réticences de l’abbé André à ce voyage. Il arrive en retard à l’aéroport et doit remettre son vol au lendemain ! Malgré ses doutes, il ne regrettera pas son séjour. A sa descente d’avion, il est accueilli par un de ses protégés et son épouse. Les moments émouvants se succèderont. Rentré en Belgique, cette fois c’est une invitation à se rendre aux Etats-Unis qui l’attend. Joseph André, le grand distrait, aura à nouveau un départ mouvementé. Cette fois, il est arrivé à temps à l’aéroport mais s’aperçoit avoir oublié son billet d’avion ! Il faut retourner à Namur dare-dare. Mais, dans son bureau, Joseph a beau avoir fouillé tous ses tiroirs, il n’y a pas de billet d’avion. Au dernier moment, revient à sa conscience qu’il avait placé le fameux billet dans son bréviaire ! En réalité, son billet ne l’avait jamais quitté ! Pour la deuxième fois, l’abbé manqua son avion et dut s’inscrire pour le suivant !



La médaille des « Justes parmi les nations »

       L’abbé André continua sans relâche son travail comme aumônier de la prison de Namur. Il souffrit d’un infarctus. Un ami le découvrit dans sa chambre étendu sur une planche calée entre deux chaises. L’abbé André, une fois de plus, avait cédé son lit à un pensionnaire ! Transporté à l’hôpital, l’abbé survécut et repris sa routine. Mais un autre infarctus allait causer sa mort le premier juin 1973, cette fois dans le fauteuil de son bureau de la prison de Namur. Lors son inhumation au cimetière de Jambes, son cercueil fut porté par des Juifs et des Musulmans. Il n’y a pas de doute, s’il avait vécu plus longtemps, l’abbé André aurait suscité la création de la médaille des « Sages parmi les nations » pour récompenser les hommes œuvrant pour l’obtention d’une paix définitive entre Juifs et Palestiniens. L’abbé André Joseph fut si digne de son nom et son prénom que l’on dirait que ces derniers lui furent donnés à dessein par la Providence. André fut en effet le premier disciple du Christ tandis que Joseph pris soin du Christ enfant !

       Depuis lors, 1973, l’abbé André fut remis à l’honneur au moins trois fois.

Une première fois par un livre écrit par Emmanuel Schimdt :



Une autre fois par un film retraçant sa vie….



Et enfin par une magnifique bande dessinée :



       Que ce petit article vous rappelle encore une fois la vie de ce juste Namurois qui donnait tout ce qu’il recevait jusqu’à son lit !

Dr Loodts P.

 

Postface

       Cet article a été écrit en ce mois de mai 2021, affreuse période de guerre entre Palestiniens et Juifs israéliens durant laquelle a été tué mon confrère, le Dr Ayman Abou al-Awf à qui je dois de rendre hommage. Ce médecin était le chef de médecine interne de l’hôpital al-Shifa à Gaza. C’est dans le cadre de son travail qu’il réalisa l’unité coronavirus de l’établissement. Ayman était toujours présent dans son hôpital à veiller ses patients. Il habitait à 15 minutes de son unité et restait tard à l’hôpital. Ayman était arrivé en 2012 à Gaza. Il aurait pu rester en Europe où ses parents avaient émigré. Il avait 50 ans. Le bombardement lui fut fatal. Son corps a été découvert sous les décombres de sa maison. Toute sa famille a été tuée. Seul un de ses fils, Omar a survécu. Le corps du docteur ramené à l’hôpital, toute son équipe, cinquante personnes, s’est rassemblée dans la cour pour prier et pleurer. Gaza en 14 ans de siège a connu quatre guerres (2008, 2012, 2014, 2021), près de 4.000 morts en tout dont 240 pour le mois de mai 2021. Puissent Palestiniens et Israéliens trouver dans leurs communautés assez de « Sages » pour mettre fin à cette guerre qui pourrait un jour ressembler à l’apocalypse ! 



Le Dr Ayman Abou al-Awf

Dr Loodts P.

 

 

 

 

 



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