Maison du Souvenir

Histoire de L’Hoest Nicolas né à Heure-Le-Romain le 6 Mars 1913.

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Histoire de L’Hoest Nicolas né à Heure-Le-Romain le 6 Mars 1913.

Merci à sa fille Florette pour ce beau document.

Introduction :

Rappelé sous les armes le 25 Aout 1939 au Fort de Pontisse.



Nicolas L’Hoest affecté au Fort de Pontisse

1. Début de la seconde guerre mondiale :

       Le 10 Mai 1940 l’Allemagne estime que l’heure est venue de frapper le coup décisif et de passer à l’offensive. Pour la Belgique, pour les garnisons des forts de Liège, la guerre éclair vient de commencer.

2. Le vendredi 10 mai 1940 à 0 Heure 40 :

       Une communication de l’Etat-major annonce l’alerte, le territoire de la Belgique est menacé. Toutes les coupoles sont occupées et elles sont prêtes à entrer en action. Il en est de même pour les coffres de la défense rapprochée. Au Fort de Pontisse, tout est mis en place pour la défense de la position et de la zone qu’il doit couvrir.

       A 4 Heures 20 : Deux gendarmes de la brigade de Herstal viennent signifier au Commandant du Fort qu’il doit faire appliquer le plan « E » C'est-à-dire la phase d’alerte « Pied de Guerre Réelle »

       A 5 Heures : La coupole de 105 doit effectuer un tir sur le Fort d’Eben-Emael. Des parachutistes viennent d’être déposés par des planeurs. Cent coups de canon seront ainsi tirés en direction du toit du fort d’Eben-Emael, cette opération sera renouvelée plusieurs fois au cours de la journée. Durant ce premier jour de guerre, le Fort de Pontisse interviendra sur un autre objectif : il va empêcher, par des tirs précis de sa coupole de 105, le passage des chaloupes allemandes qui essayent de traverser la Meuse à la hauteur de la ville d’Eysden, cité hollandaise, en face de Lixhe-Lanaye. Les canots sont détruits ou ils ont basculé dans le fleuve, les Allemands vont ainsi renoncer à leur nombreuses tentatives de traverser la Meuse.

3. Le Samedi 11 mai 1940 à 1 Heure 30 :

       Le Fort de Pontisse fait un tir de concentration sur une batterie allemande repérée à 500 mètres du clocher de l'église de Saint-Rémy. Les tirs durent 5 minutes.

       A 2 heures : Sous la conduite de leurs officiers et sous-officiers, les hommes qui doivent rejoindre l'armée de campagne quittent le fort. Ceux qui restent savent, à présent que leur mission est de mener des combats retardateurs donc une mission de sacrifice.

       A 4 heures 30 : Les tirs vont reprendre, parce que les troupes allemandes tentent d’installer un pylône d'observation à Grand-Lanaye et de construire un pont, a environ 500 mètres plus au nord du lieu de passage, par ou elles avaient tenté de traverser la veille. 18 barques ou nacelles ont été détruites par les tirs, le pylône et le pont ne seront pas construits.

       A 5 heures 30 : Le Commandant du 2ème groupe des garnisons des Forts de Liège vient installer son poste de commandement au Fort de Pontisse. Il peut ainsi se rendre compte du zèle déployé par le Capitaine Pire et par ses hommes dans la défense de la position.

       A 6 heures : Le Fort exécute des tirs en avant du pont de Berneau.

       A 7 heures : A la demande du Fort d'Eben-Emael, les artilleurs de Pontisse tirent sur le Moulin, en bordure du Geer.

       A 8 heures 30 : Des troupes allemandes sont en marche dans le triangle Visé – Mouland – Warsage. Les coups répétés du Fort de Pontisse obligent l'ennemi à se réfugier dans une ferme proche, et les tirs sont alors dirigés vers cette ferme.

       A 10 heures : C’est la visite du Commandant de l’artillerie du IIIème Corps d’Armée. Il se déclare très satisfait des prestations du Fort de Pontisse.

       A 11 heures : La liaison avec Eben-Emael est coupée, on s'interroge. Au cours de la journée, le poste d'observation « P.L.13 » sur la route d'Oupeye est bombardé par l'artillerie allemande, installée dans la région de Dalhem. On apprend, en même temps, que la villa JOASSART à Argenteau est occupée et que les Allemands y ont installé un observateur. L'obusier de 75 du Saillant III réplique par quelques tirs précis, qui ont pour effet de calmer le zèle de cet observateur, et les tirs de l'artillerie allemande se dispersent.

       A 18 heures : On a appris que le Fort d’Eben-Emael était tombé, alors le Commandant du Fort de Pontisse autorise l’observatoire permanent 204 à se replier sur Liers après avoir détruit les dossiers.

       A 20 heures : Les guetteurs signalent que des patrouilles allemandes viennent de Hermalle, et qu'elles tentent de franchir le pont à Vivegnis. La coupole du Saillant III disperse cette patrouille par ses tirs au but. Le Fort tire alors sur le pont de Vivegnis, qui va sauter au 6ème coup. La coupole de 105 exécute des tirs sur le tunnel de Dalhem, ou les troupes allemandes se sont réfugiées. L'obscurité va empêcher de pousser les réglages au maximum pour les tirs sur le pont du Canal Albert à Hermalle, mais les ponts de Hermalle sauteront aussi sous l'action des troupes du Génie belge, le pont de Haccourt sera, quant à lui, détruit par les cyclistes frontières.

       La nuit : Pendant que des patrouilles de sécurité circulent dans les environs du fort, la coupole de 105 exécute des tirs d’interdiction sur les nœuds routiers de Withuis en Hollande, de Wonck et Bassenge dans la vallée du Geer.

4. Le dimanche 12 mai 1940 à 6 heures 30 :

       Une patrouille de la section des mitrailleurs contre avions voit un bombardier léger, de la Royal Air Force, s’abattre dans la campagne de Rhées. Elle ira récupérer les hommes de l'équipage. Malheureusement, le pilote Mike ROONEY a été tué, le Capitaine TIDERMAN, chef de la mission et son observateur, blessé à la main, sont amenés au Fort. Dans la matinée, des patrouilles sont allées reconnaître la vallée du Geer, la zone de Milmort – Hermée – Grand-Aaz ainsi que le secteur de Lanaye, elles rapportent des renseignements intéressants sur les positions allemandes et les communiquent au bureau de tir. Ces positions deviennent des objectifs pour la coupole de 105 qui commence à les pilonner.

       Vers 11 heures 30 : Le poste d’observation « P.L.13 » signale une colonne motorisée, qui monte la route de Haccourt à Oupeye. Aussitôt, les 4 coupoles de 75 concentrent tous leurs tirs sur cette route. Prise sous les feux de Pontisse, la colonne allemande doit faire demi-tour, en laissant sur place quelques motos et une voiture.

       Vers 13 heures : La situation se répète avec une colonne d'infanterie allemande, qui débouche sur la grand’ route d'Haccourt. Bien renseignés, les tirs du Fort et les mitrailleurs de l'abri « P.L.13 » entrent en action et les Allemands, surpris par la précision des coups, se dispersent dans les vergers. Ils s'abritent dans les maisons proches, d'autres au cabaret « le Stop » et à la ferme d'en face. Mais le poste « P.L.13 » est tellement précis dans les coordonnées qu'il transmet au Fort, que les canons de Pontisse n'ont aucun mal à transformer le cabaret et la ferme en écumoire. Ainsi délogés de leurs abris, les soldats allemands s'éparpillent dans la campagne et les soldats du Fort les poursuivent de leurs tirs appuyés.

       Par après : Les Allemands, vexés par l'échec de leurs tentatives, vont essayer de s'emparer de l'abri-observatoire « P.L.13 », mais leurs attaques seront repoussées. Au Fort, la coupole du Saillant I semble avoir été touchée, mais elle sera vite réparée.

       A 20 heures : Barchon communique que la batterie allemande, qui tire sur le fort de Pontisse, est installée à la Chapelle de LORETTE, à Visé. Immédiatement, la coupole de 105 prend la position allemande sous le feu de ses canons. Alors, l'activité de l'artillerie allemande ralentit peu à peu et elle cesse quand la nuit tombe.

       Durant la nuit : Les Allemands ont fait installer des pièces d'artillerie en grand nombre. A présent, leurs canons à pied d'œuvre, vont commencer a harceler Pontisse.

5. Le lundi 13 mai 1940 :

       Le jour est à peine levé, que la bataille reprend et elle va durer jusqu'au soir et mettre en lumière, de façon éclatante, la valeur militaire de la garnison de Pontisse.

       En premier lieu : C'est le poste « P.L.13 » qui rallume le combat contre une colonne d'infanterie allemande venant de Haccourt vers Oupeye. Comme la veille, elle tombe sous le feu du Fort et elle doit rebrousser chemin.

       Peu après : L'artillerie ennemie va prendre le « P.L.13 »sous ses tirs, pendant que d'autres troupes allemandes apparaissent sur la route du Canal vers le Werihet, le Fort de Pontisse va les accrocher et quand les Allemands arrivent à hauteur du pont de Hermalle, ils tombent sous le feu des 2 coupoles de 105 du Fort de Barchon. Mais ces acharnés soldats parviendront quand même à traverser le barrage de feu. L'ennemi est exaspéré, de voir que tous ses mouvements sont contrariés par un Fort qui faisait figure d'adversaire insignifiant à côté de Eben-Emael, tombé en 36 heures. Aussi, le commandement allemand a décidé de lancer un assaut en règle contre Pontisse, pour mettre ce fort hors de combat.

       A 10 heures : Le sous-officier, chef de poste de l'abri prise d'air, signale qu'il reçoit des coups qui lui sont portés par des obus de petit calibre qui sont tirés depuis le Fond de La Vaux. Aussitôt, les coupoles de 75 et les fusils mitrailleurs commencent à faucher les positions allemandes de La Vaux. Très vite, l'abri prise d'air apparaît comme étant la cible principale et elle reçoit des moyens supplémentaires, qui lui permettent d'arroser de ses tirs, maisons, remises, hangars, jardins, vergers, lisières des bois, où l'ennemi pourrait trouver refuge. Mais les Allemands se sont déployés en éventail depuis la route militaire jusqu'au village de Vivegnis. De là, ils se lancent à l'attaque du Fort. Les coupoles de 75 frappent à coups redoublés dans les rangs allemands. Mais cela reste la prise d'air, l'objectif, où l'ennemi porte ses coups les plus redoutables et elle se défend avec acharnement. Deux petits canons allemands, bien dissimulés dans les jardins des maisons du Fond de La Vaux, sont repérés et réduits au silence.

       La bataille fait rage jusque 13 heures 30, après, le vacarme s'apaise, l'ennemi n'a conquis aucun avantage, il se replie et il regagne ses positions de départ.

       A 14 heures : On n'aperçoit plus aucun Allemand dans les alentours du Fort, seulement quelques véhicules de reconnaissance sur la route d'Oupeye-Hermée. Les tirs du Fort vont les démolir à hauteur de l'Arbre du Chenay.

       A 16 heures 30 : Une batterie allemande, installée à la ferme de CROMWEZ, au nord de Dalhem, est prise à partie par les canons des Forts de Barchon et de Pontisse.

       A 17 Heures : Des troupes allemandes qui prennent position à hauteur de la ligne du tram vicinal Liège-Bassenge, et aux débouchés d'Oupeye sont repérées, les coupoles de 75 se chargent de les repousser, ceux qui se trouvent dans la campagne de Hermée refluent vers le champ d'épreuve de la fonderie des canons, où ils seront encore délogés par nos obusiers.

       A 18 Heures 30 : Les Allemands lancent une nouvelle offensive, les tirs de canons de petit calibre viennent frapper l'abri de la prise d'air, du poste d'observation cuirassé. Le Fort, lui-même, est bombardé par des obus de moyen calibre. Malgré cela, les obusiers ne lâchent pas leurs proies. Mais cela tire de partout et les cibles sont tellement nombreuses que nos soldats ne peuvent pas répondre à toutes les demandes. Les Allemands se rapprochent dangereusement, mais on ne peut plus faire face à tous les dangers qui menacent le Fort. A la même heure, le poste « P.L.13 » est attaqué par des troupes qui montent vers Oupeye par les champs du Wérihet et par la route de Haccourt. Il demande un appui au Fort, pour être dégagé mais, malgré ses appels pressants, il n'est pas possible de donner satisfaction, le Fort doit parer à des dangers plus immédiats.

       Pourtant, le chef du poste « P.L.13 » voit un officier allemand en side-car qui s'arrête à 30 mètres de l'abri à côté du sentier dit « du Sacrement », qui va d'Oupeye vers Beaurieux.

       Cet officier ne se rend pas compte de la proximité avec l'abri « P.L.13 », il déploie sa carte, le chef de poste signale la chose au bureau de tir du fort « discrètement ». Au moment ou l'officier allemand allume une cigarette; un obus lui éclate entre les jambes. Une fois la fumée dissipée, il ne reste sur place que des débris, les cadavres seront retrouvés à plusieurs mètres delà. Le chef de l'abri « P.L.13 » demande qu'on lui apporte des vivres et des munitions.

       A la tombée de la nuit : Le Fort s'est jusque là, défendu rageusement. Les Forts de Barchon – Evegnée – Fléron et même Flémalle ont aidé au mieux Pontisse pour barrer les accès au fort à l'ennemi. Avec l'obscurité, les combats diminuent et leur intensité est retombée, on peut alors penser à ravitailler « P.L.13 ».

       A la nuit : Une patrouille composée d'un gradé et de deux hommes quittent le Fort en direction de « P.L.13 ». Ils rentrent 3 heures plus tard, n'ayant pas pu passer les barrages ni de Oupeye, ni de Vivegnis, tous les chemins sont fortement gardés. De toute manière, c'était inutile, le chef de poste de « P.L.13 », constatant la rupture de liaison avec le Fort avait quitté l'abri avec ses hommes, profitant de l'obscurité, ils se sont refugiés dans les caves d'une maison voisine où ils resteront trois jours avant de regagner leur domicile. Des tirs de harcèlement sur les nœuds routiers. Une surveillance a été placée sur le massif pour détecter toute activité ennemie qui s’approcherait du Fort.

6. Le mardi 14 mai 1940 au lever du jour :

       On voit des travailleurs ennemis occupés à des travaux de terrassement sur la crête voisine, ils vont être dispersés par le feu des 75 de Pontisse, mais ils reprennent leurs travaux, dès que les tirs en leur direction cessent. Nos coupoles de 75 ne peuvent pourtant pas rester concentrées sur ces travailleurs ennemis parce qu'il faut aussi disperser des troupes allemandes à l'orée d'Oupeye. Le Fort de Barchon est attaqué par l'aviation allemande, et la coupole de 105 tire en fusant à l'aplomb du Fort de Barchon, pour obliger les STUKAS qui bombardent en piqué, de lâcher leurs bombes de plus haut.

       A 13 heures 25 : C'est à présent Pontisse qui est attaqué par les bombardiers en piqué, qui déversent leurs bombes sur le massif et sur les organes de défense voisins. C’est alors qu'un homme arrive au bureau de tir pour signaler que la coupole du Saillant II est hors service et qu'il y a des blessés.

       A 15 heures : C'est au tour de la coupole du saillant I de recevoir un coup dans sa proximité et ici aussi, la coupole a des dégâts qui vont handicaper son fonctionnement. Conjointement aux attaques aériennes, le fort subit aussi le feu des canons de campagne allemands, mais le Fort se défend avec acharnement, la prise d'air et les obusiers 75 intacts parviennent à maintenir l'ennemi à distance.

       A 18 heures : Des voitures blindées allemandes sont immobilisées près de l'arbre du Chenay, à Oupeye, sous les tirs du Fort de Pontisse. Ensuite, Barchon demande le concours de Pontisse pour exécuter un tir sur une villa de la route de Chefneux.

       A 18 heures 30 : Deux observateurs sont blessés, le premier à la main fracassée par un petit obus pénétrant, le second est atteint à la face par des éclats après l’explosion d'un autre obus.

       A 19 heures 30 : Comme c'était aussi le cas le jour précédent, tous les environs du Fort sont couverts par une épaisse fumée qui aveugle tous les postes de guet, c'est le prélude d'une grande attaque, aussitôt, bien que la visibilité soit nulle, les fusils-mitrailleurs, les obusiers de 75 et même la coupole de 105 déploient toute leur puissance de feu sur les glacis et ils transforment, en zone de mort, tous les endroits où des assaillants pourraient s'aventurer.

        A 20 heures 30 : L'assaut à sans doute échoué, parce que le Fort encaisse des coups d'un bombardement à gros calibre de l'artillerie lourde allemande. Les coups sont portés, à intervalle régulier, jusqu'à la tombée de la nuit et ils font trembler tout le Fort.

7. Le mercredi 15 mai 1940

       Les hommes sont épuisés par les alertes continuelles, ils essayent de prendre quelques heures de repos mais ce n'est pas facile, à cause des bombardements successifs, la tension nerveuse est au maximum.

       A 6 heures : Le Bombardement de gros calibre reprend contre le Fort et des mouvements de troupes ennemies inquiètent les défenseurs, qui répliquent par des tirs de leurs  coupoles. Le Fort de Barchon exécute les tirs qui lui ont été demandés sur les arrières de la ferme  THIRY et en revanche, Barchon demande que le Fort de Pontisse lance des salves d'interdiction sur les débouchés venant du village de Housse.

       A 7 heures : Tout rentre dans un calme relatif. Des patrouilles sortent du Fort, pour constater les dégâts, tout le long des glacis, les barbelés sont cisaillés, les piquets sont balayés, il n'y a plus aucun obstacle en place, la rampe d’accès n’existe plus, la porte du corps de garde est sortie de ses gonds qui sont arrachés, le fossé du coffre de gorge est comblé par des terres, plusieurs cratères ont de 4 à 5 mètres de profondeur entre les Saillants II et III, le cratère est immense. Sur les pentes des glacis, il ya une quantité invraisemblable de fusils, mitraillettes, grenades, boites de munitions et de fusées, pistolets lance-fusées, besaces, havresacs, lunettes de pointage, tout un matériel abandonné par les soldats allemands. Dans une excavation, on découvre le cadavre d'un soldat allemand, la tête à moitié arrachée. Des corvées sont désignées pour dégager les abords et nettoyer les glacis, il faut précipiter tout ce matériel, laissé sur place dans les fossés du Fort. Pendant qu'une équipe est chargée de combler les excavations du fossé de gorge, une autre équipe doit garnir de mines l'éventration de la contrescarpe. L'aumônier, aidé par quelques brancardiers porteurs du fanion de la Croix-Rouge, se préparent à enterrer le cadavre allemand. Ils sont appelés par un soldat allemand qui agite un drapeau blanc, marqué de la Croix- Rouge. L'homme dévale la pente, débouche par le petit sentier, il est aussi porteur d'un brassard de la Croix-Rouge et il vient expliquer aux soldats belges que le soldat tué est un « KAMARADE », et il demande à reprendre ses effets personnels, on les lui remet, à l’exception de ses papiers, qui seront remis au bureau de tir pour être examiné et le brancardier allemand repart par où il est venu en emportant les effets de son « KAMARADE ». Grâce au dévouement des deux cuisiniers du Fort, grâce à la complaisance des membres de l'administration communale herstalienne et au courage de monsieur LOUVEAU de Herstal, le fort a reçu, malgré les bombardements, du pain frais jusqu'à ce jour.

       Aujourd'hui : Les soldats du Fort peuvent prendre une douche, manger une bonne soupe chaude et du café chaud. Les spécialistes du matériel travaillent à la remise en état de la coupole de 75 du Saillant I. Le Fort d'Evegnée a repéré une batterie allemande installée dans le parc de Bernalmont et il demande au poste d'observation cuirassé de Pontisse de diriger et de renseigner ses tirs sur la position allemande. Dans l'après-midi, le Fort de Pontisse exécutera quelques tirs sur une batterie allemande installée au nord de Dalhem, et le harcèlement continue sur les principaux nœuds routiers.

8. Le jeudi 16 mai 1940 au petit jour :

       Un groupe de servants de la coupole de 105 est designé pour s’installer dans la ferme THIRY, sa mission est d'observer les mouvements des Allemands autour de la ferme et du fort, mais surtout de surveiller le versant du fond de La Vaux, qui est caché aux observateurs du poste cuirassé du Fort. Des téléphonistes établissent une ligne volante pour communiquer avec le fort et les hommes emportent cinq mitrailleuses pour la défense de leur poste. Seulement, ils reçoivent l'ordre de n'intervenir qu'en toute dernière extrémité pour ne pas dévoiler leur position.

       A 9 heures : L'abri d'observation situé « aux Communes », à Cheratte hauteur, signale une colonne de 200 hommes qui se dirigent de Haccourt vers Vivegnis. Le Fort de Pontisse accroche cette colonne par des tirs de la coupole de 105. Des groupes de travailleurs allemands se détachent en direction d'Oupeye et à la lisière du bois de Pontisse, les renseignements fournis par les postes d'observation de la prise d'air, de la ferme et de l'observatoire cuirassé du Fort concordent et les coupoles leur livrent une véritable chasse.

       A 14 heures 30 : Des fantassins allemands s'avancent sur la route de Hermée, le poste de la ferme Thiry demande à pouvoir intervenir, mais on leur répond de ne pas bouger, c'est la coupole du Saillant I qui se charge de cette besogne.

       A 19 heures 30 : Une troupe d'infanterie allemande débouche au pont de Haccourt et vient vers le sud en suivant le canal, le fort règle ses tirs qui se poursuivent jusqu’à la nuit tombante sur ce passage.

       Le soir : Le Fort d’Aubin-Neufchâteau transmet à Pontisse un message adressé au Fort de Liège signé par Léopold Roi des Belges, qui disait « Officiers, sous officiers et soldats de la position fortifiée de Liège, vous résistez jusqu’au bout de vos forces pour défendre la Patrie, je suis fier de vous ! » Le message de sa Majesté le ROI a été diffusé sur les antennes de la radio qui ajoutait encore que la population Belge toute entière exprime sa plus grande admiration aux héros qui dans les Forts de Liège, résistent à outrance à tous les assauts de l’envahisseur. Suite à ce message le moral du Fort est bon. Certains de nos soldats vont même pousser la chansonnette, il serait même question d'aller « pendre son linge sur la ligne SIEGFRIED »

9. Le vendredi 17 mai 1940

       Le bombardement qui avait cessé la veille reprend à une cadence assez lente. Barchon est attaqué par les avions qui lâchent leurs bombes en piqué. Le chef de poste, installé dons la ferme Thiry, donne des indications précises à la coupole de 105 pour procéder au déclenchement des tirs fusants au bon moment. De son côté, le Fort d'Evegnée procède par des tirs identiques. Touché par les éclatements de ce tir croisé, un STUKA est abattu, il s'écrase à proximité du Fort de Barchon. Après le S.O.S. lancé par Barchon, toutes les coupoles de Pontisse exécutent des tirs de dégagement dans les fossés et à la limite nord du Fort de Barchon, ainsi que sur la route de Housse.

       Vers midi : La liaison téléphonique, avec Barchon, est coupée, pour communiquer, il reste le lancement des fusées et la télégraphie sans fil.

       Après-midi : Un avion de reconnaissance allemand survole le Fort à basse altitude et peu après, le bombardement reprend avec violence, les obus de gros calibre martèlent le toit du Fort, les coups assourdissent et on sent même le souffle des déflagrations. Les petits canons de campagne allemands sortent du bois des Trixhes, et ils se camouflent sur la crête de La Vaux pour tirer sur les défenses du Fort. Des obus plus petits arrivent à grande vitesse sur leurs objectifs. L'observateur de la ferme Thiry et celui de la prise d'air guident, au mieux, les coupoles du Fort qui répliquent et pour le Saillant IV, qui n'a pas de vue directe, c'est le poste d'observation cuirassé qui dirige ses tirs. La coupole du Saillant III est détruite et deux hommes sont gravement atteints, le chef de poste fait savoir qu'un obus a traversé la coupole et il l'a réduite en ferraille. Quand le médecin arrive sur place, le premier homme est mort, quant au second, il est transporté à l'infirmerie mais il décède sur la table d'opération. Ce sont le soldat milicien HEUSY et le soldat rappelé BAJARD. BAJARD était un soldat d'un autre régiment, qui avait rejoint le Fort de Pontisse ne sachant pas où retrouver son unité. Quant aux blessés, les soldats BRITTE et HELLIN, ils sont soignés à l'infirmerie. Le Fort de Barchon a signalé qu'une batterie allemande, qui tirait sur Pontisse, était probablement située à Wandre, mais tous les efforts pour la découvrir sont restés vains.

       A 19 heures 30 : C'est le poste d'observation cuirassé qui est touché. Un obus de 88 allemand a traversé le blindage, et les observateurs ont dû battre en retraite. Au milieu de la nuit, les hommes du poste installé à la ferme Thiry ont pris les dispositions pour installer des obstacles sur lesquels les Allemands doivent buter en cas d’intrusion nocturne. Soudainement, l'homme qui assurait la garde entend des bruits de bottes au rez-de-chaussée. Ce sont effectivement des soldats allemands qui visitent la ferme, mais ils s'en iront sans avoir trouvé nos soldats belges installés aux différents étages.

10. Samedi 18 mai 1940 :

       A peine le jour est-il levé, que le bombardement qui s'était interrompu durant la nuit, reprend avec force et vigueur. Les obus de 88 des fameux canons allemands pleuvent sur le Fort de Pontisse. Qui plus est, les Allemands s'aperçoivent de la présence des soldats belges, qui observent depuis la ferme Thiry. Aussitôt ce poste est pris pour cible, plusieurs tirs en rafale ponctués par les obus de 88 balaient la toiture de la ferme. Mitrailleuses et appareils téléphoniques sont basculés, plus de communication avec le Fort. L'infanterie allemande surgit aux débouchés d'Oupeye, elle est accueillie par les salves des obusiers de 75 qui fonctionnent encore et par le tir fusant de la coupole de105. Le Saillant IV intervient contre les troupes allemandes rassemblées en bordure du Bois de Pontisse. Le Saillant I reçoit un coup qui bloque son fonctionnement, on essaye de suite de réparer.

       A 10 h 30 : Il ne reste plus qu'un seul obus à la coupole de 105, un officier et un sous-officier artificier sont désignés pour la faire sauter dès qu'elle aura tiré son dernier coup. Le Fort est fortement ébranlé par les bombes des avions allemands qui viennent encore s'ajouter au pilonnage terrestre. Soudain, une terrible déflagration, c'est la coupole de 105 qui vient de sauter. La prise d'air est également engagée contre l'infanterie allemande qui parvient à s'installer au-dessus de l'abri. Au bout d'une demi-heure, l'officier de tir voit une forme humaine qui se laisse glisser le long d'une corde pour attaquer l'embrasure de la prise d'air, aussitôt, l'officier abat cet intrus d'un coup de pistolet. Le Saillant IV tente plusieurs tirs à courte distance pour dégager la prise d'air, mais il n'a pas de vue sur cet objectif et les tirs sont dispersés. Il y a déjà une heure que les avions viennent bombarder le Fort, quand un coup plus violent que les autres ébranle les murs. Une bombe est tombée à l'aplomb de l'escalier qui conduit à l'étage du bas, une deuxième bombe qui viendrait frapper sur la gorge du massif couperait tout accès vers la sortie. La coupole du Saillant IV balaie les environs avec ses boîtes à balles. La prise d'air voit surgir les assaillants à l'embrasure avec des lance-flammes, aussitôt, c’est le « branlebas » les soldats belges évacuent et à peine la porte blindée refermée, les lance-flammes attaquent. Sous l’action de la chaleur, les munitions spéciales, balles traçantes et incendiaires ainsi que quelques grenades restées dans le local, explosent littéralement. Après la déflagration, des épaisses fumées envahissent la prise d’air.

       Par précaution, la ventilation est coupée mais l’officier entend les appels venant du Saillant IV, les servants sont menacés d’asphyxie, ils demandent que l’on rétablisse le système de ventilation. Les fumées se répandent dans tout le Fort et les soldats de Pontisse sont pris aux yeux et à la gorge. C’est à un point tel que, même cinq jours plus tard, nourriture et boissons resteront imprégnées de cette odeur. Un S.O.S est lancé au Fort de Barchon, mais il semble que l’appel ne soit pas reçu. Barchon ne répond plus, les tirs venant de ce Fort ont cessé depuis midi. Tous les efforts pour réparer la coupole du Saillant I sont restés vains, d’autant plus que les bombes lâchées par les avions ont encore aggravé le blocage. Alors, est donné l’ordre aux artificiers de la faire sauter. La liaison avec la poterne d’entrée est coupée, la situation s’aggrave. Seule la coupole du Saillant IV mène encore la vie dure aux assaillants et aux pièces de l’artillerie allemande située en bordure du Bois de Pontisse, mais ses munitions s’épuisent, il ne lui reste plus que 30 obus et boîtes à balles. Pour les coffres de défense, la situation devient insoutenable, on ne distingue rien à cause des fumées, et quand les fusils mitrailleurs veulent intervenir, des pièces lourdes installées sur le glacis tirent à bout portant sur les embrasures où les Allemands attaquent aux lance-flammes. Depuis la galerie, les soldats du Fort entendent des bruits de travaux : les Allemands sont en train de placer des mines. Des assaillants installés, à cheval, sur la caponnière tentent de répéter le coup de la prise d’air. Des mitrailleuses sont installées pour prendre la galerie en enfilade. Le Fort de Pontisse est acculé, il a épuisé tous ses moyens de défense. Le Saillant IV, seul en état de tirer, épuise ses dernières munitions

       A 13 heure 45 : Le drapeau blanc est présenté à l’entrée du Fort. Le Fort de Pontisse s’est rendu à l’extrême limite de ses forces. Après la chute du Fort de Pontisse, les Allemands n'en croyaient pas leurs yeux, étonnés qu'ils fussent du peu de perte subie par la garnison, en plus, ils croyaient que le fort était doté d'un système de télécommande, au vu de la rapidité et de la multiplicité de ses tirs. Un lieutenant allemand s'écriera même « DAS IST BRAVE SOLDATEN ». Ils accordèrent aux soldats de Pontisse le droit de pouvoir enterrer leurs deux morts au combat et ils rendront les honneurs militaires à ces deux combattants. Ensuite, ils feront évacuer les soldats belges blessés et malades, et ils vont également évacuer le major allemand qui commandait les troupes d'assaut. Cet officier supérieur a eu la jambe broyée par un obus et c'est un médecin belge qui lui avait donné les premiers soins. Les Allemands permettront au major SIMON, commandant du IIème groupe et au capitaine PIRE, commandant du Fort de Pontisse de conserver leurs sabres.

11. Prisonnier de Guerre en Allemagne le 18 mai 1940 :

       Nous avons dû aller jusqu’à Houtain St Siméon à pied, le lendemain départ toujours à pied vers Maastricht de là nous avons été mis dans des wagons à bestiaux en direction de Bochum en Allemagne. 1er camp de prisonnier nous y resterons trois jours. Nous remontons dans les wagons à bestiaux vers l’Autriche à Tauplitz notre premier Stalag 17 C.

12. Correspondance de guerre 40-45 :



       Voici le petit village de Tauplitz ou par un dimanche ensoleillé (16 juin 1940) nous sommes débarqués. C’était notre premier petit camp de travail. Juges si nous avions été émerveillés par les montagnes dont tu vois ici une belle vue. On était à peine installés qu’on croyait déjà retourner. Que de bobards on nous a servi mon Dieu et nous gobions tout.

       Le petit sentier que tu vois à gauche près de la petite hutte à l’avant plan conduisait à notre baraquement qui se trouvait à ½ heure du village. C’est de ce sentier que nous avons fait la route ou nous avons travaillé pendant des mois et qui s’appelle maintenant « Belgisesche Strasse » c.à.d. la route des belges.

       Le premier fermier où j’ai travaillé pendant quelque mois avait sa ferme à droite de cette route. Tu vois ici cette hutte et les terres lui appartenant et ou j’y ai travaillé si souvent. Le village est à 800 mètres d’altitude, le Grimming à 2350 mètres notre baraquement à 1100 mètres et Tauplitz (c.à.d.) les Alpes à 1640 mètres.

       Tauplitz et le Grimming sont très connus par tous les touristes. Les Alpes donc se trouvent face à face du grimming. Tauplitz se trouvant entre les deux. On ne voit pas ici ces belles montagnes magnifiques pour skieurs nous y étions distant de notre baraque de 2 ½ heures.

       Le 7 Juillet 1940.



Photo faite à Tauplitz


Avec les fermiers de Tauplitz

       Schladming le 25 décembre 1940

       Noël au camp ! Journée qui pour nous éveille tant de souvenirs, mais qui nous laisse infiniment tristes et abandonnés dans ce petit patelin perdu en Autriche ! Pour moi la vie s’est arrêtée depuis le jour fatal de la guerre, et reprendra au moment tant attendu ou je reverrai tous les miens.



       Et voici Schladming ; notre deuxième Kommando, nous n’étions guère ici aussi bien qu’à Tauplitz, adieu les bons repas chez les fermiers. Nous sommes restés de Noël 1940 jusqu’en avril 1941. Nous avons connu là-bas un rude hiver. Commune de 2000 habitants et située entre les montagnes. A proximité se trouvait le Dachtien haute de 3000 mètres et dont les pointes sont éternellement recouvertes de neige. Beaucoup de touristes aussi en hiver, course de ski. Notre camp se trouvait à 1 ½ km du village et du coté opposé au fond de la carte. La aussi nous travaillons à une route qu’on ne voit pas ici. Le village se trouvait à 40 km de Tauplitz. Après cela nous sommes allés à Donnersbacht, plus rapproché de Tauplitz (15 km) nous sommes restés là-bas de Pâques 1941 jusqu'au 8 juin 1941. Là-bas nous étions sensiblement mieux. Le 8 nous sommes de nouveau allés à Tauplitz, nous y avons été mieux que jamais. Nous y sommes restés jusqu’au 19 octobre 1941. Puis nous sommes embarqués sur Jundenburg où nous sommes maintenant.

       Le 3 mars 1941



Ils travaillent à la route des belges.


Les prisonniers rentrent du travail

       Le 6 mars 1941



Une partie de notre groupe.

       Le 12 juin 1941



Photo faite alors que nous étions toujours à Donnersbach.

       Le 12 avril 1942



STALAG XVIIIA

       Le 7 juin 1942



       Et voici un paysage tyrolien contrée voisine de la notre, qui y ressemble beaucoup au point de vue paysage. Ici le costume national est encore plus bigarré les plus voyantes couleurs s’harmonisent. Les hommes sont en culottes courtes en cuir. Dans les villes les hommes s’habillent comme en Belgique et encore beaucoup conservent la tenue steyrische qui est d’ailleurs très joli surtout chez la gente féminine.

       Judenburg le 13 juillet 1942



       Ici se trouve JUDENBURG et les usines Styria dont tu aperçois les cheminées. Village plus grand, plus moderne et plus populeux (8000 habitants). Ici la mode Viennoise est un peu plus suivie, le dimanche bien entendu car en semaine le costume est encore fort porté. Pour moi c’est tout un autre genre de vie à laquelle d’ailleurs je me suis très vite adapté. Je vais à mon travail comme quand j’étais à la FN, je travaille de 6 à 14 heures et ai de ce fait beaucoup de loisir. Pour manger, ça ne vaut pas Tauplitz et ses fermiers, mais enfin je m’en tire bien avec les colis que je reçois. Bref je ne m’y amuse pas plus mal j’espère que se sera le dernier Kommando avant le retour. Je dois t’avouer que j’ai beaucoup d’espoir de te revoir bientôt c.à.d. cette année et que ce sera avec la Victoire. Judenburg se trouve au-delà du pont à gauche notre camp est opposé à la vue de cette photo et à ½ heure de l’usine.

       Le 14 septembre 1942



Avec ma clarinette

       Le 4 octobre 1942



       Les quatre amis à mes cotés sont ceux qui travaillent dans le groupe à coté du mien. Remarque la coquetterie de nos trois copains chemise Lacoste, cravate, pantalon de fantaisie et tout à l’avenant.

       Le 1 novembre 1942



       Voici un groupe d’excellents copains, la plupart de notre ancien Kommando de Tauplitz. Aujourd’hui vrais temps de Toussaint l’après midi a été consacré à faire des frites ! Ce matin lecture de la messe et chemin de croix.

       Le 9 novembre 1942



       Nous exécutons ici le cheeck end trio morceau redemandé à toutes nos soirées. Nous préparons une belle soirée de Noël et Nouvel An. Le Jazz Hot y sera représenté. Nous répétons dès maintenant en quatuor de Jazz. Batterie, trompette, accordéon clavier et clarinette.

       Le 14 décembre 1942



       Et voici un beau groupe des Anciens de Tauplitz. Nous formons toujours une bonne camaraderie et attendrons patiemment. Tout à une fin, même la captivité.

       Le 20 décembre 1942



       Et voici le comité de notre groupe de réunion de prières. Chaque dimanche nous nous réunissons une heure et nous rendons à Dieu le culte qui lui est dû. Bientôt Noël, le troisième en captivité. Plusieurs chambres auront leurs crèches et le sapin de Noël garni comme l’an dernier. Nous nous efforçons malgré tout, d’animer la triste vie de captif de tout nos copains en leur rappelant leurs devoirs religieux, car ici c’est à lui seul que nous pouvons confier nos peines et nos soucis lui dire aussi nos espoirs et lui demander de garder les nôtres en bonne santé jusqu’à notre retour.

       Noël 1942



J’espère que le prochain c’est en famille que je le passerai.


       Voici comment s’habille les enfants, costumes bien local et qui ne manque pas de charmes, les couleurs étant très chatoyantes et toujours harmonieuse. Remarque le pantalon du petit avec les bretelles. Il n’est pas étonnant ici de voir les hommes même jusqu’à soixante ans porter cet ensemble, c’est très original.

       Le 8 février 1943



       Ici pas de grand changement, l’hiver se termine, la température n’est pas rigoureuse, on peut de nouveau se promener le dimanche par groupe. Nous avons l’espoir de voir la fin de la guerre cette année.

       Le 8 mars 1943



       C’est l’avenir que nous regardons, l’avenir merveilleux qui bientôt s’ouvrira devant nous et nos regards vont au-delà de l’horizon, vers le patelin, le sol natal vers les visages aimés.

       Le 4 juillet 1943



       Tu me demandes des nouvelles de mes copains. Mais oui j’ai toujours de très bons amis avec lesquels je m’entends à merveille. Ils ne sortent pas beaucoup le dimanche et comme moi ils ont le cafard à chaque sortie. Tu ne peux t’imaginé les tentations sont aussi nombreuses ici qu’en Belgique beaucoup de jeunes filles russes travaillent ici et se promènent le dimanche.

       Le 21 juin 1943



Photo prise lors de l’arrivée des colis de la croix rouge.

       Le 4 juillet 1943



        Tu me demandes ma ration de pain. Nous recevons tous les soirs 330 gr de pain, trois fois par semaine ¼ kg de margarine. Nous avons aussi souvent du fromage et de la marmelade. Bref je ne meurs pas de faim.

       Le 9 août 1943



       Je suis ici avec quelques amis de Tauplitz car nous sommes restés de bons copains. Nous commençons aujourd’hui à disposer de la cantine pour nos soirées car le temps fraîchit trop fort à l’extérieur.

       Le 10 septembre 1943




       Les copains que tu vois sur ces photos sont ceux préposés aux services intérieurs du camp (infirmerie, cuisine, conserve etc…)

       Le 1er janvier 1944



       Photo prise pendant le chant du cantique « ce n’est qu’un au revoir mes frères » Cérémonie de Toussaint aux prisonniers (français) décédés en captivité.

       Le Jazz de la VICTOIR. Mais pour les Allemands le Jazz à Victor (Dumoulin) notre chef d’orchestre.



Nous fûmes rapatriés le 7 juin 1945.

Nicolas L’Hoest.



Un dernier hommage à Nicolas L’Hoest

       Voulant te rendre un solennel hommage, la fédération des anciens combattants me chargent de te dire un suprême adieu.

       Qu’il me soit permis cher Nicolas, de rappeler quelques épisodes de ta vie trop brève et pourtant si bouleversée.

       Tout le monde est unanime pour louer la droiture de ton caractère, le sérieux et la noblesse dont tu étais emprunt. Déjà sur nos vieux banc d’école ta psychologie sérieuse, ta mine intelligente, ton travail ardu impressionnaient tes maîtres et tes compagnons plus insouciants. Toujours ont te citait en exemple et dieu semblait te destiner un avenir prometteur des plus laborieux. L’âge et l’acquisition facile des connaissances aidant, tu quittas l’école familière du village pour te perfectionner au contact de professeurs spécialisés qui te louèrent également ton zèle, ton application, tes éminentes qualités ainsi que ta volonté ardente qui animait tes actions. Tu réussis partout brillamment faisant la joie et le bonheur de tes braves parents qui admiraient l’adolescent et chérissaient encore plus ardemment le fils modèle source de tant de fierté paternelle.

       Trop vite, hélas s’écoulent les années de jeunesse, te voilà en pleine force et le pays t’appelle par la voix de l’armée. Le Fort de Pontisse te reçoit et t’instruit, là encore, tes chefs et tes compagnons d’armes t’admirant et louent le soldat d’élite, qui rend service à tous avec un dévouement digne des plus haute éloges.

       Le service militaire achevé et libéré de toute entrave, tu vas enfin pouvoir penser un peu à toi, fonder un foyer à ta guise et façonner un nid où tu vivrais une longue vie calme et heureuse en faisant le bonheur de tous. Mais hélas, le sort en décide autrement : Septembre 1939 fut le début annonciateur d’une suite de cruelles épreuves… Déjà la mobilisation sonnait le rappel des forces, tu dus rejoindre la forteresse, abandonner les tiens et la douce vie de famille.

       Puis ce fut plus terrible encore, l’affreuse guerre dévastait le pays ; comme tant d’autre, tu connus alors des heures angoissantes et cruelles, car la mort fauchait partout autour de toi, des amis ardents au combat tandis que les barbares teutons nous débordaient en broyant tout et ne semant que ruines et désolations sur leur passage. Malgré le carnage infernal des hordes nazies, en bon et vaillant soldat belge, tous comme tes grands frères de l’Yser, tu tins bon sous la mitraille.

       Hélas, tant d’héroïsme ne servit guère contre le boche armé jusqu’aux dents. Le vainqueur nous écrasa sans pitié et ce fut alors le terrible exode. Prisonnier désarmé, sans force, ni défense, tu fus trainé, telle une bête de somme, à travers ce pays cent fois maudit.

       Là-bas, dans cet odieux Stalag, pendant des jours et des nuits, tu connus les tourments moreaux et physiques les plus affreux qui minèrent, traitreusement tes forces et ta santé. Car, ami si tu nous quitte à 38 ans, il faut en rechercher l’origine dans ces cinq années de captivité.

       Oui, c’est là dans cette terre honnie, qui est la source de l’immense malheur qui nous frappe aujourd’hui si cruellement par ta perte irréparable.

       Je pourrais m’arrêter, mais avant de te conduire à ta dernière demeure, laisse-moi encore évoquer ta rentrée au village.

       Comme tu avais désiré ce jour béni qui te ramènerait dans les bras de ton épouse et de tes enfants chéris à qui tu avais si souvent manqué. Par un jour ensoleillé de juin, tu arrivais enfin au Fragnay. Ton cœur battait à se rompre. Quelle joie de serrer des êtres aimés contre toi. A l’approche de ta petite, de grosses larmes perlaient pendant que tu contemplais ses yeux noirs et brillant tu murmurais « Quels beaux yeux, quelle chevelure d’ange » et dire qu’à peine plus de cinq ans se sont écoulés et déjà il faut quitter, abandonner pour jamais ces trésors de tendresses. Quitter tout, ces orphelins qui t’appellent en crient : papa ! papa ne t’en va pas ! Papa reste près de nous ! Nous avons encore si besoin de toi.

       Hélas l’implacable mort n’écoute rien, elle n’entend, ni les épouses éplorées ; ni les enfants suppliants. Elle arrache sans merci les vivants pour les étendre dans la terre humide et froide.

       Pourtant cher camarade, tu t’es éteint doucement réglant tout avec un calme imperturbable car pour toi qui fus un chrétien modèle la mort est autre chose qu’un retour au néant.

       Oui, la mort pour toi, c’est l’oubli des tourments, bien plus c’est l’entrée triomphale dans le ciel où règne le bonheur parfait et la terre éternelle.

       En attendant de ce retrouver dans l’au-delà, je te dis adieu cher Nicolas, ton image reste gravée parmi nous puisque chaque jour nous retrouverons ta personne dans celle de tes enfants qui seront élevés et éduquer dans l’honneur et le respect par ta vaillante et si noble épouse que nous plagions affectueusement.

       Ami nous te saluons en toi, le héros et le martyr de l’honneur. Le père et l’époux modèle, hélas trop tôt disparu !

       Adieu Nicolas, adieu cher et vaillant camarade.

                                                                                                         François Valoir (instituteur)

                                                                                                              Le 7 septembre 1951

 

 

 

 

 



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