Maison du Souvenir

La rafle honteuse de la police belge le 12 mai 1940.

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La rafle honteuse de la police belge le 12 mai 1940.

       Peu de Belges connaissent l’évènement scandaleux auquel pris part notre police dans les premiers jours de l’invasion allemande. Notre police, obéissant aux instructions prévues pour mettre hors d’état de nuire la « cinquième colonne ennemie », c’est-à-dire les espions renseignant l’ennemi, arrêta les sympathisants belges de l’Allemagne mais aussi tous les Allemands se trouvant sur notre territoire. Parmi ces derniers se trouvaient environ 4.000 juifs allemands ou autrichiens qui avaient fui le nazisme et s’étaient réfugiés en Belgique avec femmes et enfants. Durant les arrestations les policiers Belges donnent l’ordre aux réfugiés de prendre des vivres pour 48 h, ceux arrêtés dans la rue n’ont pas eu la chance de passer à leur appartement pour récupérer ni nourriture, ni effets personnels, qui ont été de toute façon confisqués progressivement durant les 18 jours de leur voyage comme l’atteste une liste incomplète et seule archive retraçant l’itinéraire des déportés.

       Il reste peu de traces écrites de cette rafle.

       Un de ces témoignages provient de Serge Doring, un Belge sympathisant du nazisme, qui écrivit la relation de son arrestation le 12 mai 1940 qui fut suivie d’un long voyage en train jusqu’à Orléans dans des voitures à bestiaux. Débarqués dans cette ville, les 1.200 prisonniers du convoi montèrent dans des camions qui firent d’incessants aller-retours vers le camp de Saint-Cyprien situé en bordure de l’Atlantique et des Pyrénées. Son livre, « L’école de la douleur » raconte donc cet épisode de sa vie qui se termina assez rapidement puisque, deux mois après, il fut libéré par l’autorité allemande et retourna en Belgique pour y devenir à Bruxelles un des animateurs de la radio pro-allemande qui inonda nos ondes de la propagande nazie.



       Son livre, publié vers 1941, témoigne de sa haine du peuple juif avec lequel il dut partager une vie de prisonnier dans des conditions les plus inhumaines qui soient. Sans le vouloir, cet homme d’obédience nazie, témoigna de l’absurde et, c’est en lisant son livret en ce mois de décembre 2019 qu’il m’informa de l’existence de la terrible bévue des autorités belges. Des autorités belges qui firent finalement le jeu de l’ennemi en rassemblant les réfugiés juifs allemands et en les expédiant en France. Pour en finir avec ce triste individu, disons que sa destinée ne nous est pas connue complètement. A la libération, il fut condamné à mort par contumace car il parvint à fuir en Allemagne. On ne retrouva jamais sa trace et on ne connait donc pas la date et le lieu de son décès.



       Mais revenons au camp de Saint-Cyprien. Ce camp était connu pour son insalubrité et avait auparavant accueilli des milliers de réfugiés Espagnols ayant fui Franco après sa victoire. Sur la plage de Saint-Cyprien, en février 1939, les réfugiés espagnols avaient installé des tentes entourés des 8 700 chevaux, 8 000 chèvres et 600 vaches qu’ils avaient avec eux. Seuls les blessés logeaient dans des baraques.

       Le camp était achevé en mai 1940, il était composé de treize îlots, séparé les uns des autres par une rangé de barbelés. Chaque îlot mesure 300 mètres sur 500 et comporte 28 baraques allant de 75 m2 à 125 m2, dans lequel se trouvent environ 75 hommes. On estime que 5.000 à 8.000 juifs allemands se sont retrouvés à Saint-Cyprien. Leur conditions de vie furent d’autant plus infernales que les « déportés » avaient été séparés de leur famille. Les femmes ayant été déportées dans un autre camp.

       En mai 40, les nouveaux occupants consistaient en des hommes Juifs qui avaient cru trouver refuge en Belgique. Rapidement ils souffrirent de malnutrition, de malaria, et d’une terrible épidémie de dysenterie qui survint durant l’été et qui ne reçut comme remède que du charbon « animal » obtenu en brûlant des os de bœufs.

       Un Mémorandum rédigé le 20 Septembre 1940, par d’anciens membres des Comités d’Assistance aux Réfugiés Juifs de Bruxelles et Anvers, fait état de la situation sanitaire déplorable du camp :

       Tout d’abord, la situation géographique du camp de St Cyprien ne pouvait pas être plus mal choisie. Le sol sablonneux d’une région en proie à de forte variations climatiques ne pouvait constituer un terrain favorable à l’implantation fulgurante d’une population aussi importante.

       Les baraques constituées de planches de bois léger et d’une toiture en tôle ondulée n’offrent aucune isolation, ni contre le vent et les fréquentes tempêtes de sables, ni contre le froid. Il n’y a pas de plancher, pas de lit, pas de matelas, pas même de paillasse. Les internés couchent sur un maigre lit de paille à même le sol. Sans fenêtre, ni éclairage, ni chauffage, ces abris de fortunes insalubres sont de véritables nids à microbes et maladies infectieuses, transportés par les rats, puces, poux et autres vermines qui peuplent eux aussi le camp.

       Il n’y avait qu’une citerne d’eau pour tout le camp et après un examen bactériologique de celle-ci, effectué durant l’été 1940, on constata que les eaux sont impropres à la consommation. Pourtant c’est avec cette eau-là que la cuisine préparait la nourriture et nettoyait les chaudrons servant à la préparation des repas.

       Les murs, les tables et rayons de la cuisine étaient tous construit en bois ; un bois humide et pourri, la cuisine est donc aussi infestée de vermine.

       Les internés n’avaient pour seul récipient pour nourriture, que des veilles boites de conserve et ce n’est que depuis l’été 1940 que les moins nécessiteux des internés purent acheter des couverts et de la vaisselle.

       Les latrines n’étaient souvent que des sceaux en métal sans couvercle, posés entre les baraques, à la rare exception de quelques cabinets de bois, en aucun cas plus hygiénique. De temps en temps, un peu de chlorure de potasse était distribué, seul désinfectant de ces dangereux foyers d’épidémies.

       Je me permets de vous reprendre la description que fit Serge Doring de cette épidémie de dysenterie :

       « Cette fièvre faisait s’entrechoquer les dents, ces attentes obsidionales près d’édicules haut perchés où les mouches et les odeurs tournoyaient dans le vent, ces êtres avilis et faméliques qui promenaient leur diarrhée des baraques aux latrines, ces cuisiniers qui souffraient du même mal et qui ne se lavaient pas, ces milliers de dysentériques qui geignaient sur leur couche ou essayaient de courir déculottés, une poignée de paille à la main, tout cela formait un tableau que l’on a le droit d’appeler infernal. »

       Un Mémorandum rédigé le 20 Septembre 1940, par d’anciens membres des Comités d’Assistance aux Réfugiés Juifs de Bruxelles et Anvers, faisait état de la situation sanitaire déplorable du camp : des baraques constituées de planches de bois léger et d’une toiture en tôle ondulée n’offrant aucune isolation, ni contre le vent et les fréquentes tempêtes de sables, ni contre le froid. Il n’y avait pas de plancher, pas de lit, pas de matelas, pas même de paillasse. Les internés couchent sur un maigre lit de paille à même le sol. Il n’y avait pas de fenêtres, ni éclairage, ni chauffage. Il n’y avait qu’une citerne d’eau pour tout le camp et après un examen bactériologique de celle-ci, effectué durant l’été 1940, on constata que les eaux étaient impropres à la consommation. Pourtant c’est avec cette eau que la cuisine prépare la nourriture et nettoie les chaudrons servant à la préparation des repas. Il en résulte que les chaudrons déjà rouillés contaminent la nourriture, s’y ajoute la rouille et le sable car il n’y a pas non plus de couvercles.

       Les murs, les tables et rayons de la cuisine sont tous construit en bois ; un bois humide et pourri, la cuisine est donc aussi infestée de vermine.

       Les internés n’ont pour seul récipient pour nourriture, que des veilles boites de conserve et ce n’est que depuis l’été 1940 que les moins nécessiteux des internés ont pu acheter des couverts et de la vaisselle.

       Les latrines ne sont souvent que des sceaux en métal sans couvercle, posés entre les baraques, à la rare exception de quelques cabinets de bois, en aucun cas plus hygiénique. De temps en temps, un peu de chlorure de potasse est distribué, seul désinfectant de ces dangereux foyers d’épidémies.

       85% des internés furent donc atteints de dysenterie en août 1940. A la même époque, une épidémie de typhoïde entraîna l'hospitalisation de 112 malades à l'Hôpital St-Louis de PERPIGNAN. 17 moururent en moins de trois semaines. Une vaccination anti typhique fut pratiquée à partir du 22 août seulement.

       Peu de temps après, 150 internés furent atteints de malaria qu'un manque important de médicaments ne permit pas de soigner convenablement.

       Un rapport des médecins établit que les eaux utilisées dans le camp étaient polluées par des colibacilles d'origine fécale. La nappe d'eau souterraine était en effet en communication directe avec des nappes liquides stagnantes situées sous les urinoirs et les latrines !

       Il devenait extrêmement urgent d'évacuer les internés mais il fallut les graves inondations qui envahirent le camp à partir du 16 octobre pour précipiter le mouvement.

       Le camp fut fermé le 30 octobre 1940.

       Les autorités françaises envoyèrent alors la plupart de ses occupants à Gurs. (3870 internés de ST-CYPRIEN arrivèrent en effet à GURS entre le 29 et le 31 octobre 1940)



Source : Wikipedia

Wilhem Byk témoin précieux du camp de Saint-Cyprien

       Le malheur de ces déportés ne prit pas fin car en 1943, la plupart furent emmenés en Allemagne et exterminés dans les chambres à gaz. Bien peu eurent la chance de Wilhem Byk (Plus qu’un nom dans une liste), qui survécut et put témoigner de son calvaire :

       « C’était en février 1939 que j’ai quitté illégalement l’Autriche pour chercher comme Israélite un refuge en Belgique. Arrivé en Bruxelles, j’ai cru d’être sauvé du nazisme tyrannique. Le 10 mai 1940, le jour de l’attaque allemande contre la Belgique j’ai été évacué en France. Dès mon arrivée en France j’ai été mis au camp La Foga pour quelques jours et puis transféré à St Cyprien, près de Perpignan. Bien que je sois Israélite, j’avais la nationalité autrichienne et par conséquent reconnu comme Autrichien.

       La vie à St Cyprien était la plus primitive. Le jour malheureux de l’armistice arrive, tous les citoyens allemands et autrichiens ont été mis en liberté mais nous les juifs sont restés dans des camps et plus encore notre captivité ne devait que commencer. En effet le gouvernement de Vichy nous traitait comme de vrais prisonniers des gardiens spéciaux ont été envoyés pour nous surveiller. La chaleur était grande, la nourriture mauvaise, il n’y avait pas un lit à notre disposition il a fallu se coucher pendant longtemps sur le sol ou sur un peu de paille. Le nombre des vermines était effrayant. La fièvre typhoïdique et la malaria sont devenues des maladies quotidiennes. Les milliers de mes coreligionnaires ont payé avec leur vie cette épreuve terrible. C’étaient surtout les jeunes qui étaient les plus enclins à ces maladies mortelles. En juillet 1940 nous étions à peu près 7 000 Israélites à St. Cyprien. Les survivants de ces 7 000 ont été transférés dans des wagons à bestiaux aux camps de Gurs et Argelès. En arrivant à Gurs j’ai rencontré beaucoup d’autres malheureux. J’étais en ce moment ensemble (avec) mes père et frère. Ayant cru que ma souffrance serait terminée je me suis trompé. Ces souffrances, ces privations sont devenues toujours plus grandes et plus grandes. D’une part le froid était fort, d’autre part la faim était insupportable. Tous les jours des morts de faim et froid. Aujourd’hui le tour était à l’un, demain à l’autre. Lorsqu’on voyait les enterrements en masses on se demandait dans son malheur et misère – Est-ce que le tour prochain sera-t-il le mien ? Des milliers de juifs ont payé l’internement à Gurs seuls avec leur vie, il n’était pas possible de résister à ces souffrances. Le matin un quart de café, vers 11 h. la ration de 250 g de pain minutieusement pesé. Le menu était presque toujours pareil, une soupe, de l’eau contenant quelques feuilles de choux ou de citrouilles et topinambours comme légume ont été servis à midi. Le repas du soir était pareil à celui de midi. Il y avait une petite cantine où on pouvait s’acheter des fois des dattes ou des figues mais il fallait avoir de l’argent.

       Aucune réclamation des internés n’a été acceptée par le chef d’îlot. Chaque suggestion était vaine. Les îlots étaient tous pleins. Une grande partie des internés sont devenus infirmes la peur de mourir de faim a eu des graves conséquences psychiques sur tous les malheureux. Un jour une bonne nouvelle est entendue au camp nous aurons la possibilité de quitter Gurs. En effet quelques jours après un convoi de plusieurs centaines (de) personnes a été formé dans le but de les envoyer au Centre de Récébédou. En quittant Gurs j’avais la conviction d’avoir survécu (à) l’internement. On nous disait qu’un centre d’accueil avait été établi à Récébédou, c’est un fait qu’il n’y avait pas de baraquements à Récébédou mais à part cela la misère du camp était la même. Une cuisine générale faisait les repas pour plus de mille personnes – pour le peuple – une cuisine spéciale appelée « Mess » était réservée aux gardiens. Une grande partie de ce qu’il a été touché pour le peuple a été usé par cette fameuse cuisine spéciale. Pendant que les internés mouraient de faim, les gardiens ne se laissaient pas empêcher de se faire servir des pommes frites, ils avaient tout en abondance parce qu’ils prenaient nos rations. Les ordres comme : défense stricte de ne rien enlever des tinettes[1] sont caractéristiques. La faim forçait beaucoup des prisonniers de manger des épluchures des carottes et même des pommes de terre, ce qu’on avait ramassé des tinettes. Pour un morceau de pain des prix exorbitants ont été payés. On vendait tout, des costumes, des chaussures, de l’or pour du pain. Il s’agissait d’être ou de ne pas être. La volonté de rester vivant était grande, les uns voulaient encore voir leurs enfants, qu’ils avaient en étranger, les autres voulaient bien d’avoir la satisfaction de vivre un jour la défaite de l’Allemagne nazie, du nazisme.

       Presque pas un jour [ne] s’est passé sans que des enterrements avaient lieu. Malgré tout, l’administration du camp n’hésiterait pas de demander une discipline militaire ; ceux qui ne pouvaient pas la tenir ont été mis impitoyablement dans des barbelés fameux.

       L’août 1942 arrive. Il y a encore des survivants. Quel miracle ! On les ramasse, hommes et femmes dans les barbelés, on ne leur dit rien de l’avenir. Des gardiens spéciaux organisent le transport, on les compte comme du bétail et les met dans des wagons à bestiaux fermés. C’est le voyage de mort, le chemin le plus dur, qu’il faut marcher. Moi-même, j’avais la chance de pouvoir échapper grâce à l’intervention du chef d’îlot, qui m’employait comme interprète, en même temps mon père a été sauvé aussi. Mon frère se trouvait en ce moment au camp d’émigration de Les Milles et a été déporté, ainsi que ma mère se trouvant à Bruxelles.

       Quelques centaines de vieillards sont restés des milliers de nos confrères des camps. Mais pour ces vieillards le camp de Récébédou était encore trop bon paraît-il ; on leur a réservé un camp spécialement réservé pour eux : Nexon, centre de séjour surveillé. Ces vieux (de 60-80 ans) ont été jetés de nouveau dans des baraquements. La même procédure commence ; les victimes de sous-alimentation et de froid sont extrêmement nombreuses mais il y a encore des vivants. Une commission spéciale française arrive, le triage est fait, on trouve encore une centaine de transportables. C’est dommage de les laisser, on les déporte. Le petit reste était amené dans des Centres de Masseube, Villemur, Septfonds etc.

       Voilà, un grand bateau de personnes a été coulé et quand même on compte encore des survivants. J’avais la chance de pouvoir aller ensemble avec mon père à Masseube qui était au début aussi un camp de concentration. 200 vieillards ont été gardés par 40 gardiens. Après un séjour de 6 mois à Masseube, j’ai été arrêté dans la nuit du 9 au 10 septembre 1943 et amené à Noé pour être incorporé à l’organisation Todt. Quelques heures avant le départ j’ai été transféré par hasard à l’îlot libre et pouvait par conséquent échapper au convoi. A Noé même je n’ai pas rencontré des gens avancés en âge ; même ces vieux ont été amenés à Vernet[2] pour la déportation ; vieillards, femmes et enfants tous fallaient subir le même sort, je me rappelle à Mme Altmann et leurs 5 enfants, son mari est décédé à Noé, elle et ses enfants n’ont pas été libérés de la déportation.



       J’ai réussi d’être renvoyé à Masseube. En ce moment-là j’ai cru d’avoir survécu les épreuves. Une soirée, le 10 janvier 1944 vers 10 h. 10 du soir, le Centre de Masseube a été mitraillé. Des graves blessés, comme entre autres Mme Goldschmidt Emma, Mme Mann Yda ou Mme Steiner Régine devaient être transportées immédiatement à l’hôpital d’Auch. Le médecin déclarait au sujet de Mme Mann qu’elle serait perdue et Mme Goldschmidt perdrait une jambe. En effet, Mme Goldschmidt, une mère de 73 ans a perdu une jambe, Mme Mann est restée vivante mais gravement souffrante[3]. Le journal de Vichy marquait le lendemain, qu’un avion anglais aurait mitraillé le Centre de Masseube. Nous avons appris de source officielle que cet avion anglais était un avion des boches, qui a pris comme prétexte du mitraillement l’éclairage du Centre. Mmes Goldschmidt, Mann Yda, Steiner Régine sont des témoins vivants de cette barbarie, elles se trouvent actuellement au Centre de Masseube dans le Gers. Quelques mois après ce mitraillement une commission de 2 officiers allemands arrivent au Centre, ils demandaient des listes de tous les Israélites (en somme 170). Le Directeur nous déclare : il faut compter et se préparer sur la déportation. Heureusement à la dernière minute le Gers, la France a été libérée par les vaillants maquisards et les armées alliées. Les bourreaux allemands ont été chassés du pays. Grâce à ce fait historique, que nous les survivants de St-Cyprien, Gurs, Nexon, Récébédou, Noé ont eu le bonheur de voir la France libérée. Nous en remercions Dieu de tout cœur. »

                                                                                                   Lourdes, le 11 février 1945.

                                                                                                              Wilhelm Byk

Marcel Bervoets reconstitua la vie de son père Hans à Saint-Cyprien

       Il reste sans doute beaucoup à étudier sur le martyr des déportés de Saint-Cyprien et sur les rafles des Juifs allemands et autrichiens en mai 40. Il revient à un Belge d’avoir rappelé ces évènements grâce à des recherches qu’il effectua et qui donnèrent lieu à un livre publié en 2006 : « La liste de Saint-Cyprien ».



       Il s’agit de Marcel BERVOETS. Son père était Juif autrichien, ayant fui Vienne pour se réfugier à Anvers. Il avait finalement été déporté à Buchenwald où il était mort en 1945. Marcel Bervoets, né en 1941, avait été élevé par son père adoptif avec qui sa mère avait refait sa vie et portait son nom depuis 1958.

Il reconstituera le passé de son père dans les années 2.000.

Par recoupements familiaux, Marcel apprend que son père, Hans Tragholz, arrivé et domicilié à Anvers en septembre 1938, avait séjourné en 1939 dans un centre d’internement et que, le 10 mai 1940, jour de l’invasion de la Belgique par les troupes allemandes, il avait été envoyé dans un camp d’internement en France avec son frère Otto, dans le même convoi. Marcel découvre alors que ces déportations sont de la responsabilité exclusive de l’Etat belge qui, depuis longtemps, a constitué des fichiers. Et, en entente avec le gouvernement français, ces déportations ont pris la direction d’un camp au Sud de la France, à Saint-Cyprien, près de Perpignan.

       Trajet ferroviaire des convois de déportés de mai 1940 depuis Bruxelles jusqu’au camp de Saint-Cyprien

       Mais entre-temps, il y eu l’armistice, demandé par Pétain le 22 juin 1940. Vont-ils pouvoir rentrer chez eux ? Oui, sauf pour les Juifs. « Pour eux, pas de libération, pas de rapatriement ». C’est ainsi que Hans et Otto se retrouvent à Gurs d’où ils s’évadent fin décembre 1940 et regagnent la Belgique. Pour les autres, ce sera bientôt le chemin de la mort. Le 18 juin 1941, Hans TRAGHOLZ se marie avec Sonia LEIBOVITCHE et Marcel naît peu après. Arrêté cette fois par la Gestapo en juillet 1942, Hans passe par plusieurs camps de concentration avant d’être envoyé à Buchenwald où il meurt en avril 1945.

       Dans les conclusions de son remarquable ouvrage, édité en 2006, Marcel BERVOETS-TRAGHOLZ souhaite qu’un mémorial, à la charge exclusive de l’Etat belge, soit réalisé à Saint-Cyprien « afin de sortir de l’oubli les Israélites de Belgique qui ont été expulsés le 10 mai 1940 de leur rendre hommage et d’entretenir leur souvenir ». Ils étaient 4419, dont la liste exacte a été reconstituée et a donné son titre à l’ouvrage.

En Belgique, Hans TRAGHOLZ est aujourd’hui comme étant « Mort pour la Belgique ». Son fils n’accepte pas cette épitaphe : « la seule qui s’impose, dit-il, est Mort par la Belgique.

Félix Nussbaum, un artiste témoin de la vie et de la mort à Saint-Cyprien

       Un autre témoin de la vie dans le camp de Saint-Cyprien fut l’artiste peintre

Felix Nussbaum. Né en 1904, Felix Nussbaum étudie aux Beaux-arts à Hambourg et à Berlin ; lauréat de l’Académie allemande à Rome, il est pensionnaire à la Villa Massimo en 1932. L’arrivée d’Hitler au pouvoir le précipitera sur le chemin d’un exil qui, après l’Italie, la Suisse et la France, le conduit à Ostende en Belgique. Arrêté dès le 10 mai 1940, en tant que ressortissant du Reich, il se retrouve interné au camp de Saint-Cyprien dans le sud de la France. Evadé, fugitif il retourne à Bruxelles où il demeure caché, avec son épouse Felka Platek, une artiste juive polonaise. Le 31 juillet 1944, il est finalement déporté avec elle à Auschwitz et assassiné.

       L’autoportrait comme questionnement est au cœur de l’œuvre de Felix Nussbaum. À partir de 1936, il en exécute une série à travers laquelle il met en scène son identité d’artiste apatride, de réfugié politique et de juif persécuté.



Son autoportrait


La peur, autoportrait avec sa nièce Marianne, 1941.

       Cette démarche se traduit par la représentation de regards et d’expressions révélant une large gamme d’émotions, confiance en soi, orgueil, peur, distance, perplexité, désespoir, silence, effroi, paralysie créative. Il se montre en peintre, en artiste envahi par le doute, en juif partagé entre dérision et tradition.

       En 1943, au plus fort du désespoir, il réalise l’autoportrait de l’homme traqué, montrant son étoile jaune et son passeport juif.

       L’artiste reste hanté par son expérience de la captivité et place ce sujet au centre de son œuvre. Ses toiles sont parmi les très rares à projeter en peinture la terreur nazie et la menace d’extermination qui pèse sur les Juifs d’Europe.

       À partir de 1941, la guerre et la persécution dominent l’œuvre de Nussbaum, ainsi que la peur et le désespoir qu’elles engendrent. Malgré le début des déportations d’août 1942, sa femme, Felka Platek, s’obstine à rester en Belgique. Pour échapper aux rafles de la Gestapo, le couple se cache dans la mansarde d’un immeuble situé dans la rue Archimède. C’est grâce à une inébranlable confiance dans la peinture que Nussbaum trouve le moyen de résister et de conjurer la peur.



       Ses dernières toiles restituent l’attente impuissante devant la mort des juifs menacés. Squelettes piétinant un champ de ruines, claironnant la fin des temps dans les trompettes du Jugement dernier, Le Triomphe de la mort (signé du 18 avril 1944), ultime toile peinte par Felix Nussbaum, offre une vision prophétique de l’effondrement général du monde aussi bien que de la propre fin de l’artiste. Nussbaum fait ici appel à deux thèmes de la tradition occidentale chrétienne : le Jugement dernier et la danse macabre.



Le triomphe de la mort (1944)

       Le 20 juin 1944, Felix Nussbaum et sa femme sont arrêtés sur dénonciation, déportés à Auschwitz par le dernier convoi en partance de la Belgique et assassinés.

       Le 3 septembre, les Alliés entrent à Bruxelles.

 

Conclusion :

Des milliers d’Allemands, parce qu’ils étaient de confession juive avaient fui la persécution nazie et s’étaient réfugié en Belgique. Lorsque la guerre éclata, plus de quatre mille de ces réfugiés furent fait prisonniers par la police belge et embarqués dans des trains à destination de Saint-Cyprien. Le gouvernement belge avait, contre tout bon sens, considéré qu’ils ressemblaient plus à de dangereux espions qu’à des réfugiés à protéger ! La guerre donnait un prétexte facile pour se débarrasser de ces malheureux ! J’ai honte à mon pays pour cet acte barbare. Il est à espérer qu’un jour la Belgique reconnaisse l’erreur de cet acte maléfique qui devrait encore faire l’objet d’études historiques complémentaires. Beaucoup de questions restent encore sans réponse : Qui signa en haut lieu l’autorisation de cette rafle ? combien de convois partirent de Bruxelles ? Connait-on une liste complète des malheureux déportés ? Combien de femmes furent emprisonnées (il semble que les femmes furent arrêtées en moins grand nombre que les hommes et que celles qui le furent, aient été dirigées vers d’autres camps que Saint-Cyprien)?  Puissent les hommes s’éduquer continuellement à la lumière du passé pour lutter contre la barbarie tout en prenant garde de ne pas y glisser soi-même. Puissent aussi les persécutés obtenir un jour la mystérieuse réparation.

                                                                                                          Dr Loodts Patrick

                                                                                                 En ce mois de décembre 2019

 

 

Sources :

1)     Les internés juifs de Belgique à Saint-Cyprien (1940)

2)     Le camp de Saint-Cyprien

3)      Tishri 1940 : Rosh Hashana et Kippour dans le camp de Saint-Cyprien

4)     Felix Nussbaum : un peintre juif allemand à découvrir absolument

5)     Des Juifs allemands et des Espagnols internés au camp de Masseube

 

   

 



[1] Il s’agit des poubelles.

[2]Le Vernet, Ariège.

[3] Il y aurait eu six blessées dont quatre grièvement : Kamilla Khan et Emma Goldschmidt (amputées d’une jambe), Regina Steiner (blessée grièvement à la tête), Ida Mann (touchée gravement au poumon) et deux cas légers, ceux de Frieda Harburger et Clara Heinemann.



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