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Les quatre versions de la Brabançonne.

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Les quatre versions de la « Brabançonne[1] »

Nous avons extrait les passages principaux de deux précieux livrets (de l'auteur Sylvain Dupuis) à nous communiqués par une correspondante (Mme Roskam de Liège). Voici donc, dans la mesure du possible, toute l'« histoire » des quatre versions de la Brabançonne.

(...) « A la représentation de la « Muette de Portici », le 25 août 1830, l'auditoire, transporté en entendant le duo célèbre « Amour sacré de la patrie », applaudit, trépigne et au comble de l'effervescence, quitte le grand théâtre, devenu plus tard le Théâtre de la Monnaie, en appelant à grands cris le règne de la liberté.

C'est alors que Jenneval, de son vrai nom Hippolyte Louis-Alexandre Dechey (né à Lyon, le 27 janvier 1801), avec ses camarades de théâtre, s'enrôle dans la grande bourgeoisie de Bruxelles. Il s'agissait de maintenir l'ordre en attendant, du roi de Hollande, la réponse aux vœux exprimés par la population belge excédée.

Le 27 août, Jenneval composa une chanson imprimée par Jorez (rue au Beurre). Primitivement elle était intitulée « La Bruxelloise »; le titre en fut changé, Jorez ayant fait observer à l'auteur qu'il existait déjà une pièce du même nom. Cette chanson devint « La Brabançonne ».

PREMIÈRE VERSION

Voici les premiers couplets qui furent insérés dans le « Courrier des Pays-Bas », le 7 septembre 1830. Ils s'adaptaient sur le n° 76 de la clef du caveau, timbre sur lequel se chantait la chanson d'Auguste de Pradel, en vogue à cette époque, et intitulée « Les lanciers polonais ».

Dignes enfants de la Belgique

Qu'un beau délire a soulevés,

A votre élan patriotique

De grands succès sont réservés.

Restons armés, que rien ne change !

Gardons la même volonté,

Et nous verrons fleurir l'Orange

Sur l'arbre de la Liberté.

Aux cris de mort et de pillage

Des méchants s'étaient rassemblés,

Mais votre énergique courage

Loin de vous les a refoulés.

Maintenant, purs de cette fange

Qui flétrissait votre cité,

Amis, il faut greffer l'Orange

Sur l'arbre de la Liberté.

Et toi, dans qui ton peuple espère,

Nassau, consacre enfin nos droits;

Des Belges en restant le père,

Tu seras l'exemple des rois.

Abjure un ministère étrange,

Rejette un nom trop détesté,

Et tu verras fleurir l'Orange

Sur l'arbre de la Liberté.

Mais, malheur, si, de l'arbitraire

Protégeant les affreux projets,

Sur nous, du canon sanguinaire

Tu venais pointer les boulets!

Alors, tout est fini, tout change;

Plus de pacte, plus de traité;

Et tu verras tomber l'Orange

De l'arbre de la Liberté.

Van Campenhout, enthousiasmé par la poésie de Jenneval, qu'il avait lue chez l'imprimeur Jorez, en composa la musique.

DEUXIÈME VERSION

C'est cette « Brabançonne », paroles de Jenneval et musique de Van Campenhout, que chanta le ténor français Lafeuillade, le 12 septembre 1830, au théâtre de la Monnaie.

Quelques modifications avaient été apportées au texte :

Aux cris de mort et de pillage

Des méchants s'étaient rassemblés,

Mais notre énergique courage

Loin de vous les a refoulés.

Maintenant, purs de cette fange

Qui flétrissait notre cité,

Amis, il faut greffer l'Orange

Sur l'arbre de la Liberté!

Oui, fiers enfants de la Belgique

Qu'un beau délire a soulevés,

A notre élan patriotique

De grands succès sont réservés.

Restons armés, que rien ne change!

Gardons la même volonté,

Et nous verrons fleurir l'Orange

Sur l'arbre de la Liberté!

Et toi, dans qui ton peuple espère,

Nassau, consacre enfin nos droits;

Des Belges en restant le père,

Tu seras l'exemple des rois.

Abjure un ministère étrange,

Rejette un nom trop détesté,

Et tu verras mûrir l'Orange

Sur l'arbre de la Liberté.

Mais, malheur, si, de l'arbitraire

Protégeant les affreux projets,

Sur nous, du canon sanguinaire

Tu venais lancer les boulets!

Alors, tout est fini, tout change;

Plus de pacte, plus de traité;

Et tu verras tomber l'Orange

De l'arbre de la Liberté.

(...) Après l'évacuation des troupes hollandaises, le 26 septembre, Jenneval, sous le coup de l'émotion provoquée par ces inoubliables journées, modifie une troisième fois le texte de son chant, qui fut aussi placée sur une marche de Haydn.

Le chant adopté comme hymne patriotique belge sous le titre de « Nouvelle Brabançonne » – la vraie – fut dédié aux défenseurs de Bruxelles, après la soirée où Van Campenhout chanta enfin son œuvre au milieu de l'allégresse générale, au café « Cantoni », ainsi que Jorez et nombre de ses contemporains en ont témoigné.

TROISIÈME VERSION

Voici donc la version authentique de la « Brabançonne » dans sa forme définitive, paroles de Jenneval, musique de Van Campenhout:

Qui l'aurait cru?... de l'arbitraire

Consacrant les affreux projets,

Sur nous de l’airain militaire

Un prince a lancé les boulets

C'en est fait! Oui Belge, tout change,

Avec Nassau plus d'indigne traité!

La mitraille a brisé l'Orange

Sur l'arbre de la liberté!

Trop généreuse en sa colère,

La Belgique, vengeant ses droits,

D'un roi qu'elle appelait son père,

N'implorait que de justes lois.

Mais lui, dans sa fureur étrange,

Par le canon que son fils a pointé,

Du sang belge a noyé l'Orange

Sous l'arbre de la liberté!

Fiers Brabançons, peuple de braves,

Qu'on voit combattre sans fléchir,

Du sceptre honteux des Bataves

Tes balles sauront t'affranchir.

Sur Bruxelles, au pied de l'archange,

Ton saint drapeau pour jamais est planté.

Et fier de verdir sous l'Orange

Croit l'arbre de la liberté!

Et vous, objets de nobles larmes,

Braves, morts au feu des canons,

Avant que la patrie en armes

Ait pu connaître au moins vos noms,

Sous l'humble terre où l'on vous range,

Dormez, martyrs, bataillon indompté!

Dormez en paix, loin de l'Orange,

Sous l'arbre de la liberté!

QUATRIÈME VERSION

(...) La domination hollandaise renversée, notre liberté reconquise, il semblait à Charles Rogier, homme politique intègre et dévoué, qu'il fallût à la Belgique, non plus un chant de haine contre l'étranger, mais un chant glorifiant notre nationalité, notre dynastie, notre liberté. Il préconisait un geste de réconciliation.

(...) Voici donc le texte, en arc-en-ciel, de Charles Rogier :

Après des siècles d'esclavage,

Le Belge sortant du tombeau,

A reconquis par son courage,

Son nom, ses droits et son drapeau.

Et ta main souveraine et fière,

Désormais peuple indompté,

Grava sut ta vieille bannière:

Le Roi, la Loi, la Liberté!

Marché de ton pas énergique,

Marche de progrès en progrès;

Dieu qui protège la Belgique,

Sourit à tes mâles succès.

Travaillons, notre labeur donne

A nos champs la fécondité!

Et la splendeur des arts couronne

Le Roi, la Loi, la Liberté!

Ouvrons nos rangs à d'anciens frères,

De nous trop longtemps désunis;

Belges, Bataves, plus de guerres.

Les peuples libres sont amis.

A jamais resserrons ensemble

Les liens de fraternité

Et qu'un même en' nous rassemble :

Le Roi, la Loi, la Liberté!

Ô Belgique, ô mère, chérie,

A toi nos cœurs, à toi nos bras!

A toi notre sang, ô Patrie!

Nous le jurons tous tu vivras!

Tu vivras toujours grande et belle

Et ton invincible unité

Aura pour devise immortelle:

Le Roi, la Loi, la Liberté!

Mme J. Roskam, Liège, 7151;

Calongette, Bxl, 7152;

J. Vanhese, La Louvière, 7161;

A. Raymond, Péronnes, 7144.

 



[1] Le Soir du 27 juillet 1999.



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