Maison du Souvenir

Courage et sacrifice des Belges de la R. A. F.

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Courage et sacrifice des Belges de la R. A. F.

Introduction

       Au moins 640 belges ont volé dans les forces aériennes alliées entre 1.940 et 1945. Par rapport à la population des pays alliés, ce sont les Belges qui fournirent le plus gros contingent d’aviateurs à l’effort allié sous la direction de la R.A.F. Chiffre effarant, 231 ont trouvé la mort soit un naviguant sur trois ! Cet article est un résumé du livre de R. Anthoine et J.-.L. Roba (voir source) qui nous plonge dans la vie de quelques pilotes et navigants-mitrailleurs. Il se veut être un hommage à ces hommes qui osèrent prendre tant de risques.

       Des risques qui, le lecteur le lira, commencèrent bien avant qu’ils puissent prendre leur premier envol d’un aérodrome de la R. A. F. Pour ces hommes, parfois mariés, parfois pères de famille, parfois relativement âgé, la première décision courageuse fut de décider de quitter leur foyer pour continuer la lutte. Ensuite, il y avait à effectuer le voyage hasardeux et plein de péril pour rejoindre l’Angleterre. Arrivés à destination, l’affaire n’était pas finie. Ces hommes durent souvent en effet faire des mains et des pieds, jusqu’à employer des ruses, pour être acceptés par la R. A. F. Ensuite venait l’écolage qu’il fallait réussir. Tous ces immenses efforts successifs pour finalement participer au combat aérien qui allait demander le sacrifice d’un tiers d’entre eux !  Respects !

Préalable pour comprendre quelques abréviations

P/O : Pilot Officer (correspond à sous-lieutenant)
F/O : Flying Officer (correspond à lieutenant)
F/Lt : Flight Lieutenant (correspond à capitaine)
F. T. S. : Flying Training School (Ecole de pilotage)
O.T.U. : Operational Training Unit (phase ultime d’entraînement avant le passage dans une unité opérationnelle)
P.R.U. : Photographic Reconnaissance Unit
Flak
 : Contraction de Flieger Abwehr Kanonen (artillerie antiaérienne allemande)
Mae West : gilet pneumatique de sauvetage en mer porté sous les sangles du parachute et appelé ainsi en similitude avec les formes de l’actrice américaine
Oujda : aérodrome français au Maroc ou en mai/juin 40 se replièrent les élèves pilotes de l’école de Wevelgem de l’aéronautique de l’armée belge ainsi que les avions de la Sabena. Sur le millier d’hommes du camp, une centaine était des pilotes dont beaucoup aboutirent en Angleterre.

André Cantillon, pilote de reconnaissance sur Spitfire bleu



Jean Cantillon dans son Spitfire de reconnaissance

       André est né à Wavre en 1920. Son père, employé aux chemins de fer avait fait la Grande Guerre. Le jeune homme, faisait partie de Wavre-Sports puis de Vilvoorde R.F.C... Le 27 juin 39, ayant réussi un concours d’admission, André devint commis aux écritures à l’Office des chèques postaux. Une vie calme et sans doute heureuse s’annonçait pour ce jeune homme très pondéré, mais c’était sans compter sur la guerre qui allait déchirer l’Europe. Peu après avoir débuté dans sa vie professionnelle, André est appelé sous les drapeaux comme milicien et est incorporé à la 7ème escadrille du 4ème groupe. Ayant admiré les pilotes de son escadrille, André veut suivre leurs pas et se présente à l’examen d’entrée de l’école de pilotage. Il réussit cette épreuve et se retrouve au centre d’instruction de Zellick. En janvier 1940, il continue sa formation à Gosselies sur Avro 504 N.Le 10 mai, la guerre éclate et deux jours plus tard, les cadres et élèves-pilotes de l’école ont réussi à évacuer en France. Le 31 mai, on les retrouve au Maroc à Oudjamais, fin juin, la France arrête la lutte. Que font faire les militaires Belges dans cette situation ? Le capitaine Franz Burniaux, chef moniteur, décide de rejoindre le Congo belge d’où il rejoindra la South Africain Air Force. Certains rentrent en Belgique, d’autres tentent de rallier l’Angleterre comme André, sans doute guidé par son patriotisme.



Le commandant Cajot à Temby

       Le 3 juillet 1940, son groupe d’élèves, sous le commandement du capitaine Cajot, un ancien de la Première Guerre Mondiale, a pu rejoindre, via Casablanca, Gibraltar. Les Belges n’ont plus qu’à s’embarquer sur le David Livingstone pour l’Angleterre. Le 14 août, on retrouve André au centre d’entraînement d’Odiham au sud-est de Londres. Le capitaine Robert Cajot deviendra le commandant de la section belge de l’école de pilotage franco-belge qui y sera créée. (Après fermeture de cette section, il dirigera le dépôt des forces aériennes belges en Grande-Bretagne).

       Pierre Halet, ancien d’Odiham, navigateur belge, se souviendra de l’élève-pilote André  Cantillon comme un camarade très calme, très serviable et surnommé « Mouk » à cause de sa mèche blonde. André poursuit sa formation de pilote.



L’avion d’entraînement Magister

       Il vole sur Magister avec son moniteur, le comte Jacques d’Ursel  (Ce dernier disparaîtra en Halifax dans la nuit du 6 au 7 août 1942 dans un vol sur Duisbourg). Le 14 mai 41, André a terminé sa formation de pilote et est désigné pour un perfectionnement au 5(S) F.T.S. de Ternill sur l’avion Master puis sur le Hawker Hurricane. Le 17 août, il est muté au 61.O.T.U. à Heston et vole sur Spitfire. Le 30, pilote accompli, il est désigné pour le Squadron 74 sur le terrain de Llandbedt en Ecosse. Il débute par un crash mais effectue ses premières missions de guerre sans encombre en escortant plusieurs convois. Début novembre, André est muté au 1486 Target Towting Flight à Valley où il vole sur Spitfire II et sur Westland Lysander, tracteur de cibles. Finalement, il est versé au 1.P.R.U., une prestigieuse unité de reconnaissance photographique sur des Spitfire P.R.U. dont l’armement a été supprimé au profit de réservoirs de grande capacité pour leur permettre des vols sur longue distance. Les Spitfire P.R.U. se distinguent aussi par le poli de leur revêtement qui améliore leur vitesse de fuite devant leurs poursuivants. Ces avions sont peints en bleu-roi pour la haute altitude et en rose-bonbons pour la reconnaissance à basse altitude. Ils emportent des caméras.

       Cantillon effectue une reconnaissance, le 8 mars, des voies ferrées d’Hirson, Mézières, Valenciennes puis, le 13 mars, sur Hamburg en Allemagne et le 23 mars sur Kassel et Leipzig. Le 26 mars, mission sur Paris. Le 13 avril, il vole plus de cinq heures pour atteindre le 23ème parallèle et y photographier les navires ennemis, le Tirpitz, Prinz Eugen, Admiral Scheer et le Hipper. Le 18 avril, il repart pour la Norvège et survole Trondheim. Le 26 avril et le 28, nouvelles missions au-dessus de la Norvège qui se renouvelleront encore jusqu’à la fin du mois de mai. En juin 42, la menace des grandes unités navales ennemies s’estompent et André peut se reposer de ses vols de reconnaissance très fatigants. (Des vols de plus de cinq heures dans un étroit cockpit, les poumons soumis en permanence à l’oxygène glacé des bonbonnes et les nerfs soumis à rude épreuve par les tirs de la Flak).



Le Tirpits


Le Prinz Eugen


L'Admiral Scheer


Le Hipper

       Le 10 juin, André survole encore le Tirpits à l’ouest de Trondheim. Nouvelle mission le 28 puis le 6 juillet. Parmi les missions de juillet, on note un grand périple sur la France.

       Le 17 août, il est en mission en Allemagne du nord. Ce jour-là il se heurte pour la première fois et, hélas pour la dernière fois, à la chasse allemande. Un  FW-190-A3 piloté par un jeune aviateur, le sergent Heinz Born, parvint à le rattraper et à abattre son avion désarmé, le Spitfire MK. IV bleu, lettre X, série AA.814. L’appareil s’écrase à Süderoog Sand au nord de l’estuaire de l’Elbe. Born, le vainqueur, fera l’objet d’un reportage photographique au retour de cette mission. Il paraîtra dans le périodique de la Luftwaffe. Mais la gloire de Born sera de courte durée puisqu’il sera lui-même tué à Hamm, le 22 avril 1944, lors d’un engagement avec des avions de chasse américains. Août 42 aura été un mois noir pour le 1. P.R.U. qui voit la disparition de huit de ses avions de reconnaissance et la destruction d’un neuvième en Angleterre. Un de ces avions tombera en Belgique, celui du F/O Eric Harris à Seraing.



Spitfire (photo du Net)

       Le 23 août, l’attaché militaire belge en Grande-Bretagne, le lieutenant-colonel Louis Wouters se rendra dans la base de Benson et entendra le commandant du 1.P.R.U. lui faire l’éloge du pauvre pilote abattu. Pourquoi Cantillon avait-il choisi la reconnaissance plutôt qu’une escadrille d’attaque ? Vraisemblablement parce qu’il était de nature tranquille et préférait les longues missions aux combats tournoyants. Dans le journal de son école, en 1945, un de ses condisciples écrivit à son sujet ce beau et émouvant témoignage :



Westland Lysander

       « Ta voix un peu lente mais harmonieuse et musicale s’insinuait dans nos débats, persuasive et douce. Ta candeur appuyée d’un regard naïf paraissait issue d’une âme enfantine. Ton sourire perpétuel ponctué d’une fossette animait un optimisme inébranlable… Mais on ne connaît pas les hommes que l’on côtoie. La pâleur de tes cheveux, l’azur de tes prunelles, la douceur de ton timbre laissaient présumer une vie sans histoire. Dire que nous sommes ainsi restés des années assis l’un près de l’autre, sans avoir de contacts. Maintenant je comprends ton effacement, ta simplicité qui indiquaient assez ton mépris des honneurs… J’entends encore ta voix quand tu développais les thèmes d’improvisation : « La vie est à monter et non à descendre », ou « Vivre c’est agir ». Merci Cantillon pour ton exemple ! »

       Après la guerre, le corps de ce héros, mort pour la liberté à 22 ans, sera déplacé dans le cimetière britannique de Hambourg. Le 27 mars 1952, il sera ramené à Wavre dans le caveau familial. Plus tard, un monument érigé par Wavre-Sport à la mémoire de ses membres tués pendant la Deuxième Guerre mondiale, mentionnera son nom.

Jean de Sélys Longchamps, pilote d’intruder sur Typhoon

       Le baron Jean de Sélys Longchamps est né le 31 mai 1912. Il passera toute sa jeunesse dans le château familial près de Waremme en Hesbaye. C‘est un jeune homme sportif et très bon cavalier. En 1933, il entre au Premier régiment des Guides et, en 1937, est nommé sous-lieutenant. En mai 1940, Jean combat sur le canal Albert. La reddition est prononcée mais Jean de Sélys décide de continuer à tout prix la lutte. Accroché à un char allemand, il parvient à rejoindre Dunkerque puis, à se faire embarquer vers l’Angleterre sur un bateau qui était réservé normalement au transport des seuls « Tommies ». A peine arrivé, il apprend, qu’en Bretagne, une unité belge de blindés se reforme. Il veut la rejoindre et traverse une nouvelle fois la Manche, cette fois pour y apprendre… la capitulation française. L’officier veut alors revenir rapidement en Angleterre. Via la ville de Sète sur les bords de la Méditerranée, Jean parvient à se faire embarquer sur un cargo en route pour Gibraltar. Se trouvent embarqués dans le même navire, le docteur Albert Guérisse qui deviendra célèbre comme chef d’un réseau d’évasion, William Janssens, de Vaerebeke, Paul Nicod (deviendra pilote au Squadron 235 sur Beaufighter mais sera tué le 18 décembre 42) et Jean de Cloedt (deviendra aussi  pilote, ami d’André Cantillon, sera tué le 15 mars 1942 au-dessus de l’Angleterre suite au mauvais temps).



L’attaque du siège de la Gestapo à Bruxelles

       Jean de Sélys falsifie son âge pour rentrer plus facilement dans la R.A.F. Il se rajeunit de trois ans. Cette ruse est fréquemment utilisée pour augmenter les chances d’être incorporés à la R.A.F. Un autre Belge, Lucien Leboutte dont nous décrirons plus loin sa carrière brillante, réussira avec ce stratagème, à servir à l’âge de 43 ans dans la chasse de nuit ! Jean suit son écolage à Odiham, sous les ordres du capitaine Cajot (comme André Cantillon). Avec lui se trouvent Guy Dupret de Beco (qui se tuera accidentellement le 3 juillet 41), Maurice Gallemaerts qui deviendra navigateur et survivra à la guerre, Edouard Menkès qui disparaîtra dans un vol vers les iles Lipari !

       Le 16 janvier 1941, Jean, breveté pilote arrive au 61.O.T.U. à Heston pour se perfectionner sur Hurricane et Spitfire. Il est ensuite muté vers le Squadron 609 qui compte deux Flights, tous les deux commandés par des Belges : Jean Offenberg (Ce pilote sera tué en collision aérienne le 22 janvier 42) et François de Spirlet (sera tué en collision, cette fois au sol, le 26 juin 42). Le pilote belge Lallemant côtoie Jean de Sélys et dira plus tard de lui qu’il descendait d’un avion pour en monter un autre, exactement comme il le faisait avec les chevaux. Fin 1941, l’escadrille 609 est équipée de Spitfire VB. Une partie des missions consiste en « rhubarbes ». Ce légume désigne la mission offensive menée par deux Spitfire contre des installations ennemies, lorsque le ciel, bas et nuageux, les protège de la chasse ennemie patrouillant en haute altitude. Malgré l’avantage des nuages protecteurs, les pilotes encourent des risques à cause des tirs de la Flak (défense anti-aérienne allemande). Cette dernière réussit notamment, le 9 août 41, à abattre l’avion du pilote belge Alex Nitelet qui perdit un œil dans la bagarre tout en parvenant à sauter de son appareil puis à s’échapper des mains ennemies. Il profita de l’occasion pour aller saluer sa mère à Pont-à-celles avant de rejoindre Gibraltar puis l’Angleterre en février 42. Son œil perdu le fit déclarer inapte au vol mais Nitelet n’abandonna pas la partie puisqu’il revint, le 28 mai 42, en France, cette fois, comme agent radio du MI.9. Arrêté en août, il s’évada et repassa pour la troisième fois en Angleterre.

       Les pilotes sont la plupart des jeunes gens et savent s’amuser ! Tout près de Bigging  Hill au sud-est de Londres, là où se trouve le terrain d’envol du Squadron 609, une Belge « Biddie » tient un pub « L’oldjail ». Jean de Sélys et ses compagnons s’y réunissent souvent autour de leur mascotte, une chèvre, nommée le « Flyingofficer William de Goat ». Cette chèvre succédait à la mascotte précédente qui était un chien du nom de « Spit »  et avait la particularité de reconnaître l’avion de son maître, Olaf Piestley, lorsque ce dernier atterrissait.



La chèvre originale du 609e Escadron.

       Fin mars, le Squadron 609 fêta son installation dans son propre mess-officier à Ashby Hallmais peu après il fallut déménager à Duxford, près de Cambridge. Les pilotes abandonnent alors leurs « Spitfire » pour le « HawkerTyphoon ». Cet avion, en 1942, est à ses débuts et présente encore de gros défauts. Ses canons ont tendance à partir tout seul, le train d’atterrissage se bloque au moindre prétexte, les gaz d’échappement se dissipent facilement dans le cockpit et, plus grave, il perd facilement sa queue en piqué et enflamme de temps à autre son gros moteur Sabre de 24 cylindres. Des 242 premiers Typhoon, 135 connurent de sérieux accidents non redevables à l’ennemi. Pareille mésaventure arrivera à  Jean de Sélys le 1er juin 42 près de Cambridge. Sélys sera ainsi le premier pilote d’un Typhoon à sortir de son appareil en parachute. Autre incident, il verra aussi la verrière de son Typhoon 1B voler en éclat !

       Le 1er novembre, de Sélys et son unité migrent à Manston au sud-est de l’Angleterre. C’est peu après, le 16 décembre que Jean obtient sa première victoire en combat aérien. Il abat un FW-190. Quelques semaines plus tard, le 20 janvier, il réalise son rêve en profitant d’une « rhubarbe » pour aller mitrailler, à Bruxelles, le siège de la Gestapo, au 347, avenue Louise après lâcher, au-dessus de la capitale, deux drapeaux. Ses obus ont lacérés la façade du bâtiment et sa mitraille a criblé les locaux du dixième étage. On ne connaît pas le nombre de victimes. Lors de son retour, au-dessus de la campagne gantoise, de Sélys finit son exploit en lâchant des milliers des petits drapeaux qu’il avait emportés. A peine rentré, Jean ne peut pas se reposer sur les lauriers de sa fameuse incursion… Il doit immédiatement reprendre le vol pour intercepter le raid 411 mené par 28 FW-190 escortés de 60 avions de chasse. 13 avions ennemis seront ce jour-là abattus dont 7 par l’escadrille 609. Jean aura une fameuse émotion au retour de cette deuxième mission lorsqu’un Spitfire ami confondra son Typhoon avec un FW 190 juste au moment où il commençait son atterrissage. Le soir, c’est la fête au « Vieux Charles » à Doone House. Jean se retrouve dans les fêtards qui se défoulent après leurs intenses émotions de pilote de guerre ! Joyeux luron, il se fait arrêter par la police anglaise pour avoir emprunté un taxi sans … son chauffeur. Une punition en est la conséquence : Jean est rétrogradé ! Cela ne l’empêche pas de remporter, le 14 février, une nouvelle victoire, encore sur un Focke-Wulf 190, au large de Calais. Le 13 mars, Jean est muté dans le Squadron 3, qui occupe le même terrain que son ancien Squadron 609. Pas trop de dépaysement donc, d’autant que le commandant de cette unité est le Belge Léon de Soomer. Le 21 juin, les pilotes peuvent admirer intact un FW-190 sur leur propre terrain. La veille, cet avion ennemi conduit par un pilote désorienté a atterri à Manston. Il fut rapidement immobilisé par les Belges Remy Van Lierde et Joseph Renier.



Focke-Wulf FW 190.

       Durant l’été 43, les missions d’assaut se succèdent sur le continent. Jean est un pilote d’ « intruder ». Ainsi sont appelés les avions d’attaque au sol qui, de nuit, s’en vont attaquer les installations allemandes sur le continent. Leur tâche est difficile car il faut voler bas, dans l’obscurité pour repérer péniches, locomotives, convois militaires, aérodromes défendus par la Flak. Hélas, dans la nuit du 15 au 16 aout, notre héros effectuera sa dernière mission. Il décolle à 22h40 et vole dans la direction de Gand, espérant y trouver une proie comme une locomotive ou une péniche. A 23h50, il est de retour au-dessus de sa base mais en approche, son appareil s’écrase subitement. La cause de l’accident restera inconnue. Jean sera inhumé à Minster, à deux kilomètres de Manston, près de ses amis Carson. Quelques heures avant son dernier vol, il était occupé à dîner chez eux et promettait à Lady Ruby Carson une nouvelle victoire en son honneur ! Il repose encore là ce courageux pilote qui avait écrit fin 1941 ces phrases tout à son honneur : 

       (…) J’envisage aujourd’hui la mort sans inquiétude. Elle sera pour moi, non une fin que je redoute, mais si elle peut me surprendre en plein vol, mieux encore au combat, le point final tel que je le souhaite d’une époque de mon existence où j’ai cru vivre comme je croyais devoir le faire. »

Georges Doutrepont, sur Hurricane, un des 29 pilotes belges de la bataille d’Angleterre



Georges Doutrepont avant-guerre à Nivelles

       Georges Doutrepont est né en 1913. Il fut l’un des 29 pilotes belges qui participèrent à la bataille d’Angleterre et l’un des six Belges qui y perdit la vie. Le père de Georges était commandant du génie et avait été mortellement frappé pendant la Grande Guerre. Georges opta comme son père, pour une carrière militaire. Il entra donc à l’Ecole royales des Cadets puis poursuit sa formation à l’Ecole royale Militaire d’où il sortit brillamment, sixième de sa promotion. Georges était d’un caractère enjoué et aventurier. C’est ainsi que des vacances scolaires, il s’engagea comme marin pour aller pêcher dans les eaux islandaises. Georges rentra rapidement dans l’aviation militaire. L’année 1937, il est jeune pilote au 2ème régiment d’aéronautique. En 1938, il rencontre Paula Vaernberghe et l’épouse. Sur sa base, il se fait rapidement connaître comme un officier plein d’initiatives. Il réorganise notamment le service météo de l’aérodrome de Nivelles, rédigeant même un cours de météorologie et dressant des cartes adaptées au vol. Le 28 février 1939, il participe avec le 1er sergent Delvaux et l’adjudant Scheirelinkx à un exercice combiné dans la région de Mons. Les trois hommes sont félicités.

       Le 14 août 39 naît son fils Éric. La guerre met fin à une vie familiale qui ne sera hélas jamais retrouvée. Quand la guerre éclate, Paula et son bébé se réfugient en France et trouvent refuge à Villemur-sur-Tarn au château de Saint-Maurice, dans la famille Naurois dont les cinq fils sont sur le front. Au mois de juin, heureux mais court intermède, la famille Doutrepont, toute entière, peut se retrouver à Carnon-Plage près du terrain de Préjorgues-Montpellier où l’escadrille de Jean s’est repliée. Mais, peu après la capitulation française, le courageux lieutenant Doutrepont, désireux de continuer la lutte, met une grande distance entre lui et sa famille en gagnant l’Angleterre.

       Dès juillet 40, il est à l’œuvre au 7.O.T. U.,  près de Chester. Il vole sur Hurricane. Cet avion équipe, à cette époque, 31 escadrilles tandis que le Spitfire n’est utilisé que par 19 escadrilles. Le Hawker Hurricane, peut atteindre 520 km/heure et est équipé de huit mitrailleuses de 7,7 mm. Le 1er aout 1941, Georges est muté au Squadron 229. Il y retrouve plusieurs Belges dont le sous-lieutenant « Vicky » Ortmans et le P/O Duvivier qui perdra aussi la vie dans la bataille d’Angleterre. Le 11 aout, Georges est engagé pour la première fois sur l’Hurricane P.2901 pour une interception. Le mardi 13 août est le jour choisi par les Allemands pour être l’ « Adler Tag » (« jour de l’Aigle ») qui devait, selon leurs prévisions, amener l’Angleterre à la défaite. Les Allemands effectueront 1.485 sorties ! Doutrepont, sur le P.3432, vole en ailier du P/O Verity.



       Le 14, notre pilote est encore engagé. Le 20, il est détaché en renfort au groupe 11. Il volera, en interception, cinq jours consécutifs. Le carnet de vol de Doutrepont s’achève fin du mois d’aout. Les missions se sont accumulées mais elles dépassent rarement une durée d’une heure. Le 11 septembre, voit le premier engagement sérieux de l’escadrille 229. Ce jour-là, Georges est en vol de 15h20 à 16h55 pour protéger la célèbre base de chasse de Bigging Hill. Trois Hurricane de l’escadrille sont abattus mais 4 attaquants subissent le même sort. Ce jour de bataille, Georges Doutrepont est crédité d’un Heinkel 11 en collaboration avec deux autres pilotes, d’un Dornier, et d’un Messerschmitt BF-110 probable. En ce 11 septembre, la R. A. F. perd 29 chasseurs. 17 pilotes sont tués mais en contrepartie, la Luftwaffe a perdu 25 appareils. Suite à cet échec, les Allemands reporteront l’opération « Seelowe » (otarie) au 14. Cette opération devait être le début de leur débarquement en Angleterre. Le 14, ils se verront contraint de l’ajourner définitivement. Ce jour-là, Georges est envoyé deux fois en patrouilles consécutives, puis, le dimanche 15, il repart en protection de Bigging Hill car les radars anglais ont montré de grandes formations ennemies en cours d’assemblage entre Calais et Boulogne. Le Squadron 229 prend l’envol. Sa protection est assurée par le 303 Squadron en haute altitude. Le meneur du 303 voit l’ennemi surgir mais ne peut avertir immédiatement son homologue du 229 qui, malheureusement, n’a pas vu l’ennemi au-dessus de lui.



Heinkel 11.

       La faute est due au mauvais équipement radio des avions. En effet, à cette époque, les avions ne peuvent communiquer directement qu’avec la seule tour de contrôle. Celle-ci sert donc de relais obligatoire pour transmettre les messages entre avions et il en résulte une perte de temps précieux lors des combats aériens. La protection du 229 n’étant plus assurée pendant quelques instants, Doutrepont se retrouve dans la cible d’un avion ennemi volant au-dessus de lui et est touché. Son N.2537 pique alors à plein régime et va s’écraser au-dessus de la gare de Staplehurst. L’avion se disloque tuant le receveur de la gare et le malchanceux pilote. On retrouvera plusieurs objets sur le corps du pilote, son porte-plume et son étui à cigarettes, tordus sous l’impact. Dans les années septante, le site de l’accident fut fouillé et les débris retrouvés de l’appareil furent emmenés pour être exposés au Battle of Britain Musem du Kent.

       L’épouse de Georges est prévenue rapidement en France non occupée. Georges est inhumé le 19 près de Londres à Northwood-Ruislip car le cimetière belge de Brockwood n’existe pas encore. Après la guerre, il sera ramené en Belgique et inhumé sur la pelouse d’honneur du cimetière d’Evere. Ainsi se termine l’histoire d’un héroïque père de famille qui donna son nom, le 15 octobre 1964 à la 104ème promotion « Toutes-Armes » de l’Ecole royale militaire belge.

       Le 15 septembre est connu comme le jour de la bataille d’Angleterre. Georges y trouva la mort comme le P/O Albert Vanden Hove d’Ertsenrijk. Les pertes de la R. A. F se montèrent à 26 chasseurs britanniques contre 60 avions allemands. Mais ces 60 avions perdus représentent les pertes ennemies les plus élevées depuis le 18 août, date à laquelle elles s’étaient élevées à 71 appareils. Plus jamais la Luftwaffe ne reviendra sur l’Angleterre en grandes formations.

André Dulait et Georges Hanchar : des quadragénaires mitrailleurs de la R. A. F.



André Dulait en uniforme de la R. A. F.


Georges Hanchar, en uniforme de parade pour l’enterrement de la Reine Astrid

       André Dulait était avocat. Son père aussi qui, en août 1914, en sa qualité d’échevin, accompagna le bourgmestre de Charleroi pour rencontrer le chef de la 19ème division allemande de réserve qui leur imposa des conditions drastiques pour ne pas voir détruire leur ville.

       André fit son service militaire à la base de Bierset comme candidat-officier de réserve. Il se marie ensuite et devient le papa d’une fille. Rappelé sous les armes en 1939, il exerce la fonction d’officier observateur à la 7ème escadrille d’Evere, unité de reconnaissance équipée de 9 Fairey. Le 9 mai, sept Fairey Fox-Hispano décollent d’Evere pour gagner Schaffen mais le lendemain, la Luftwaffe les surprend et les détruit. Quelques heures après, en deux groupes, la 7ème escadrille gagne le terrain de Lonzée. Les officiers logent alors à Beuzet au château de Ferroz. Le 12 mai, une mission de reconnaissance est effectuée. Le Fox de Dulait doit survoler le secteur des Ardennes. Volant à la cime des arbres, la mission réussit mais Dulait doit lancer, sur le théâtre de verdure de la citadelle de Namur, le cylindre métallique contenant ses observations écrites. Dulait, malheureusement, lâche mal celui-ci qui va s’encastrer dans les tendeurs de l’appareil. Il doit recommencer la rédaction de son observation. Cette fois le deuxième largage réussit. L’avion peut retourner à Lonzée. Mais quand il approche celui-ci, des militaires Français au sol le confondent avec un avion allemand. L’avion de Dulait, moteur en feu, atterrit en catastrophe et termine sa course dans un fossé. Les deux occupants parviennent heureusement à fuir indemnes de l’habitacle.

       Le 13 mai, Dulait repart sur un nouvel appareil, d’abord à Fosses, puis à Piéton où, à nouveau, des tirs de la DCA française le menacent. La 7ème escadrille ne survivra pas à cette lutte inégale. Le 28 mai, Dulait est démobilisé et parvient à éviter la captivité. Il reprend place dans son cabinet d’avocat à Charleroi. En mars 1942, André Dulait décide de reprendre le combat. Pour tromper l’ennemi sur ses intentions, il brigue le poste de président du Jeune barreau de Charleroi. Qui pourrait en effet penser que cet homme de 42 ans va bientôt tout abandonner ? Aidé par le réseau d’évasion de son confrère bruxellois Heilporn, il quitte son pays le 02 juin 42, parcourt toute la France et traverse les Pyrénées. Il se fait arrêter le 22 juin à Figueras. Selon son frère, il aurait alors été muni d’un carcan et hué par la population lors de la traversée des villages pour parvenir à la prison de Barcelone. Peu après, il est enfermé au camp de Miranda avec, en prime, un bras cassé par un gardien espagnol pour ne pas avoir levé le bras lors d’un salut franquiste. Se faisant passer pour un Canadien, André est autorisé de loger dans une résidence surveillée de Saint-Sébastien, le temps d’obtenir un passeport pour Lisbonne. Après cinq semaines à Lisbonne, il réussit à s’embarquer le 12 décembre sur un hydravion et, vraisemblablement après une escale à Gibraltar, atteindra enfin l’Angleterre le 23 décembre. André est alors obligé de passer par la « Patrioticschool », sorte de centre d’accueil obligatoire pour les évadés du continent, le temps de vérifier qu’ils n’appartiennent pas à l’espionnage allemand. Il est ensuite envoyé à l’hôpital pour soigner son bras puis, à force de démarches et aussi grâce à ses relations, parvient à rentrer à la R.A.F., le 2 juin 43. Fameux parcours !

       Son écolage de mitrailleur est très rapide et le 23 juillet, il rencontre le futur équipage de son Lancaster composé en majorité de Canadiens. Le second mitrailleur est cependant un compatriote ! C’est le F/O Charles A.-G Hanchar, quadragénaire lui-aussi, né à Liège le 15 décembre 1903 et qui a comme André effectué son service dans l’aéronautique belge. Directeur commercial d’une teinturerie à Waterloo, il est marié et père de trois enfants. Il est rappelé en 1939 et, à la déclaration de la guerre en mai 40, avec son unité, il rejoint la France puis Oudja au Maroc où il restera suffisamment de temps pour monter une affaire commerciale de jute ! Par un Français rencontré au hasard des routes, il fait savoir à sa femme qu’il ne rentrera au Pays que lorsque plus un Allemand n’en foulera le sol. Finalement en décembre 42, il parvient à atteindre l’Angleterre

       Le pilote est Mc Iver et est âgé de 31 ans, le radio est le F/Lt Thomas Pleger, l’officier bombardier est le P/O Goodwin. Tous les trois sont Canadiens. Outre nos deux mitrailleurs belges, il y a encore le navigateur, le F/O Wyatt de Bristol et le sergent Russel de Radford. McIver, le pilote commande un Lancaster BMK 11 faisant partie du Squadron 408. L’avion comporte une tourelle ventrale et peut transporter plus de 10.400 kg de bombes et vole à 430 km/heure à 5.300 mètres d’altitude.

       André Dulait embarqua pour sa première mission dans la nuit du 30 au 31 mars 44. L’objectif était Nuremberg et ce fut, de toute la guerre, la mission la plus coûteuse pour la R.A.F. Sur 795 avions, 95 ne reviendront pas !

       Quelques jours plus tard, dans la nuit du 9/10 avril, notre Lancaster est en mission au-dessus de la gare de triage de Paris. Le 10/11, l’avion est expédié au-dessus de Laon mais un moteur droit est défectueux. On largue les bombes en mer avant le retour prématuré à la base. Dans la nuit du 22, l’avion est l’un des 596 envoyés sur Düsseldorf. 29 avions sont perdus ! Dans la nuit du 24 au 25, bombardement sur Karlsruhe, puis deux nuits plus tard, c’est le tour de la Ruhr d’être bombardée. Le 8/9 mai, notre Lancaster participe à un raid, sur la Belgique, avec comme objectif, la gare de Haine-Saint-Pierre. Celle-ci est détruite mais, malheureusement, une cinquantaine de civils perdent la vie !

              Le 10/11 mai, cinq gares sont attaquées par 506 avions. Autour de l’une d’entre elle, à Gand, 43 civils périssent dans le bombardement. Le 19/20 mai, c’est le tour des batteries côtières de Merville et Franceville de recevoir la visite de notre Lancaster. Le 24/25, ce sera le tour d’Aix-La-Chapelle puis le 27/28 mai, Bourg-Léopold est attaqué par331 avions. Suit une longue période de repos pour l’équipage de McIver jusqu’au 12/13 juin 1944, date à laquelle, les installations ennemies du nord de la France sont attaquées par 671 avions. McIver est chargé du bombardement du nœud ferroviaire de Cambra-Est qui, hélas, ne se trouve…qu’à deux pas de l’aérodrome allemand abritant le JG-26, l’une des meilleures unités de chasse de la Luftwaffe ! Notre Lancaster « McIver » va malheureusement être  touché par un chasseur ennemi et va devoir atterrir en catastrophe sur les hauteurs du bourg de Saint-Aubert. Malheureusement, le contact brutal avec le sol va briser le fuselage en deux et ne laisser aucune chance à l’équipage. André occupant la tourelle arrière est éjecté. On ne retrouvera son corps, qu’un mois plus tard, lors de la moisson. Le reste de l’équipage, dont Georges Hanchar, a péri à l’avant de l’appareil. Après la guerre, Georges Hanchar fut inhumé dans la pelouse d’honneur d’Evere tandis qu’André Dulait le fut dans le caveau familial au cimetière de Mont-sur-Marchiennes. Sur ce dernier, nous disent en 1989, R. Anthoine et J.-Roba dans leur livre, aucune inscription ne mentionnait le sacrifice de l’avocat.

       Ainsi se termina l’aventure héroïque et tragique de deux officiers de réserve belges, qui, répétons-le, pères de famille et âgés de plus de plus de quarante ans, ne voulurent point croire à la défaite.

       A remarquer que la nuit du 12 juin, date de la mort de nos deux mitrailleurs, fut particulièrement meurtrière pour la R. A. F. autour de Cambrai. A Tilloy, à 3km de Cambrai s’abattit un second appareil du Squadron 408 et un troisième à Forenville près de l’aérodrome de Niergnies. Parmi les autres escadrilles, notons la perte à Gaudiempré d’un appareil du Squadron 419 dont le mitrailleur canadien Andrew Mynarski se vit attribuer à titre posthume la Victoria Cross pour héroïsme exceptionnel. Son histoire est émouvante et vaut la peine d’être racontée.



Portrait de Andrew Mynarski par Paul Goranson

       Atteint par les tirs ennemis, le Lancaster dans lequel se trouvait Andrew Mynarsky vit son système hydraulique prendre feu. Le pilote ordonna à tout l’équipage de sauter. Andrew qui était mitrailleur de la tourelle supérieure la quitta et juste avant de franchir la porte de secours s’aperçut que son homologue, Pat Brophy, mitrailleur de la coupole arrière était coincé dans sa verrière. Il franchit alors le rideau de flammes pour tenter de débloquer la sortie de la tourelle. Il tenta toutes les manœuvres et en dernier recours essaya de briser à mains nues la verrière désaxée. Ce faisant, son parachute et son pantalon s’embrasèrent. Finalement son ami lui ordonna de sauter. Andrew repassa alors à nouveau à travers le rideau de flammes. Déjà torche vivante, il prit avant de sauter encore un instant pour saluer son compagnon resté prisonnier de l’avion. Voici le témoignage des derniers instants d’Andrew par Pat Brophy car il survécut miraculeusement dans son avion crashé au sol tandis que tout l’équipage avait pu sauter.

       « Quand Andy a atteint la trappe d'évacuation, il s'est levé. Lentement, comme il l'avait souvent fait auparavant dans des moments plus heureux ensemble, il se mit au garde-à-vous. Debout là dans ses vêtements flamboyants, une silhouette sinistrement magnifique, il me salua ! En même temps, juste avant de sauter, il dit quelque chose. Et même si je ne pouvais pas entendre, je savais que c'était "Bonne nuit, Monsieur".

       Plus tard, Pat Brophy a déclaré : « Je croirai toujours qu'une providence divine est intervenue pour me sauver à cause de ce que j'avais vu, afin que le monde connaisse un homme galant qui a sacrifié sa vie pour un ami ».



The Mynarski Memorial Lancaster (National defense, Royal Canadian Air Force website)

       Andrew sauta donc le dernier avec un parachute enflammé. Il toucha le sol encore vivant mais mourut rapidement de ses graves brûlures.

       Le Lancaster crashé fut restauré et constitue aujourd’hui le « Andrew Mynarsk Memorial Lancaster ». Parfaitement en état de vol, il reprit même des vols lors de défilé aérien.

Marc Gendebien, père de famille nombreuse sur chasseur-bombardier (Spitfire)



Lieutenant aviateur Marc Gendebien

       Le jeune baron Gendebien obtient son diplôme en droit, puis fait son service militaire au 1er Guide, il se marie ensuite et s’installe comme avocat à Bruxelles. Le jeune foyer verra la naissance de quatre enfants. Le 10 mai 40, Marc retrouve son unité de réserve, le 2ème escadron du groupe cycliste de la 17ème D. I. La campagne se termine pour lui à Saint-Julien où il fait sa dernière patrouille. Fait prisonnier le 29 mai, il est libéré le 5 juin. Il rejoint à pied la maison familiale de Thuin et est ensuite promu Commissaire provincial d’arrondissement à Philippeville puis à Namur.

       Le 21 juillet, la fête nationale a été transformée par les occupants en un jour non férié mais Marc ne l’entend pas ainsi en donnant congé à tout le personnel administratif. Il s’attend alors à être arrêté et se réfugie chez des parents à Acoz, la famille Pirmez. Le 5 août, il part vers le sud, d’abord accompagné de l’aviateur militaire, le dénommé Sans  (Sans sera tué le 4 juin 44 par la Flak de Caen-Carpiquet) puis de Léon Van de Werve et de son ami André Limelette. Le 18 septembre le trio est arrêté à Avila et incarcéré au camp de Miranda. Après un trimestre, ils sont finalement libérés et via Gibraltar s’embarquent vers l’Angleterre à bord du « Batory ».

       Après un séjour forcé à la « Patrioticschool », Gendebien qui s’est rajeuni pour augmenter ses chances d’engagement entre à la R.A.F. avec Limelette et Van de Werve. Le 22 septembre, il réussit ses examens et le 6 novembre, sa promotion qui comprend beaucoup de Belges est transférée au 2 Pilots Navigation Bomber Pool. C’est à ce moment qu’il apprend la naissance de son 4ème enfant ainsi que l’arrivée de son frère Charles en Angleterre. Nos nouveaux pilotes sont envoyés au Canada pour parfaire leur entrainement. Mais suite à une scarlatine, Marc et son compatriote Marcel Doncq sont envoyés dans les montagnes rocheuses à Kaslo en convalescence. Au cours de leurs randonnées, une découverte les marquera, celle d’un camp de civils japonais internés par les Canadiens.

       Le 26 octobre 1943 voit le retour de Gendebien et de Donck en Angleterre. Ils sont mutés au 7 P. R. C. (Pilot Receiving Center) à Harrogate puis au 5(P) A. F.U. de Ternhill le 15 février 44. Le 28 mars, ils sont transférés en O.T.U. où ils resteront jusqu’au 31 mai, date à laquelle ils arrivent au 349 (Belgian) Squadron où ils voleront sur le Spitfire IX. Gendebien effectue son premier vol de guerre le 11 juin au-dessus des plages du débarquement (Secteur britannique). En juillet, il effectue 17 vols, en août, dix vols. En septembre 44, il a la joie de revenir en Belgique libérée pour y retrouver sa famille dont le petit dernier qu’il embrasse pour la première fois. Revenu à son unité, il effectuera dix vols en septembre. Le 27 septembre, il accueille dans son escadrille son ami Van de Werve. En Octobre, Gendebien connaît une période de repos mais, en novembre, il participe aux attaques sur la Hollande le 1er et 4 novembre. Le 08, il largue sa bombe sur Dunkerque, port toujours tenu par l’ennemi et le 19 novembre, après le fiasco d’Arnhem, il attaque le pont de chemin de fer d’Amersfoort. Malheureusement, ce jour-là, le Spitfire du baron Gendebien occupe une mauvaise position dans la formation aérienne qui s’étire. Il est l’un des derniers avions, ce qui donna beaucoup de temps à la Flak pour ajuster son tir. Marc a le temps d’annoncer par radio qu’il a été touché mais que son moteur fonctionne. Hélas, ce sera son dernier message. Ne rentrant pas à la base, il faudra admettre que l’avion s’est écrasé. C’est à son ami Van de Verve que revint la tâche d’écrire à l’épouse du valeureux pilote que son mari est porté disparu. On recherchera longtemps le corps du pilote par l’intermédiaire de la Croix-Rouge de Genève. Celui-ci retrouvé, il faudra attendre le 19 avril pour que la famille de Marc soit avertie officiellement de son décès.

       Saluons l’héroïsme de Marc, ce père de famille nombreuse, qui ayant déjà fait tout son devoir sur la Lys, trouva celui-ci encore insuffisant ! N’oublions pas d’associer à son souvenir, sa chère épouse qui devait certainement être de la même trempe que son mari ! Le corps de Marc Gendebien repose au cimetière d’Amersfoort-Oud Leusden parmi celles de 232 soldats alliés tombés dans ce secteur. C’est la seule tombe frappée du drapeau Belge ! Quant à son ami Van de Verve, il périt de la même façon que son ami, un peu plus de deux mois plus tard, toujours en Hollande, le 3 février 1945.



Marbaix, monument aux morts situé sur la place Gendebien

Lucien Leboutte, chasseur de nuit et futur général !



Lucien Leboutte

       Lucien Leboutte est né en 1898 à Hodister-Laroche. Son frère cadet et lui, suivront la même carrière militaire. Ils sont sous-lieutenant en Juin 1921, puis passeront à l’aviation et en 1930 on les retrouve tous deux capitaines-aviateurs commandant chacun une escadrille du 11ème groupe du 2ème régiment d’aéronautique. Lucien se démarque de son frère par un caractère plus casse-cou ; il devint le premier aviateur militaire à présenter un peloton acrobatique et met au point en 1930 la vrille de cinq avions en « cinq doigts », cela en l’absence de radio permettant la communication orale entre les avions ! En 1935, Lucien est nommé major. On le retrouve en 1940 au Congo belge où il étudie l’installation possible de trois escadrilles répartis sur le territoire. En mai 40, il parvient à quitter le Congo à bord du dernier long courrier de la Sabena. L’avion ne dépassera pas Alger d’où il s’embarquera pour Marseille et rejoindra à Poitiers le gouvernement en repli. Il est d’abord nommé commandant d’un groupe aéronautique replié au village de Saint-Pierre-sur-Dorp mais après deux mois d’attente, il reçoit l’ordre d’abandonner la lutte et de rejoindre la Belgique.

       Lucien obéit et avec le personnel de son groupe rejoint Bruxelles où il est d’abord dûment démobilisé. Cependant il doit remettre une voiture de service à la caserne Sainte-Anne et là, ce sont les Allemands qui attendent les Belges trop confiants en leur démobilisation. Il se fait alors passer pour un officier de réserve, ce qui lui épargne d’être envoyé en Allemagne. Son frère Norbert connaît un sort plus funeste, il ramenait à Agen une partie de l’école de pilotage belge réfugiée à Oudja mais le 17 septembre, son train fut dévié de Dijon vers la Pologne et le stalag II-B ! Lucien est libre mais se rend vite compte qu’il est susceptible d’être arrêté. Il se cache à Namur puis, en décembre 1941, grâce au colonel Joseph Daumerie (Cet officier sera capturé en mai 1941 et fut décapité à Berlin, le 2 aout 42), il parvient à fuir en zone libre de France, en compagnie du pilote Edgard D’Hoore, du chasseur ardennais Paul Goormatightic et de l’adjudant-photographe Martin.

       Les hommes passeront plusieurs mois avant de trouver le moyen de passer les Pyrénées. Malheureusement, en Espagne, à Badajoz, Leboutte et l’un de ses compagnons sont arrêtés et enfermés avec des milliers d’opposants au régime franquiste. Leboutte perd rapidement 13 kilos à cause de l’alimentation et de la peur d’être choisi, dans une des sélections hebdomadaires, pour être fusillé dans l’heure. Revendiquant la nationalité de Canadien français, Leboutte aboutit au camp de Miranda del Obro où il reste quatre mois avant d’être expulsé vers Gibraltar. La liberté est alors toute proche et cinq jours après avoir quitté le camp de Miranda, Lucien parvient à atteindre le sol anglais. Malheureusement, à Londres, au siège de la mission militaire belge, l’attaché militaire s’oppose à son souhait d’entrer comme pilote à la R.A.F. Dans un centre britannique de pilotes brevetés, on le refuse aussi le considérant comme trop âgé à 43 ans. Sa myopie ne l’aide pas non plus ! Son ami Goormaghtic lui confectionne alors une carte d’identité où il a rajeunit de dix ans. Grâce à elle, il peut faire valoir ses deux mille heures de vol à la base R.A.F. d’Huxbrige et on l’engage de suite comme simple pilote-officer (sous-lieutenant) alors qu’il avait atteint le grade de major en Belgique ! Leboutte ne faisait que baratiner l’anglais et eut de ce fait des difficultés à trouver d’emblée un navigateur mais, Harry Parrot, voulant apprendre le français accepta de se mettre en équipe avec lui. L’équipage ainsi formé s’entraine d’abord aux vols de nuit. En aout 42, Leboutte et son navigateur sont versés au Squadron 141 sur Beaufighter If. L’avion possède quatre canons et six mitrailleuses. Le pilote dispose d’une excellente vue vers l’avant tandis que son navigateur lui tourne le dos et dispose d’un bulbe vitré. C’est un des premiers avions équipé de radar. C’est le navigateur qui le gère et qui donne le cap au pilote : « Increasespeeed… Up one hundredfffetTwodegreesleft (Accélérez… Montez de trente mètre… Deux degrés à gauche…)

       En décembre 42, Lucien a un nouveau chef d’escadrille ; il s’agit de John Braham (1929-1976), le plus talentueux des chasseurs de nuit alliés avec 29 victoires à son actif. Le 15 mars, le Squadron 141 est chargé de missions Ranger, qui sont des missions de pénétrations nocturnes d’appareils isolés en territoire ennemi. Il faut un silence radio et sans radio de bord, pour ne pas laisser aux allemands, le secret du radar si l’avion est abattu. Dans la nuit du 20 au 21 mars, Leboutte effectue ce genre de mission au-dessus de Brest. Il y est accueilli par la Flak. L’avion en pique, il est accueilli par cinquante projecteurs et des éclats d’obus. Le navigateur croit l’avion touché et Lucien plonge au niveau des toits pour se redresser ensuite puis virer pour sortir du port et se diriger vers l’est. Et voici qu’au sud de Lanion, il aperçoit un train. Trois postes de la Flak sur le train tirent mais Lucien pose de ses dix armes et bientôt la loco éclate. Retour à la base. Les renseignements lui apprennent que c’était un train de troupes ! Le 23 avril, nouveau succès ferroviaire pour Lucien. Durant le mois de juin, l’escadron est le premier autorisé à ne plus démonter ses radars. On lui joint même un dispositif, le Serrate, capable de trouver la direction des radars allemands aéroportés de type Lichtenstein. En juin 43, les vols sont nombreux au-dessus de la Hollande. Leboutte y participe puis effectue un entraînement sur Mosquito. Le 3 juillet, on le retrouve en mission vers Einthoven. Aux environs d’Aix-la-Chapelle, il observe ce qu’il estime être un faux incendie destiné à attirer les bombardiers néophytes.

       Cette nuit-là, les Allemands emploient une nouvelle tactique : dite du « Wilde Sau » (« Sanglier ») qui consiste à faire croiser des chasseurs monoplaces au-dessus des nuages couvrant les incendies et sur lesquels les bombardiers se détachent très bien. Les pertes du Bomber command seront importantes. 32 appareils dont au moins 18 tomberont en Belgique. Leboutte en observera quatre sur sa route dont l’un entre Gand et Anvers. Il s’agit d’un Stirling du Squadron 9O et commandé par Malcolm Morrison. Lui et ses six camarades reposeront dans le cimetière de Gand. Le 8 juillet 43, Leboutte est en mission sur la France. Au-dessus d’Abbeville, la visibilité devient mauvaise et Leboutte doit monter jusque 3.000 mètres. Cette manœuvre rend son navigateur Perrot inconscient car son alimentation en oxygène est défectueuse. Leboutte le ranime en piquant vers les couches inférieures. En mai 44, Leboute a à son actif la destruction de trois trains. Le 10 aout, Leboutte est l’un des avions qui protège le raid de 653 bombardiers en route vers Nuremberg. Lors du retour, il aperçoit malheureusement un Halifax du Squadron 77 qui chute à l’est de Valenciennes. C’est l’un des douze appareils perdus pendant cette opération. L’avion tomba à Dour près de Mons tuant tout l’équipage. Grand moment pour notre pilote qui effectue dans la nuit du 23 au 24 septembre 43 un vol au-dessus de Bruxelles. Le 1er octobre 43, c’est vers Rheine en Allemagne que se dirige notre pilote et son navigateur. Deux nuits plus tard c’est encore l’Allemagne. Le 7 octobre, mission manquée à cause d’une panne radio juste après Le Touquet ! Il ne vole plus jusqu’au 20. Dans la soirée le Bomber Command lance 378 Lancaster vers Leipzig. Leboutte va patrouiller au-dessus de l’aérodrome hollandais de Twente sans résultat. Tout l’hiver des missions se succèdent. Notons que le 18 novembre, le F/O Léon Renson se perd corps et bien avec son navigateur K.Baldwin à cause des nuages givrant. Ce calme héros est un ami de Leboutte et a la particularité d’être presqu’aussi âgé que lui. Le 28 janvier 44, Leboutte rentre d’une mission de support de bombardiers vers Berlin. Il est dévié de sa route par des vents imprévus et doit atterrir d’urgence, non à sa base, maisà Manston. Il était temps car il ne lui restait du carburant que pour huit minutes de vol. Dans la nuit du 16 décembre au 17, Leboutte effectue sa mission la plus dangereuse. Il se rend à Onasbruck avant les bombardiers sont il est censé protéger l’arrivée. Après une poursuite infructueuse de chasseurs allemands, il se retrouve dans la « vallée heureuse »  au milieu d’un véritable feu d’artifice. Tous les canons de la Ruhr pour son seul avion ! C’est un miracle, Leboutte et son navigateur reviennent sains et saufs. Leur avion n’a pas une égratignure ! En 44, Leboutte et Parrot arrivent au terme de leur tour, trente missions à l’ennemi ! Leboutte se porte volontaire pour un deuxième tour : Il effectuera dix missions supplémentaires avec un nouveau navigateur. Il brûle de s’attribuer au moins un avion ennemi. Son désir sera exaucé dans la nuit du 11 au 12 mai 44.



Le Lancaster R.5868

       Au cours de cette nuit, Leboutte est amené par son navigateur dans le sillage d’un Junker 88. Ses canons tirent et l’avion ennemi prend feu et tombe à la verticale. Leboutte doit faire un brusque écart pour l’éviter. Ses caméras montreront qu’il n’était plus qu’à une distance de 16 mètres de l’appareil ennemi. Le lendemain au mess de West Raynham, on fêtera la 50ème victoire du Squadron 141. Leboutte est âgé de 46 ans, il est le pilote allié le plus âgé à voler régulièrement en opération. Il recevra le 24 mai la D.F.C. (Distinguishedflyinf Cross). Il est aussi promu Wing Commander (lieutenant–colonel) et dépasse ainsi son grade de major acquis en Belgique.

La terrible nuit du 11 au 12 mai 1944

       La nuit de la victoire de Leboutte fut aussi mémorable pour le Lancaster R.5868 du Squadron 467, appelé aussi le Lancaster « S » (s comme sugar) qui réussit sa centième mission. Ce bombardier lourd, le premier à avoir accompli un tel exploit termina finalement la guerre avec 137 missions. Cet avion est aujourd’hui exposé au musée de la R. A. F. de Hendon.



Le Lancaster "S for Sugar", fut le premier bombardier lourd à effectuer 100 missions (Il termina la guerre avec 137 missions)

       Cette nuit verra, hélas, la perte de six bombardiers lourds en Belgique dont celui du Group Captain John Balmer au-dessus de bourg-Léopold. Fatalité, ce pilote australien devait être retiré d’opérations le 12 mai ! Il repose avec cinq membres de son équipage à Heverlée, les deux autres reposant au cimetière de Bourg-Léopold.



John Balmer

       Les cinq autres quadrimoteurs perdus cette nuit-là le furent à Wilsele où deux Lancaster rentreront en collision et autour d’Anvers où trois autres seront abattus.

Lucien Leboutte poursuivit après la guerre une carrière brillante

       Ayant survécut à la Guerre, Lucien Leboutte poursuivit une carrière brillante. Le 14 octobre, a l’honneur de revêtir Manneken-Pis d’un uniforme de pilote. Le 30 octobre 1945, il devient l’aide de camp du régent, le Prince Charles et en 1946 sera nommé chef d’état-major de l’aéronautique militaire belge. C’est sous son impulsion, que l’aviation militaire belge deviendra indépendante de l’armée de terre. Après avoir servi comme aide de camp du prince Baudouin, le général Lucien Leboutte sera pensionné en juin 1956.



Lancaster en vol

Marcel Quenon, pilote de Marauder fit partie de la S.A.A.A.F.

       Le père de Marcel, Victor Quenon, truqua sa carte d’identité pour pouvoir se porter volontaire en 14-18. Après le conflit, il demeura dans l’armée et épouse sa marraine de guerre. Leur fils Marcel naît le 23 juillet 1921. Deux petites filles viendront compléter le foyer. Victor est sous-officier dans la clique militaire et est caserné à Liège. En 1923, ayant réussi le concours pour commander la future musique de la Force publique du Congo Belge, la famille déménage dans la colonie belge. Victor Quenon est vite à l’œuvre et emploie toute son énergie pour apprendre aux soldats la musique et cela sans le moindre matériel didactique. En 1927, fin de son premier terme au Congo, la famille Quenon retourne en Belgique. Marcel est laissé en Belgique chez des amis à Etterbeek et y commencera ses études primaires puis rentrer en secondaire. En 1930, Victor fait un saut en Belgique pour participer avec sa clique aux fêtes du centenaire de son pays. En 1935, les parents croient retourner définitivement en Belgique mais en 1937, suite à de nouveaux avantages octroyés aux coloniaux, Victor accepte un nouveau terme de trois ans sans savoir qu’il allait durer… neuf ans jusqu’en 1946 !

       Marcel, lui est laissé en Belgique et, sans entrain, y commence des études d’horticulture. En 1938, Victor décide de rappeler son fils dans la colonie. A Elisabethville, il s’essaye à différents apprentissages sans grand succès car le jeune homme se révèle peu sérieux et indiscipliné. Victor, militaire, est intransigeant devant les défauts de son fils et se brouille avec lui. Les disputes sont fréquentes. La guerre va cependant rapprocher père et fils. Début 1941, arrive au Congo, le capitaine-aviateur Franz Burniaux qui tente de créer une aviation militaire dans la colonie.

       Pour cela, il recrute des jeunes gens qui acceptent de ce faire entraîner en Afrique du Sud. Marcel a posé sa candidature et rentre dans la Force publique avant d’être est désigné pour l’école de pilotage de Prétoria. Le 27 septembre 1941, il quitte le Congo. Après des cours préliminaires, notamment pour apprendre l’anglais, Marcel Quenon rentre le 2 mars à la 5 AS (Air School) de Xitbank. Ce jour-là, il vole de jour sur De Havilland 82 ! Après 18 vols en duo, il effectue son premier vol solo le 13 mars !  Début mai 42, il arrive à la 24 AS de Nigel et y effectue son premier vol sur Aispeed Oxford le 4 mai ! On le constate, la formation des pilotes est très rapide dans la S.A. A. A. F. Début août, il fait équipe avec le P/O belge Lecocq qui deviendra un ami fidèle (Lecocq survécut à la guerre et chaque année, il se rendait à la pelouse d’honneur d’Evere pour rendre hommage à son camarade). Ensemble, ils participent à un Cross Country (vol de longue durée) sur avion Oxford.

       Le 16 octobre, les deux amis reçoivent leurs ailes de pilote. Grosse déception pour Marcel, son père et sa mère n’assistent pas à la cérémonie. Après cette cérémonie, les deux amis passeront un mois de vacances bien méritées sur la côte africaine à Fish Hoeck.



Marcel Quenon torse nu sur la plage de Fishhoek en compagnie vraisemblablement de Lecocq et de deux amies. Ceci est l’unique photo trouvée du jeune pilote.

       Ensuite, après quelques autres mutations pour perfectionner sa technique, Marcel est muté à Almaza près du Caire à la mi-juillet 1943. A cette époque une partie de la Force publique Congolaise, dont sa clique, se trouve en Egypte. Victor peut revoir son fils car son camp n’est qu’à 7 km de la base aérienne. Victor et Marcel mangent ensemble à l’Heliopolis House, le palace de la ville d’avant-garde créée par le baron Empain.



L’Heliopolis House

       La rencontre a été chaleureuse et Victor est heureux du changement de caractère de son fils. Il y aura encore une nouvelle rencontre père et fils fin du mois août. En octobre, geste délicat, l’adjudant Quenon reçoit par courrier des cigarettes de son fils. Ils se verront encore le 24 octobre, quelques jours avant que Marcel soit envoyé au 70 O.T.U. pour y suivre un écolage sur l’avion Baltimore. Il arrivera ensuite au 24.S.A.A.A.F. à Gambut (Lybie). Il y retrouvera deux autres compatriotes, le vétéran C.M. Foguenne et José Delin. La mission de ce Squadron était de harceler les forces allemandes en mer Egée.



Marauder B26 américain


       L’escadrille est équipée de 16 nouveaux B26-C Marauder pouvant emporter un équipage de six à sept hommes et une charge de bombes de 2.360 kilos. Le 31 janvier est la date de la première mission des Marauder : six appareils bombardent des navires à Porto Maltesana dans les iles d’Astipaléia. Marcel, effectuera son premier vol tactique comme second le 3 février. Six appareils bombardent le mouillage de la baie de Sude en Crète. Le commandant de la formation le lieutenant-colonel Robbs ne reviendra hélas pas de cette mission ! Quelques vols de routine suivront puis, le 11 février 1944, Marcel Quenon participe à un deuxième raid. Il est le copilote du lieutenant Bell. L’objectif consiste en des navires accostés à Rhodes mais le temps ne permet que d’atteindre la piste de Catalo qui est bombardée. Le Troisième raid suivra le 18 février 1944 sur Rhodes. Cette fois, la chasse allemande les attaque mais le mitrailleur de queue, le sergent P. Snyman touche un des trois Messerschmitt qui abandonnent alors leurs proies. Le 21, le Squadron perd à nouveau un de ses avions envoyés sur la Crète. Le 23, Quenon et Bell s’en vont attaquer les navires à Léros. Le 24 février, le père et le fils se revoient à nouveau. Victor a effectué trois heures de camion et 28 heures de train pour revoir son père. Victor émerveillé de la transformation de son fils, écrit à sa femme ; « Marcel avait fier allure. Ce n’est plus un gosse, il est vraiment beau ! ». Les deux hommes resteront ensemble trois jours au Home belge du Caire. Après quoi, Victor ramènera son fils à la gare, sans se douter que c’était la dernière fois qu’il le voyait.

       Le six mars, le Squadron 24 met six Marauder en l’air dont un est piloté par le tandem Bell-Quenon. Ils atteignent la Crète orientale. Malheureusement le radar allemand de Rodovaniona a repéré les six bombardiers et a alerté la chasse du 7/27 dispersée en mer Egée. L’interception a lieu en mer au moment où les bombardiers virent vers Santorin. Les chasseurs allemands sont estimés à douze et volent par formation de quatre pour attaquer un appareil. Trois Marauder sont abattus à 20 km au sud de la pointe occidentale de Milos. L’un d’entre eux, réussira à amerrir dans le golfe turc de Korfesi. Ses deux pilotes seront internés en Turquie encore neutre à cette époque tandis que le reste de l’équipage a sauté en parachute et, comme vingt autres aviateurs dans ce combat, sera porté disparu (La plupart tombés en mer seront noyés ou succomberont de froid dans la mer hostile). Amputée de moitié, la formation persévère toujours vers Santorin, y lâche ses bombes puis entame son retour. La chasse allemande harcèle cependant toujours les bombardiers. On a rarement vu un engagement si prolongé. Les chasseurs se relayent après s’être ravitaillés en Crète. Bientôt, le Marauder « W » de Bell-Quinon est touché au moteur droit et s’enflamme immédiatement. L’avion tombe en vrille et se désintégra rapidement sans laisser de temps à l’équipage le temps de sauter. C’est la fin héroïque d’une brève carrière pour Marcel !

       Au total, il y aura eu donc eu la perte de quatre Marauder. Quant aux chasseurs allemands, ils auraient aussi perdu quatre avions. Notons aussi que des deux Marauder rescapés, l’un, endommagé fortement, atterrit sur le ventre. Le « Marauder Mauling », c’est-à-dire « la tripotée des Marauder » du 6 mars 1944, démontra qu’une petite formation était très vulnérable si des chasseurs attaquaient en relais. La journée du 6 mars fut aussi catastrophique pour les aviateurs américains, cette fois en Europe : 69 quadrimoteurs et 11 chasseurs furent perdus au cours du raid contre Berlin.

       Le moral du Squadron 24 eut du mal à se relever après ce jour funeste et c’est seulement un mois plus tard que les missions reprirent mais, cette fois sous escorte de Spitfire.

       Les parents de Marcel (et sa sœur) retournèrent en Belgique après la guerre. Ils gardèrent l’espoir de revoir leur fils disparu pendant de longues années…. Cruelle guerre et cruelle destinée !

Joseph Moureau, le dernier belge pilote de la R. A. F. est décédé en 2020



Joseph Moureau est décédé à l’âge de 99 ans.

       Le dernier pilote belge ayant combattu au sein d’une escadrille belge de la Royal Air Force (RAF) britannique, Joseph « Jeff » Moureau, est décédé à l’âge de 99 ans, le 28 octobre 2020, avec tristesse, la Force aérienne belge dit adieux au dernier pilote de chasse survivant de Spitfire de Belgique durant la Seconde Guerre mondiale. Il avait, avec son frère jumeau, Alfred, rejoint la Grande-Bretagne en 1940. Tous deux s’étaient engagés comme pilotes dans la RAF. Après une longue formation, ils sont qualifiés sur le chasseur Spitfire. Ils sont mutés à la 349e escadrille qui est essentiellement composée d’aviateurs belges. Le jour de l’opération « Overlord », le débarquement allié en Normandie le 6 juin 1944, « Jeff » Moureau avait abattu un bombardier un Junker Ju88 allemand. Après le conflit, Joseph Moureau avait rejoint la compagnie civile Sobelair avant d’entrer comme son frère à la Sabena. Il y a volé pendant plus de trente ans sur tous les avions de la compagnie nationale. Son enterrement aura lieu vendredi à Strombeek, « dans la plus stricte intimité », selon l’association Les ‘Vieilles Tiges’ de l’Aviation belge.

Dr Loodts P.

Sources :


Cet article est basé principalement sur l’ouvrage de R. Antoine et J-L Roba : « Les Belges de ma R. A. F. ». 220 pages, Editions J. M. Collet, 1989.

 

 

 

 

 



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