Maison du Souvenir
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L’aventure
extraordinaire du pilote « Bill » Dédié à mon ami Dominique Delfosse, ancien pilote de F16 Introduction Raymond « Cheval » Lallemant devant son Hawker Typhoon, gréé de roquettes, tient la bride du cheval errant qu’il avait adopté sur l’aérodrome de campagne B10, aménagé à Plumetot après le débarquement en Normandie, alors qu’il était flight commander au squadron 198 en juillet 1944. Cfr : Nouvelles ailes dans l’azur - Hangar Flying (Photo : Imperial War Museum) Raymond Lallemant
(1919-2008) avait 21 ans quand la guerre le surprit alors qu’il était
élève-pilote. Evacué en Afrique du Nord, il rejoignit ensuite les Forces belges
en Angleterre. Dès juillet 1941, il est affecté au squadron
609 à Biggin Hill. Trois ans plus tard, il le
commandera ! Après le débarquement du 6 juin 1944, son escadrille est pour
l’essentiel chargée de mitrailler les colonnes allemandes en France. La chance
a protégé Raymond Lallemant malgré le fait que son typhoon ait été touché au-dessus de
Arnhem en septembre 1944. Il parvint cependant à atterrir et à
s’extraire, de justesse, de son avion en feu. Transporté à l’hôpital, il devra
être soigné de longues semaines pour des brûlures importantes aux mains. Plus de vingt ans après la
fin de la guerre, Raymond Lallemant surnommé « Cheval »
reprit ses carnets de note et rédigea ses souvenirs de guerre sous le titre
« Rendez-vous avec la chance ». Ce livre est un magnifique témoignage
sur l’ambiance qui régnait parmi les pilotes de la 609ème escadrille
composée en majorité de Belges. Raymond Lallemant,
qui a des talents évidents de psychologue, décrit tout en finesse, les états
d’âmes des jeunes pilotes confrontés en permanence aux dangers qui conduisirent
bon nombre d’entre eux au sacrifice suprême. Les façons que les pilotes se
distrayaient de leur sort précaire sont aussi détaillées dans ce livre avec
beaucoup de détails. Lallemant s’estime heureux d’être sorti vivant de la guerre. Il termine son livre par
cette phrase : Et si je dois être reconnaissant, si je dois de la
gratitude de ne pas être aigri, je sais très bien à qui je la dois. J’ai dans
ma vie été touché par tant de bienfaits que le mal s’oublie. Un livre donc à lire par celui qui est désireux de mieux
comprendre l’âme des pilotes et des mitrailleurs qui s’engagèrent à la R.A.F. Parmi
ceux qui eurent rendez-vous avec la chance, l’auteur décrit l’aventure
exceptionnelle d’un pilote anglais survenu lors du crash de son avion. C’est ce
récit que je vous retranscris ci-dessous : L’aventure de « Bill »,
le pilote de Typhoon qui resta coincé une semaine
entière dans son cockpit. (par Raymond Lallemant, « Rendez-vous avec la chance », pages
328-331, Editions j’ai lu) Le typhoon (source Wikipedia) Il n'avait plus
assez d'altitude pour sauter en parachute. Il tenta un atterrissage forcé, en
plein no man's land. Tout semblait se dérouler normalement, lorsque, accrochant
le bord d'un cratère, l'avion se retourna comme une crêpe et s'immobilisa. Le
pilote terrorisé, enfermé dans son cockpit, attendit l'incendie. L'essence
s'écoula lentement du réservoir troué. Minutes affreuses, minutes comparables à
des heures, minutes de panique qui peuvent marquer à jamais l‘équilibre d'un
homme. Le moteur se refroidissait dans des craquements sinistres, le sol buvait
l'essence. Lorsque
les Allemands ouvrirent le feu sur l'épave. Bill resta immobile : les risques
qu'il courait lui faisaient oublier son terrible inconfort : sa jambe
droite était coincée par le palonnier et le sang lui affluait à la tête. Dans
un grand effort, Bill se dégagea et se retourna sur le côté gauche. Il
respirait mieux. De temps en temps, il sentait une balle qui entrait dans le
zinc avec un, bruit mat. Bill parvint encore à glisser les deux pieds vers le
bas en écrasant les parois étroites de la cabine et les posa sur le pare-brise,
aplati. Puis, il retourna le corps et la tête en accrochant partout sa
combinaison de vol. Par trois fois, il dut arracher l'étoffe agrippée aux
manettes et dégager sa tête coincée dans des aspérités. Le cockpit le serrait
dans un étau de coins qui s'enfonçaient dans les chairs à chaque effort, à
chaque secousse. Enfin, il parvint à s'asseoir, la tête aveugle collée au
plancher, appréhendant maintenant l'écrasement du cockpit sur lequel l'avion
pesait de tout son poids. Une fissure, un affaissement et il était embouti,
vivant dans sa tombe. La nuit le surprit dans sa prison, à préparer son premier
repas avec les tablettes d'ovomaltine de son
équipement de survie. Il commença le rationnement car il sentait que l'attente
serait longue. Déjà, il étouffait dans cette prison qu'il ne pouvait forcer. Un
peu passé minuit, il perçu des bruissements dans la nuit. Une patrouille, très
silencieuse s'approchait de l'avion. Bill sentit la joie bondir dans tout son
corps à larges ondées. Des hommes venaient à son secours. Ses frères ne l‘abandonnaient
pas. Puis un atroce soupçon le terrassa. Les Allemands, si c'étaient eux, ne
pardonneraient rien à un pilote de chasse, un pilote de Typhoon.
Un moment : il voulut appeler au secours à tue-tête, mais il se retint encore.
Il entendit des sons gutturaux. C'était une patrouille allemande. Des soldats
grimpèrent sur l’aile et Bill sentit leurs pieds peser sur sa-tête. Une lueur
surgit du bas au travers de la verrière, jetant des clartés lugubres sur
l'enchevêtrement de fils er sur homme qui y vivait encore. Les Allemands
voulaient vérifier la fuite du pilote ou peut-être l'état du cadavre. La
crainte d'éclairer trop longtemps la nuit, fut plus vive que leur désir de voir
et tout à coup, la lumière disparut. Le cœur de Bill tapait contre sa poitrine
à s'échapper de sa geôle. Un soldat allemand craqua une allumette,
sinistrement, comme pour mettre en œuvre, un incendie. Allumait-il une
cigarette ? Un homme s'allongea sur l'aile et arracha des morceaux de tôle
pour regarder dans l'habitacle. Sans doute étaient-ils fascinés par la
catastrophe, et voulaient-ils connaîtra le sort exact du Pilote, mais
l'obscurité ne leur livra pas son secret. Pendant de longues minutes, ces soldats
échangèrent des Impressions, peut-être des souvenirs, à quelques centimètres de
l'aviateur ennemi. C'étaient aussi de pauvres bougres à qui la nuit permettait
respirer doucement. Puis l'étonnant spectacle de cet avion presque intact,
renversé sur le dos, raviva des discussions inquiétantes. De plus,
l'immobilité, l'inconfort martyrisaient Bill. Soudain, il entendit une volée de
pas rapides, Sur un signal, la patrouille venait de disparaître. De nouveau, il
était seul. Pendant huit jours, il devait agoniser dans cette prison, perclus
de douleurs, ravagé par le bruit de fusillades qui s'échangeaient de part et
d'autre. Personne ne l'approcha plus. Le deuxième jour, il fut brûlé par le
soleil, qui chauffait à blanc les tôles. Le troisième jour, deux vilaines
mouches démoralisantes apparurent dans le cockpit. Le septième, sans eau et
sans nourriture, il commença à parler tout seul, prêt à sombrer dans le délire.
Enfin, à l'aube du huitième jour qui pointait comme un halo blanc sur le fond
du cockpit, la fusillade s'intensifia d'un côté, se rapprocha, puis les pas
d'une troupe nombreuse retentirent. Le soldat Roberts qui passait près de
l'avion entendit une voix faible et sourde, qui appelait par-dessous terre. Il
accourut, suivi de ses compagnons. Vingt bras soulevèrent le lourd Typhoon pour libérer le captif. Ce qui les stupéfia, ce ne
fut pas la pâleur de l'homme, ni la misère de son réduit, ce furent ces paroles
qu'il prononça en guise d'excuse : - Sorry to trouble you,
boys, Bill
avait peut-être perdu l'équilibre de sa santé, mais il avait sauvé, avec sa
vie, la pudeur orgueilleuse de son peuple. Conclusion Sur cette photo, Raymond Lallemant semble avoir acquis le flegme britannique… En 1966, le Colonel Lallemant en grande discussion avec Melle Marinette notre gentille représentante de la CMC de l’époque, en arrière-plan sa collègue Melle Françoise. (collection Albert Wuilmart) Raymond
Lallemant n’a pas révélé l’identité complète de
« Bill ». Sans doute ce pilote, par modestie, n’a-t-il pas voulu que
son nom soit mentionné … Mais je dois convenir que je serais heureux qu’un féru
de la R.A.F. puisse un jour sortir de l’anonymat « Bill », le pilote
qui battit sans doute le record du plus long temps passé … dans un cockpit
d’avion ! Dr P. Loodts |