Maison du Souvenir

Le mont Castre, dans l’intervalle exact de deux mille ans, fut le lieu où les Gaulois puis les Américains affrontèrent l’envahisseur.

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Le mont Castre, dans l’intervalle exact de deux mille ans, fut le lieu où les Gaulois puis les Américains affrontèrent l’envahisseur.



Le mont Castre se situe à mi-chemin entre Carentan et La Haye du Puits (Carte Guide Vert Michelin : Normandie Cotentin N° 19)

       Le mont Castre est situé au milieu du Cotentin qui est une sorte de grande presqu’île de 70 km sur 120 km, située à l’ouest des plages du débarquement. Situé à seulement six heures de route de Bruxelles, le Cotentin mérite assurément la visite. On y découvre quantité de richesses naturelles et historiques comme le mont Castre. Parcourir la promenade fléchée du mont Castre sur la commune de Lithaire, c’est accomplir un véritable voyage dans le temps. On y démarre face à l’ancienne carrière de grès creusée dans la montagne et aujourd’hui transformée en un beau plan d’eau. Un chemin escarpé nous conduit sur la crête du mont où se succèdent les vestiges impressionnants d’un passé s’étalant de - 1500 avant JC à 1944 après JC.



Le circuit

Des vestiges vieux de trois mille ans de la civilisation des mégalithes

       Sur la crête du mont, on y découvre des vestiges importants de la civilisation mégalithique qui peuplait l’Europe plus de mille ans avant la naissance du Christ. Plusieurs allées couvertes correspondant à des tombeaux monumentaux réalisés avec d’immenses blocs de pierre y ont été découvertes dont une a été remontée en 1966 pour un groupe d’archéologues sous la direction de Bernard Edeine.

       Ce mausolée était sans doute le tombeau d’une personnalité de l’époque du néolithique final. A 35 cm sous le sol, on y découvrit des silex taillés, des tessons de poterie et une pendeloque percée d’un trou.



L’allée couverte restaurée en partie

       Un peu plus loin de cette allée couverte, une prairie, plein sud, contient une centaine de mégalithes renversés dont on ne connaît plus l’aspect original (S’agit-il de dolmens, de menhirs ?). L’ensemble de ces blocs formait–il un centre rituel comme Stonehenge ou Carnac ? Curieusement, nous n’avons aucune réponse, les fouilles archéologiques de grande ampleur n’ont jamais été réalisées en ce lieu.

       Les générations ultérieures auront ce trésor à explorer. Il règne en tout cas en ce lieu une ambiance particulière. Le visiteur ressent l’étrange pressentiment que ce lieu était sacré et qu’il contient encore la mémoire des croyances, des espérances de nos ancêtres d’il y a trois mille ans.



Une prairie jonchée de monolithes…. Il devait y en avoir beaucoup plus dans les siècles passés car beaucoup furent récupérés comme pierres de construction. Ce ne sont plus des druides qui fréquentent ce lieu mais des vaches…

En 56 avant JC : la victoire du général romain Quintus Titurius Sabinus sur Viridorix, chef Gaulois des Unelles



Sur le site du camp romain, la vue est plongeante sur le nord du Cotentin.

       Toujours au sommet du mont Castre, à côté de ces mégalithes, se trouve le lieu-dit du « camp romain ». La tradition orale attribue à ce vaste emplacement d’un très vieux lieu fortifié, une origine tantôt romaine, tantôt gauloise. Pour certains, « le camp romain » aurait été le camp de la légion du légat Quintus Titurius Sabinus, le vainqueur des Unelles, peuplade gauloise établie dans le Cotentin.

       Pour d’autres, « le camp romain » aurait constitué la place forte principale de ces mêmes Unelles. Ce camp aurait été lui-même construit sur les vestiges beaucoup plus anciens d’un village néolithique.

       Quoi qu’il en soit, le camp des Romains et celui des Gaulois Unelles devaient se trouver très proches l’un de l’autre. C’est aux environs de ce « camp romain » qu’eut lieu la victoire du général romain, Sabinus sur Viridorix, le chef des Unelles, en 56 avant JC, année de la révolte des Gaulois de Bretagne appelés Vénètes. Lors cette révolte, les forces romaines furent réparties ainsi : Titus Labienus, avec la cavalerie, est envoyé chez les Trévires, sur le Rhin. Il doit maintenir la paix en Gaule Belgique et empêcher tout mouvement des Germains… Publius Crassus, avec 12 cohortes et des cavaliers, est envoyé en Aquitaine, pour empêcher cette nation d'envoyer des secours aux Vénètes pendant que Decimus Junius Brutus Albinus, avec sa flotte file combattre ces derniers[1]. Quant à Quintus Titurius Sabinus, avec trois légions, il est envoyé chez les Unelles, les Coriossolites et les Lexoviens pour tenir ces peuples en respect...



QuintusTiturius Sabinus

       Sabinus installe donc son camp fortifié sur ou aux alentours du Mont Castre sur une hauteur, d’où il pouvait surveiller les fortifications de ses ennemis. Il avait décidé d’une attitude attentiste et rusée devant le nombre important de ses adversaires. Il fit en sorte de faire croire à l’ennemi que les Romains, se sentaient plus faibles que leurs adversaires et qu’ils préféraient éviter le combat frontal.

       Cette tactique élaborée devait encourager un assaut des Unelles contre les fortifications romaines, ce qui donnerait un bel avantage tactique aux Romains : celui de combattre un ennemi déjà épuisé physiquement par la dure montée, de mille pas, effectuée pour atteindre les remparts. Une ruse supplémentaire fut décidée pour convaincre l’ennemi. Un éclaireur Gaulois au service des Romains se fit passer pour transfuge, rejoignit le camp gaulois et parvint à convaincre Viridorix que Sabinius s’apprêtait à quitter les lieux de nuit pour aller prêter main forte aux soldats romains qui luttaient plus au sud contre les Vénètes. A l’annonce de cette nouvelle, les Unelles enthousiastes croient la victoire déjà entre leurs mains. Ayant rassemblé des fagots pour combler les fossés entourant le camp, ils ne tardent pas à donne l’assaut. Sabinius, comme il l’avait prévu, vit ses ennemis chargés de lourdes charges grimper le plus vite possible sur la pente menant à son camp afin de ne pas laisser aux Romains le temps de s’organiser. Sabinus qui avait prévu l’attaque, attendit que l’ennemi ait déjà fait un gros effort pour donner l’ordre de la sortie à ses légionnaires. Le résultat escompté de la contre-attaque ne se fit pas attendre. Les Unelles ne purent tenir tête à cette ruée de soldats beaucoup plus frais qu’eux. Ils eurent vite fait de tourner le dos à leur ennemi mais la cavalerie, lancée ensuite à la suite des fuyards, eut raison d’une grande partie d’entre eux.

       Cette bataille eut lieu, rappelons-le, en moins 56 avant JC. Ironie de l’histoire, exactement deux mille ans après, soit en 1944, le mont Castre allait connaître une autre bataille, celle des Américains en prise aux Allemands. Mais avant de résumer ce dernier affrontement, voyons ce que sont devenus Viridorix et Sabinus.

       Ce qui resta des Unelles prit la direction du nord du Cotentin pour atteindre un endroit de la côte près de la ville de La Hague. Les Gaulois retranchés se virent à nouveau attaqués par les troupes romaines et, à cet endroit, naîtra une légende dramatique.  Elle raconte que pour s’assurer de la victoire des Unelles, la druidesse Equinandra imposera le sacrifice du plus jeune enfant de la tribu, à savoir celui de leur chef Viridorix. Le sacrifice effectué est vain. Viridorix furieux d’avoir perdu la bataille finale se vengera en tuant Clodomir, le mari de la druidesse. Equinandra demande à son père de l’enterrer vivante auprès de son mari au bout de la baie d’Ecuty. Cet emplacement rocheux  se voit encore aujourd’hui. Erodé petit à petit par les marées, il forme un îlot que l’on connaît aujourd’hui sous le nom d’Esquina.



Le rocher maritime Esquina

       Que devint Viridorix ? En 52 avant JC, Vercingétorix tentera une ultime révolte et est finalement assiégé dans Alesia. Il avait obtenu une aide des Unelles. Les peuples riverains de l’océan avaient fourni 6.000 hommes. Viridorix était-il parmi ces hommes ? On connaît la fin malheureuse des assiégés d’Alesia. Un an après en 51 avant JC, Caïus Fabius à la tête de 26 cohortes acheva de soumettre les derniers foyers de rébellion. Nous ne connaîtrons jamais le destin final de Viridorix mais par contre nous connaissons la fin de son vainqueur, Quintus Titurius Sabinus. Il avait vaincu par la ruse ses ennemis mais les Gaulois le vainquirent deux ans plus tard, en moins 54 avant JC, par la même méthode. Alors que sa légion hivernait en Belgique. Ambiorix, chef des Eburons, peuplade de l’est de la Belgique, attira la XIVe légion romaine de Sabinus et de Cotta dans un guet-apens et l'anéantit au cours de la Bataille d'Aduatuca, dans une profonde vallée (sans doute dans la vallée du Geer entre les actuelles villes de Tongres et de Liège). Ce fut une terrible défaite romaine. Sabinus y perdit la vie ainsi que 8.000 légionnaires.



Ambiorix, le vainqueur de Sabinus. Sa statue à Tongres

L’époque de la guerre de cent ans et le refuge du vieux château

       Le mont Castre possède les ruines d’un vieux château au sommet d’un escarpement d’où l’on possède une vue sur toute la vallée. La date à laquelle ce château fut construit n’est toujours pas connue. Il se pourrait que le château ait été élevé sur les ruines d’une tour de guet datant de l’époque romaine. Au 11ème siècle, il appartenait sans doute à un baron qui avait accompagné Guillaume le conquérant, duc de Normandie en Angleterre. En 1204, le roi de France Philippe Auguste annexa la Normandie et le château de Castre fut démantelé. Le comte d'Arundel, de la famille d'Aubigny, était possesseur de ce château de Lithaire à l'époque de sa confiscation. Cet homme était haï et on faisait sur sa cruauté les histoires les plus incroyables. Ce qui resta du château servit de refuge aux paysans de la région pendant la guerre de Cent Ans.




Ce qui reste aujourd’hui du « vieux château »


Blason de la famille d’Aubigny


Sur cette carte postale on aperçoit l’église encore intacte du premier village de Lithaire

       A proximité du château, le versant ouest du mont abritait le premier village de Lithaire fondé par des hommes venus de Scandinavie à l'époque des grandes invasions vikings. Le promeneur y découvrira les ruines romantiques de la vieille église St Martin abandonnée à son sort en 1894. Subsistent les emplacements des murs de la nef construite à l’époque romane (11e et 12e siècles) ainsi que de belles fenêtres en forme d’ogive qui éclairaient les chapelles (14e siècle). Il ne reste rien de la tour carrée élevée sur le transept nord mais le cœur, la sacristie et les murs des chapelles sont toujours visibles. A côté de l’église se trouve l’ancien cimetière dont il reste la belle croix et quelques tombes dont celle du maire Lavoisy (1818-1889).





Les vestiges de la Chapelle

La deuxième grande bataille du Mont Castre en juillet 1944



Blessés américains au mont Castre

       Après le débarquement, les Américains se trouvèrent un mois après devant une nouvelle ligne de défense allemande. Elle coupait le Cotentin en deux en isolant les G.I au nord et en les empêchant ainsi d’atteindre la Bretagne. Cette ligne s’appelait « ligne Malhmann », du nom du général allemand qui commandait la 353e division et qui avait conçu son organisation.



Sur cette carte, le mont Castre se trouve au milieu du Cotentin, à l’ouest de Carentan, sur la ligne de front correspondant à la ligne Malhmann

       Le mont Castre occupait le milieu de cette ligne et était mentionnée par les Américains comme la colline 122. Le 3 juillet ces derniers montent à l’assaut avec le 358ème et  le 359ème Régiment d’Infanterie appartenant à la 90ème Division. Le premier jour est un échec. Les observateurs d’artillerie du Grenadier-Regiment 943 profitent de la vue plongeante qu’ils ont du haut de la colline pour régler des tirs meurtriers. De plus les allemands opèrent une sortie avec des véhicules chenillés qui sème la panique dans les rangs du 358ème Régiment. Les pertes des Américains se montent à 600 hommes pour ce seul jour de combat.

       Le 4 juillet, l’offensive reprend  mais après quelques minutes, de nombreux tirs à l’arme automatique fixent les américains sur place et occasionnes un repli partiel. Les Allemands tiennent toujours bon. Au milieu de l’après-midi avec le renfort du « 712 Tank Bataillon » sur le flanc est du mont Castre, le hameau de Belles Croix est pris puis celui de La Butte. Les soldats américains sont de plus, après une semaine pluie, épuisés et mouillés en permanence. Leur moral est particulièrement bas. Perte de 800 hommes principalement du 358ème Régiment.

       Le 5 juillet, le retour du beau temps permet l’appui aérien mais les allemands résistent au déluge de feu. Le général Landrum fait remplacer le 358ème affaibli par le 357ème qui se tenait en réserve et ordonne d’attaquer le mont Castre par le sud. Il échoue mais le 359ème réussit à progresser sur le flanc est mais doit s’arrêter à mi-pente.

       Le 6 juillet, les Américains veulent ruser. Ils décident de faire semblant de poursuivre les attaques de la veille par le sud et l’est tandis que le gros du 359ème contourne la ligne allemande pour attaquer sur le flanc nord par surprise. Les Allemands se retirent alors à l’ouest du mont vers midi. Dans la soirée, les Allemands contre-attaquent vers l’est et le 157ème Régiment des « Fallschirmjager » parvient à s’emparer du donjon qui domine le village de Plessis-Latelle. Au cours de cette action, deux compagnies de la 357ème sont encerclées et une d’entre elles se rend.

       Le 7 juillet. Une compagnie essaie de dégager le 357ème encerclé. Elle est aidée par deux sections de chars. La tentative se termine en déroute et les survivants battent en retraite. Pendant ce temps le 359ème Régiment parvient enfin à atteindre le sommet du mont Castre mais à la nuit tombante un puissant renfort allemand constitué de la 2ème Panzer-division SS Das Reich qui s’illustra affreusement trois semaines plus tard à Oradour contre-attaque et les Américains sont repoussés au nord.



Le donjon de Plessis-Lastelle

       8 et 9 juillet, les combats n’ont plus cours autour du mont Castre mais plus à l’ouest où une autre Division s’empare de la ville de La Haye-du-Puits. Dès lors, les Allemands décident de reculer de plus de 10 km vers le sud et abandonnent le mont Castre.

       Le 10 juillet, la 90ème Division occupe le mont Castre qu’elle avait d’abord gagné péniblement puis perdu au prix énorme de cinq mille soldats, tués, blessés ou disparus.



Vestige de la bataille sur le Mont Castre

       Les Allemands ont reculé mais résisteront encore pour empêcher leurs ennemis d’entrer en Bretagne. Il faudra l'opération Cobra du 25 juillet 1944 pour mettre fin à cette situation. Cette opération consista à créer une brèche dans la ligne ennemie par un bombardement d’une intensité exceptionnelle. Durant une heure, 1.500 B-17 et B-24, appuyés de 1.000 autres bombardiers moyens et chasseurs-bombardiers effectuèrent le plus grand bombardement en tapis de la Seconde Guerre mondiale : 4 000 tonnes de bombes seront lâchées soit 60 000 bombes pour 12 km2 de bocage, soit 5.00 bombes au km2 ! Ce bombardement permettra enfin la percée vers la Bretagne mais causa la mort de 111 américains dont le Lieutenant général Lesley McNair — le plus haut gradé américain mort au combat sur le théâtre des opérations européen — et 490 blessés.

       Puisse le mont Castre ainsi que toute l’Europe rester en paix !

Dr P. Loodts

 

 

 

 



[1] Curieuse bataille que celle que les Gaulois de la nation des Vénètes, menèrent dans le Morbihan en Bretagne. Peu de Belges savent que ces tribus gauloises de Bretagne étaient d’excellents navigateurs et qu’ils affrontèrent les Romains dans une bataille navale. 220 navires Vénètes s’opposèrent en septembre de l’an -56 av JC aux galères romaines au bord du Golfe du Morbihan. Les galères romaines profitèrent de la chute du vent qui immobilisait les navires à voile des Vénètes pour s’approcher des navires ennemis et ensuite monter à l’abordage. Les Vénètes par manque de vents ne purent se porter secours les uns aux autres. La victoire revint donc aux Romains qui réduisirent ensuite en esclavage la plupart des Vénètes mettant ainsi une fin au monopole du commerce par mer qu’avait ce peuple d’excellents navigateurs.



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