Maison du Souvenir

Maria Deveux, héroïne du village de Sugny, sauvée de l’oubli en 1992 !

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Maria Deveux, héroïne du village de Sugny,
sauvée de l’oubli en 1992 !



L’hommage rendu à Maria Deveux


Sugny pendant la Grande Guerre


Avis de décès de Maria Deveux

       Maria (de son vrai prénom Eugénie Maria) avait 19 ans (contrairement à ce qui est écrit sur l’avis mortuaire, Maria est née en 1895 et non en 1898) lorsque la Première guerre Mondiale éclata. Elle habitait Sugny, petit village caché dans la forêt à proximité de la frontière française, au sud de Membre-Sur-Semois. On ne sait que très peu de choses sur ses activités pendant cette période mais Maria aurait fourni des renseignements sur les mouvements de l’armée allemande aux soldats Français encerclés et cachés dans les bois et qui essayaient de rejoindre leurs lignes[1].

       Son action découverte, elle fut emprisonnée. Durant la Deuxième Guerre mondiale, Maria remet cela. Elle travaille à Bruxelles dans un hôtel fréquenté par les officiers allemands et parvient à remettre à nouveau des renseignements aux alliés. Elle est cependant dénoncée par une de ses meilleures amies et est arrêtée le 22 septembre 1942 par la Gestapo. Elle passera d’abord 11 mois dans la prison de Saint-Gilles avant d’être déportée en Allemagne vraisemblablement à Ravensbrück pour aboutir au camp de Mauthausen le 7 mars 1945[2].

       Le 17 mars, après une sélection, les femmes les plus âgées et (ou)malades sont transférées au camp de Bergen-Belsen[3].

       Maria et ses compagnes voyagent debout dans un wagon ouvert et cela par une température glaciale. A son arrivée, elle est mourante. Elle décède le 15 avril, soit quelques jours avant la libération du camp de Bergen-Belsen.

       Lors de sa libération, le camp compte 60.000 immatriculés dont plus de 10.000 cadavres (D’après les rapports du Procès de Nurenberg). Maria mourut d’épuisement et du froid comme beaucoup d’autres de ses compagnes au sein d’un univers apocalyptique. Il y eut cependant des survivantes qui témoignèrent du calvaire de Maria et aussi de ses qualités. Sur le souvenir mortuaire, ses compagnes de misère signalèrent sa nature ardente et enjouée, son moral indomptable et sa serviabilité passionnée. Maria, pour le moins était une femme aux mille qualités. Elle repose sans doute à proximité ou dans le camp de Bergen-Belsen. Peu de traces de l'existence passée du camp de la mort sont encore visibles de nos jours. Les troupes britanniques, qui l'avaient libéré le 15 avril 1945, avaient dû l'incendier pour éviter une propagation de maladies mortelles telles que le typhus.

       Les corps trouvés dans le camp, jusqu'à 10.000 selon certains témoignages, avaient dû être enterrés à l'aide de bulldozers dans des fosses communes autour du camp ! Reste aujourd’hui un mémorial sous la forme d’un long mur et notamment le souvenir d’Anne Frank décédée avec sa demi-sœur du typhus en février 1945 !



Fosses communes autour du camp de Bergen-Belsen


Vue du mémorial de Bergen-Belsen

       Qu’en est-il de la saga familiale de Maria Deveux ? Mère célibataire, elle avait eu, entre les deux guerres, un fils, Jean, qui fut aussi déporté dans un camp en Allemagne. Il eut la chance de rentrer chez lui à Sugny. On imagine sans peine les innombrables pensées qui relièrent ces deux êtres souffrants dans les camps allemands ! Nous ne connaissons pas les raisons de la déportation de son fils Jean. Avait-il collaboré à l’espionnage effectué par sa mère ? Vraisemblablement ! Jean n’eut pas de descendant.

       Les parents de Maria, Nicolas joseph Deveux et Victorine Titeux eurent trois enfants. Maria était l’aînée, sa sœur, Louise Marie, la cadette, née en 1898, s’établit en France en épousant en 1921 Gaston Finari Marteau qui y possédait une entreprise. La fille issue de ce couple maria un GI et s’en alla vivre avec lui aux States à l’issue de la Deuxième Guerre Mondiale. Quant au frère de Maria, Louis Léon, né en 1896, il s’établit comme artisan maçon à Bruxelles (Forest).

       En 1992, un vétéran du maquis de Sugny, Roland Titeux, qui était aussi le cousin de Maria Deveux fit le nécessaire, avec sa section d’anciens combattants, pour qu’on n’oublie pas l’héroïne oubliée qui ne figurait pas sur le monument aux morts du village. La place de l’église fut alors baptisée du nom de Maria Deveux et une plaque fut apposée. Par ce geste, et à travers l’exemple de Maria Deveux, ce sont toutes les femmes résistantes qui sont rappelées à notre mémoire.

       Sans compter les victimes belges de la shoah, on estime que le nombre de Belges morts dans les camps allemands de concentration se situe entre six et sept mille ! Ce chiffre est évidemment impressionnant ! Qu’ils ne soient jamais oubliés ces héros et héroïnes de l’ombre !

Dr Loodts Patrick

P.S. : Bien entendu, nous serions heureux d’étoffer cet article par d’autres renseignements la concernant. Une photo nous serait aussi précieuse ! Mais avouons-le, le peu que l’on sache de Maria Deveux, nous offre déjà assez de raisons de ne jamais oublier Maria Deveux.



Survivants, soldats américains, et personnels de la Croix-Rouge au camp de concentration de Mauthausen. Mauthausen, Autriche, après le 5 mai 1945. (Sources)

 

 

 

 

 



[1] Voir le livre de Yvon Barnenzon, « jours de guerre en Basse-Semois namuroise » page 221. Ce livre est vendu au Syndicat d’initiative de Vresse.

[2] Le camp de Mauthausen n’hébergeait jusqu’au 7 mars 1945 que des hommes. C’est seulement à cette date que deux milles femmes arrivent de Ravensbrück. Elles sont Françaises, Belges, Hollandaises et Norvégiennes et certaines d’entre elles sont classées Nachtund Nebel. Arrivent aussi des Tsiganes avec des enfants, des Hongroises, des Russes et des Polonaises. Dans les dernières semaines avant la libération, elles vivent dans des conditions extrêmement pénibles dans les blocs de quarantaine et certaines sont conduites dans une baraque à l’extérieur de la carrière dans des conditions terribles, sans commodités, avec seulement quelques bottes de paille à se partager en guise de lit… Celles qui ont survécu témoignent des atrocités qu’elles ont subies, des traitements souvent égaux à ceux infligés dans les camps d’extermination.« Nous allions mourir là quand, le 22 avril, est arrivée une surveillante me disant : « faites sortir toutes celles qui peuvent encore marcher «. On a eu très peur, on s’est dit que c’était encore une sélection, on est sorti, il y avait effectivement des hommes avec le brassard « Croix-Rouge Internationale «. La première réaction a été la joie, mais tout de suite après on s’est aperçues que c’était une mise en scène… ils ont tiré... alors les femmes sont remontées, les blessées ont été emmenées au « Revier « en dur, dans le centre du camp ; nous sommes restées toute la nuit et finalement ces énormes portes se sont ouvertes, les camions blancs sont arrivés et la Croix-Rouge a obligé les SS à nous donner leur pain… on a roulé jusqu’à la Suisse durant trois jours… on est resté devant la frontière sans pouvoir passer…. » Ce témoignage est celui de Marie-José CHOMBART DE LAUWE, matricule 2 807 (Ravensbrück, Mauthausen) que vous pouvez retrouver en entier sur : ce site. Parmi les femmes évacuées en Suisse se trouvent 469 Françaises.Au moins quatorze d’entre elles décèderont au cours de l’année 1945, soit dans les hôpitaux suisses où elles étaient en traitement, leur rapatriement étant jugé impossible au vu de leur état de santé, soit après leur retour des suites de souffrances endurées au cours de leur déportation. Le centre de rapatriement d’Annecy (Haute-Savoie) accueille la majorité des femmes jugées aptes à poursuivre la route jusqu’en France : au moins 310 passent par ce centre de rapatriement, presque toutes entre le 25 et le 29 avril 1945. Quelques dizaines d’autres sont rapatriées par le centre d’Annemasse, également en Haute-Savoie, majoritairement le 3 mai 1945.



Carte de la Libération des camps

[3] Parmi les malades et femmes plus âgées envoyées à Bergen-Belsenjusta après leur arrivée à Mauthausen  se trouvent 67 Françaises. Parmi elles, 56 décèdent au cours du transport ou après leur arrivée au camp (dont huit après la libération le 15 avril 1945). Onze sont rapatriées. Sur ces onze femmes, deux décèdent peu après le retour, en juin et septembre 1945.  Le nombre de décès est donc effroyable. Pour les Françaises, on compte plus de 90% de décès. Il doit évidemment en être de même pour les femmes ayant une autre nationalité.  Les Archives de l’Etat à Bruxelles possèdent une liste des 38 femmes Belges qui firent parties de ce transfert.. Le nom de Maria Deveux devrait y figurer. On n’ose imaginer ce que fut ce calvaire pour les  692 femmes et enfants, toutes nationalités confondues, qui partirent le 17 mars pour Bergen-Belsen d’après le registre original des femmes. Leurs noms sont alors rayés du registre au crayon bleu avec apposé le tampon « überstellt » signifiant qu’elles ont été transférées. (7/4 (Registre original des femmes) et Ma 20 (femmes ayant séjourné au camp de Mauthausen et parties le 17 mars 1945 pour Bergen Belsen), DAVCC, Caen). Source principale de cette note.

 



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