Maison du Souvenir

Mémoires de guerre de Marcel Labie.

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MEMOIRES DE GUERRE

de et par Marcel Labie



Remémoration de faits saillants des 2280 jours qui gâchèrent six des plus belles années de ma vie

La campagne des 18 jours

Chapitre 1 : Prélude

       En 1938 : Mobilisation et « pied de paix renforcé » qui concernait les hommes de plus de 35 ans, c’est ainsi que mon père Sylva qui était de la classe 21 a dû se rendre à Chièvres et Beloeil pour la surveillance des chemins de fer.

       1939 : « Mobilisation générale »

       Jeudi 01/03. Nous sommes 40 à être appelés sous les armes à la caserne Baron Rucquoy à Tournai pour faire notre service militaire au 12e Chasseur à pied, 1e compagnie, 2e peloton, je suis tireur FM (fusil mitrailleur). Nous étions 5 du village à y être casernés : Willy Croissiaux, André Jaivenois, Gérard Dubuisson, Jules Coulon et moi-même (Marcel Labie), nous ne sommes pas heureux du tout, car entrer à l’armée quand c’est la guerre en Europe de l’Est (Pologne), cela ne présage rien de bon.


Photo de la 1ère compagnie avec les nouvelles recrues


Photo prise le 31 mars 1940 lors d’une permission


Photo prise le 31 mars 1940 lors d’une permission


Photo prise le 31 mars 1940 lors d’une permission

       1940

       Du 13/04/1940 au 15/04/1940 « Alerte théorique ». Toute les permissions furent supprimées jusqu’au 28/04/1940, pendant cette période, j’ai fait la rubéole.

Chapitre 2 : La Guerre

       Le vendredi 10/05/1940 : A 2 heures du matin, appel, on se lève, nous recevons nos armes et munitions. Nous quittons la caserne à 4 h 30 et arrivons à la ferme de la Fauvette à Guaurin-Ramecroix, mais par manque de place, nous sommes dirigés sur la ferme du Grand Malvit qui se situe à Ramecroix, question de nous rendre du baume au cœur, nous constatons que celle-ci est plus confortable.

       Le 11/05/1940 : Il y eu des combats aériens toute la journée et la nuit fut mouvementée à cause des alertes incessantes et des raids destructeurs sur Tournai, à 3 h du matin, nous embarquons en train, nous passons par Ath-Lessines-Grammont.


       Mardi à 9 h, après Alost, avant d’arriver à Gand, à Gontrode exactement nous sommes mitraillés et nous fuyons dans les champs voisins. Nous parvenons à Gand vers 12 h. Nous sommes logés dans une école et ravitaillés.


La destination théorique de ce train devait être BEVEREN-WAAS (Anvers)

       Le 12/05/1940, c’est le dimanche de Pentecôte, dès le matin, nous quittons Gand et à 9 h 30, nous arrivons au village de Kieldrecht et abrités dans le salon communal, là, ayant appris qu’il y avait une messe à 10 h, nous nous y sommes rendus.


       Le 13/05/1940, on peut qualifier cette journée de calme, malgré quelques raids allemands.

       Le 14/05/1940, Cette nuit, il y a eut deux alertes au loin, à minuit, lors de la relève de la garde, des chasseurs ardennais passent près de nous. A 14 h 30, la moitié du 2e peloton monte la garde de guet hors du village pour surveiller les avions ennemis. A 16 h 30, passage de troupes françaises avec de lourds canons, tirés par des chevaux. (Quel contraste avec les chars allemands !)
Nous apprenons que ces Français allaient remplacer nos camarades belges à Doël. A 19 h 30, un important passage de cavalerie française se poursuit pendant 20 minutes. A 20 h, le 3e peloton rentre après une ronde de 24 km à la recherche de l’ennemi.

       Le 15/05/1940 : Toute la nuit, passage de bataillons français, en continu des canons et de 5000 hommes.
A 6 h, nous nous levons, tout tremble, à 10 km, les canons tonnent, ils tirent sur un objectif distant de 35 km.
A 11 h 45, le lieutenant annonce notre départ pour Gand à 15 h 30, mais à 14 h, nous partons à pied vers Beveren Waas, nous y arrivons à 18 h, puis en train vers Lokeren que nous atteignons à 20 h, là, nous sommes restés en attente pendant 7 h, avant de rejoindre Gand vers 3 h 20. Sur le parcours, nous avons rencontré Gérard Dubuisson, Georges Overlau, beaucoup de réfugiés et de nombreuses colonnes de Français. La gare de Lokeren était démolie, elle avait été bombardée le 11/05/1940 à midi (il y eut 6 tués).


       Le 16/05/1940 : Nous sommes toujours parqués dans nos wagons, des trains de réfugiés et des convois français nous croisent.

       Le 17/05/1940 : Et finalement, en passant par Bruges et Dixmude, nous traversons la frontière à 14 h 30 et arrivons à Dunkerque vers 17 h 30, de là, nous partons pour Boulogne, arrivée à 1 h 30 du matin. Le train de Gérard Dubuisson, partait après le nôtre, il a été bombardé et immobilisé à Dunkerque.


       Le 18/05/1940 : Nous voilà repartis à 10 h 30 par Etampes (Paris Plage), nous rencontrons toujours des réfugiés et le train fait de nombreux arrêts. Nous passons par Tréport et Dieppe qui venaient d’être bombardés. Ensuite par Rouen, Lisieux, Le Mans, Angers, Niort, Bordeaux, Agen, Montauban, Toulouse, Béziers, Montpellier, Avignon, soit un périple de 9 jours en train.

       Le 22/05/1940 : A 13 h 30, nous débarquons à Bagnols-sur-Cèze, petit village près d'Avignon.

Notre périple à travers la France, mais ces jours là, ce n’était pas à la recherche du soleil !!


       Le 22/05/1940 : A 13 h 30, nous débarquons à Bagnols-sur-Cèze, petit village près d’Avignon, à 17 h 30, à pied, nous nous mettons en route et passons par Saint-Gervais, nous arrivons à 20 h au sommet d’une montagne. Là, on trouve un petit groupe de maisons entourées de vignes, à 22 h, nous sommes au hameau de Saint Gely, nous dormons sur de la paille dans une grange.


Depuis le 16/05/1940, nous vivons un bien triste exode rendu très pénible par le ravitaillement qui faisait défaut et très mal distribué.

       Le vendredi 24/05/1940, Nos équipements sont là, nous faisons notre lessive. Je suis mis au repos par le médecin pour raison de maladie.

       Le dimanche 26/05/1940 : A 9 h 30, messe militaire en la chapelle du Saint-Sauveur suivie d’une réunion avec les habitants du village, puis, vers 11 h 30, à Cornillon, le commandant rend hommage aux morts de 1914-1918. A 18 h, j’assiste au salut à la chapelle, j’étais très triste toute la journée surtout pendant les offices. Le soir, nous montons de garde et je suis de piquet.

       Le 28/05/1940 : Après les exercices vers 15 h 30, le commandant annonce la triste nouvelle « Le  Roi a capitulé » ce qui fut un bien triste moment pour les Belges. A 17 h, s’adressant à nous, le commandant qualifie le Roi de « traître », annonce que le gouvernement belge se retire sur Londres pour continuer la lutte et que le Roi est chassé.

       Le 29/05/1940, le jour suivant, à la demande du commandant, l’aumônier célèbre la messe et un salut. « Nous sommes Bataillon de travailleurs »

       Le 05/06/1940 : Il fait 37°, « état d’alerte », et inspection par le lieutenant dans le cantonnement.

       Le 06/06/1940 : Nous sommes équipés (armes et munitions). Le soir, je suis de sentinelle aux abords du bureau militaire, le temps est pluvieux et orageux, je m’abrite sous un porche.

       Le 07/06/1940 a 20 h, la TSF (la radio d’époque) annonce que les troupes belges qui sont en France vont monter en ligne, ce qui est très inquiétant pour nous.

Chapitre 3 : Abandon et Détention

       Dimanche 09/06/1940. Après la messe, à 6 h, départ à pied jusqu’à la grand’ route, puis en autocar pour Bagnols-sur-Cèze, où j’ai revu André Jaivenois et Willy Croissiaux. Nous sommes embarqués dans un train de marchandise pour Pont-St-Esprit.


       Le 10/06/1940 : Après avoir roulé toute la nuit en train et traversé une bonne partie de la France pour remonter vers le nord et les zones de combat, nous sommes, à 13 h 45 à Bar-le-Duc, puis à Verdun vers 17 h 15 et nous débarquons finalement à 18h 15.


Nous partons à pied vers 21 h, traversons un petit hameau où nous sommes bien accueillis ensuite, dans un village évacué, nous cherchons de la nourriture dans les fermes. Et, l’on entend le canon, enfin vers 23 h, nous repérons une grange près de Verdun où nous dormons dans la paille.

       Le 13/06/1940 : Nous repassons au centre de Verdun à 9 h puis par un village évacué. Après-midi, il y eut des raids aériens sur Verdun.

       Le 14/06/1940 : Vers 22 h 15, tout en redescendant, une nuit froide se présente à nous, nous la passons dans un bois près de Souilly. La  nuit était rythmée par les avions et la DCA des combats aériens sur Verdun. Les 1ère , 2ème et 3ème compagnies marchaient toujours ensemble en direction de Bar-le-Duc. Tandis que des convois de ravitaillement montaient vers le front, des troupes en retraite passaient en sens inverse, accompagnées de réfugiés qui comme nous descendaient vers le sud.


       Le 15/06/1940 : Nous avons fait 35 km sur une journée, pour arriver à Pierrefitte.


Là, nous nous reposons dans un bois, juste après avoir dévalisé une fromagerie abandonnée. A peine installés, nous devons rebrousser chemin car les Allemands sont là devant nous. On cherche à se sauver car nous sommes mitraillés et bombardés. A 22 h, nous sommes à Dieuze, où du ravitaillement nous est procuré par des soldats français. Là, nos gradés nous disent : « Vous êtes libres, faites ce que vous voulez, gagnez Neufchâteau ! » A partir de ce moment le bataillon va se disloquer. En effet, c’est la débandade, par petit groupe, nous nous dispersons pour passer la nuit, mais vers 3 h du matin, notre groupe trouve un petit village, on se couche dans une grange où nous abandonnons nos armes. Depuis une semaine, nous ne nous reposions que de temps à autre au bord du chemin.


       Le 16/06/1940 : Nous voici errant sur les routes, en une interminable colonne, ayant mal aux pieds, je trouve un vélo qui me vient bien à point. De passage à Domrémy vers 19 h 30, on retrouve le commandant qui nous dit : « Ne vous occupez plus de moi, allez le plus loin possible vers la Suisse ». A 21 h, nous arrivons à Neufchâteau qui avait été bombardée le matin. A minuit, nous nous couchons à quelques-uns dans une grange. Toute la contrée avait été pillée.


       Le 17/06/1940 : Vers 2 h, on nous dit : « Filez vers Epinal ! » Mais bien vite à bout de souffle, nous faisons une halte dans un bois. Vers 5 h 30 nous repartons. Sur notre route, nous voyons des villages bombardés et abandonnés, nous y remarquons 6 morts. Il pleut quand vers 17 h, nous entrons à Darnieulle, on se réfugie encore dans une grange sur du foin et nous soupons chez l’habitant avec des soldats français.

       Le 18/06/1940 : Réveil à 8 h, nous partons pour Epinal. A 10h, nous sommes à l’entrée de la ville et on nous conduit à la caserne des tirailleurs marocains. Endroit où le 12e chasseur à pied est regroupé. Nous y arrivons vers 11 h, on cherche place mais tout est désert. A 20 h, « Crac » voilà l’ennemi qui arrive dans la ville, nous sommes mitraillés. A quelques-uns, nous nous sauvons dans une ferme sur la route de Bousey. Nous n’avons plus aucun bagage, nous n’avons plus rien. Nous sommes ravitaillés par des soldats français et nous y dormons.


       Le 19/06/1940 : Vers 9 h, avec l’habitant, nous allons à Sanchez, nous mettre à l’abri dans un fortin de l’autre guerre (celle de 1914-1918). Le soir venu, nous revenons souper à la ferme, mais nous retournons dormir au fortin. Nous entendons toujours les mitrailleuses allemandes.

       Le 20/06/1940 : Toute la nuit, le canon a tonné. A 11 h, nous revenant à la ferme pour diner. Nous n’avions pas remarqué que l’ennemi était très proche, soudain, « alerte », en longeant les murs, nous nous sauvons vers une cave de la ferme, mais dans le fossé que je devais traverser, je suis blessé au bras droit, nous sommes alors faits prisonniers dans la cave vers 13 h.

Vers 16 h, en avant par Epinal, nous traversons Xertigny, vers 22 h, là, je suis soigné par un brancardier allemand (un pansement rudimentaire). Je me couche dans une grange, avec Willy Croissiaux et des soldats allemands (les soldats sont chiches, corrects, honnêtes…)


       Le 21/06/1940 : Le matin, avec Willy en auto, nous allons à Bains-les-Bains. A 16 h, Willy est fait prisonnier tandis que je suis emmené au poste de la Croix Rouge (hôtel des postes). Vers 20 h, je reçois une piqûre antitétanique alors que près de moi un soldat français gravement blessé, meurt.

       Le 22/06/1940 : Je suis soigné.

       Le dimanche 23/06/1940 : Armistice

       Le 24/06/1940 : Défilé des troupes allemandes. A 15 h 30, je repars pour Epinal (hôpital St Joseph). Là, on me fait encore une piqûre antitétanique avec toujours un pansement au bras. Pour la première fois, je dors dans un lit.

       Le 26/06/1940 : En ambulance, on me reconduit à la caserne Coursy d’Epinal pour me soigner. Pendant ce temps, mes copains étaient rassemblés dans une prairie sous la pluie.

       Le 28/06/1940 : Hold-up dans la cuisine de la caserne avec un copain d’Ormeignies, nous avons bien mangé. Mais, nous dormons sur le sol.

       Le 30/06/1940 : C’est dimanche, à la caserne vers 14 h, je retrouve André Jaivenois et Louis Renard parmi les soldats et les civils. Alors, nous restons ensembles. La nourriture que nous avons est constituée de pain d’orge, d’eau et de pois cassés.


       Le 06/07/1940 : Les civils belges sont libres.

       Le 07/07/1940 : Messe à 7 h 33 par un aumônier.

       Le 08/07/1940 : Nous mangeons du pain moisi récupéré dans une maison abandonnée.

       Le 13/07/1940 : Les 800 Alsaciens sont libres.

Chaque jour de corvée à la caserne, en nettoyant, nous trouvons des capotes (manteaux) de soldats français pour nous couvrir. Nous sommes appelés au bureau soit disant avant de partir (où ?), mais après une longue attente, on reste à la caserne.

       Le 14/07/1940 : Dimanche, messe à 7 h 30.

       Le 15/07/1940 : Nous sommes de corvée W.C.. Le groupe de soldats français part ailleurs tandis que nous recevons un demi pain.

       Le 17/07/1940 : L’adjudant annonce notre prochain départ. Le soir, nous sommes contents car nous recevons des biscuits et une gamelle pleine.

       Le 21/07/1940 : Messe à 8 h830, nous sommes toujours dans l’attente.

       Le 24/07/1940 : On part à 10 h 30. Il y a 17 wagons, nous passons par Lunéville.


La destination de ce train est Sarrebruck et ce dernier y arrive vers 21 h 30.


       Le 25/07/1940 : A 11 h, Willy Croissiaux, embarqué dans un autre train, s’en échappe et nous rejoint, heureusement car son train s’enfonce en Allemagne. Tandis que le nôtre arrive à Cologne à 20 h.


Chapitre 4 : Le retour

       Le 26/07/1940 : A 8 h, nous nous retrouvons à la frontière hollandaise. Pourquoi n’avons-nous pas passé le Rhin ? (Jusqu’à ce jour, nous ne connaissons toujours pas la raison)

       Le 27/07/1940 : A 18 h 45, nous sommes à Hasselt. A00 h 30, nous dormons dans la gare.


       Le 28/07/1940 : A 4 h 30, départ pour Mons. Vers 7 h 30, nous arrivons au passage à niveau de Jurbise (aujourd’hui viaduc), puisque le train ralentissait, nous sautons.


De là, nous allons vers le champ d’aviation de Chièvres où les Allemands s’installaient déjà. Nous le contournons et rejoignons la maison de Michel BAUGNIES, l’oncle d’André qui habite Vaudignies, après quelques mots de réconfort, il nous embarque dans sa voiture direction Huissignies. A 10 h 30, chez-nous, c’était la sortie de la messe, nous débarquons au milieux d’une foule inhabituelle : c’était la première eucharistie de l’abbé Marquegnies ; sitôt sortis de la voiture, nous avons été entourés par la foule qui avait oublié le nouveau curé, pour nous embrasser, il y avait longtemps que des soldats n’étaient plus rentrés au village. (En effet, nous étions les derniers encore absents, beaucoup d’autres étaient rentrés bie avant nous.) Nous étions 5 ; André Jaivenois, Willy Croissiaux, Louis Renard, Louis Lefebvre de Blicquy et moi Marcel Labie.

J’ai envie folle de retrouver mon père, ma mère et surtout ma fiancée Rose Dupont

       A l’endroit où nous sommes débarqués, les époux Georges Croissiaux-Lorphèvre (les parents de Willy) érigèrent en 1945 une chapelle en reconnaissance à Sainte Rita, à Sainte Thérèse et à la Sainte Vierge.


Voilà la photo actuelle de ce témoignage

Nous étions heureux d’être rentrés mais à la fois tristes pour les PG (Prisonniers de Guerre) toujours en Allemagne.

La vie reprend

       Le lendemain matin, je reprenais le chemin du chantier de la briqueterie à  Ellignies-Ste-Anne avec mon oncle Oscar Labie et son fils Alfred.

       C'est vrai la vie reprend mais !

 

 

 

      

 



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