Maison du Souvenir

Le lieutenant Richard Smekens rejoignit l’Angleterre en passant par l’enfer de Dunkerke !

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Le lieutenant Richard Smekens rejoignit l’Angleterre en passant par l’enfer de Dunkerke !

       Le lieutenant Smekens et vingt de ses hommes passèrent dans l’enfer de Dunkerke pour rejoindre l’Angleterre[1].



Richard Smekens en uniforme


Le fidèle adjoint du lieutenant Smekens fut Pierre Lefevre

       Richard Smekens fut un des premiers Belges à refuser la défaite et à atteindre l’Angleterre. En août 1939, il commandait la 2ème compagnie du 25ème bataillon de Génie qui s’est formé à Auderghem. Le 4 septembre, on le retrouve dans les Ardennes auprès du groupement K (général Keyaerts). Quand la guerre éclate, le 10 mai 1940, le bataillon commence son job en détruisant les ouvrages sur la Salm. Les opérations se terminent dans la nuit du 27 au 28 mai, en Flandre, par la destruction des ponts des canaux Léopold et de Shipdonck. Le 28 à l’aube, à Klemskerke, c’est la capitulation. Maurice Vanneste et Pierre Lefevre se rendent alors chez le lieutenant Smekens au P.C. de la Compagnie pour lui manifester leur envie de continuer la lutte. Ce dernier réunit alors sa compagnie, forte de 140 hommes, en ordre de bataille. Après avoir fait exécuter toutes les sonneries réglementaires, comme s’il se fut agi d’une parade, il annonça la capitulation et fit part de son intention de poursuivre la lutte. Il demanda à ceux qui voulaient le suivre de faire un pas en avant. Vingt hommes franchirent ce pas qui devait finalement les amener en Angleterre. Ce fait semble unique dans toute l’Armée belge, ce qui lui donne une grande valeur malheureusement oubliée de nos jours.

       Les volontaires vont alors se diriger vers Dunkerque. Ils vont encourir, dans les heures qui suivent le dédain des Français bien au courant du discours de Paul Raynaud qui traitait les Belges de tous les noms. La petite colonne motorisée qui s’est formée arrive dans la nuit du 29 au 29 mai à Dunkerque. Le 29, le lieutenant Smekens, Vanneste, Brion et Lefevre vont en reconnaissance à La Panne pour voir ce qui s’y passe. Mais là aussi, les militaires sont mal accueillis. Le soir, le détachement se retrouve à Adinkerke au poste frontière de « Papegaai ». Dans l’entre-temps, onze militaires belges dont le brigadier Arthur de Jonghe (plus tard major aux commandos britanniques) et un caporal hollandais ont rejoints les volontaires. Le 29 mai à 21h, les efforts du lieutenant Smekens et les négociations du Vicomte de Jonghe aboutissent : le détachement belge est incorporé dans la 1ère Cie du 92ème Bataillon du Génie de la 2 D.I.N.A. (Division d’Infanterie Nord-Africaine), unité commandée par le capitaine Jacques Madrolle. La nuit du 29 au 30 se passe à la belle étoile, dans les dunes.

       Trois militaires belges se joignent à eux le 30 mai ce qui fait monter l’effectif du détachement à une trentaine de volontaires. Le 30 mai vers 14 h., Smekens et ses hommes quittent Adinkerke à pied pour Dunkerque à la demande du capitaine Madrolle. Le détachement marche en tête du 92ème Bataillon du Génie français. C’est en sifflant des marches, qu’ils entrent dans Dunkerque en flammes. Les abords du port et le port lui-même sont violemment bombardés par l’aviation et l’artillerie allemande. Le détachement belge se dévoue sans compter dans l’enfer de Dunkerque auprès des blessés qu’ils se chargent d’évacuer. Les Belges ne seront pas épargnés puisque que le commandant Blumlein et le brigadier Verboven sont grièvement blessés et transportés dans un bateau sanitaire.

       L’opération Dynamo est commencée depuis le 26 mai. Elle doit aboutir à l’évacuation la plus complète possible des forces alliées par voie maritime vers l’Angleterre. A la nuit tombante, le 30 mai, le détachement belge est embarqué sur le « St-Helier ». Ce navire aura l’honneur d’être le bateau qui embarquera, le 3 juin, les derniers hommes du corps expéditionnaire britannique. Après cette date, l’opération dynamo sera prolongée pour continuer l’évacuation de soldats français. C’est le 4 juin 1940 à 3 h 40, que le tout dernier navire, le « Shikari », quitta Dunkerque. Au total, 338 000 soldats alliés purent être évacués.

       Le 31 mai à 7h.30, le détachement débarque à Folkestone.  Les Anglais obligent les Belges à remettre leurs armes...  Pour eux aussi, l’armée belge a capitulé. Par chemin de fer et puis par cars, Smekens et ses hommes sont conduits au camp Perham-Downs (près de Salisbury). Le lieutenant Smekens se met alors en rapport téléphonique avec l’Ambassade de Belgique à Londres. Tout s’arrangera rapidement car le lieutenant général Chevalier van Strydonck de Burkel, qui se trouve en Grande-Bretagne à Tenby, a eu, lorsqu’il était colonel au 1er Guides, le père du lieutenant Smekens comme adjudant-major. Le 3 juin, les Belges peuvent quitter Perham-Downs pour rejoindre le camp belge de regroupement de Tenby dans le sud du Pays de Galles. Commence alors une période d’incertitude qui durera pendant quelque deux mois : y aurait-il oui ou non un gouvernement et une nouvelle armée belge ? Au cours de cette attente, les volontaires se livrent au travail dans les champs et à la construction d’abris au profit de la Protection civile. La première unité est formée le 13 août 1940, et portait le nom d’Unité Combattante Belge (U.C.B.). Elle comprenait en plus de trois pelotons normaux, un quatrième peloton, qui comptait des gradés trop nombreux pour recevoir une affectation d’encadrement. Petit à petit de nouvelles recrues belges arriveront à Tenby, parmi lesquelles beaucoup de jeunes (notamment Pol Renkin et Barette, qui s’illustreront quatre ans plus tard au sein de l’unité parachutiste belge). L’arrivée de cette centaine de jeunes gens nécessita la formation d’une deuxième compagnie dont le lieutenant Smekens prit le commandement et au sein de laquelle Lefevre[2] fut affecté comme adjoint au chef du 2ème peloton, sous les ordres du sous-lieutenant Neuray, qui devait trouver la mort dans un accident de moto.

       Le 22 janvier 1943, l’unité belge, appelée alors « Premier Bataillon de Fusiliers », fut dissoute pour constituer trois unités indépendantes de 300 hommes chacune qui vont constituer la base du 1er Groupement belge. Lefevre fut désigné comme Signal Officer de la 2ème Unité, fonction qu’il remplit jusqu’au 7 octobre, date à laquelle il remplaça à titre temporaire le capitaine Smekens, absent, à la tête de la 1ère compagnie de Génie qui se formait à Lowestoft.

       La compagnie était composée d’un peloton de sapeurs subdivisé en quatre sections de 12 hommes.

       En janvier 1944, la « First Field Engineer Coy » partait pour un entrainement intensif au camp de «Fulwood Barracks » à Preston. La plus grande partie de l’entrainement fut consacrée à construire les ponts Bailey et apprendre les techniques de déminage. Le génie de la conception du pont Bailey résidait dans la simplicité de son montage. Sans aucune aide mécanique une équipe du génie pouvait monter et démonter un pont rapidement et très facilement. Un de ces ponts, exposé aujourd’hui dans le parc du Memorial Pegasus, fut utilisé sur la Dives jusqu’en 2001.



Construction d’un pont Bailey

       Le « Gros » de la Brigade Piron quitta Newmarket, le 3 août 1944 à quatre heures, pour rejoindre ce que l’on appelait la « Marshalling  Area » à Tilbury. Dès le lendemain, le chargement commence à bord de quatre Liberty Ships : Le « Gladstone », le « Paul Benjamin », le « Henri Austen » et le « Finlay ». Le soir tombe quand les navires appareillent pour rejoindre un convoi au large de Whistable. Le départ pour la traversée de la Manche n’aura lieu que le 6 août à 8h.15.

       Le lieutenant Pierre Lefèvre participa à toutes les campagnes de la Brigade Piron comme second du capitaine Smekens. Un job très ingrat consistant avec des moyens insuffisants d’appuyer une grande unité motorisée pour aider à passer les nombreuses coupures de l’Orne à la Seine et déminer les chenaux nécessaires dans des régions fortement minées.

       La compagnie génie sera un des pions majeurs de cette unité qui pourra se glorifier d’un pont Bailey construit sur le canal à Bree (Brussels bridge) le 25 septembre 1944 à 8H15 pour pénétrer en Hollande et y combattre l’ennemi.



       La bataille de Hollande est aussi appelée la bataille des canaux. Les jours qui suivirent la construction du pont, des milliers de véhicules du 21ème Groupe d'Armées l'emprunteront car il fut le seul point de passage vers la Hollande. La brigade Piron et sa fameuse compagnie de génie.

       Voici le nom des braves de la Compagnie du génie de la brigade Piron – D-Day Overlord (dday-overlord.com)

       La brigade Piron combattra jusqu’à la capitulation allemande. Elle aura à son actif la campagne de Normandie et deux campagnes en Hollande avant de constituer une troupe d’occupation en Allemagne jusqu’en décembre 1945, date à laquelle la brigade fut dissoute.

       Je n’ai hélas pas trouvé de renseignements sur la carrière d’après-guerre du capitaine Smekens. Un lecteur de cet article pourra peut-être m’aider à compléter l’histoire de cet officier qui fut un des premiers à rejoindre l’Angleterre pour continuer à se battre avec vingt hommes de sa compagnie. J’ai découvert l’exploit du capitaine Smekens en me promenant récemment sur les hauteurs de Huy, à Statte, où se trouvent les vestiges d’une ancienne fortifiée (église de Saint-Etienne-au mont ; son origine se perd dans la nuit des temps) qui domine la Meuse. On y parvient en gravissant un antique chemin à partir de la rue René Dubois, juste à côté du monument dédié à Oscar Lelarge dont nous parlerons un peu plus loin. Dans le cimetière entourant la vieille église se trouve la tombe du capitaine Smekens, décédé en 1972, à l’âge de 65 ans. Cette tombe à préserver et à embellir se signale par une plaque souvenir décrivant en quelques phrases l’exploit du héros oublié. Les phrases dorées sont malheureusement devenues quasi illisibles.  



Le chemin antique qui mène à l’ancienne église de Saint-Etienne-au-Mont à partir de la rue René Dubois


Photo prise sur la hauteur du chemin antique menant à la vielle église de Saint-Etienne-au-Mont. On aperçoit la Meuse et la nouvelle église Saint-Etienne


Autour des vestiges de la veille église désaffectée se trouve le cimetière de Statte dans lequel reposent le capitaine Smekens et son épouse


La famille et le Col BEM er Mignolet Philippe du Musée du Génie


Plaque apposée par la famille


Plaque apposée par le musée


Richard Smekens et son épouse Marie José Latour

Extraits du livre

Croire et agir, Le Génie belge à l’heure anglaise, de 1943 à 1945

Colonel BEM er Yves DERAYMAEKER

Editions du Musée du Génie, mars 2012

       L’après 8 mai 1945

       Quant à la compagnie Génie du capitaine Smekens, après une période de récupération à Louvain, elle est envoyée à la mi-décembre 1944 sur la côte à Duinbergen pour y passer en bloc au 1er Bataillon de Génie d’Armée, commandé à partir du 7 février par le major Galand (qui avait été jusque là le premier Commandant du 2ème Bataillon Pionniers créé à Hoogboom en novembre 1944). Commandée par Smekens, elle portera le nom de 1ère Compagnie « Libération » du 1er Bataillon Génie d’Armée.

       Juillet 1945 est également marqué par le début du départ de la plupart des vétérans : le capitaine commandant Smekens quitte l’unité le 14 juillet pour rejoindre le Centre d’instruction du Génie de Knokke ;

       Quant au capitaine commandant Smekens, sa famille, qui était restée à Tenby, le rejoint à Knokke début septembre 1945. Tout en poursuivant une fructueuse carrière au Génie, il sera par ailleurs désigné pour quatre mois, de septembre à décembre 1946, officier d’ordonnance du Prince Régent et obtiendra le brevet d’état-major en 1950.

       En 1956 et 1957, le colonel BEM Smekens occupe la fonction de représentant militaire belge auprès du SHAPE, installé à l’époque à Fontainebleau.



Colonel BEM Smekens, Commandant de l'école du 12 octobre 1957 au 19 mars 1959

       Il devient ensuite Commandant de l’Ecole du Génie de Jambes (Namur), puis, à l’automne 1959, du  8ème Groupement du Génie (qui regroupe les 11ème et 27ème Bataillons du Génie).

       Il quitte le service actif en 1962 pour devenir Secrétaire général de la Fédération des Industries Chimiques de Belgique. Ses états de service lui valent d’être titulaire de nombreuses distinctions honorifiques belges et étrangères, dont la croix des évadés, les croix de guerre belge, luxembourgeoise et française, trois « campaign stars » britanniques (« Defencemedal », « 1939-1945 Star » et « France and Germany Star »), sans oublier celle, prestigieuse, de Membre de l’Ordre de l’Empire Britannique (MBE), avec signature personnelle du Roi Georges VI. Son décès survient le 19 mai 1972, alors qu’il est âgé de 65 ans.



Présentation du capitaine Smekens au Fied Marshall Sir Bernard Montgommery sur la grand-place de Bruxelles le 10 mars 1945, en présence du colonel Piron (photo famille Smekens)


Rapport du Capitaine Richard SMEKENS sur ses activités du 28 au 31 mai 1940 en tant que commandant de la 2e Compagnie du 25e Bataillon du Génie d’Armée

Rapport annexe aux renseignements autobiographiques

Le 28 mai au matin:

J’apprends par le sous-lieutenant GILSOUL de mon unité (que j’ai délégué à l’Etat-major du 25e Bataillon du Génie) que toutes les unités de l’Armée belge doivent déposer les armes.

J’informe immédiatement mon cadre de mon intention de ne pas me rendre (ni ceux qui veulent me suivre) aux Allemands. Je rejoins le Commandant du Bataillon au Coq sur Mer et lui expose mes intentions. Il attire mon attention sur le caractère hasardeux et les risques de mon entreprise. Il ne s’oppose pas formellement à la réalisation de ce plan. Je prends connaissance d’une proclamation du Roi (rédigée en flamand). Cette proclamation me confirme la situation telle qu’est l’est exactement : la capitulation

Je rassemble la compagnie, lui expose la situation et invite les volontaires à me suivre vers Dunkerque.

Ci-après la liste des volontaires qui s’inscrivent :
Le 1er sergent HARBOORT (Adjudant de compagnie)
Les Sergents P. LEFEVRE, M. VANESTE, J. LOOS, VAN DEN DRIES, et MOULAIN.
Les Caporaux MEELBERGHS, KIEKENS et VAN HOREN
Les Soldats THONNE, CONSTANT, BRION, PARTAGE, GRIGNET, THEZIA, MOTKE, PETIT, DELECLUSE ET VLASSCHAERT.
Charroi emporté : 2 voitures, 2 camions, 5 Side-cars et 1 moto

Je remets la Compagnie au plus ancien des officiers : le Lieutenant BAUGNIET.

Départ vers 11hrs15

Itinéraire : Le Coq (Klemskerke), Bredene, Furnes, Adinkerke, Zuydschoote, Dunkerque.

En chemin nous prenons en force le Caporal hollandais GAZAN.

Installation du détachement à Coudekerque.

Reconnaissance du port en vue de s’embarquer vers la Grande-Bretagne. Les autorités françaises et britanniques ne peuvent pas nous aider.

Le 29 mai :

Nouvel essai d’embarquement à Bredene et La Panne. Jusqu’alors, tous les essais ont été infructueux.

Près d’Adinkerke nous rencontrons le Capitaine français MADROLLE, Commandant de la 1ère compagnie du 92 Bataillon de la 2e D.I.N.A. (Division d’Infanterie Nord-Africaine). Il nous adopte. S’adjoignent à notre groupe les militaires belges suivants :

Les Commandant DE PAEPE (EM du V Corps d’Armée) et BLUMLEIN (25 Artillerie), le Lieutenant DE POUCQUES (10 TA/A), le 1MDL KAPELMAN (25 A), le MDL WAUTIER (Q.G. du V CA),  le Brigadier VERBOVEN (C.T.Ter BRUGES), le Caporal BILLEN, le Soldat Vicomte de JONGHE (C.T. Ter BRUGES), le MDL LION (Regt Forteresse NAMUR), le Soldat VLAMYNCKX (3 TA) et le Soldat BEGIN (13 L)

Le 30 mai :

Mouvement vers Dunkerque. S’adjoignent d’autres militaires belges : les MDL GRADE, BIHAY et ACCARIN (tous du Q.G. de la 2 D.C.)

Arrivée à Dunkerque sous un violent bombardement d’artillerie. De nombreux blessés parmi lesquels le Cdt BLUMLEIN et le Brigadier VERBOVEN.

Les belges se distinguent en secourant les blessés. Cette belle attitude vaudra que le Commandant français fera l’honneur aux Belges de s’embarquer les premiers sur le bateau qui est venu à quai : le St HELIER. L’ancre est levée à 23 heures.

Le 31 mai : Arrivée à FOLKESTONE vers 0700 heures.

(Extrait du dossier du 25 Bn Gn au Centre de Documentation Historique de la Défense)



Témoignage du Lieutenant Pierre Lefèvre

extrait « Des Hommes Oubliés » par Guy Weber

       …. Nous sommes à Klemskerke depuis le 27 mai à 9h.30. Nous devions faire mouvement le 28 mai à l’aube pour une destination encore inconnue ; pendant la nuit, un contre-ordre,le mouvement est annulé, nous devons rester sur place. C’est à Klemskerke que nous apprendrons la capitulation, non par la voie officielle – les moyens de communication étaient très lents à l’époque ; nous devions transmettre les informations par coureur ou par estafette – mais par l’entremise de deux sources différentes : des tracts allemands nous ayant fait savoir que nous étions encerclés, nous n’avions vu dans ce message qu’une des manifestations de la propagande. 

       Mais des civils nous ayant confirmé la nouvelle, nous nous rendîmes, Maurice Vanneste et moi, chez le lieutenant Smekens au P.C. de la Compagnie. Comme nous lui manifestions notre envie d’échapper à la capture, il nous demanda d’attendre les informations qu’il allait recevoir de l’état-major du bataillon. Lorsqu’il eut obtenu les renseignements attendus, le lieutenant Smekens réunit sa compagnie, forte de 140 hommes, en ordre de bataille. Après avoir fait exécuter toutes les sonneries réglementaires, comme s’il se fut agi d’une parade, il nous annonça la capitulation et nous fit part de son intention de poursuivre la lutte. Il demanda à ceux qui voulaient le suivre de faire un pas en avant. Vingt hommes franchirent ce pas qui devait finalement les amener en Angleterre. Je crois que ce fait est unique dans toute l’Armée belge, j’ose presque le qualifier d’historique.

« Les premiers volontaires »

       Pendant notre voyage vers Dunkerque, pendant les heures qui suivirent la capitulation, nous faisions figure de parias : le discours de Paul Raynaud, traitant les Belges de tous les noms, n’avait pas manqué son effet. La petite colonne motorisée s’était formée et avait quitté Klemskerke vers 11h.45. Nous évitâmes Ostende et gagnâmes Dunkerque en passant par Nieuport, Furnes et Bray-Dunes. 

       La nuit du 28 au 29 se passa dans une cave à Dunkerque.

       Le 29, le lieutenant Smekens, Vanneste, Brion et moi rentrons en Belgique pour voir ce qui se passe à La Panne. Mais là aussi, nous essuyâmes des rebuffades, alors que nous offrions nos services... Le soir, nous retrouvons notre détachement à Adinkerke au poste frontière de « Papegaai ». 

       Dans l’entre-temps, onze militaires belges dont le brigadier Arthur de Jonghe (plus tard major aux commandos britanniques) et un caporal hollandais s’étaient joints à notre détachement. Le 29 mai à 21h, les efforts du lieutenant Smekens et les négociations du Vicomte de Jonghe (Soldat s’étant joint aux hommes de Smekens) aboutissent : nous sommes incorporés dans la 1e Cie du 92e Bataillon du Génie de la 2 D.I.N.A. (Division d’Infanterie Nord-Africaine). Cette unité française est commandée par le capitaine Jacques Madrolle. La nuit du 29 au 30 se passe à la belle étoile, dans les dunes.

       Trois militaires belges se joignent à nous le 30 mai. Nous sommes maintenant une trentaine. Nous ne passerons pas notre prochain week-end à Zuydcoote car,  le 30 mai vers 14 h., nous quittons Adinkerke à pied pour Dunkerque à la demande du capitaine Madrolle, notre détachement marche en tête du 92e Bataillon du Génie français.

       En sifflant des marches,  nous entrons dans Dunkerque en flammes. Les abords du port et le port lui-même sont violemment bombardés par l’aviation et l’artillerie. Notre détachement se dévoue sans compter à l’évacuation des blessés. Nous ne serons pas épargnés, le commandant Blumlein et le brigadier Verboven sont grièvement blessés et transportés dans un bateau sanitaire.

       A la nuit tombante, nous embarquons sur le « St-Helier ». Le 31 mai à 7h.30, nous débarquons à Folkestone. Les Anglais nous séparent des Français, nous remettons nos armes... pour eux aussi, l’armée belge a capitulé.

       Par chemin de fer et puis par cars,  nous sommes conduits au camp Perham-Downs (près de Salisbury) où nous arrivons en fin d’après-midi.  Nous sommes invités à ne pas quitter le camp ; ça continue... Le lieutenant Smekens se met en rapport téléphonique avec l’Ambassade de Belgique à Londres. Tout s’arrangera rapidement car le lieutenant général Chevalier van Strydonck de Burkel, qui se trouve en Grande-Bretagne à Tenby, a eu, lorsqu’il était colonel au 1er Guides, le père du lieutenant Smekens comme adjudant-major.

       Le 3 juin, au matin, nous quittons Perham-Downs, encadrés par une garde discrète en armes, pour rejoindre le camp belge de regroupement de Tenby dans le sud du Pays de Galles. Nous arrivons à Tenby à 19h30, où nous sommes accueillis par un caporal...

       A Tenby, nous avons vécu dans une situation imprécise pendant quelque deux mois : y aurait-il oui ou non un gouvernement et une armée belge ? Au cours de cette attente, nous nous livrions au travail dans les champs et à la construction d’abris au profit de la Protection civile. Si ces activités n’avaient rien de militaire, elles nous permettaient néanmoins de ne pas moisir dans l’oisiveté.

       Si ces activités n’avaient rien de militaire, elles nous permettaient néanmoins de ne pas moisir dans l’oisiveté. La première unité, formée le 13 août 1940, portait le nom d’Unité Combattante Belge (U.C.B.). Elle comprenait en plus de trois pelotons normaux, un quatrième peloton, dans lequel je fus intégré, et qui comptait les gradés trop nombreux pour recevoir une affectation d’encadrement. 

       Petit à petit de nouvelles recrues sont arrivées à Tenby, parmi lesquelles beaucoup de jeunes et notamment Pol Renkin et Barette, qui s’illustreront quatre ans plus tard au sein de l’unité parachutiste belge. L’arrivée de cette centaine de jeunes gens nécessita la formation d’une deuxième compagnie dont le lieutenant Smekens prit le commandement et au sein de laquelle je fus affecté comme adjoint au chef du 2e peloton, sous les ordres du sous-lieutenant Neuray, qui devait trouver la mort dans un accident de moto…



Smekens droite sur le Scout Car lors du repos à BXL à la libération en 1944


Documents appartenant au capitaine Smekens


Smekens John, Nicole Audrey au Musée du génie en 2009 et le Col BEM er Yves Deraymaeker (à droite)

La tombe de Richard Smekens sort de l’anonymat

Ph Mignolet

       Le 22 septembre 2016, la famille du Colonel Breveté d’Etat-major Richard Smekens presqu’au complet s’est réunie pour dévoiler une plaque commémorative sur sa tombe au petit cimetière de Statte sur les hauteurs de Huy. Deux Echevins de la Ville de Huy représentaient le Bourgmestre à cette cérémonie.

       Rappelons à nos lecteurs que le Lieutenant Smekens refusa la capitulation de notre armée le 28 mai 40, gagna l’Angleterre via Dunkerque avec son peloton du 25e Bataillon du Génie et fut en 1944, le commandant de la Compagnie Génie de la Brigade Piron avec laquelle il débarqua en Normandie pour participer à la libération de notre Pays.

       Richard Smekens décède le 19 mai 1972 à l’âge de 65 ans et est inhumé dans le caveau familial de son épouse Marie-José Latour. Sur sa tombe rien ne rappelait sa prestigieuse carrière de combattant. Cette plaque commémorative vient combler cette lacune. Cette initiative revient à un de nos Administrateurs, Yves Deraymaeker qui a consacré plusieurs écrits au Lieutenant Smekens et à la Compagnie Génie de la Brigade Piron. La famille a accepté cette idée et a fait réaliser la plaque commémorative.

       La petite cérémonie a débuté par une introduction de sa fille Audrey puis par un hommage à l’officier du Génie Richard Smekens lu par le Conservateur Philippe Mignolet. Un verre de l’amitié a réuni tous les participants dans une belle taverne de Huy.



Audrey Smekens prononce quelques mots


La famille réunie


La plaque est dévoilée par la benjamine de l’assistance Alix, arrière-petite fille de Richard Smekens



       Statte a sans doute le privilège de garder en mémoire le nom des héros des deux guerres mondiales qui comptèrent parmi les premiers qui poursuivirent la lutte malgré leur pays occupé. Outre la tombe du capitaine Smekens, Statte possède un monument dédié à Oscar Lelarge, héros de la Grande Guerre.



Oscar Lelarge

       Au pied du vieux chemin antique montant vers le cimetière où repose le chevaleresque Smekens, se trouve le monument dédié à Oscar Lelarge. Monsieur Lelarge occupait en 1914 les fonctions de receveur en chef de la gare de Statte (Huy) et comptait 25 ans de loyaux services. Après l'invasion, il refuse de travailler pour l'ennemi, entre en relation avec Lenders et s'occupe à épier le va-et-vient de la ligne Liège-Namur dans son poste de Wanze. Il faisait de l'observation une industrie familiale: sa femme l'aidait et même son fils, un bambin de dix ans. Il fut fusillé à la Chartreuse. Voir Médecins de la Grande Guerre Hommage aux fusillés de la Chartreuse de Liège(1914-1918.be). Sa lettre d’adieu est celle d’un héros. Une rue, qui mène à la gare de Statte porte son nom.



Le monument dédié à Oscar Lelarge fut inauguré à côté de la gare de Satte. Il fut déplacé et se trouve aujourd’hui dans la rue René Dubois, juste à l’endroit où démarre l’antique chemin qui mène à la tombe de Richard Smekens.




1923 : Un train spécial amène le prince Léopold à la gare de Statte. Après viennent les présentations d'usage, puis celle de Mme veuve Lelarge, la femme du fusillé par les Allemands et ses enfants, Mm Solheid et Defeld condamnés à mort pendant l'occupation.


1923 : Lors de sa venue à Statte, le prince Léopold dépose une couronne au monument Lelarge, ensuite, il monte dans la berline royale

Dr P. Loodts

 

Un grand merci à Monsieur Philippe Mignolet qui par ses documents (encadrés) nous permet de mettre un peu plus, Richard Smekens, à l’honneur.

 

 

 

 



[1] Article rédigé principalement grâce au Témoignage du Lt. Pierre Lefèvre, cité par Guy Weber dans son livre  « Des Hommes Oubliés ». Voir Brigade Piron - Témoignages - Compagnie du Génie (brigade-piron.be)

[2] Le 8 novembre 1940, lors de la création de la compagnie état-major, Lefevre est désigné comme chef du 5e  peloton, celui des pionniers puis alla suivre les cours d’une école de candidats-officiers britanniques.  Il rejoignit la 168th Officer Cadet Training Unit à Droitwich le 3 janvier 1941, pour retourner au bataillon belge à la fin du mois de mars et y reprendre provisoirement le commandement de son unité avec le grade de sergent candidat sous-lieutenant.  Après avoir été nommé s/lieutenant auxiliaire pour la durée de la guerre, il accomplit au cours de l’année 1942, un stage de quatre mois au « 60th Training Regiment » du « Royal Armoured Corps ».

 



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