Maison du Souvenir

Carnet de Joseph Radelet de Hermée, ancien du fort de Liers.

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Carnet de Joseph Radelet de Hermée, Ancien du Fort de Liers
Notre vie de prisonnier

Collection de Maryvonne Janssen, sa petite fille.


Sur la couverture du carnet. (collection Maryvonne Janssen)

       Le 14 août fait prisonnier au fort de Liers à 9 heures du matin après un bombardement continuel de 24 heures le fort est tout saccagé et tout défoncé. La nuit du 14 au 15 nous logeons dans le fossé au dessus de nous passe une épaisse fumée provenant de mon pauvre village qui brûle tout. Le samedi 15 août fête de Notre Dame nous quittons le fort à 6 heures et demie en destination de la Chartreuse escorté de soldats allemands baïonnette au canon à Milmort je vois la moitié de Hermée entre autre cousin Henri de Grand Aaz qui me dit ne rien connaître de mes parents sauf qu’ils sont brûlés, toutes ces pauvres gens ont très peur et se sauf à notre approche. Nous arrivons à la Chartreuse à dix heures et demie. Là on nous entasse dans les écuries de chevaux nous sommes à 7 hommes par box, le premier jour sans manger nous couchons sur le fumier de chevaux quitté depuis quinze jours et rempli de vers. Le 16 août au deuxième jour nous recevons un pain pour 5 hommes pesant un kilo et une demi tasse de soupe se composant de quelques grains de riz et eau sans même être salée et un petit morceau de viande crue ; les hommes ont tellement faim qu’un grand nombre mange l’avoine moisi laissé dans les bacs par les chevaux. Heureusement ce même jour mes deux amis Peters et Maréchal de Paifv reçoivent chacun un bon paquet avec lesquels je partage et dès ce jour nous vivons en frères et partageons tous nos butins. Nous sortons trois fois par jour pour faire nos besoins à peine 5 minutes. En sortant j’aperçois Hubert Carpay mais on ne peut rien se dire. Mais plus horrible que tout cela à voir ; c’est 6 prisonniers civils dont deux vieillards du Thier de la havée dit-on ; qui sont condamnés à mort je ne sais pourquoi, ils doivent mourir lentement ils sont affreux à voir, des coups de baïonnette sur tout le corps ; on les fait passer par deux lignes de soldats Allemands et chacun de ceux-ci frappe dessus avec son fusil et puis on les fait battre d’un nègre ils ne peuvent se coucher, le lendemain matin il y en a déjà un mort.

       Le 18 août, jour de notre départ pour l’Allemagne on nous dirige à la gare des Guillemins on nous charge dans des wagons de bestiaux à 45 hommes par wagon on doit se tenir debout vu le manque de place on quitte la gare à 3 heures et demie.

       En quittant Liège sur tout le parcours jusqu’à Welkenraedt les gens nous font des signaux d’adieu et nous jettent de temps en temps dans les haltes de quoi manger ; surtout à Verviers.


Joseph Radelet prisonnier. (collection Maryvonne Janssen)

       Arrivés à Herbestal ce n’est déjà plus la même chose ; depuis les plus grand jusqu’aux plus petits ils rient de nous, ils nous font des grimaces et nous crient que nous allons avoir tous la tête coupée même les paysans qui coupent leur grain nous font signe qu’ils nous couperont la tête avec leur faux .Le 19 à midi le train arrête dans une campagne et là nous avons un bol de soupe qui goûte bien car on avait bien faim. Le train se remet en route et le 20 à 4 heures du matin nous arrivons à Munster après 36 heures de chemin de fer tous morts de faim et noirs comme des nègres, là nous sommes reçus par une escorte de soldats puis conduits au camp ; là on nous visite on nous retourne nos poches on nous ramasse couteaux fourchettes tabac pipe et argent on ne nous laisse en poche que 20 francs. Ensuite nous sommes fourrés dans une écurie de chevaux portant le numéro 18 sur de la paille et a 140 hommes on n’a même pas place pour se coucher tous. Le lendemain on nous donne un pain de trois kilos pour quatre hommes pain aussi noir que de la houille et tellement dur et coriace que à peine peut-on se le partager puisqu’on est tous sans couteau on doit le couper avec la queue d’un cuillère ; à midi on nous sert la soupe , soupe à la choucroute on se demande comment il faut manger cela mais le lendemain ce ne fut pas mieux on nous donne de la soupe aux lentilles aussi noire que du charbon et puis cela continue de plus en plus mal on avait toujours plus faim ; deux trois jours après on nous diminue notre ration de pain on nous le donne maintenant pour six hommes au lieu de quatre. Beaucoup d’hommes mangent des pommes de terre crues qui peuvent voler dans les cuisines des glands de chêne des cœurs de tête de chou et même des crasses de cuisine jetées à la porte. Les neuf dixièmes de nous sommes sans bol ni gamelle. On voit des affamés qui vont chercher leur soupe dans des vieilles boites à conserve dans des culots de bouteille des vieux seaux des bacs de chevaux en zinc tout rouillés des vieux bassins et même dans des crachoirs on nous donne plus tard enfin à chacun un bol en terre (espèce de nid de pigeon). Beaucoup essaient de se procurer du pain pour cela il faut encore de l’argent allemand que l’on ne peut trouver. On en voit qui veulent donner jusque 5 francs pour un morceau et 25 francs pour un pain de trois kilos. Ce n’est pas plus agréable pour les fumeurs ils offrent jusque deux francs pour cinq cigarettes et ceux qui ne peuvent en avoir fument jusque du thé séché qui reste dans le fond des bidons. On change l’argent belge à deux marks pour cinq francs. Un mois après on ouvre une cantine et on y vend que du linge de la margarine du miel et des petits bonbons secs. On change maintenant notre argent à trois marks cinquante pour cinq francs et pour entrer à cette cantine on se tuait c’était une affreuse bousculade le lendemain il n’y a plus que les sous-officiers à y aller et rapportent ce qu’on a commandé. Beaucoup d’entre eux comme nous n’ont plus d’argent et en profitent ils nous trichent et nous volent sur notre marchandise. On devient tellement faible que quand on se relève d’être couché nous sommes tous pris de vertiges. Comme distraction on nous fait ramasser des pierres et des vieux bois morts dans les grandes plaines désertes deux fois par semaine on nous fait retourner les marais à une heure et demie de longueur ou couper aux sapins dans les bois. Je suis souvent avec Hubert Carpay et Jean Frère. Près de ma baraque il y a aussi ­ civils de Glons prisonniers je suis souvent parmi eux qui me parlent souvent de Hermée. Nous restons 15 jours rien que des belges et des français puis arrivent les anglais on court tous pour les voir passer l’officier nous chasse à coups de sabre et fait tirer dans nous autres ; quelle chasse et quelle bousculade beaucoup tombent l’un dans l’autre et sont piétinés. Quelques jours après arrivent les bourgeois de Louvain dont plusieurs prêtres liés deux à deux on les place en garde à vue jusqu’au soir l’un deux veut se sauver toutes les sentinelles tirent après le tuent un sous-officier d’Anvers et blessent trois autres. La nuit on ne peut sortir des baraques ce même jour six de ces malheureux bourgeois veulent sortir pour faire leurs besoins et sont fusillés sur place nous les entendons gémir toute la nuit. Il y a ici aussi beaucoup de prisonniers civils de Visé, Haccourt et Hallembaye des vieillards et des enfants. Je vois mourir deux pauvres vieux de Visé couchés sur de la paille, sans prêtre, sans nourriture que du pain sec. Ils sont dans une étable entourés de quelques soldats qui prient. Dans les derniers temps un prêtre vient tous les dimanches faire la messe. Le 17 octobre je reçois une carte de l’aimable Monsieur Rondas le 27 29 et 31 j’en reçois de mes parents ; inutile de vous dire la joie qu’elles me causent tous les hommes veulent les lire car je suis un des tout premiers qui en reçois. Le premier novembre jour de Toussaint je reçois un mandat de 40 marks à Monsieur Rondas qui est le bienvenu vous comprenez car on peut se procurer du pain à un mark pièce. Nous restons à Munster dans cette écurie jusqu’au 16 novembre toujours sur la même gerbe de paille que sur la fin il ne nous reste plus rien ; le soir je vais souvent dormir dans les bourgeois de Glons. Beaucoup d’entre nous sont remplis de poux et pendant toutes les nuits nous sommes réveillés par les rats qui nous passent jusque sur la tête.                                                                                               

       On faisait le réveil le matin et celui qui n’était pas assez actif pour se lever ramassait quelques bons coups de crosse de fusil et des coups de pied les sentinelles sont très brutes et aiment à nous appeler de cochon de chien etc.… Ici nous sommes vaccinés trois fois au sein et une fois sur le bras. Quand on n’a pas fait le travail dans les conditions ou que l’on a manqué à un alboche quelconque on est puni de cette façon : pour commencer bien battu et puis on est conduit au manège vraiment comme des chevaux là on doit courir en rond un sous-officier a un fouet et les sentinelles leurs fusils et on doit courir jusqu’à bout de force ; cette punition est très dure. Toutes les nuits on entend les hommes qui rêvent et qui crient des coups comme si on les assommait. Nous avons aussi ici les hommes d’un fort de Namur qui a sauté ces malheureux font peine à voir tellement ils sont brûlés. Le 16 novembre nous changeons de camp et nous devons faire 20 km à pieds nous arrivons à Soltau à 6 heures du soir presque morts de fatigue, là nous sommes logés dans des baraques en planches sans feu, sans paille et sans couvertures sur les planches et cette nuit là il gèle à pierre fendre et nous sommes obligés de danser toute la nuit pour nous réchauffer. Le lendemain on nous donne un sac à paille et deux couvertures en revenant d’au couvertures je vois un homme qui crie après moi c’est Jean Colson de Grand-Aaz il n’est pas à reconnaître car il a une barbe de trois mois il est seul de Hermée au camp et n’a encore eu aucune lettre de personne il vient lire les miennes et apprend seulement dans quel état est Hermée nous faisons une lette pour nous deux adressée à Rondas nous en avons réponse, celui-ci est bien content d’avoir une adresse pour pouvoir communiquer avec ses parents. Nous sommes souvent ensemble. Personne n’a plus de couteau mais moi et Jean nous en fabriquons chacun un avec un clou  celui-ci a été fait prisonnier à Anvers. A Soltau les corvées ne sont pas plus agréables on nous fait rapporter quatre briques de la gare au camp ou des planches et des pierres toujours en dessous de nos bras pour la construction d’une route. A partir du 13 janvier on nous fait de la soupe aux betteraves impossible de la manger. Celui qui n’est pas assez actif pour se lever on lui fait sauter un chien sur le corps. La nourriture est très mauvaise et insuffisante ceux qui n’ont pas d’argent sont de vrais misérables beaucoup sont atteints de rhumatismes ; les malades sont portés à la visite par leurs camarades c’est malheureux de voir le peu de soin qu’on leur donne. Hubert Carpay et Jean Frère viennent aussi à Soltau mais ils sont séparés de nous ; il est difficile de communiquer avec eux. Moi je reçois encore 33 marks et demi à Monsieur Rondas. Un théâtre, une chorale etc. sont formés dans le but de venir en aide aux malades et d’acheter un cercueil aux morts car il y en a toutes les semaines ici ces malheureux sont tout le même accompagnés d’un prêtre. Tous les dimanches il y a messe dans une grande tente. Nous restons sous ce régime jusqu’au premier février et pourtant on n’est pas mieux pour la nourriture, les hommes qui n’ont pas d’argent ont si faim qu’ils ramassent même les têtes de harengs jetées dans la boue pour manger ; ils ramassent aussi les os qui se trouvent dans les déchets de cuisine pour ronger. On en voit qui peuvent voler des têtes de choux des navets et ramassent les épluchures des cuisines et mangent tout cela comme du sucre. Ici un nouveau genre de punition est infligé : tout homme qui manque est lié à un poteau pour une heure ou deux selon le cas. Le 1er février nous sommes à nouveau désignés pour changer de résidence je dois donc quitter Jean Colson bien à contre cœur, et après 6 heures de chemin de fer et deux heures de marche nous arrivons à Bohnte avec tout notre équipement nous étions presque morts de fatigue à tel point que beaucoup doivent se coucher sur la route pour se reposer. On arrive au camp à six heures et demie et nous recevons la soupe à neuf heures et puis on doit de nouveau se coucher dans de la paille comme des animaux. Le lendemain pour dîner nous recevons chacun quatre pommes de terre cuites à l’eau sans même être épluchées avec hareng bien salé. On nous commande en suite pour le travail le lendemain on se lève à 5 heures et demie du matin et on part à 7 heures pour creuser un canal on revient seulement à 3 heures et quart au camp et ce travail est à une heure du camp on ne mange pour la seconde fois que quand on est revenu et au soir pour souper on reçoit chacun un gobelet de café. Sur les travaux on en voit qui attrapent des grenouilles dans la rivière et leur coupent les pattes pour manger. Si l’on passe près d’une tombe de navet ou carotte, les hommes sautent dessus malgré les sentinelles. On fait ce chemin de 1 heure et quart en gros sabot et souvent on en voit qui tombe de faiblesse. Donc nous recevons jusqu’au 14 mars une petite louche de soupe le matin, de la soupe à midi et du café le soir mais arrive le 15 mars au lieu d’avoir un pain de 2,800 kg pour 6 hommes comme auparavant nous le recevons pour 10 hommes. On se regarde et on se demande comment il faudra vivre avec ce petit morceau d’être obligé de terrasser 7 heures par jour. Il est temps d’écrire pour avoir des paquets moi je n’ai pas à me plaindre car j’en ai souvent de mes parents et aussi de beaux de 5 kilos dont 3 de pain et 2 de lard à Mr Rondas à Bohnte je touche encore 93 marks de mes parents et de Mr Rondas. Ici le tout est très cher on ne vend plus de pain nous achetons souvent du sucre à 70 phenings le kilo. Le 24 mars nous commençons un autre travail nous retournons une grande plaine de bruyères on nous place par brigade de 10 hommes et chaque brigade a sa parcelle de terrain. On nous promet d’être payé à l’hectare et on nous mesure notre travail fait tous les jours et pour nous encourager ceux qui travaillent beaucoup reçoivent une louche de soupe en surplus. Tous les jours plusieurs hommes tombent faibles sur les travaux en route ou le manque de nourriture.      


Première page du carnet. (collection Maryvonne Janssen)

       Et ceux qui ont manqué sur les travaux dès qu’ils sont rentrés au camp sont ficelés 2 heures à un poteau. Le 28 mars dimanche des Rameaux on nous fait cérémonie religieuse et ceux qui ont idée font leur Pâque. A la messe le prêtre bénit les rameaux et en distribue aux assistants. Le dimanche suivant jour de Pâques : 1ère quinzaine on nous avait promis d’être payé depuis le premier jour de travail et ce jour-la arrive seulement. On nous avait placé par section pour le travail selon notre capacité et nous sommes payés d’après l’ouvrage fait. La 1ère  section que nous appelons les gentils reçoit 1 mark, la seconde 0,80 la troisième 0,70 moi je suis de la 5ème et je reçois 0,50. Donc voilà notre salaire sur 2 mois de temps et falloir travailler en tout temps et souvent on revient trempé jusqu’aux  os et pour le lendemain les capotes ne sont pas séchées. Le 10 avril nous commençons à terrasser nous conduisons nos terres en wagonnets, il y en a qui chargent, d’autres les poussent et d’autres qui les répandent.   

       A la date du 12 avril nous nous levons à 5 heures donc 1 heure plus tôt et on part pour le travail à 6 heures et quart et nous ne rentrons toujours dans le camp qu’à 3 heures et quart, heure de notre second repas et ma foi on s’y habitue. Le 2 mai jour de la deuxième quinzaine on nous paie et nous recevons chacun 2,75 marks. Il y en a dans nous comme dans tout des préférés et on leur donne 1 mark en surplus et depuis le 15 avril nous terrassons de nouveau on creuse un canal qui sert de drainage dans une grande plaine de bruyère marécageuse et au fur et à mesure que l’on avance avec le canal dans la plaine on bêche et on retourne le terrain pour le mettre en culture. Le dimanche 9 mai on nous paie de nouveau et je reçois 0,60 pour 6 jours. Nous restons à mille hommes jusqu’au lundi 10 mai puis arrivent de nouveau 1000 autres ce qui fait 2000 hommes pour 6 baraques. Nous étions logés à 250 dans notre baraque on était déjà serré et pourtant à cette date on nous ajoute encore 55 hommes dans chaque baraque. On nous fait des loges comme à des coqs et nous logeons à trois l’un sur l’autre.  

       Nous sommes maintenant des 4 puissances belge, française, anglaise et russe. Le 11 mai on nous change notre paille donc il est temps voilà 3 mois et demi que l’on est sur la même gerbe et ce jour-la on nous célèbre la messe à 6 heures et demi seconde fois depuis que nous sommes à Bohnte. Pendant tous ces beaux dimanches de mai une foule de curieux viennent se promener autour du camp qui est clôturé par 14 ronces artificielles. Le 3 juin fête Dieu ce jour-la les catholiques ne vont pas au travail et pour ne pas y aller tout le monde est catholique excepté quelques uns qui y vont pour se faire remarquer. Le 5 juin on distribue à chaque homme un carnet de payement et il sert à mettre tout son argent représenté en timbre que l’on colle sur les pages. Le lendemain on nous paie 0,55 f en timbre pour 4 semaines. Le 11 juin nous partons tout le camp pour la désinfection à Munster. On se lève à 3 heures du matin et on prend le train à 5 heures avec tout notre équipement on nous embarque dans des wagons de bestiaux à quarante deux hommes et on ferme les portes jusque Brême dans une chaleur épouvantable et nous arrivons à 3 heures de l’après-midi. La nous mangeons la soupe en rang puis on nous fait déshabiller tout nu puis on nous rase tout le corps au rasoir (ce travail singulier est fait par des prisonniers russes) et puis au rang toujours comme des vers et à minuit nous avons quelques effets nous rentrons dans nos chambres et puis le 3ème repas et ensuite nous allons coucher sur le pavé en ciment nous n’avons que notre capote et notre couverture et la plupart vu le manque de place couche à la porte et cela dure 3 nuits ; puis on revient de nouveau à Bohnte en se levant de nouveau à 3 heures du matin et on n’arrive de nouveau à 4 heures de l’après-midi et on ne mange que le 2ème repas qu’à 7 heures du soir ; mais la nuit suivante on dort sur son sac à paille comme dans un bon lit et le lendemain on se lève à 4 heures du matin pour reprendre son ouvrage habituel. A cette désinfection bon nombre sont quitte de leurs effets à cause du manque d’ordre il y en a même qui doivent revenir loger à moitié nu et sont quitte de leur manger et de leur porte monnaie. Le 22 juin on nous donne de nouveau notre salaire et nous recevons 0,85 mark. Maintenant le réveil se fait à 4 heures et on part au travail à 5 heures et quart pour rentrer à 3 heures de l’après-midi heure de notre second repas (qui semble bon) on a une demi heure de repos à midi. Le 29 juin on nous paie de nouveau et on reçoit 0,60 mark pour 8 jours de travail. Le premier juillet nous changeons de nouveau de résidence. On se lève à 2 heures du matin et nous partons prendre le train à 4 heures du matin et on arrive à la gare à 9 heures 40. La on nous attend avec 2 chariots pour charger nos équipements et après 8 heures de marche nous arrivons à destination au village de Markendorf. Chemin faisant beaucoup de bonnes femmes pleurent de nous voir tellement notre cortège est triste. La nous entrons dans 2 hangars qui nous servent de logement et ce ne sont vraiment que 4 vieux murs et un toit et la dedans il fait aussi sombre que dans une cave et de suite on commence à arranger sa paillasse ou litière. Dans ce détachement nous ne sommes que 150 hommes belge et français. Le lendemain tout fermier qui a besoin d’hommes pour faire l’ouvrage de sa ferme vient au cantonnement et chacun d’eux et chacun retourne avec ses ouvriers comme au marché avec des bêtes et après 1 heure et quart de marche nous arrivons à notre ferme au nombre de 6 prisonniers … 3 flamands qui comprennent bien l’allemand et 3 wallons qui ne comprennent rien du tout. Chemin faisant tout le monde accourt pour nous regarder comme je ne sais quoi. Toutefois nous sommes très bien reçus on nous fait boire le café à 9 heures et à midi on dîne cela nous semble très drôle de se remettre à une table assis sur une chaise manger avec une fourchette et boire à une tasse car voilà 11 mois que l’on ait vu tout cela puisque pour manger on n’a jamais eu qu’un vieux bol en terre ou bassin. A 4 heures on nous apporte le café et à 6 heures et demi nous allons souper puis on retourne au cantonnement.

 

 



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