Maison du Souvenir

José MAES de Herstal.

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José MAES de Herstal[1]


Adjudant au Fort de Pontisse

Lieutenant A.R.A.

Chevalier de l’Ordre de Léopold avec palme

Croix de guerre avec palme et double citation

Exécuté à Dortmund le 7 juillet 1943.

Brave parmi les plus Braves.

L'Allemand a déferlé, en trombe, sur notre petit pays. La Meuse est passée, le Canal Albert est loin déjà, la ligne de défense Namur-Louvain-Anvers n'a guère pesé dans la balance, la Lys est atteinte... Mais les forts de Liège tiennent toujours. Dans l'un de ceux-ci, Pontisse, un jeune sous-officier se distingue tout particulièrement par son ardeur au combat. Il est fait adjudant en pleine bataille et une Croix de Guerre avec citation des plus élogieuses viendra plus tard récompenser la conduite de l'adjudant MAES.

       Vient la capitulation, puis le Stalag. Le jeune soldat sait que la guerre n'est pas finie, qu'elle sera gagnée, qu'il pourrait encore être utile. Il n'aspire qu'à une chose : échapper à la captivité, reprendre la lutte. Il ne met pas longtemps pour parvenir à ses fins : le 17 janvier 1941, il rentre au pays, quinze jours plus tard, il est agent du réseau BEAVER-BATON.

       Et alors, pendant dix mois, c'est l'activité intense de ce jeune corps plein de force, de volonté et d'idéal. En cette année 1941, les organisations clandestines, nées du peuple et dans le peuple, n'avaient guère de ligne de conduite rigide et travaillaient indifféremment et simultanément le renseignement, l'armement, la presse, le sabotage. MAES se dévoue sans compter, dans tous les domaines, dans les directions les plus diverses.

Pour faire sauter le pont du Val-Benoît.

       Ce serait trop long que de relater ici son activité par le détail. Il se suffira, pour faire comprendre l'audace et l’esprit d'initiative de cet homme de vous indiquer un plan qu'il avait conçu et qu'il commença à réaliser : il devait provoquer la destruction du pont du Val-Benoît.

       Ce pont était gardé par l'ennemi, et il ne fallait pas songer à emmagasiner dans ses piles les importantes quantités de dynamite nécessaires pour le faire sauter. Il fallait pouvoir disposer d'un explosif beaucoup plus puissant. Profitant d'une nuit noire et de l'occultation, deux ou trois barques à gouvernail seraient descendues sans rames, au fil de l'eau. L'explosif aurait été placé en quelques secondes dans les chambres aménagées par l'ennemi dans les piles, et un détonateur à retardement devait occasionner la déflagration nécessaire pour provoquer l’action ne la nitroglycérine. Car, dans son esprit, il s'agissait d'employer la terrible nitroglycérine, explosif à rendement très puissant, mais extrêmement dangereux à manier puisque le moindre heurt contre le récipient suffit à provoquer l'explosion. Il ne fallait pas songer à se procurer de la nitroglycérine, pour la bonne raison qu'il n'en existait pas.

Il fallait la fabriquer. MAES décida de faire ce travail, sans aucune connaissance spéciale, sans aucun laboratoire. J'avais beau lui faire apparaître le danger immense d'une telle fabrication, il ne voulait se laisser arrêter par rien. Il acheta des livres de chimie et se mit à étudier, ayant décidé, pour éviter une catastrophe très possible, de tenter l'opération dans les carrières de sable de Sichen-Sussen-Bolré. Il fallait, avant tout, trouver la matière première : le nitro-coton.

MAES parvint à en découvrir 25 kg à Bruxelles et, malgré le danger d'un tel transport, le ramena à Herstal. Il avait terminé son étude et était prêt à passer à la réalisation quand l'ennemi l'arrêta.

Victime du traître Heineman.

       Cela se passa le 2 décembre 1941. Un agent avait découvert dans la campagne de Micheroux un endroit où avait été enfouie une grande quantité d'armes et de munitions ayant appartenu à l'armée belge. J'avais décidé de me les approprier pour notre groupe. En ayant parlé à MAES, celui-ci s'offrit pour diriger l'opération. A la nuit tombante, une équipe de 5 hommes montait dans une camionnette au viaduc de Cornillon. En pleine opération de chargement des armes, et avant qu'ils aient pu esquisser le moindre geste de défense, ils furent entourés par les policiers de la Gestapo.

L'adjudant MAES et ses hommes venaient d'être vendus par un autre sous-officier qui fit partie de l'armée belge, car ils entendirent la voix du chef allemand clamer dans la nuit : « Bien joué, Heineman ». Quatre de ces cinq hommes payèrent de leur vie, un seul étant revenu d'Allemagne.

Sublime dans le malheur.

       MAES avait été ardent dans la lutte : il fut sublime dans le malheur.

       Deux grands soucis le préoccupaient avant tout : l'état de santé de sa jeune femme et l'avenir réservé à celle-ci, que l'ennemi avait également incarcérée.

D'autre part, son évasion qui lui permettrait de continuer la lutte. « Il faudrait voir Jeanne, m'écrivait-il en un billet clandestin, et lui indiquer les réponses à donner lors de son interrogatoire. Il faudrait aussi me faire parvenir une scie à métaux. Je veux absolument tenter l'évasion. Si je reste ici, je sais que je serai fusillé. Or la guerre sera longue, et je pourrai encore me rendre utile. »

       Je pus, avec certaines complicités, rendre visite à Madame MAES en sa prison. Mais au moment de faire entrer les scies à métaux à St-Léonard, je dus passer à Londres pendant quelques semaines. Ceux que j'avais chargés de faire le nécessaire en mon absence ne réussirent pas dans leurs plans, et mon pauvre camarade ne put tenter l'évasion, projetée, ni reprendre la bataille qu'il recherchait si ardemment.

       Peu avant mon départ, j'avais reçu un autre billet clandestin sur lequel il me fut donné de lire ces lignes pleines de grandeur : « Malgré les terribles souffrances qu'il endure, je suis certain que X... (il s'agissait d'Adrien BOVY) ne « parlera pas ». Les autres ne connaissent pas le nom de leur chef. « Tu n'as donc rien à craindre, et tu peux continuer ton travail eu toute tranquillité. D'ailleurs, pour éviter qu'on ne pousse plus avant les recherches, j'ai déclaré que l'opération avait été montée par moi, et que je voulais enlever ces armes pour moi, afin d'armer un groupe que j'avais l'intention de créer. Je suis sûr qu'ainsi le réseau ne pourra être inquiété !!... » Ce jeune homme venait de décider lui-même sa propre mort pour me permettre de continuer à diriger le réseau créé avec tant de peine. Pour sauvegarder mon existence, José MAES offrait tout simplement sa propre vie.

       Que pourrais-je encore dire de lui après un tel geste ?...

       Le 28 août 1942, c'était le départ vers l'Allemagne. Les 2 et 3 avril c'était la comparution, à Wupertael, devant le Volksgericht, et l'inévitable condamnation à mort… Le 5 juillet, le condamné quittait la prison d'Essen, où se trouvait également son épouse, et était dirigé vers Dortmund où il fut exécuté deux jours plus tard.

       Fait adjudant au régiment de forteresse en pleine bataille de mai 1940, José MAES fut, après la libération, nommé lieutenant du Corps des Agents de Renseignement et l'Action, tandis qu'il se voyait octroyer à titre posthume la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold avec palme, la Croix de Guerre avec palme et double citation, la Médaille de la Résistance, la Médaille Commémorative et la Médaille de la Libération de la Ville de Liège. Il fut cité à l'Ordre du jour dans les termes suivants :

       » Dans un esprit de désintéressement absolu soutint brillamment au sein d'un service de renseignements une lutte sans merci contre l'envahisseur. Avec mépris total du danger remplit brillamment les missions qui lui furent confiées, aussi périlleuses fussent-elles. Arrêté, il opposa à ses juges une attitude admirable, prenant sur lui toute la responsabilité du service. »

       Cher camarade, tu as certainement, comme nous le faisions tous là-bas, marqué à tes compagnons d’infortune ton désir et ton espoir de reposer plus tard dans le sol natal, d'échapper à l'étreinte de la terre ennemie. Et voici que nous reviennent enfin tes pauvres restes.

Puisse cette terre, pour la liberté de laquelle tu as donné ton sang, te paraître légère ; puisse enfin ton repos être plus doux au milieu des tiens.

       Ceux qui furent tes camarades, parce qu'ils te connurent dans l'action, tous tes compagnons inconnus qui, avec toi, militèrent dans le réseau BEAVER-BATON, les prisonniers politiques qui partagèrent ta dure captivité s'inclinent avec émotion devant ce que l'ennemi nous a laissé de toi. Ton souvenir restera en nos cœurs et l'exemple que tu nous donnas ne sera pas oublié.

       A la maman, à l'épouse, les camarades dont je suis le porte-parole ne tenteront pas de prodiguer de vains mots de consolation. Nous comprenons tous votre grande souffrance. Mais nous savons que, comme lui, vous savez la supporter avec courage. Qu'à vos larmes de douleur se mêle une larme de fierté ! Soyez fières d'être la mère, d'être l'épouse d'un José MAES, et croyez à l'affection de ceux qui se considèrent ; comme ses frères.

(Discours prononcé par

M. Monami lors de l’inhumation

en terre belge de la dépouille du héros)

 



[1] Cœurs Belges – Organe de la Résistance fondé sous l’occupation allemande – du 1er août 1947.



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