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Drame du Cochon
Noir, une commémoration, pour que l’enfer ne soit pas oublié[1] Dans la nuit du 23 au 24 mai 1940, au
lieu-dit "Le cochon noir" allait se dérouler un des drames les plus
cruels de notre littoral. L’autre drame, l’oubli car jamais depuis la fin
de la guerre cet épisode douloureux n’a été évoqué, pire même il semblerait
qu’il y avait une réelle volonté de taire cet épisode tragique. Je dois
reconnaître qu’au lendemain de la parution du premier article en mai 2011, il
m’a été reproché « d’avoir parlé de cette affaire et qu’il n’était pas
utile de remuer tout ce passé. » Ce
qui m’importe c’est que cette page d’histoire douloureuse reste accessible afin
que le « Devoir de mémoire » subsiste. C'est dans les notes de George Somers,
" Belge moyen", simple contribuable sans responsabilité comme il se
définissait lui-même, qui allait devenir chef d'une colonie de 5000 réfugiés
que nous trouvons trace de cette terrible tragédie. Ses notes, Léon Marchal, Président du Comité de
Guerre 1940, Chevalier de la Légion d'Honneur, souhaitait en 1942 que George
Somers les édita au profit des prisonniers de guerre de Grand Fort Philippe. La
censure allemande s'y opposa et il fallut attendre la fin de la guerre pour
connaître une partie sans doute de cette période horrible que vécurent les
réfugiés du "Cochon Noir." Georges
Somers en fait le récit suivant " Ce 23 mai, une colonne de plusieurs
milliers de réfugiés se trouve arrêtée devant le pont de Gravelines sur la
route de Calais à Dunkerque. Les autorités militaires françaises interdisent
tout passage et plusieurs centaines de réfugiés belges, à pied, à vélo, en auto
décident de "camper" sur place. Une place qui deviendra un tombeau
pour la plupart d'entre eux. D'autres, mieux inspirés se dirigent vers Grand
Fort Philippe ... Le 24 mai au matin, les réfugiés qui n'ont pas quittés les
abords de la route se précipitent en cohue vers le pont lorsque s'approchent
les automitrailleuses allemandes suivies des tanks. Une panique terrible,
meurtrière s'ensuit. Les officiers allemands crient de s'éloigner, mais, trop
tard, la bataille s'engage et elle durera quatre jours durant lesquels, morts
vivants et blessés seront bombardés et mitraillés sans arrêt. Un véritable
assassinat." Pour
fuir cet endroit, certains sautent dans la vase du chenal, et ils y laisseront
aussi leur vie. Durant les jours qui suivirent, près de 3000 civils,
militaires, allaient être soignés à Grand Fort Philippe. Une ville qui n'avait
rien et qui avait besoin de tout... En 2011, j’avais rencontré Thérèse et Noël
Courco et Alfred Melliet. Thérèse
et Noël Courco avaient 10 et 6 ans et eux aussi se
souviennent de cette fin du mois de mai 1940. Des souvenirs d'enfance qui
restent marqués par la guerre et le silence entretenu autour de cette tragédie.
Thérèse garde plus en souvenir ce chef de la Kommandantur que les Grand Fort Philipois avaient surnommé "Grand-père Doguette" n'y voyait là rien de familier tant il
faisait régner la terreur dans Grand Fort Philippe et qui fréquentait le café
"Chez Vérove" tenu par la maman de Thérèse.
Alfred Melliet, lui, avait
16 ans en 1940. Lorsque je l’ai rencontré en présence des ses enfants, certaines
de ces images restaient profondément
ancrées dans sa mémoire. C'est lui, "Ti frère" comme le surnommait
son oncle Roger qui, en sa compagnie est allé chercher dans le chenal, le corps
de ce soldat Belge que la marée descendante emmenait au large, et le ramena sur
la berge. "Nous savions que si nous ne ramenions pas le corps, il
partirait au large, nous ne pouvions pas laisser faire cela. Je me souviens
d'avoir vu énormément de morts. On parlait alors de plusieurs centaines."
Dans les jours qui suivirent, "ti frère" et son oncle passèrent près
du lieu du massacre où les morts étaient poussés dans une fosse commune.
"J'ai vu cette jambe dépasser, je suis descendu et je l'ai recouverte de
terre. Ces images je ne les oublierais pas. Alfred, ses enfants et
ses beaux enfants, Thérèse, Noël et d'autres se posaient la question de savoir
pourquoi, ce massacre, ces journées horribles ne sont pas commémorées. Elles
qui auront fait plus de 600 morts civils qui fuyaient la guerre... Un drame humain
qu’il fallait taire Un drame humain dont
personne ne parlait pire certains prétendaient même qu’il fallait le taire.
Inadmissible quand on sait ce que ce drame, dans les premières heures de la
seconde guerre mondiale, allait coûter en vies humaines, des civils qui
n’auraient jamais du se trouver là, des militaires qui défendaient le pays. Certes la place des civils n’est pas
sur les champs de bataille, mais ici sur les lieux mêmes de cette tragédie les
civils n’eurent guère de solution. Entre une armée allemande conquérantes et
des ordres donnés aux militaires français d’interdire le passage, que pouvais
faire ces civils. L’armée française
balayée.
Benoist Méchin
dans son livre « Soixante jours qui ébranlèrent l’occident » analyse
la situation « Il est peu de tragédies comparables à celle qui s’est
déroulée sur le sol de France, entre le 10 mai et le 10 juillet 1940, 60 jours
ont suffi pour anéantir nos armées et balayer nos institutions. L’histoire
moderne rapporte peu d’évènements aussi stupéfiants que la défaite et
l’écroulement de la République française, en juin 1940. Jamais une grande
puissance militaire n’a été écrasée aussi vite et aussi inexorablement , depuis
la campagne éclair de Napoléon contre la Prusse en 1806. En moins de 6
semaines, une des puissances qui dirigeaient le monde fut littéralement balayée
de la scène internationale. » La position des
armées au 22 mai 1940. Une poche de défense militaire
s’étend de Terneuzen à Gand jusqu’à quelques kilomètres de Courtrai ; la
défense de cette ligne est assurée par les 2ème et 3ème Divisions Belges. Une ligne de front qui
se poursuit vers Condé, Valenciennes, Bouchain, Arras jusqu’à Aires sur la Lys, une zone délimitée
par l’Escaut et au long de laquelle on trouve la 1re armée et les
troupes du Corps Expéditionnaire Britannique. Une ligne qui se prolonge de
Saint-Omer à Gravelines. Côté Allemand, au plus près du littoral on trouve
venant de Monthermé, le 48ème
Corps Blindé commandé par Reinhardt avec
les 6ème et 8ème Panzer-division, et venant de Sedan le
19ème Corps Blindé emmené par Guderian avec les 1ère, 2ème
et 10ème Panzer-division. La 2ème division se dirigeant
sur Boulogne, la 1ère sur Calais. A
Gravelines depuis le 17 mai 1940 Oscar Lecerf, Correspondant du journal
Nord Matin, Photographe et Sergent Fourrier de la Compagnie de Sapeurs pompiers
nous rapporte les faits. Depuis plusieurs jours les voitures passent sans
interruption, venant de Belgique rappelant l’exode de 1914. Hélas ! c’est
l’exode de 1940 avec son triste cortège.
Ce furent d’abord les premières voitures luxueuses des notables de
Belgique, suivies de celles des officiers fuyant l’invasion, contribuant à
semer ainsi la panique partout sur leur passage, puis les voitures de tourisme,
les camionnettes chargées de vêtements, lingerie et objets de valeur, toutes
recouvertes de matelas, se dirigeant à toute allure vers Calais, Boulogne,
Etaples, Saint Valéry pour gagner le centre de la France… On ne savait
rien du drame qui s’était déroulé au Cochon noir Que
s’est-il réellement passé en mai 1940 au lieu-dit le Cochon noir ? Le
24 mai 1940, Arras est évacué par les troupes britanniques, la ville est prise
par les Allemands, Les troupes du général Rommel entrent dans la ville de
Nœux-les-Mines puis à Béthune. Hitler donne l’ordre à Guderian qui avançait sur
Dunkerque, d’arrêter ses chars devant Gravelines. Plus de 2000 réfugiés
apprenant la présence des Allemands avaient fait demi-tour et se trouvaient à
l’entrée de Gravelines, d’autres s’étaient réfugiés à Grand Fort Philippe.
L’armée française qui garde le pont tournant avait reçu l’ordre de ne pas
manœuvrer le pont, interdisant ainsi tout passage. Il est près de 10h00 ce matin du 24 mai. Un cri
s’élève de la foule, « les voilà ! » Les réfugiés qui n'ont pas
quittés les abords de la route se précipitent en cohue vers le pont lorsque
s'approchent quatre chars allemands, suivis d’automitrailleuses.. Une panique
terrible, meurtrière s'ensuit. Les officiers allemands crient de s'éloigner,
mais, trop tard, la bataille s'engage et elle durera quatre jours durant
lesquels, morts, vivants et blessés seront bombardés et mitraillés sans arrêt. Un véritable
assassinat. L’attaque aérienne contre les blindés
allemands, les tirs de mitrailleuses de part et d‘autre du pont scelleront le sort de plus de 200 civils. Philippe Merlen un gravelinois, se
souvient de ce qui se passa en ce mois de mai et comment il découvrit
l’horreur. Il avait 12 ans à l’époque. « Dès le 15 mai, succédant aux troupes
de l’armée Giraud qui partaient vers la Hollande, ce fût un cortège interminable
de civils Belges et Hollandais ainsi que des jeunes des Ecoles militaires qui fuyaient leur pays et traversaient
Gravelines en direction de Calais par le pont Lamartine (pont tournant du port
sur la RN40.) Une centaine d’entre eux s’arrêtent pour acheter de la nourriture
et de la boisson, vidant rapidement les réserves de nourriture… Plus
tard, on nous signale l’arrivée des Allemands par le pont de St Folquin, et par le pont Lamartine. Nous ne savions rien
alors du drame qui s’était déroulé le 24 mai au Cochon Noir. Ce n’est que le
dimanche, sans rien dire à ma mère que je suis allé jusqu’au pont Lamartine. Il
régnait un silence de mort j’ai vu ses valises éventrées, les voitures brûlées,
les chars détruits. Le mardi 31 mai, les allemands sont entrés dans Gravelines.
Ils nous avaient obligés, arme au poing,
à sortir de chez nous, et à nous rendre vers le port pour saluer les
officiers Allemands qui entraient dans Gravelines à bord de leur véhicule. Ils avaient 10 et 13 ans, on leur a volé leur
adolescence
Eduard Temmerman et Roland Osaer avaient 10 et
13 ans en ce mois de mai 1940 . Avec leurs familles ils avaient quitté leur
Belgique natale depuis plusieurs jours. Ils témoignent. Témoignage de M Eduard Temmerman
En 2013, je rencontrais Eduard à la maison de repos de Lebbeke
(Belgique) en présence de sa fille Viviane et de son mari. Un homme chaleureux
qui porte en lui ce terrible souvenir. C’est en flamand qu’Eduard m’a confié
son récit . Si je ne comprenais pas la langue, Eduard su me transmettre toute
son émotion. Et, plusieurs fois au cours de son récit il fit une pause laissant
poindre au coin de l’œil quelques larmes qu’il n’arrivait plus à contenir. Plus
de 70 ans après le drame, l’émotion était toujours aussi forte. Cette épreuve tragique,
aujourd’hui encore marque l’esprit de cet homme qui vécut un véritable drame
alors qu’il n’avait que 10 ans. Son père Philemon, sa seconde mère Sidonie Van Kerckhove ( Eduard avait perdu sa maman alors qu’il n’avait
que 2 ans), et son frère Roger, fuyaient la Belgique et sa ville natale de
Dendermonde qui était menacée de bombardement. Après une dernière nuit passée à
Dunkerque le 22 mai 1940, la famille prenait la direction de Calais. Ses
parents avaient-ils espoir d’embarquer pour l’Angleterre, cela reste encore une
question sans réponse pour Eduard. Le 23 mai, après avoir traversé Gravelines,
ils arrivèrent aux abords du Cochon Noir. Ils allaient y vivre l’Enfer. « Voyant que nous ne
pourrions pas aller plus loin, les allemands bloquant la route, mon père décida
de retourner vers Gravelines. Le pont était ouvert et il ne nous était pas
possible de traverser la rivière. Les bombardements commençaient, on entendait
des bruits de plus en plus forts. Ma mère me prit dans ses bras et nous nous
sommes réfugiés dans une maison aux abords du pont, peut-être celle de celui
qui avait en charge la manœuvre du pont. J’ai entendu un énorme bruit on ne
sait pas d’où il venait et la maison a été soufflée. Je me suis évanoui.
Lorsque j’ai repris mes esprits, l’aviation anglaise ou française bombardait le
secteur, je ne me souviens plus de la couleur des cocardes, une chose est sûre
ce n’était pas des avions allemands. Je me suis réfugié dans un fossé proche du
port. Là je me suis retrouvé avec un jeune homme qui devait avoir 18 ans je fût
rassuré, j’avais quelqu’un sur qui m’appuyer dans cet enfer, hélas, il fût tué
après un nouveau bombardement et je me retrouvais de nouveau seul. En allant
vers ce fossé j’ai vu cette large chaussée jonchée de nombreux cadavres
d’hommes, de femmes et d’enfants. Le lendemain je voulais partir à la recherche
de mes parents mais les Allemands m’ont interdit de passer. Ils voulaient m’offrir à manger mais mon père nous avait dit de ne rien
accepter des Allemands. J’avais reçu une balle dans le mollet aujourd’hui
encore je ne sais pas comment cela est arrivé. Après trois jours d’errance,
dans le secteur du Cochon Noir, une dame m’offrit du sucre et de l’eau puis
elle me conduisit à Oye-Plage, d’abord dans une école puis à l’institution St
Michel, là où les Allemands avaient installé un hôpital. Un médecin allemand
soigna ma jambe. Il était gentil mais j’avais toujours en mémoire cette
recommandation de mon père « On ne parle pas aux Allemands » Je ne savais toujours pas ce qu’était devenue
ma famille. Plus tard j’appris que mon frère qui avait 12 ans à l’époque avait
été emmené par un médecin sur les lieux du drame pour reconnaître les corps. Il
reconnut celui de mon père et de ma mère. Il ne savait pas où j’étais mais il
m’a dit qu’il savait que j’étais en vie. Il se souvenait aussi d’avoir vu des
soldats allemands tirer au fusil sur les personnes venues détrousser les
cadavres qui se trouvaient encore en contrebas de la route. Nous nous sommes retrouvés un mois plus tard.
Mon frère fût très marqué par cette épreuve qui, j’en suis convaincu, fit que
toute sa vie il en souffrit. Puis ce fut le retour dans un orphelinat en
Belgique. Robert un de mes frères plus âgé, avait été envoyé en Allemagne dans
le cadre du S T O. Nous avions appris qu’il y était décédé des suites d’une
maladie hors, en 2010 des recherches menées par mon gendre, nous révélèrent
qu’il avait été fusillé à Dessau-Roblau. » Dans le carré des civils
belges du cimetière des Huttes figure le nom de Philemon
Timmerman, le père d’Eduard, quant à sa mère, Sidonie, bien que reconnue par
son fils, un courrier émanant de la ville de Gravelines, daté du 23 juillet
1940 précisait qu’aucune Sidonie Van Kerckhove
n’avait été identifiée. En 2003,
Eduard Temmerman est revenu sur les lieux qui aujourd’hui encore sont
pour lui un rappel douloureux d’une adolescence volée. Aujourd’hui en nous
confiant le récit de ce drame qu’il a vécu alors qu’il n’avait que 10 ans,
l’émotion était toujours aussi présente. Il n’oubliera jamais…… Témoignage de M Roland Osaer En ce mois de mai 1940, la
famille Osaer comme de nombreux Belges, avait quitté
Newport et traversait la frontière fuyant devant l’avancée allemande. Il y avait Léon, le père, Elodie Piessen la mère, Elodie la grand mère maternelle et les 8
enfants Lucien, Roland, Hubert, Etienne , Marie Thérèse, Jean Pierre, Herman et
André, âgés de 10 mois à 16 ans. Roland, né en 1927 avait 13 ans au moment du
drame. Il garde en mémoire cette épreuve qu’ils ont vécus dans cet enfer
oublié. « Nous
avions traversé Gravelines et nous approchions de Oye-Plage. Ma mère cherchait
à savoir ce qui se passait devant nous . En cachette, un soldat français lui
dit « n’allez pas plus loin les allemands arrivent. » Ma mère nous
dit alors Demain nous repartons en Belgique. Le lendemain, en arrivant au « Cochon Noir », il y avait des
milliers de personnes qui attendaient pour passer le pont. Des civils mais
aussi de nombreux militaires belges qui avaient perdu leur régiment. Beaucoup
plus tard, les allemands approchaient on vit les premières automitrailleuses,
puis soudain 4 avions sont arrivés, sous leurs ailes des cocardes tricolores.
Ils tournaient au dessus des chars allemands qui approchaient du Cochon Noir.
Les allemands ripostaient depuis leurs automitrailleuses et leurs chars mais
aucun avion n’a été touché. Ils lâchaient leurs bombes et on pouvait suivre
leur trajectoire un soldat français nous disait venez par ici, et nous
courrions pour tenter de nous réfugier. Nous avions trouvé refuge dans un petit
fossé. mon frère Herman avait reçu un éclat d’obus dans la cuisse. Ma
grand-mère ne nous disait rein mais elle venait de voir sa fille mourir à côté
d’elle. Mon père nous dit prenons nos affaires et partons, ma grand-mère lui
dit n’oubliez pas l’argent qu’Elodie a cousu dans ces vêtements. Nous n’en
n’avons pas eu le temps que déjà les bombardements reprenaient de plus belle et
nous nous sommes enfuis comme nous avons pu de cette terre d’enfer. Nous avons trouvé refuge dans une ferme de
Oye-Plage exploitée par M et Mme Flament. Herman
et ma grand-mère avaient été blessés. Ils furent soignés à l’institut St Michel
de Oye-Plage par des étudiants en médecine belges. Mon frère avait un éclat
d’obus dans la cuisse qui fût retiré avec une paire de ciseaux, Les étudiants
ne possédaient que des instruments de fortune. Quelques jours plus tard, mon
père se mit à la recherche de mon frère et de ma grand-mère. Ils les
retrouvaient dans une église près de l’hôpital St Louis de St Omer. Il y avait
tellement de blessés qu’après avoir été soignés, les moins touchés étaient
transférés dans cette église. Ils les ramenaient alors à Oye-Plage. Dans
les premiers jours de juin Avec mon père et mon frère nous partîmes à la recherche
du corps de notre mère. En arrivant au Cochon noir, je partis d’un côté avec
mon frère tandis que mon père partait du sien. Quelques instants plus tard il
revînt « Ne cherchez plus j’ai trouvé le corps. » Il ne voulut pas
que nous puissions la voir une dernière fois. « Gardez en mémoire l’image
de votre mère telle que vous la connaissiez. » Plus tard nous sûmes qu’il
voulait nous protéger. Ma mère était décédée depuis plus de 10 jours, son corps
était resté dehors sous la chaleur. Il avait été dépouillé., plus d’argent,
plus de bijoux. Deux ouvriers sans doute réquisitionnés par la ville étaient
entrain d’envelopper notre mère dans une toile de tente avant de déposer son
corps dans une fosse commune près du quai du port. Elle portait le numéro 75 et
il restait de nombreux corps à ensevelir. Des actes tout aussi criminels Dans les jours qui suivirent le
drame, l’ordre fût donné par la mairie de Gravelines aux hommes valides de se
rendre au bassin Vauban avec pelles et bêches afin d’enterrer les morts. Oscar Lecerf rapporte. « Quelles
visions d’horreur se présentèrent à la vue de ceux qui exécutèrent ce travail
pénible. Ce fut épouvantable. Le travail d’identification se faisait ardu,
beaucoup de malheureuses victimes n’avaient plus de pièces d’identité et pour
cause. Il fût constaté que des détrousseurs de cadavres avaient accompli cette
répugnante et criminelle action. Des fosses communes furent creusées, les
victimes enterrées dans les couvertures La route nationale 40 entre le Cochon
noir et le pont Vauban était encombrée d’automobiles, de camionnettes, de
motos, de vélos, de valises éventrées . Huit soldats Allemands furent enterrés
sur place à côté du café Perrette tandis que les fosses communes des bas-fonds
du terrain du génie, à l’ouest du chenal recevaient une grande partie des 200
victimes civiles tombées là.» Le Devoir de mémoire Aujourd’hui encore de nombreuses zones
d’ombre subsistent. Le carré des civils du cimetière de Gravelines ne compte que 59 croix
dont 16 portent la mention « inconnu.» Des actes de Décès ont été enregistrés en juin puis en décembre 1940 avec
la mention décédé le 24 mai. Qui étaient ces civils Allemands décédés au
milieu des civils Belges. En
ce 24 mai 1940, plus de 200 civils belges, français, allemands et 84 militaires
français, anglais et belges perdirent la vie. D’autres mourront des suites de
leurs blessures, d’autres ne seront jamais identifiés. Depuis le 26 mai 2013, sur les lieux
de la tragédie une stèle rappelle désormais cet épisode dramatique de la
seconde guerre mondiale. Pour les Encerclés de Grand Fort Philippe, ceux de
l’Enfer du Cochon noir, les victimes civiles et militaires de la Tragédie de
Gravelines, le Devoir de Mémoire est accompli. Elle a été inaugurée par
Bertrand Ringot maire de Gravelines en présence de
Léo Peeters Consul général de Belgique
et Eduard Temmerman. Une cérémonie très émouvante et très
éprouvante pour Eduard qui regrettait l’absence de son ami Roland Osaer. A plusieurs reprises, cet homme qui porte encore en
lui le souvenir douloureux de cette véritable tragédie qu’il vécut enfant, une
tragédie qui fait de vous un homme même lorsque vous n’avez qu’une dizaine
d’années, me prit la main et me glissa un merci très touchant et j’avoue qu’à
mon tour je sentis poindre ces larmes d’émotion. Quant
à Léo Peeters, Consul Général de Belgique, il avoua tout ignorer de cette
affreuse tragédie ou tant de ses compatriotes laissèrent la vie, me remerciant
à son tour d’avoir fait en sorte que cela se sache et surtout ne s’oublie pas. Jean Pinte [1] Avec l’aimable autorisation de Jean Pinte, correspondant de la Voix du Nord et membre du Souvenir Français. |