Maison du Souvenir

Dr Yvan Colmant, officier d’infanterie pendant la Première Guerre, résistant pendant la Deuxième Guerre mondiale.

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Dr Yvan Colmant, officier d’infanterie pendant la Première Guerre, résistant pendant la Deuxième Guerre mondiale.



Le Dr Colman exerça l’ophtalmologie à Liège (photo: wikipeda)

A) Le Dr Colmant, officier d’infanterie en 14-18

       Le docteur Colmant fut durant la Grande guerre un officier d’infanterie très valeureux. Le major Willems mentionne dans son livre que le 17 mai 1918, une grenade éclata accidentellement parmi les hommes d’un poste de la 11ème Compagnie du 3ème Bataillon du 20ème Régiment de ligne et que les lieutenants Colmant et Dubois n’hésitèrent pas, malgré la proximité de l’ennemi, à se précipiter, en plein jour et à découvert au secours des blessés.

       Quelques mois plus tard, le 28 septembre 1918, le lieutenant Colmant s’illustra héroïquement en s’emparant du château Blanckaert, dont les ruines constituaient une véritable place-forte ennemie, et cela, après trois assauts infructueux. Ce fait d’arme est relaté dans le rapport du major De Haene qui commandait le 3ème Bataillon du 20ème Régiment de ligne, rapport repris dans le livre du Major Willems page 218 et suivantes. Ce rapport explicite très bien les difficultés rencontrées par un régiment, ici, le 20ème Régiment de ligne, au cours de la première journée de l’assaut qui devait libérer notre pays. Il mentionne aussi de nombreux noms d’héroïques soldats, qui sortent ainsi de l’anonymat. Pour les non-initiés, il est rappelé que le 20ème Régiment de ligne comportait trois bataillons numéroté de un à trois. Chaque bataillon comportait 4 compagnies, soit, au total pour le régiment, 12 compagnies que l’on numérotait de 1 à 12.

Rapport du major De Haene sur la prise du château Blankaert et des positions allemandes environnantes :

       Le 28 septembre 1918, à 05h45, le peloton du lieutenant Colmant atteint le Steenbeck. (…) La rivière a 3m50 de largeur et 1m50 de profondeur. Le soldat Van Paeschen se jette à l’eau, aborde la rive nord, va chercher une passerelle boche abandonnée et la lance à ses camarades. Le peloton Colmant traverse l’obstacle.(…) Côte à côte avec les pelotons de la 9ème, il nettoie de 5Hh50 à 6H30, les fortes organisations ennemies du Zandhoeck. Toutes sont enlevées après une lutte opiniâtre ; cinq mitrailleuses sont capturées, trente boches sont tués au couteau ou à la grenade. A 7 heures, toujours de concert avec la 9ème Cie, Colmant passe à l’attaque des bétons de Nénuphar. Ici, l’ennemi n’attend pas l’assaut. Il abandonne deux mitrailleuses et s’enfuit vers la ferme de Roumanie. Celle-ci est attaquée à 7h20. Mais l’ennemi a retiré les passerelles qui existaient sur le Roonebeek ; notre génie n’a pas le matériel suffisant à l’établissement de nouveaux moyens de passage. Les hommes essaient de passer à la nage. (…) L’assaut ne réussit pas. Une deuxième attaque est tentée à 8 heures, avec le concours d’un peloton de la 9ème (peloton Jageneau). Malgré la bravoure et l’endurance des hommes qui entrent dans l’eau jusqu’au cou, on ne parvient pas à traverser le Roonebeek, sous le feu ajusté des mitrailleuses qui nous occasionnent des pertes de plus en plus sensibles. Les deux pelotons sont obligés de se retirer ; le peloton Colmant n’a plus que 9 hommes en état de combattre.

       Le lieutenant Colmant, chef du 3èmeBataillon, vient me rendre compte de la situation. Je lui ordonne de ne pas tenter une nouvelle attaque de front, mais de s'efforcer de progresser à l'Est, vers la route de Dixmude ; de se couvrir ensuite par les talus est de la route pour progresser vers le Nord et prendre en flanc et à revers les organisations du Blankaert. Je lui donne un nouveau peloton de la 9ème Cie, le Peloton Strauwen, dont l'officier a été tué. Lentement, sous le feu des mitrailleuses, la troupe du lieutenant Colmant gagne la route, après de nouvelles pertes. L'attaque parvient seulement à faire taire les mitrailleuses installées dans les maisons en ruines bordant la route et est ensuite clouée sur place. Incapable de progresser davantage, le peloton se terre dans les fossés bordant la chaussée. Les munitions commencent à manquer; le génie n'a encore lancé aucun moyen de passage sur le Roonebeek et le pont de la route est détruit.

       Pour appuyer le lieutenant Colmant, je viens de lui envoyer un nouveau renfort : la dernière section de la 10ème Cie dont je puisse disposer, avec la section de mitrailleuses du lieutenant Danthine, qui reçoit pour mission de battre les mitrailleuses ennemies en enfilant les créneaux à courte distance.



Terrassé par la fatigue le lieutenant Danthine s’endort malgré le crépitement de ses propres mitrailleuses – 28 septembre 1918

       A la demande du lieutenant Colmant, j'envoie également des munitions, surtout des grenades Viven-Bessières, dont les hommes se déclarent pleinement satisfaits.

       Il est 9h30. A ce moment, une section de la 10ème Cie, commandée par le sergent Ghysen et revenant de la ferme Roonebeek, ainsi qu'il sera dit ultérieurement, est dirigée par son intelligent chef vers le point où l'action paraît être si chaude. Le lieutenant Colmant reçoit avec joie ce nouveau renfort. A ce moment aussi, un caporal et un soldat du génie ont enfin réussi à créer un passage sur le Roonebeek, tout contre les débris du pont de la route. «  Les derniers débris du Peloton Colmant, les deux pelotons de la 9ème et les deux sections de la 10ème successivement envoyés en renfort, vont tenter un suprême effort contre les nids de mitrailleuses qui ont si longtemps arrêté leur élan. Il y a, à cet instant précis, des mitrailleuses boches en action à la ferme de Roumanie, au moulin-observatoire situé immédiatement à gauche de la route, à la ferme située à la borne 13 de celle-ci, enfin dans les bois qui entourent le château. Ainsi que nous le verrons plus loin, les héroïques efforts du lieutenant Colmant seront, cependant, couronnés de succès.

A la gauche du secteur

       Les deux pelotons dont disposait le capitaine van Mierlo, commandant la 9ème Cie, auraient dû progresser à gauche de la 11ème Cie, en laissant à celle-ci les organisations de Zandhoek et du Nénufar. Ici encore, le glissement général vers la droite a sa répercussion. La 9ème doit aider le Peloton Colmant dans la réduction des organisations précitées, avant de pouvoir songer à l'accomplissement de sa propre mission. Dès le début de l'attaque, le sous-lieutenant Strauwen est tué devant Zandhoek. La compagnie subit des pertes sensibles. On progresse cependant, côte à côte avec le Peloton Colmant. Bientôt, les deux pelotons de la 9ème sont séparés l'un de l'autre, par suite des difficultés du terrain parsemé de fossés et de réseaux de fil de fer, qu'il faut traverser sous les feux ajustés des mitrailleuses ennemies.

       Le peloton de droite travaille avec le Peloton Colmant, et coopère à la prise du Zandhoek et du Nénufar. Il se regroupe ensuite à la ferme située immédiatement à l'Est de la ferme du Nénufar où il est retenu par le major. Bientôt, ce peloton est envoyé en renfort au lieutenant Colmant. L'autre peloton, avec le capitaine Van Mierlo et le lieutenant Dormal, fait tomber les résistances organisées immédiatement à l'Est du lac Blankaert et manœuvre les nids de mitrailleuses dont les occupants s'enfuient sous la menace de l'encerclement. Continuant ainsi sa marche vers le Nord, le capitaine Van Mierlo se voit arrêté par les marécages du Roonebeek, en même temps qu'il est cloué sur place par les mitrailleuses de la ferme de Roumanie et du parc du Château. Incapable désormais de progresser, faute de moyens de passage sur le Roonebeek, le capitaine Van Mierlo va bientôt, comme nous le verrons dans la suite, se mettre à la disposition du major.

       Derrière le peloton Dormal est arrivé, en réserve, un peloton du 1ier Bataillon du 13ème de ligne (sous-lieutenant Quiriny). Cette unité appartenait au bataillon qui devait, au début de l'action, suivre le 3ème Bataillon du 20ème Régiment de ligne, à 500 mètres, puis se diriger sur Woumen. Le sous-lieutenant Quiriny marchait en flanc garde de gauche, par l'Ouest du château de Blankaert, vers Rille. Les circonstances qui ont arrêté la 9ème agissent sur lui également. Apprenant sa présence, je lui ordonne, de passer momentanément à ma disposition et de constituer réserve derrière les éléments que commande le capitaine Van Mierlo.

Au poste de combat du bataillon. Emploi des unités réservées.

       Nous avons laissé le commandant du 3ème Bataillon au moment où, au Sud du Steenbeek, il se renseignait auprès du major Royaux, commandant le 1ier Bataillon. A ce moment, un furieux tir de barrage s'abat dans les environs immédiats du Steenbeek. Il faut quitter au plus tôt cette zone par trop battue, sous peine de s'y voir clouer au sol. Le major se dirige donc vers le Steenbeek qui, à une dizaine de mètres de là, est toujours sans passerelle. Il faut bien, se résoudre à passer sur les débris du pont, sous les obus qui s'abattent, avec une précision mathématique, sur la route, au Nord et au Sud de ce point. De plus, les mitrailleuses ennemies battent la route sans interruption, d'enfilade.



Le major d’E.M. De Haene et officier du IIIeme bataillon à Luyghem – septembre 1918

        C'est un moment critique. Je traverse l'obstacle, suivi de mon état-major, échappant, je ne saurais dire comment, à l'explosion d'un obus ennemi qui, à ce moment, fait sauter une partie de la chaussée. Arrivé au Nord du Steenbeek, je préviens, par gestes, ma réserve de passer à son tour, rapidement et par petites fractions. J'installe provisoirement mon poste de commandement à environ 100 mètres au Sud de la ferme du Papyrus.

       Apprenant la prise du Zandhoek et la progression vers le Nénufar, voyant qu'en même temps la progression semble s'accentuer à l'Est de la route, je transporte mon poste de combat au Zandhoek. La marche sous le feu des mitrailleuses me coûte un blessé (soldat Forget). Quelques secondes après, nous sommes pris dans un très violent tir de notre artillerie; de gros obus brisants, tirés beaucoup trop court, viennent éclater en plein sur la route, à hauteur de Zandhoek et sur tout le terrain à l'Ouest. C'est miracle que personne ne soit atteint. Les fusées d'alarme que nous lançons immédiatement doivent être répétées pendant un long quart d'heure avant que cesse ce tir malencontreux. Arrivé au Zandhoek, j'y trouve les cadavres des Boches que viennent d'expédier le lieutenant Colmant et le peloton de droite de la 9ème. Je vois encore un grand diable de fantassin qui, atteint d'un coup de poignard à la tête, agonise lamentablement... J'apprends la prise des organisations du Nénufar et le premier insuccès du lieutenant Colmant devant la ferme de Roumanie. C'est à ce moment que j'envoie au lieutenant Colmant le fourrier Bodson de la 11ème, avec des munitions et une équipe de grenadiers Viven-Bessières, du Peloton Cox, de la 10ème Cie. Je les fais suivre, quelques instants après, du peloton Lageneau qui vient de me rejoindre.

       Il me reste, à cet instant, comme réserve, le Peloton Cox, de la 10ème, et la 12ème. Je n'ai pas de nouvelles du peloton du sous-lieutenant Vranckx. Les balles de mitrailleuses pleuvent dru à la ferme Zandhoek, Le soldat Willems, de la 9ème, un poilu entre les poilus, est grièvement blessé et se traîne sur le sol pour sortir de la zone battue ; le brave brancardier Attout est touché pendant qu'il soigne un blessé ; le lieutenant Edouard Cox, grièvement atteint à son tour, s'abat sur le sol.

       Je vois arriver le lieutenant Colmant qui vient me rendre compte de la situation devant la ferme de Roumanie. Deux assauts ont échoué et il va en tenter un troisième. Je lui donne les ordres dont il a été question précédemment : il devra tourner l'ennemi au lieu de l'attaquer de front. Un peloton de la 9ème est mis à sa disposition, commandé par le sergent-major Louis Van Cauwenberghe depuis la mort du sous-lieutenant Strauwen. J'ordonne au sous-lieutenant Lepage, du génie, de construire, à tout prix, au moins un passage sur le Roonebeek, à l'Est de la route. Pour suivre de plus près l'attaque, je me porte vers la ferme située immédiatement à l'Est du Nénufar. La progression de l'état-major du bataillon se fait, sous un feu intense de mitrailleuses, en trois petites colonnes par un. A un mètre derrière moi, le sergent téléphoniste Lesenfants est abattu, grièvement blessé d'une balle au ventre. Mon porte-fanion, le sergent Peeters, qui marche à ma gauche, tombe également, atteint par une balle. Le brave soldat Chenet, ancien porte-sac du médecin André, soigne ces blessés sous le feu, avec un courage et un dévouement magnifiques.



       J'installe mon poste de combat dans un béton boche à l'Est du Nénufar. Ce béton, comme tous ceux que le bataillon a dû enlever au prix de pertes sanglantes, est intact. «  Il est 8 H50 environ. J'ai envoyé à la 12e compagnie l'ordre de venir me rejoindre derrière le Nénufar.

       Je suis sans nouvelles de ma droite. Les délégués que j'ai envoyés dans le secteur n'ont pu trouver le peloton Ghysen, ni le capitaine Dronkers. On a vu qu'ils se trouvaient dans le secteur assigné au 1er Bataillon du 20ème de ligne. Dans le but d'assurer la continuité de l'action de ce côté, dans le but aussi de boucher la trouée qui s'est créée à mon centre, j'ai donné, au capitaine Geubelle, l'ordre d'envoyer une section à la ferme de Roonebeek ; elle cherchera à se mettre en liaison avec la 11ème qui, à sa gauche, doit occuper, d'après le programme arrêté, la ferme d'Angleterre (en réalité, la 11ème se trouvait, on l'a vu, assez bien plus à droite).

       J'avais envoyé cette section à un endroit où je pensais n'avoir pas de troupes présentes. Heureusement, tel n'était pas le cas. Des fractions du 13ème s'étaient installées vers les fermes Roonebeek et d'Angleterre et le sergent Ghysen, commandant la section de la 10ème ainsi relevée, se dirigea, d'initiative, vers le point où « cela chauffait ». Il allait apporter un concours précieux au lieutenant Colmant. A 9H30, j'avais comme réserves, en tout et pour tout, 3 sections de mitrailleuses de la 12ème. L'extension donnée, par les circonstances, au front de mon bataillon et l'âpreté de la lutte m'avaient fait engager toutes mes disponibilités d'infanterie.

EVENEMENTS DE 9 HEURES 30 A 13 HEURES 30.

A la droite du secteur.

        Ainsi qu'il a été dit précédemment, les Pelotons Vranckx et Ghysen, de la 10ème Cie, progressent, en combattant, à la gauche du 1ier Bataillon du 20ème, renforcés par des unités du 13ème de ligne. Petit à petit, la ligne de combat tend à prendre, de ce côté, la physionomie que lui assignent les ordres du commandement. La gauche du 1ier Bataillon du 20ème se rapprochant de la limite nord de son secteur, les pelotons de la 10ème Cie redressent aussi leur direction. Ils arrivent à 200 mètres au Nord de la ferme d'York ; obliquant ensuite vers le Nord-Est, ils se trouvent finalement, vers 13 H30, le long du pavé Jonkershove-Woumen, dans le secteur du 3ème Bataillon. La 5ème Cie du 13ème Regiment de ligne se trouve, vers la même heure, derrière la gauche des deux pelotons de la 10ème Cie. Quelques éléments de cette 5ème Cie sont intercalés entre les 10ème et 11ème Cie du 20ème Régiment de ligne.

Au centre du secteur, (le 1ier et 3ème pelotons de la 11ème Cie).

       « A 9 heures 30, le capitaine Dronkers envoie au major (qui le reçoit à 10 heures 55) un rapport résumant les événements déjà signalés plus haut: « Nous occupons les premiers bétons de la tranchée de l'Obélisque. Nous sommes gênés par les mitrailleuses du château de Blankaert et de la ferme de la Gascogne. » La progression va bientôt reprendre de ce côté. Petit à petit, les deux pelotons de la 11ème nettoient la majeure partie de la tranchée de l'Obélisque et atteignent, vers 11 heures 45, la ferme des Gascons. « A 13 heures 30, le capitaine Dronkers m'envoie le rapport suivant : « La compagnie est établie au Nord-Est de la ferme des Gascons. Mon poste de combat se trouve dans cette ferme. La compagnie a nettoyé la ferme d'Angleterre et les abris de la tranchée de l'Obélisque jusqu'à la ferme des Gascons inclusivement ; elle ne peut plus avancer faute de munitions et parce qu'elle est très fatiguée par les efforts successifs qu'elle a fournis. En outre, des mitrailleuses ennemies installées à la ferme d'Auvergne et à la ferme du Transvaal empêchent momentanément la progression. La compagnie a fait une quarantaine de prisonniers, dont un officier, sans compter les ennemis tués. Pertes approximatives pour les 2ème et 3ème Pelotons : le sous-lieutenant Pierre, un caporal et 7 hommes tués, 7 hommes blessés. Liaisons : la liaison est dès longtemps établie avec le peloton Ghysen. J'ai, avec moi, quelques hommes d'autres compagnies. Munitions : Il me faut des grenades Viven-Bessières et Mills, 2.500 cartouches pour fusils-mitrailleurs, 3.000 cartouches Mauser ».

Vers le Château Blankaert

       Nous avons dit précédemment que, à 9 heures 30, le lieutenant Colmant préparait, d'après mes ordres, une quatrième attaque sur les organisations du Blankaert. Dès 9 heures 30, les hommes du lieutenant Colmant commencent à traverser le Roonebeek, à hauteur de la route de Dixmude, sur la passerelle que vient de lancer le génie. Au même moment, la section de mitrailleuses du lieutenant Danthine, de la 12ème compagnie, commence à tirer, de la rive sud du Roonebeek et à l'Ouest de la route, sur les mitrailleuses de la ferme de Roumanie et du Château. A 9 heures 45, j'envoie le lieutenant Danthine plus à l'Est, sur la route de Dixmude, pour prendre les mitrailleuses de la ferme de Roumanie de flanc et à courte distance. Je fais remplacer cette section, sur la rive sud du Roonebeek, par une autre section de la 12ème Cie, qui doit reprendre la mission assignée au lieutenant Danthine. Mais cette autre section ne devra pas entrer en action ; les évènements vont, en effet, se précipiter du côté du Blankaert.

       La Section Danthine a progressé jusqu'à la route de Dixmude. Après que le sergent-fourrier Dutron, de 9ème a pratiqué des brèches dans les réseaux de fils de fer, le lieutenant Danthine s'installe à 20 mètres au Sud du pont détruit. Ses mitrailleuses ouvrent le feu sur les trois créneaux de la ferme de Roumanie. Par la précision remarquable de leur tir, nos braves mitrailleurs réduisent au silence les engins ennemis dont les servants prennent la fuite vers le château. On entreprend ensuite, avec le même succès, les six créneaux de mitrailleuse de l'abri installé dans les ruines du moulin, à gauche de la route. Les mitrailleurs boches s'enfuient et la section Danthine se porte, de concert avec le lieutenant Colmant, vers le château. Pendant que nos mitrailleurs travaillent de la sorte, le lieutenant Colmant a installé, dès 9 H. 45, des grenadiers Viven-Bessières dans les ruines situées sur le bord ouest de la route, un peu au Nord du Roonebeek. Ces hommes lancent leurs grenades sur la ferme de Roumanie et sur le Moulin-Observatoire que contrebattent en même temps nos mitrailleuses.

       D'autre part, les fusils-mitrailleurs contrebattent une mitrailleuse placée, à hauteur du château, sur le côté droit de la route, et la forcent à se retirer. Le lieutenant Colmant crée, par le jet de nombreuses grenades O. F., un rideau épais de fumée qui dérobe sa progression aux vues de l'adversaire. Il s'élance ensuite, pendant que les mitrailleuses boches de la ferme de Roumanie tirent encore, sur les organisations du château et y entre le premier, suivi immédiatement de l'adjudant Vanden Broeck (11ème), du sergent-major Lejeune, des caporaux Dedoyard et Delessine, du soldat Piret, de la 11ème et d'autres braves des 9ème et 10ème, dont les sergent Mouzon (9ème), Ghysen et Decamps (10ème). « Peu après 10 heures, le château est en notre pouvoir. La section Danthine s'installe sur la route, à l'Est du château et face au Nord, prête à repousser toute contre-attaque. Le lieutenant Colmant organise une battue pour ramasser tout ce qui se trouve encore de Boches dans les bois du château et à la ferme de Roumanie. Près du château, on abat deux Allemands. Le restant de la garnison des abris immédiatement voisins, un officier et une quinzaine d'hommes, parviennent à s'enfuir à travers bois, avec leurs mitrailleuses.

       Le lieutenant Colmant organise la défense du château, face au Nord et face à l'Est. Le butin comprend un stock considérable de munitions pour armes portatives, deux dépôts de munitions d'artillerie, un grand nombre de grenades, une mitrailleuse, des appareils téléphoniques, 350 tubes à gaz, quatre lance-grenades Pigeon, deux gros minenwerfers, un très important dépôt de matériel du génie. Tout ce butin ne peut être inventorié exactement, ni transporté vers l'arrière ; on a autre chose à faire pour le moment !

       On a, tout d'abord, à s'assurer la possession complète des organisations du Blankaert en chassant ses derniers défenseurs qui tiennent encore du côté de la ferme de Roumanie et du côté du lac. A 11 H. 15, le commandant du bataillon arrive au Blankaert, pendant ces derniers combats.

Au Poste de commandement du bataillon.

       Vers 9 H. 30, comme il a été dit, je manque de renseignements précis sur l'ensemble de la situation. J'ignore le détail de ce qui se passe à ma droite, tout en constatant, de visu, que notre progression s'accentue de ce côté. Je viens d'y envoyer la Section Ghysen, de la 10ème. Je n'ai pas, non plus, de nouvelles précises au sujet de la Compagnie Dronckers ; je sais seulement qu'elle a dépassé la ferme d'Angleterre. Du côté gauche, je sais que la progression est arrêtée par les marais de l'embouchure du Roonebeek. La question était d'ailleurs secondaire ; l'intérêt de la lutte se concentre sur le Blankaert dont la chute amènera fatalement celle des dernières résistances de la rive orientale du lac.

       A 12 H 20, j'expédie, au commandant du 20ème, le compte-rendu suivant : « Je suis au château de Blankaert. Le Peloton Colmant, de la 11ème, un peloton, environ, de la 10ème, des fractions de la 9ème, l'occupent et en tiennent les lisières ouest, nord, est, avec une section de mitrailleuses (lieutenant Danthine). Les deux autres pelotons de la 11ème sont dans la tranchée de l'Obélisque. Je n'en ai pas de nouvelles depuis le bulletin que je vous ai transmis. J'ai, au Sud du château, entre la ferme d'Angleterre et la borne 15 de la route, une réserve comprenant environ un peloton de la 9ème, un faible peloton du 1er bataillon du 13ème, trois sections de mitrailleuses. « Je compte tenir le château et ses lisières, progresser ensuite dans la tranchée de l‘Obélisque quand les derniers Boches qui errent encore dans le bois seront pris ou tués ».

       J'interromps mon rapport à ce moment. Une douzaine de Boches s'avancent vers moi, bras levés. Ce sont les derniers défenseurs du Blankaert qui viennent se rendre. Je me paie la satisfaction de les photographier pendant qu'ils défilent devant moi, mains en l'air et au pas de parade ....

       « Ce que mes hommes rient ! » (…)



Les derniers défenseurs du château Blankaert faisant « Kamarad » – 28 septembre 1918


Le château Blankaert – 28 septembre 1918


Un bain pendant une accalmie. Le lieutenant Colmant et ses hommes après la prise du château Blankaert – 28 septembre 1918

29 septembre

       Les patrouilles qui ont reçu mission d'explorer Zarren sont fournies par la IIe compagnie. Le lieutenant Colmant, accompagné d'une douzaine d'hommes, entre dans la localité par la grand' route, précédé d'un groupe d'éclaireurs. Une autre patrouille, commandée par le sergent Meersman -- un brave entre les braves -­ aborde le village par la lisière nord-ouest, avec mission de rejoindre le lieutenant Colmant au centre de Zarren.

       Le groupe Colmant abat un cavalier ennemi, en met d'autres en fuite et échange des coups de feu avec un détachement de fantassins auquel il tue un homme. Puis il est pris sous le feu de plusieurs mitrailleuses installées sous abris bétonnés. Il devient clair que les Allemands ont laissé dans Zarren des arrière-gardes chargées de protéger la retraite du charroi qui défile encore par les débouchés du village pour s'échapper vers le Nord. (….)

Major De Haene



Epilogue : Le 20ème bataillon de ligne après la guerre

       Le 29 octobre 1923, le 20ème de ligne devient régiment de réserve. Le 1er février 1926, il est supprimé et son drapeau est déposé au musée de l’armée. Mais si le 20ème a disparu les réunions des anciens continuent. Le 20 juillet 1930, la Fraternelle du 20ème de ligne avec l’ancienne armée de l’Yser volontairement reconstituée, prend part au défilé du centenaire. A côté du drapeau de la Fraternelle flotte fièrement l’authentique drapeau du 20ème, sur les plis duquel, on lit en lettres d’or les noms des principaux combats auxquels ont pris part le régiment et avant lui, les unités dont il fut constitué : Namur, Termonde, Yser, Zarren, Handzame. Ensemble, les deux drapeaux s’inclinent tandis que, tête à droite, les yeux dans son regard, les Anciens passent devant le Roi.

B) Le Dr Colmant, Résistant notoire de la Guerre 40-45

       La modestie du Dr Colmant était légendaire ce qui explique sans doute qu’il n’a jamais écrit ses souvenirs. J’ai cependant trouvé trace des activités de résistant du Dr Colmant sur le site de la maison du souvenir dans un article de Guillaume Van Bilzen évoquant Justin Bloom, résistant de l’A.S, zone IV, Liège et fusillé en septembre 44 par l’ennemi :

       Je me suis donc permis de reprendre ci-dessous une partie de cet article dans lequel est souvent évoqué le Dr Colmant :

       Dès qu'a retentit à Radio-Londres le message attendu : « Le furet a laissé tomber sa noisette », Justin Bloom rassemble ses hommes. Ce sont tous de jeunes patriotes animés d'un cran superbe : Delvaux Gaston de Jemeppe ; Sottiaux René ; Smal Victor ; Debaeker Julien ; Ulens Théophile de Hollogne ; Rox Gui de Herstal ; Closset Henry ; Lairesse Albert de Fléron et François Albert de Montegnée.

       C'est chez Closset à Fléron que le rendez-vous a lieu. Là-bas, les hommes revêtent des costumes de gendarmes belges, montent dans une camionnette sur laquelle l'inscription « Gendarmerie Nationale ». Justin Bloom en uniforme de commandant de Brigade suit en moto-sidecar Armés de mitraillettes, les hommes se rendent ainsi dans la campagne à l'endroit convenu où le parachutage doit avoir lieu. Les patrouilles allemandes rencontrées en chemin n'ont garde d'inquiéter la « Maréchaussée » qui fait sans doute du zèle en service de nuit...

       La préparation des dépôts destinés à cacher les fûts parachutés constituait tout un travail d'organisation dangereux et malaisé.

       Cette mission était assurée par le Dr Y. Colmant, de la rue des Augustins à Liège, l'ophtalmologiste bien connu qui, au cours de la campagne 14-18 s'était déjà tout particulièrement distingué au front comme officier d’élite.

       Fin avril 1944, le Dr Y. Colmant était entré en relation avec un sous-officier des Chasseurs Ardennais, Joye, de Salm-Château, passé en Angleterre en 1940 et parachuté récemment en territoire belge. M. Samuel Motte, major de l'armée du Salut à Liège, avait servi d'intermédiaire entre les deux hommes.

       Avant d'accepter de rencontrer Joye, le Dr Colmant avait demandé que celui qui se disait parachuté consentit à radiodiffuser par la BBC trois jours déterminés et consécutifs le message suivant : « Jeannette n'a pas peur. » Aux jours fixés, le message était donné à 19 h. 15 à l'émission en langue française. Alors seulement, les deux hommes se rencontrèrent à l'hôtellerie de l'Armée du Salut, rue Beeckman et découvrirent leur identité et le service auquel ils appartenaient déjà.

       Joye, accompagné de son collaborateur Eddy Dufrasne, expliqua que deux missions urgentes étaient à remplir en prévision de l'invasion du territoire belge par les troupes américaines : 1/ préparer l'hébergement d'un certain nombre d'agents anglais et belges qui devaient être parachutés dans la région. 2/ achever le plus rapidement possible l'organisation des dépôts d'armes et d'explosifs sur la rive gauche de la Meuse.

       Avec l'ardeur qui lui est propre, le Dr Y. Colmant se mit aussitôt à la besogne. La première mission fut remplie grâce au concours d'agents appartenant déjà à différents services.

       Au centre de Liège, les logements furent assurés par Mme Joseph Ghaye du service Rademeker-Balteau. Enfin, dans la région de Huy, par son propre frère, le Dr Joseph Colmant qui devait tomber le 6 août 1944 sous les balles des Belges au service de l'Allemagne.



Joseph Colmant. (photo: wikipeda)

       Pour l'accomplissement de la seconde mission, le Dr Colmant rencontra l'aide généreuse du Dr Marcel Delvigne, de M. Achille Brepoe1s de St-Nicolas-lez-Liège et M. Louis Vanhaeren, chef du dépôt des tramways de St-Gilles-lez-Liège. M. Vanhaeren offrit au dépôt même des tramways un emplacement idéalement camouflé pour dissimuler les armes.

       C'est vers ce dernier dépôt que devait être acheminé le produit d'un parachutage particulièrement important qui eut lieu à Villers-1e-Bouillet dans la nuit du 20 mai entre 4 et 5 heures du matin. Il comportait 2600 kilos de dynamite et 18 caisses d'armes automatiques. L'expédition eut lieu suivant le processus habituel, commandée par Justin BLOOM. Quand le tout fut chargé sur la camionnette, celle-ci emprunta la route Hannut-Liège précédée du side-car occupé par le lieutenant. Arrivée au carrefour dénommé Diérain-Patard, sur le territoire de la commune de Hollogne-aux-Pierres, la camionnette est arrêtée par un fort détachement de Feldgendarmes allemands. Le convoi stoppe, confiant dans le stratagème des uniformes de gendarmes et des fausses pièces d'identité, qui lui avait réussi à plusieurs reprises. Les Allemands, manifestement avertis, se précipitent sur les faux gendarmes, les désarment et après les avoir malmenés, les parquent dans la cour de la ferme Lerude. Après deux heures d'attente sous la menace d'être fusillé, le groupe est amené à la Kommandantur de Liège, puis à la prison St-Léonard.

       On apprenait plus tard que le 20 mai au petit jour, toutes les routes menant à la banlieue liégeoise avaient été gardées par de forts contingents d'Allemands.

       Au dépôt des tramways de St-Gilles, l'attente commençait à se faire longue, lorsque vers 9 h.30 arriva un coup de téléphone : « Justin a une appendicite sur la route. »

       C'était l'annonce du désastre.

       Les Allemands arrêtèrent encore par la suite : Lacroix désiré, Humblet Jean, Degrée Alfred et l'avocat Simon Pirmolin de Hollogne, qui avait joué un rôle très important dans cette affaire.

       Les interrogatoires furent menés avec l'énergie que l'on devine par la Feldgendarmerie au premier étage du Palais de justice, p1ace St-Lambert. Les malheureux qui se refusaient à parler étaient couchés, poignets liés, le ventre sur une chaise et pendant que le poste marchait à fond pour couvrir les plaintes, les coups pleuvaient à l'aide d'un morceau de tuyau d'arrosage.

       Le Dr Y. Colmant fut arrêté à son tour le 21 juin à 5 heures du matin par la G.F.P. Emmené boulevard Piercot, il comprit aux premières questions posées de quoi il retournait : « Qui est Melle Jeannette ? Où se trouve M. Motte ? Où et comment avez-vous rencontré M. Ernest, autrement dit le parachutiste Joye ? »

       Le 15 juillet, M. Brepoels subissait le même sort.

       Ces différents dossiers furent transmis à la cour militaire et en ce qui concerne les faux gendarmes, l'audience avait été fixée au 20 juillet, mais pour des motifs ignorés, l'affaire fut remise à une date ultérieure.

       Le cas du Dr Colmant fut différé, à son tour, et traîné en longueur avec, il faut le reconnaître, la complaisance à peine dissimulée de l'Auditeur militaire, le major Altenburg, qui ne brûlait pas d'une ardeur particulière pour le régime nazi et fit tout ce qu'il put durant son court séjour à Liège pour minimiser les faits qu'il était chargé d'instruire.

       C'est ainsi que le 7 septembre, les membres de la Résistance, en enfonçant les portes de la Citadelle, sauvèrent d'une mort certaine tous les courageux patriotes arrêtés dans cette affaire. Hélas ! quelques jours après, on identifiait au Lycée de Waha, les corps de Justin Bloom, de Joye et de l'avocat Simon Pirmolin que les Allemands avaient, avant de s'enfuir, lâchement abattus dans les fossés de la Citadelle.

Conclusion

       Yvan Colmant (1892-1976) fut un homme d’un courage exemplaire. Après trois mois d’emprisonnement à la citadelle, il eut la chance d’être libéré lors de l’entrée des alliés dans Liège. Le Dr Yvan Colmant fut un ancien combattant illustre et très décoré. Sa modestie impressionnante fut aussi grande que son courage : il refusa le titre de Baron et cachait, lors des cérémonies de commémoration, ses nombreuses décorations avec son chapeau. Sans doute, à ces moments- là, pensait-il à son frère Joseph Colmant, lui aussi médecin et résistant, fusillé, à Andenne, le 6 août 1944.

Dr P. Loodts

 

 

 



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