Maison du Souvenir

Le message du C.A.P.O.R.A.L. du mois de Mai 2015

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Le Message du C.A.P.O.R.A.L.

MAI 2015

« C.A.P.O.R.A.L. » signifie: Comité des Associations Patriotiques d’Oupeye pour le Regroupement des Activités Locales.

Editeur responsable: M. Hubert Smeyers, rue du Rouwa, 10, 4682 OUPEYE

Commémorations Patriotiques du

mois de mai 2015

Le vendredi 8 mai 2015

Dépôt de fleurs dans tous les villages de l'entité selon l'horaire suivant :

       - 08h45 ;                                                         Hermée

       - 09h10 ;                                                         Heure-le-Romain

       - 09h35 ;                                                         Houtain St-Siméon

       - 10h00 ;                                                         Haccourt

       - 10h25 ;                                                         Hermalle s/Argenteau

       - 10h50 ;                                                         Vivegnis

       - 11h15 ;                                                         Oupeye

       - 11h30 ;                                                         Messe en l’église d’Oupeye

       Vers 12h15 – 12h30                                       Vin d’honneur au Château

Le samedi 9 mai 2015

Commémoration de la Bataille du Fort de Pontisse :

       - 10h00 ;                                                         Cimetière du Rhees

       - 11h00 ;                                                         Fort de Pontisse

       - 11h15 ;                                                         Mémorial Commandant Pire    

Le jeudi 14 mai 2015

- 10h00 à Houtain St-Siméon, messe du souvenir suivie du Cortège aux monuments

Rue de Slins et place de la Station

Le mot du Secrétaire patriotique

Editorial de mai 2015


       L'an dernier, pour commémorer le 100ème anniversaire du déclenchement de la première guerre mondiale, de nombreuses cérémonies patriotiques, dont certaines hautement médiatisées et rehaussées de la présence de dizaines de chefs d'Etat étrangers, étaient organisées en divers endroits de notre pays.

       Si l'année ainsi révolue fut, sur le plan patriotique, essentiellement et logiquement consacrée à ce premier conflit mondial, 2015, par contre sera l'année du deuxième conflit avec deux dates anniversaires « marquantes » et très proches l'une de l'autre : le 8 mai (70ème anniversaire de l'Armistice) et le 10 mai (75ème anniversaire de l'invasion de notre pays et du début des hostilités sur le front occidental).

       C'est d'ailleurs ce 8 mai, par la commémoration de la reddition de la guerre 40-45, rehaussée de la présence de toutes les écoles de l'entité, que notre commune entamera le cycle

annuel de ses manifestations patriotiques traditionnelles. Avant la parution du prochain C.A.P.O.R.A.L., une autre cérémonie se déroulera encore le 5 juillet dans la paroisse de HALLEMBAYE, cérémonie organisée par l'Amicale des porte-drapeaux Basse-Meuse Vallée du GEER, qui, en cette année, fêtera par ailleurs son quart de siècle d'existence.

       A côté de cet aspect patriotique, tout en restant dans le domaine « des armes, du sang et des morts », je ne peux m'empêcher de revenir sur trois mots encore frais dans toutes les

Mémoires : « JE SUIS CHARLIE ».

       Qui ne se souvient pas en effet de ce slogan créé ce 07 janvier peu après l'attentat terroriste meurtrier perpétré contre le journal « Charlie Hebdo » à Paris, un slogan qui allait aussitôt faire le tour du monde et donner lieu à de nombreuses manifestations de soutien.

       C'est en effet quatre jours plus tard, et après une semaine noire durant laquelle 17 personnes perdirent la vie soit pour avoir défendu leur liberté d'expression, soit pour avoir fait

partie des forces de l'ordre ou avoir appartenu à la communauté juive, que le peuple français, relayé en cela par de nombreux pays dont le nôtre, s'est uni pour défendre ses valeurs et dire non à la barbarie.

       Depuis lors, d'autres attentats, semant la mort et la terreur, ont encore été commis aux quatre coins du Globe (Danemark, Tunisie, Kenya, ... ), et devant l'ampleur et l'extension de ce phénomène, nous devons être bien conscients que notre gouvernement se trouve confronté à une tâche longue, immense et ardue : d'abord faire face à de possibles attentats qui pourraient se dérouler sur notre territoire et ensuite défendre nos valeurs démocratiques face au radicalisme et à l'ultra violence terroriste.

       Je terminerais néanmoins sur une note positive en me réjouissant de l'avancement des travaux d'aménagement du Trilogiport, cette plate-forme multimodale eau-rail-route, probablement, voire certainement opérationnelle avant la fin de cette année et qui sera génératrice de quelques 2.000 emplois.

Charles Devos

Colonel Hre

Commémorations Paras - commandos au Château

Branle-bas de combat dans la tour du château d'Oupeye et dans le parc. Que se passe-t-il donc ? Du haut de la cour d'honneur, des enfants (mais aussi notre nouvelle échevine) descendent dans le parc par des câbles tendus. Mais ce sont des paras-commandos qui sont à la manœuvre ! Que font-ils là ?

Mais la voilà l'explication ! En rangs derrière les drapeaux, ils viennent déposer des gerbes devant notre monument aux morts. Eh oui, ils viennent commémorer les 50 ans de l'intervention belge au Congo. Mais laissons les différents intervenants expliquer cet événement au moyen d'extraits de leurs discours.

Discours du Président de la Fraternelle des paras-commandos


Ouverture de la cérémonie par Monsieur Henri Bosny, président du Groupement Para-Commandos Visé Basse-Meuse

       Le 24 novembre 1964, à 6 heures du matin, 546 paras-commandos belges sont largués sur Stanleyville (Kisangani aujourd'hui) dans le nord-est du Congo. L'effet de surprise est total. La plus grande opération de sauvetage humanitaire de notre histoire commence.

       Stanleyville est rapidement bouclée et plusieurs centaines d'Européens – des Belges pour la plupart, retenus en otages depuis 6 mois par la rébellion Simba, sont libérés. Hélas, dans la confusion générale, les rebelles ont eu le temps de massacrer un certain nombre d'hommes, de femmes et d'enfants. Mais l'opération « Dragon rouge » est considérée comme une réussite.      Les paras-commandos belges ont rempli leur mission : un maximum d'otages sont sains et saufs.

       Le surlendemain, c'est l'opération « Dragon noir ». Les paras sautent sur Paulis, une cité en pleine forêt équatoriale, à 350 km au nord de Stan et, là aussi, plusieurs centaines d'otages sont sauvés.

       Quelques jours plus tard, les paras-commandos rentrent au pays, couverts de gloire. Ils sont accueillis à Bruxelles par une foule impressionnante et reconnaissante de la mission qu'ils viennent de remplir, avec le courage et la bravoure qui fait des paras-commandos ce qu'ils sont depuis longtemps, une unité d'élite.

       C'est pour cela que nous sommes réunis aujourd'hui pour commémorer ces opérations qui font que l'on ne doit pas oublier ceux qui ont donné de leurs services, et certains de leur vie, pour sauver et libérer des personnes prisonnières.

       On voudrait remercier tous ceux qui ont participé à la réalisation de cette commémoration et de l'exposition.

        La commune d'Oupeye pour nous avoir permis de disposer de ce si beau château et de ses alentours.

        La maison du Souvenir d'Oupeye qui, par l'intermédiaire de Mr Robert Latet, a su coordonner les relations entre notre Groupement et la commune d'Oupeye, ainsi que tout le matériel qu'ils ont mis à notre disposition.

        Il y a aussi toutes les personnes qui nous ont gentiment prêté leurs souvenirs, en paroles, en photos, en objets et matériel de toutes sortes. On ne pourrait vous citer tous les noms car ils sont très nombreux, mais vous verrez leur nom devant chaque objet exposé.

        Mais aussi à toutes les heures que les frères d'armes de notre groupement ont passées pour que cette exposition soit une réussite. Et tout particulièrement Pierre Lucasse et toutes ses connaissances à qui nous devons tous les objets militaires et surtout le parcours Commando.

        Sans oublier toutes les dames des frères d'armes pour leur disponibilité.

A toutes et à tous, on ne vous remerciera jamais assez. Merci.

Discours de Mr Robert Latet, représentant la Maison du Souvenir


Monsieur Robert Latet, nous, fait un petit historique des événements de 1964

       C'est bien sûr sur cette action que je vais revenir à présent parce que c'est la mission que nous assumons depuis plus de dix ans au sein de la commune d'Oupeye pour apporter notre contribution à ce que nous appelons LE DEVOIR DE MÉMOIRE. Cette mission nous a d'abord amenés à parler des événements que notre pays a vécus à travers les guerres du siècle précédent, que ce soit la guerre de 1914-1918 dont nous célébrons le 100e anniversaire cette année, que ce soit la guerre de 1940-1945 dont nous aurons à commémorer le 75e anniversaire du commencement et le 70e anniversaire de la fin des hostilités.

       Rien que pour ces deux événements qui ont marqué le XXe siècle, je suis convaincu pour ma part que nous apportons un important témoignage à nos jeunes générations qui n'ont pas eu – heureusement – à  connaître ces situations malheureuses.

       Cependant, il nous arrive également, à la Maison du Souvenir, de rappeler d'autres événements, comme par exemple le rôle joué par le Colonel de Thierry, 2ème chef de corps du 1er Régiment des Lanciers, décédé en 1842 et qui repose depuis lors au vieux cimetière de Hermalle-sous-Argenteau.

       Alors, pour en revenir à l'événement que nous commémorons aujourd'hui, 50e anniversaire de l'intervention de nos paras-commandos à Stanleyville et à Paulis en 1964, je dirai que c'est là, non seulement une glorieuse action de nos unités paras-commandos menée avec courage, mais il s'agit aussi d'une belle démonstration de l'importance pour notre nation belge du maintien d'une force armée efficace pour laquelle nos paras-commandos, par leurs compétences et leur savoir-faire, occupent une des premières places.

Petit rappel historique

       1964 : une guerre civile éclate dans la jeune république du Congo, ex-Congo belge. C'est ce que l'on a appelé à l'époque la révolte des Simbas. Cette révolte ne se réalise pas sans atrocités commises envers des Congolais, mais également envers des civils étrangers. Elle fera des victimes notamment à Kindu, à Lusambo et à Albertville. La 5e Brigade Mécanisée composée pour la plupart de mercenaires est organisée à Kamina. Elle est baptisée Ommegang. Elle se révèle efficace et commence à regagner du terrain. Les mutins, qui sont loin d'être des lions, contrairement au nom de Simba qu'ils se sont donné, cherchent alors à provoquer l'arrêt de la colonne Ommegang qui progresse vers Stanleyville et à faire cesser les bombardements dont ils sont l'objet par la jeune Force aérienne tactique de l'Armée nationale congolaise (FATAC). En novembre 1964, des ressortissants belges et américains sont détenus comme otages dans le réduit de Stanleyville et la situation devient de plus en plus inquiétante.

       Le 9 novembre 1964, au cours d'une rencontre entre Mr Spaak, ministre belge, et Mr Dean Rush, secrétaire d'état américain, il est décidé d'une action de nos paras-commandos belges qui aurait pour but de dégager les otages belges et américains de Stanleyville. Le transport de nos soldats serait assuré par les Hercules C130 de la US AIR FORCE. Cette opération est préparée dans le plus grand secret.

       Je n'insisterai pas sur les détails de cette opération militaire, je n'ai du reste pas le profil du parachutiste, ni celui du commando comme vous pouvez facilement le constater. Je dirai simplement que dans notre rôle de membres de la maison du Souvenir, il nous appartient de faire en sorte que de telles actions militaires, qui démontrent bien l'utilité de notre armée et de nos paras-commandos, ne retombent pas dans les abîmes de 1'histoire. Mais que cette opération menée avec succès puisse servir d'exemple pour nos jeunes générations parce qu'à l'époque, elle aura permis le sauvetage de 2375 civils libérés par nos pars-commandos. Cependant, malgré la rapidité de l'intervention de nos soldats, ils ne pourront pas éviter le massacre d'une trentaine d'otages. Et parmi les paras-commandos, il faudra également déplorer la perte de deux d'entre eux : le soldat A. DE WAEGENEER du 1er Para et le caporal L. WELV AERT du 1er Para également, tombés respectivement le 24 novembre 1964 à Stanleyville et le 26 novembre 1964 à Paulis. 12 paras-commandos seront blessés au cours des deux opérations.

       Je vais à présent céder la parole à un Oupéyen qui a participé à cette opération ( ... )


Monsieur Jean Nullens, présent lors de ces événements, nous retrace le but de l’ Opération Dragon Rouge et Dragon Noire

Intervention de Mr Jean Nullens, para-commando à la 13e Compagnie, 2e peloton.

Opération Dragon Rouge 1964.

       Nous avons été rappelés en urgence du Palais Royal à quitter notre garde à la caserne de Diest où nous avons été mis en alerte secrète. Dans la nuit, on est partis en camions le 17 novembre vers Kleine Brogel où on a été embarqués par les Américains à bord de C130 Hercules. Nous avons atterri à Gibraltar pour ravitaillement et après avoir décollé, on nous a annoncé qu'on partait pour le Congo.

       On a atterri sur l'île d'Ascension, base américaine.

       Le 21 novembre, on a embarqué pour la base de Kamina au Congo.

       Le 23 novembre, un peu de repos à Kamina. A 23 heures, réveil, mise et ajustement du parachute. Après de longues minutes d'attente, on décolle pour arriver le 24 novembre à 6 heures sur Stanleyville où on est parachutés pour dégager les tonneaux qui sont sur la piste d'atterrissage pour que les commandos puissent atterrir. Et on a traversé la ville de Stanleyville, libéré les otages. Arrivés à la fin de la ville, on a fait jonction avec les mercenaires puis nous sommes retournés à l'aéroport pour Paulis pour aller rechercher des otages et là encore jusqu'au lendemain matin.

       Ensuite, retour en Belgique où nous avons été accueillis en libérateurs par la population.

Merci d'un ancien para

Le centième anniversaire du début de la première guerre mondiale occulte bien d'autres événements qui ont marqué l'histoire de notre pays. Ainsi l'intervention des paras-commandos belges en 1964 au Congo que nous évoquons dans ces pages. Mais cette année, nous commémorons aussi le septantième anniversaire de la libération des camps, ceux des prisonniers de guerre, mais aussi des camps de concentration. Voici le témoignage d'un rescapé de Neuengamme que nous reproduisons. Il provient du bulletin trimestriel édité par l'Amicale Nationale des Prisonniers Politiques et Ayants droit du Camp de Concentration de Neuengamme que notre ami Jean Lekeu nous fait régulièrement parvenir.

       Aujourd'hui, 11 août 1992, 48 ans après ma libération de tous ces maudits camps de la mort, les uns plus meurtriers que les autres.

       Je suis né à Meensel-Kiezegem dans une famille ouvrière. J'avais 26 ans le 10 mai 1940 quand les Allemands envahirent notre pays et y décimèrent la population. Cela s'était déjà produit en 1830, 1870 et 1914 et cela recommençait en 1940. Que penser de la civilisation d'un peuple dont le comportement est comparable à celui de lions ou de tigres, assoiffés de meurtres et de conquêtes ?

       Ce fut encore le cas les 1er et 11 août 1944 lorsque notre paisible commune fut envahie par les Allemands et leurs adeptes. Parmi ces derniers, plusieurs étaient de ma commune et certains même d'anciens compagnons de classe. C'est impensable mais vrai ! Ils chassèrent devant eux, comme le ferait un marchand de porcs, une centaine de personnes, hommes, femmes et enfants. Un homme, père de deux enfants, a été abattu et trois autres sauvagement martyrisés à mort.

       Tout le groupe, dont mes parents faisaient aussi partie – ma mère, souffrante, fut arrachée de son lit sans aucun motif – a été conduit à l'école des filles.

       Dans l'après-midi, nous fûmes chargés dans des wagons à bestiaux et conduits à la prison de Louvain. Personne parmi nous n'avait bu ni mangé, notre arrestation s'étant déroulée très tôt le matin. Le directeur de la prison nous distribua un bol de soupe de pruneaux que nous avons bien apprécié. Trois jours plus tard, nous fûmes transférés à Bruxelles, à la prison de St Gilles, je présume.

       Un jour, un homme en civil me sortit de ma cellule et me conduisit en ville dans un bâtiment réquisitionné par les SS. « Vous êtes le frère d'un partisan, me dit-il, déshabillez-vous ! » Il m'administra alors quatorze coups d'un fouet fait de câbles d'acier d'environ 70 cm au bout desquels étaient attachés des glands de fer. A chaque coup, ces glands pénétraient profondément dans ma chair et le sang coulait à mes pieds. Après cette séance de martyr, j'ai dû signer ma sentence : condamné à mort à Breendonk. Cette sentence n'a pas été exécutée, ils n'en eurent pas le temps car les troupes alliées étaient proches. Je fus ensuite enfermé, pendant une heure, dans une cave. Ma chemise, imprégnée de sang, sécha dans mes plaies. Je fus reconduit à la prison dans ma cellule.

       Fin août, 75 prisonniers, tous les hommes, furent embarqués dans un train. La Croix Rouge nous remit un petit colis de victuailles, c'était la seule chose que nous possédions en arrivant au camp. Comme des animaux, on nous débarqua du train et la colonne que nous formions passa entre une double haie de 75 m. de longueur formée de SS, dont certains disaient en flamand : « Quelle bande de porcs ! » C'est ainsi que nous fîmes notre entrée dans le camp de Neuengamme.

       En premier lieu, on nous conduisit à la salle de douche à l'entrée de laquelle nous avons dû remettre toutes nos affaires. Ensuite, nous avons dû nous dévêtir. Ma chemise s'était figée dans mes plaies, je n'osais pas l'enlever... un SS me l'arracha et le sang se remit à couler le long de mes jambes. Un SS m'interrogea sur l'origine de ces blessures ; un compagnon répondit qu'elles provenaient de coups de matraque. Sur quoi le SS conclut: « Ceux-là, il les aura bien mérités ! » Nous eûmes droit à une douche, puis nous reçûmes des haillons, une veste et un pantalon rayés – sans vermine – mais pas lavés. Dans le sous-sol du bâtiment, nous fûmes complètement rasés sur tout le corps et envoyés au block 9, où nous sommes restés jusqu'au début septembre. Ainsi commença notre vie au camp.

       Mi-septembre, nous avons été transférés par bateau vers Hamburg où nous avons été logés dans un dépôt pour bateaux (de 100 m. de long sur 50 m. de large) qui était plein de lits. Tous les jours, nous partions pour le travail. Notre kapo nous rassemblait, chaque matin, et après l'appel, un pain d'un kilo était partagé entre 12 hommes ; c'était la ration de la journée. Soit nous devions creuser des tranchées, soit construire des baraques pour la population. Beaucoup d'habitants de Hamburg n'avaient plus d'habitation à cause des bombardements journaliers.

       Un jour, à Hamburg, vers le 16 octobre, le bâtiment dans lequel j'étais hospitalisé pour une grosse grippe, et qui comptait plus de cent malades, fut bombardé. Touché par plusieurs bombes, il s'écroula et prit feu immédiatement. Je me suis retrouvé avec quelques amis, pris sous une grosse poutre de laquelle j'arrivai à me dégager. Certains étaient complètement ensevelis sous les décombres. J'ai vu l'un des nôtres dont les pieds seulement étaient coincés sous un mur. Je n'ai pas pu le sauver et je ne l'ai jamais revu. Beaucoup ont péri dans les flammes. Avec quelques autres sortis vivants, je me suis abrité jusqu'au soir dans un trou d'obus à environ 35 m. du bâtiment en flammes. Je n'avais qu'une couverture que j'avais pu sauver de ce gigantesque brasier, j'ai dû la céder pour couvrir un mort... je me suis donc retrouvé tout nu.

       Le soir, les autres rescapés, moi et ma grippe, nous fûmes reconduits en camion ouvert à Neuengamme. Ici, nous avons été douchés à l'eau froide, puis très chaude, ce qui nous fit beaucoup de bien. Jusqu'au lendemain, nous sommes restés nus dehors, c'est alors que je tombai sérieusement malade. Je fus admis à l'infirmerie de Neuengamme et le médecin russe, un prisonnier également, constata que j'avais une pleurésie, maladie mortelle (n.d.l.r. à cette époque). C'est ainsi que la vie du camp continua : des appels pendant des heures interminables, faim et misère. Je ne comprends toujours pas comment j'ai survécu et que je vive encore avec toutes les séquelles que je traîne.

       Dans l'infirmerie du camp, j'ai vu un kapo frapper à mort des prisonniers qui avaient dérobé une poignée de son dans l'un des sacs qui se trouvaient dans la chambre où nous dormions. C'était la punition habituelle pour ce genre de larcin.

       Un matin de la fin octobre, alors qu'il faisait encore nuit, on nous distribua une ration de pain de 80 g. pour la journée et on nous fit monter dans un train. A l'extérieur, il faisait glacial, il avait fortement gelé pendant la nuit. Après quelques heures de train, il faisait jour. On nous fit descendre, nous étions dans le kommando de Meppen-Versen. Dans un champ, on nous fit creuser des tranchées anti-char : des centaines de mètres de long, 4 m. de large et 3 m. de profondeur. A cette profondeur, l'eau s'infiltrait dans la tranchée et pour finir, nous travaillions dans la boue jusqu'aux genoux. Il faisait tellement froid que certains surveillants s'évanouirent. Des dizaines de nos camarades sont morts dans cette boue, et leurs corps furent ramenés au camp central de Neuengamme. Ce travail se poursuivit pendant de nombreuses journées : tous les soirs, appel, et le lendemain, retour dans cet enfer polaire.

       Un certain jour, nous avons été amenés en camion bâché dans un lieu camouflé par des filets verts. Des bombes volantes étaient tirées de cet endroit. Le bruit des détonations nous pénétrait jusqu'à la moelle des os, il était si terrible que nous en devenions sourds.

       Un soir d'hiver, c'était le 3 janvier 1945, il y avait 3 cm de neige, nous étions 700 hommes réunis, debout, pour l'appel du soir. Il faisait glacial. Nous ne portions qu'une veste d'été usée et un pantalon. L'appel dura 3 heures car les kapos et les SS recommencèrent le comptage de très nombreuses fois. C'était si pénible que je priais Dieu et je promis que si je sortais d'ici, j'irais 18 fois à pied à Montaigu.

       A la mi-janvier, un block du camp brûla. C'était un dépôt de chaussures. Quarante-quatre Hollandais, qui y travaillaient, furent pendus car ils étaient soupçonnés d'y avoir mis le feu.

       Vers la fin de l'hiver, entre le 10 février et le 18 mars, j'ai travaillé dans un Block dans lequel les malades pouvaient se rétablir. A un certain moment, ces malades, dont je faisais partie, furent rassemblés sur la place d'appel et chargés dans des autobus suédois. Nous étions très heureux de pouvoir partir pour la Suède... mais hélas ! Après une journée de route, nous fûmes débarqués dans un camp près de Graunschweig. C'est ici que, pour la dernière fois, j'ai rencontré un ami de ma commune, il n'avait que la peau sur les os et c'est par le son de sa voix que je l'ai reconnu. Il souffrait du typhus. Les cars sont repartis à vide pour aller chercher d'autres prisonniers. Nous sommes restés dans ce camp jusqu'au 1er avril.

       A cette date, on nous entassa dans un train composé de 40 wagons ouverts et utilisés habituellement pour le transport de chaux et de charbon. Nous étions près de 100 hommes par wagon gardés par une sentinelle, l'arme à la main et juché sur un siège. A la tombée de la nuit, le train démarra pour une destination inconnue. Durant des jours et des nuits, nous sommes restés debout, serrés les uns contre les autres, sans manger ni boire. A cause du manque d'espace, celui qui s'affaissait était piétiné à mort par les autres.

       Un jeudi après-midi, un grondement d'avions nous parvint provenant d'une centaine de bombardiers se dirigeant vers nous. Nous les observions pensant que leurs bombes nous étaient destinées, mais un petit appareil plongea vers nous et frôla notre convoi, ce qui lui permit de se rendre compte du contenu de notre train. Tous les avions nous survolèrent sans lâcher une bombe mais quelques instants plus tard, ils les lâchèrent sur un autre objectif. Notre train en trembla.

       Ce transport dura sept jours et nous amena au camp des femmes de Ravensbrück. Du train, nous pouvions observer un grand tas d'ossements. Nous pensions, par déduction, que dans ce camp-là, la nourriture devait être abondante... Nous descendîmes du train et fûmes conduits au camp à coups de matraque. En approchant de ce tas d'ossements, nous fûmes obligés de constater, avec amertume, qu'il s'agissait de squelettes humains qui n'avaient pas encore été brûlés dans les fours crématoires...

       Dès notre arrivée, nous dûmes nous rendre aux douches. Au-dessus de l'entrée, un panneau en allemand indiquait clairement : INTERDICTION FORMELLE DE BOIRE DE L'EAU. Or, durant ces sept derniers jours, nous n'avions ni bu, ni mangé et nous étions épuisés... Plusieurs d'entre nous, n'ayant pas vu cet avis, ou trop tenaillés par la soif, ont bu cette eau sans retenue. Or, l'eau était infectée par des bactéries de typhus et tous ceux qui en avaient bu moururent très vite dans d'atroces souffrances. Des centaines décédèrent ainsi ! Le lendemain, avec trois de mes camarades, nous avons bu de l'eau de la pluie qui tombait.

       Un matin, alors que nous avions retiré les morts des baraques pour les charger sur un camion, celui-ci, en démarrant, s'ensabla et nous avons été obligés de décharger les cadavres. Nous les jetions sur un tas. Ces corps décharnés et raides résonnaient comme des blocs de bois. Lorsque le camion était presque vide, nous avons découvert un « vivant ». Il nous fixait avec de grands yeux suppliants pour que nous l'aidions. Nous étions dans l'impossibilité de l'aider, il était irrémédiablement perdu. Je n'ai jamais oublié cet homme car il aurait pu être mon père. Jusqu'à présent, ces yeux me poursuivent toujours. Les prisonniers, inhumainement maigres, qui pouvaient peser moins de 30 kg, étaient de véritables cadavres vivants ; c'est pour cela que nous ne reconnaissions pas ceux qui nous avaient été familiers.

       Durant ma captivité en Allemagne, je pensais continuellement à mon père, prisonnier lui aussi, et que je croyais déporté en Allemagne. Je n'appris la vérité qu'à mon retour à la maison. Lors de son arrestation, puis de son départ en Allemagne, son train fut détourné. Les Allemands ne connaissant pas la région, ne se rendirent pas compte que le machiniste l'avait dévié sur une mauvaise voie. Au lieu d'aller vers l'Allemagne, ils sont rentrés à Bruxelles, c'est ainsi qu'il a été épargné.

       Dans le camp, la vie était terrible, si terrible que beaucoup pensaient au suicide. Un matin, lors de mon réveil, je vis qu'un homme s'était pendu avec un fil de fer à la partie supérieure de mon châlit à l'étage.

       Vers la mi-avril, le camp de Ravensbrück fut évacué. Un convoi fut formé, ceux qui le voulaient pouvaient en faire partie. Ceux qui sont restés ont été faits prisonniers par les Russes qui arrivèrent rapidement après le départ de la colonne. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. Ceux qui choisirent de partir avec le convoi – j'en faisais partie – reçurent un colis français pour 5 personnes. En l'ouvrant, ils découvrirent des choses inutiles et sans valeur.

       Il fallait se dépêcher pour ne pas être rattrapés par les Russes, les coups de matraque nous y encourageaient. Cette marche dura jusqu'au 3 mai et fut quand même rattrapée par les Russes. Ils nous rassemblèrent dans un camp. Le 5 mai, ils formèrent des groupes et nous partîmes vers l'Est, dans la direction du soleil levant. Un Russe me dit : « Vous tous, vous resterez pour toujours nos prisonniers. » Cela m'était insupportable d'être sorti vivant des camps allemands pour tomber aux mains des Russes et être leur prisonnier pour le restant de mes jours ! Notre convoi – 600 hommes environ – marchait vers la Russie à raison de 8 à 10 heures par jour.

       Un après-midi, avec quelques autres personnes, je risquai de prendre une rue à droite. Ce faisant, nous quittions le convoi. Nos surveillants russe nous ont laissés partir, pensant que nous n'irions pas loin vu notre degré d'épuisement. Notre groupe – 8 ou 9 prisonniers – arriva dans une petite ferme dont le propriétaire s'était caché. La fermière nous permit de rester et nous donna à manger et de quoi nous vêtir. Au bout de deux jours, le propriétaire sortit de sa cachette. Nous étions le 17 mai. Il nous dit que nous devions remplir des formulaires avec nos nom, date de naissance, nationalité et n° matricule. J'avais le numéro 45 540. Le plus valide d'entre nous devait porter ces formulaires au Quartier Général américain. Nous avons rafistolé un vélo et le lendemain, notre coursier est revenu porteur d'une lettre pour chacun d'entre nous, lettre que nous devions présenter au Quartier Général russe, pas trop éloigné de la ferme. Nous nous sommes donc rendus à ce poste de commandement où un Russe nous enregistra dans un très grand livre. Ensuite les Russes nous ont installés dans une salle et nous ont donné à manger. (. ..)

       Les Russes nous firent monter dans un camion ouvert qui roula environ 3 heures. Nous

sommes arrivés dans le camp d'Ellrich qui était aux mains des Alliés. Nous descendîmes des camions et d'autres personnes y furent chargées. Les barrières furent fermées derrière nous... nous étions libres ! ! !

       Nous y sommes restés jusqu'au 24 mai au matin. J'ai eu tout le loisir de visiter ce camp. On y fabriquait des obus en cuivre et du matériel de guerre. J'ai découvert un certain endroit du camp où les Allemands martyrisaient les prisonniers. Ils étaient pendus par des crochets de boucher à une barre près du plafond. J'ai remarqué qu'il y avait encore des traces de sang sur les crochets et les murs.

       Le 24 mai, au matin, René Decoster et moi-même avons quitté le camp. Mon ami, Maurice Geys de Louvain, un codétenu, était si épuisé qu'il fut transporté par avion. René et moi sommes arrivés à Herenthals. Ici ils étaient des milliers à attendre un train rempli de prisonniers politiques... mais seulement 2 prisonniers descendirent du train : René Decoster, de Lubbek-St-Bemard et moi, Marcel Loddewijkx ! De là, nous avons gagné Louvain. Nous nous sommes rendus auprès du professeur Macy où ma fiancée était de service. Elle a téléphoné à Jeanne Beddegenoots, habitante de mon village, pour l'avertir de ma présence à Louvain. Trois personnes de Meensel, le Notaire Mertens, mon frère Auguste Loddewijkx et Maurice Vuchelen sont venus me chercher vers quinze heures.

       En arrivant à la maison, je fus immédiatement entouré des femmes et des mères des autres villageois déportés. Elles voulaient savoir si leurs maris ou leurs fils étaient encore vivants. Ce fut, pour moi, une épreuve insupportable car je n'osais pas leur dire la vérité. Quand le prêtre m'a rendu visite, je lui ai dit : « Ce sera bien si, encore, deux personnes de notre commune reviennent ! » Des 75 prisonniers, 5 sont revenus. Actuellement, deux des cinq sont encore là, les autres sont morts bien trop tôt.

       Ceci est le récit de ma vie, atroce, au camp de concentration et j'espère que nous ne revivrons plus jamais cette barbarie.

       ND.L.R. (du bulletin) : Ce récit a été dicté, il y a quelques années, par Marcel Depuis, il est décédé le 4.11.1997, ainsi que son dernier camarade Marcel TROMPT (Ng-B.44739).

       L'attaque allemande contre Meensel-Kiezegem s'est terminée par 3 tués sur place et un brûlé vif dans sa ferme, 71 déportés en Allemagne dont 68 à Neuengamme (5 survivants et 63 morts) et 3 dans le camp d'Eilenburg (3 survivants).

Deux nouvelles expositions à la Maison du Souvenir


Ouverture de la soirée par Monsieur Serge Fillot, Bourgmestre FF

       C'est devant un parterre prestigieux que la Maison du Souvenir a inauguré ses deux nouvelles expositions. Après un discours de notre bourgmestre f.f. Serge Fillot et de notre président, c'est Frédéric Jourdain qui a remercié les collectionneurs et les familles de prêteurs. Il en a profité pour raconter l'histoire de personnes auxquelles appartenaient certains des objets prêtés. Après le verre de l'amitié, les 112 visiteurs se sont répartis en plusieurs groupes qui ont fait une visite des deux niveaux du bâtiment.

       Au rez-de-chaussée, de la bataille de Liège à la retraite de notre armée derrière l'Yser, en relatant la bataille de Haelen, la défense d'Anvers, les combats de Charleroi (les Français) et

celle de Mons (les Anglais), les inondations de l'Yser, la bataille de la Marne et celles de l'Yser, mais aussi le boulot de nos animaux, de nos vétérinaires, de nos brancardiers ...



Visite de l’exposition 1940-1945

       Au premier étage, à l'aide de 40 mannequins mis en situation, c'est l'histoire de nos petits

belges, de la mobilisation à la libération des camps, en passant par la Résistance, le débarquement de la Brigade Piron, le retour des prisonniers de guerre et des camps de concentration ... Et quid de notre Force Publique au Congo ?

       Non, ne croyez pas que nous aimons la guerre, mais pour l'empêcher, il faut savoir qu'elle

existe !

 

 



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