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La Capitulation du 28 mai 1940.

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La Capitulation du 28 mai 1940.

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Le manoir d’Auvaing, où fut signée la capitulation. Le Grand Quartier Général allemand y était installé en mai 1940

Le 28 mai 1940, à 9 h.35, l’auto des plénipotentiaires belges arrive sur le terre-plein du château

A 9 h.37, le général Derousseaux et le commandant Liagre sont reçus sur le perron du château par le général-major Paulus

A 9 h.40 – La délégation belge reçue par le général von Reichenau entouré d’officiers supérieurs allemands. La conférence a lieu dans la bibliothèque du château

10 heures – Vingt minutes à peine ont suffi à la lecture du protocole. Les signatures sont aussitôt échangées

10 heures 10 – Pendant que s’accomplissent les dernières formalités, le général von Reichnau téléphone au Führer : Grande victoire. En effet, la grande Allemagne a battu la petite Belgique !

10 heures 30 – Le général von Reichenau reconduit le plénipotentiaire belge à son auto. Un quart d’heure plus tard la radio allemande diffusait la nouvelle de la capitulation belge

Après les ouvertures faites du côté belge, une auto allemande arrive au Quartier Général belge, dans les Flandres

Les pourparlers se poursuivent. Un parlementaire allemand au Quartier Général belge

La Capitulation du 28 mai 1940[1]

       Les heures douloureuses vécues par les chefs de l’armée belge, lorsque celle-ci, définitivement, se trouva submergée, sont encore mal connues. A vrai dire, on ne possède encore aucun document officiel sur cet épisode pathétique de notre histoire nationale. La plupart des chefs militaires qui prirent une part prépondérante aux décisions imposées à notre armée par la force des choses, furent emmenés en captivité. Ils viennent à peine de rentrer au pays. Par eux, sans doute, nous ne tarderons, plus à connaître, dans leur détail, les faits qui précédèrent et qui suivirent la capitulation du 28 mai 1940. A la relation de ces faits s'attache un immense intérêt. Car l'histoire d'une nation est un tissu de bons et de mauvais jours. Les triomphes de la Victoire s'estompant, nous sommes à présent en droit de reporter nos pensées vers les jours noirs du mois de mai 1940, et de chercher à en reconstituer le drame.

       Voici donc quelques documents photographiques et quelques détails précis qui sans posséder le moindre caractère officiel, apportent une contribution intéressante à l'historique de l'épisode du 28 mai 1940.

       Un livre, d'ailleurs tendancieux, publié pendant l'occupation allemande, a attribué au général Deffontaine, décédé en captivité, la triste mission de signer le protocole de capitulation de l'armée belge. L'auteur commettait une erreur, plutôt grave pour un écrivain, ayant quelque prétention au titre d'historien. En réalité, ce fut le général major Derousseaux que le Roi désigna comme mandataire et ce fut lui qui apposa sa signature au bas du protocole de reddition.


A 9 h.37, le général Derousseaux et le commandant Liagre sont reçus sur le perron du château par le général-major Paulus

       D’autre part, nous sommes persuadés que la plupart de nos lecteurs n'apprendront pas sans surprise que la capitulation de l'armée belge ne fut point signée, comme on le croit généralement, à Saint-André lez-Bruges, où se trouvait notre G. Q. G., ou tout au moins quelque part en Flandre. La vérité est que l'acte de capitulation fut signé dans un petit village wallon, à Anvaing, localité agricole de quelque douze cents âmes, située un peu en retrait de la route Leuze-Renaix, dans l'arrondissement d'Ath. Là se trouve, entouré d'arbres, un joli château qui est la propriété de la comtesse de Lannoy, veuve de l’ancien grand maréchal de la Cour. Ses habitants avaient dû évacuer. Le général von Reichenau, prototype de l'officier prussien, portant monocle, en avait fait le Quartier-Général de la 6ème Armée qu'il commandait.

       Ce fut donc au Q. G. du général von Reichenau que le général-major Derousseaux, représentant le Roi, fut invité à se rendre, le matin du 28 mai ; au château d'Anvaing fut signé le protocole de capitulation.

Voici comment se déroulèrent les événements

       Le 27 mai, dans le courant de l'après-midi, le chef de l'Etat-major belge ayant exposé au Roi la situation irrémédiablement perdue de notre armée, il fut décidé d’envoyer un parlementaire dans les lignes ennemies avec mission de s’enquérir des conditions auxquelles les Allemands accepteraient de suspendre  le combat contre l’armée belge.
A 5 heures du soir, le général-major Derousseaux, désigné pour cette mission, quittait le château de Saint-André lez-Bruges, où était installé notre G. Q. G.. et partait en direction des lignes allemandes. Sa voiture était conduite par le chauffeur Léon Vermeulen, du Corps de Transport ; à côté du conducteur se tenait le sous-officier Jacques Pelgrims, réserviste, portant le drapeau blanc. Dans une seconde voiture se trouvaient le commandant Liagre, officier de réserve, désigné comme interprète et un chauffeur.

       Les deux voitures partirent, croisant sur leur route, le lamentable convoi des réfugiés fuyant la bataille, et des débris d'unités belges. Elles atteignirent bientôt la zone des combats. Elles y furent d'ailleurs accueillies par une rafale de mitrailleuse, tirée par les Allemands. Des balles atteignirent l'auto du général, criblèrent de trous le pare-brise et la carrosserie et blessèrent à la main et au cou le porte-fanion Pelgrims. Il était environ 17 h. 30. La voiture du général fut immédiatement entourée de soldats allemands. Après avoir mitraillé nos parlementaires, ils les... mitraillèrent à nouveau de leurs appareils photographiques. Une brève altercation eut lieu entre le sous-officier Pelgrims qui, de sa main valide, arracha des mains d'un Allemand l'appareil avec lequel il s’apprêtait à photographier. Un officier donna alors aux hommes l'ordre de se retirer, et, un chauffeur allemand prit, au volant de la voiture belge, la place du chauffeur Vermeulen.

       On banda les yeux du général Derousseaux et du commandant Liagre. Des infirmiers pansèrent sommairement Pelgrims, qui remonta en voiture : mais le chauffeur Vermeulen reçut l'ordre de rester sur place. Il devait attendre là durant près de quatre heures, en première ligne seul Belge parmi les Allemands qui continuaient de progresser en combattant, le retour de son chef.

       Conduite - fort mal - par un Allemand qui, sans doute. n'avait jamais piloté une voiture américaine, la voiture du général Derousseaux fut dirigée d'abord vers Pithem : où, dans une grande maison blanche, était installé le Q. G. d'un régiment. Là, le sous-officier Pelgrims fut emmené dans une école où se trouvaient des prisonniers belges; il Y fut soigné par un médecin belge.

       Ayant été pansé il fut ramené au P. C. du régiment ; mais le général Derousseaux avait été emmené plus loin. A ce moment, le P. C. allemand subit un terrible bombardement de l' artillerie belge. Un colonel allemand s’approcha du sous-officier et lui donna l'ordre de s’abriter. Celui-ci exigea alors d'être reconduit auprès de son général. Dès que le bombardement s'apaisa, un chauffeur allemand, le prit dans sa voiture et le conduisit au Q. G. de la Division. En cours de route, le chauffeur se perdit, mais la voiture finit par atteindre le village d'Ingelmunster où, effectivement, se trouvait le général Derousseaux, en pourparlers.

       Ici se place un curieux incident, Lorsque le général Derousseaux eut terminé son entretien avec le général Gortafleisch, on ne trouva plus trace des deux autos belges... Elles avaient été enlevées !

       Les Allemands offrirent une autre voiture aux parlementaires belges. Mais si le général, ni son interprète, le commandant Liagre, ne sachant conduire et le sous-officier Pelgrims étant blessé à la main, une voiture allemande prit les Belges à son bord, et partit en direction des lignes. Au P. C. de la Division, on leur remit un grand drapeau blanc. Ainsi, les Allemands pénétrèrent jusqu'à l'intérieur des lignes belges où après avoir repris, en passant, le chauffeur Vermeulen, le général Derousseaux trouva une autre voiture pour regagner le G. Q. G., à Saint-André lez-Bruges. A 10 heures du soir, le général Derousseaux rapportait au Roi la réponse des Allemands : ils ne pouvaient accepter que la reddition inconditionnelle des forces belges.


Après les ouvertures faites du côté belge, une auto allemande arrive au Quartier Général belge, dans les Flandres

       Apres avoir passé en revue les moyens qui demeuraient à l'armée belge d'échapper à ces dures conditions, l'Etat-major dut se résigner et, vers 23 heures, l'acceptation était notifiée à l’ennemi par radio. Le Roi proposait que la cessation du feu fut fixée au lendemain matin, quatre heures. Dans la nuit, les Allemands marquaient par radio, leur accord.

       Ainsi se terminait le premier acte de la capitulation.

       A l’aube du 28 mai, les hostilités cessaient. Dans certains secteurs, on vit des auto-blindées allemandes pénétrer dans les lignes belges transportant un clairon qui sonnait le « Cessez-le-feu ». L'ordre de cesser le feu fut d'ailleurs transmis à toutes les unités belges en campagne ; certaines d'entre elles ne furent pas immédiatement touchée, par cet ordre. D'autres, notamment les garnisons de certaines positions fortifiées, devaient poursuivre la lutte pendant plusieurs jours encore, jusqu'à épuisement de leurs ,réserves. Il restait à échanger les documents officiels de la capitulation.

       Il fut convenu que le mandataire du Roi, c'est-à-dire le général Derousseaux se rendrait le 28 au Q. G. du général von Reichenau, commandant la 6ème Armée allemande en Belgique. Le général partit à l'aube de Saint-André lez- Bruges, toujours accompagné du commandant Liagre, interprète. Lorsqu'il atteignit le point fixé de la ligne de feu où devaient l'attendre l'escorte allemande chargée de le conduire au Q. G. de von Reichenau, un drame venait de se produire : voyant approcher une auto allemande arborant le drapeau blanc, un lieutenant belge, qui n’avait pu été informé de l'arrivée de parlementaires ennemis et qui redoutait une ruse, avait fait ouvrir le feu d'une pièce de 4,7. Un Allemand avait été tué ; d'autres étaient blessés. Ce fut, pour les parlementaires belges, un moment délicat.

       La voiture du général Derousseaux fut néanmoins conduite, à bonne allure, vers le Tournaisis. Elle s'arrêta au château d'Anvaing. Le général belge fut reçu, sur le porche, par le chef d'état-major de Reichenau, le major-général Paulus, qui devait, par la suite être capturé à Stalingrad et devenir le chef du groupe de généraux anti-hitlériens qui ne cessèrent plu de prêcher le soulèvement contre le régime nazi.

       Les entretiens commencèrent aussitôt. Il était 9 heures 40.

       Du côté allemand, outre von Reichenau et Paulus, étaient présents le colonel von Bechtolsheim et le commandant von Luttitz, interprète.

       Au cours de cet entretien, le général Derousseaux défendit l'honneur de l’armée belge et obtint de l’ennemi une déclaration reconnaissant que nos troupes s'étaient battues avec vaillance. En témoignage de respect pour les chefs d'une armée dont ils devaient reconnaître, le courage, les Allemands déclarèrent au général Derousseaux qu'ils autorisaient nos officiers à conserver leur sabre. Le général répondit qu'il appréciait ce geste comme purement symbolique, car les officiers belges ne portaient plus le sabre. Il demanda surtout qu'en égard à leur courage, les prisonniers de guerre reçoivent un traitement spécial ; mais sur ce point les Allemands ne prirent aucun engagement.

       Enfin c'est au cours du même entretien que, le général Derousseaux s’était inquiété du sort qu'avaient réserver les Allemands au Roi, ceux-ci décidèrent d'assigner le Palais de Laeken en résidence au Roi prisonnier.

       En substance, le protocole de capitulation stipulait que : « L'Armée belge déposera immédiatement les armes sans conditions et se considèrera dès lors comme prisonnière de guerre. Un armistice a pris cours le matin du 28 mai, à la demande du commandement belge. Les opérations contre les troupes britanniques et françaises continuent. Le territoire belge sera immédiatement occupé ; tous les ports inclus. Aucun dommage nouveau ne sera apporté aux écluses ni aux fortifications de la côte. Dans un protocole additionnel, il était dit que les officiers belges conserveraient leurs armes, en témoignage de reddition honorable, et que le château de Laeken serait mis à la disposition du Roi pour y résider avec la Famille Royale, sa suite militaire et ses serviteurs. Le protocole réclamait encore la restitution de deux aviateurs allemands abattus en Belgique le 10 janvier 1940, celle de quelques pionniers allemands internés en Belgique pendant la mobilisation, et fixait une série de mesures exécutoires des condition d'armistice.

       A 10 h. 30, le document était signé par le général Paulus, pour l’armée allemande et par le général Derousseaux pour l’armée belge.

       Aussitôt, le général von Reichenau, épanoui, téléphonait la nouvelle à son Führer.

       Et l’un des plus sombres chapitres de notre histoire s’achevait ...



[1] Tiré de « Le Patriote Illustré » revue hebdomadaire n° 16 du 10 juin 1945



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