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Occupée en Europe, la Belgique prend une revanche sur l’Axe en Afrique.

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Occupée en Europe, la Belgique prend une revanche sur l’Axe en Afrique

L’Expédition d’Ethiopie[1]

       Mise hors de combat sur son propre territoire par des forces et des moyens immensément supérieurs aux siens... la Belgique a traversé toute l'Afrique pour prendre sa revanche sur l'Axe. L'expédition qu'elle a entreprise contre l’Italie sous les tropiques en 1941 révèle de la part de ceux, qui l'on organisée et conduite de si hautes qualités, d'intelligence et d'énergie, elle est si bien dans la tradition Léopoldienne d’héroïsme colonial, que les jeunes de notre époque, lassés de l'égoïsme et de la mesquinerie trop fréquents en Belgique seront fiers en lisant ces lignes qui voudraient retracer simplement à leurs yeux une page d'histoire écrite, sur la terre d'Afrique par un groupe de Belges, officiers et hauts fonctionnaires.

       Réaliser une randonnée militaire de 4,500 km, sous le soleil d'Afrique à travers la forêt Congolaise, les escarpements de la crête de portage Congo-Nil, les marais et les déserts du Soudan, en maintenant l'ordre et la cohésion dans ses colonnes n'est pas une aventure tellement banale. Mais elle prouve que le Belge, s'il consentait plus souvent à s'élever au dessus de ses petits intérêts personnels et à se soumettre à la rude discipline de la vie au lieu de la critiquer, serait capable de réaliser de grandes choses et sans voler les champs de son voisin, d'amener des bouffées d'air frais dans ses frontières resserrées.



But de l’expédition :

       La présence de l'armée italienne en Ethiopie constituait, on le comprend, une menace grave dirigée contre l'Afrique Centrale, le Soudan, l'Egypte, l'entrée de la Mer Rouge. En particulier le prestige absolument nécessaire de l'Empire Britannique en Egypte, était gravement compromis par le contrôle que l'Italie exerçait sur les eaux du Nil.

       Il fallait donc renforcer le prestige britannique en Egypte et éliminer l'Italie d’Ethiopie.  

       Les troupes britanniques se chargèrent d'expulser les Italiens de la région du lac, Tana et du cours supérieur du Nil Bleu, les Belges reçurent pour mission de supprimer la menace qui pesait sur le Nil Blcnc.

Premier contingent :

       Le premier bataillon de troupes congolaises s'embarque au Stanley-Pool vers le début de [envier 1941 ; transporté sur 12 cargos de 10 tonnes, il parcourut 1.800 km. sur le Congo et ses affluents jusqu'à Aketi, où la flottille fut mise sur les wagons plats du vicinal du Congo. Huit cents kilomètres plus loin, à Mungbere, tête de ligne, les camions prirent la route et ils gagnèrent Juba, sur te Nil. Blanc, à 720 kilomètres au N.E.

Vers Asosa :

       Le premier objectif de l'expédition était le centre fortifié d'Asosa, dans une région drainée par le Nil Bleu, à 450 kilomètres au N. du quartier général italien de Saïo.

       A Juba on embarque donc la colonne sur les grands bateaux du Nil qui, aidés par le courant atteignent Malakal en 5 jours et s'arrêtent à Mélut. La colonne désormais abandonne le fleuve et cingle vers l'Est à travers le désert brûlant du Soudan. Les cernions mettent 2 jours

à atteindre Kurnuk. Les King's African Rifles composés d’indigènes de l'Est africain sous les ordres du Col. William Johnson y attendaient déjà les Belges pour passer à l'attaque.

Attaque d’Asosa :

       L'attaque combinée du Col. Johnson et du Niger Herbiet, commandant les troupes Congolaises, se déclenche le 11 mars, exactement six semaines après leur départ du Congo. Elle trouve les Italiens complètement surpris. Ils abandonnent Asosa et poussent vers le Sud pour rejoindre la place de Chidanni à 210 km. de là.

       Les pertes Belges furent dues surtout, à la dysenterie et aux refroidissements.

Plan du Général Wavell :

       La chute d'Asosa indiquait la méthode à suivre pour la campagne subséquente des alliés en Éthiopie Occidentale, dans la poussé, britannique sur les eaux supérieures du Nil Bleu, une épisode dans l'offensive générale des forces partant du Kenya, vers la Mer Rouge. Elles poussaient vers Addis-Abeba laissant l'issue vers le Soudan gardée par les Belges, comme seule voie d'évacuation possible pour les Italiens.

       Selon les larges conceptions, du général Wavell, les Belges constituaient l'enclume tandis que les troupes Ecossaise, Sud-Africaines, de la Côte de l'Or, au Nigeria et les « patriotes Ethiopiens, » étaient les marteaux. Le système d'autostrade rayonnant autour d'Addie Abeba devait fonctionner à la manière d’une cheminée, chassant vers les vallées du Baro et du Solat les Italiens en fuite.

D’Asosa à Cambala :

       Après la chute d'Asosa, le bataillon Belge reçut la rude mission de retraverser le désert du Soudan jusqu'à Melut (400 km.) , de remonter le fleuve Nil Blanc jusqu'à sa jonction avec le Sobat et le Bara (500 km.), d'atteindre le pied des montagnes d'Ethiopie et de fermer ainsi l'ouverture de la poche.

       Un grave danger existait. La retraite Italienne vers l'W qui se faisait en assez bon ordre, aurait pu, alors que ces troupes étaient encore fortes et bien organisées se transformer en une attaque brusquée contre les positions britanniques du Soudan.

       Si les Italiens avaient pu faire en sens inverse la manœuvre que les Belges venaient d'accomplir, et traversant le désert du Soudan s'étaient emparés de l'important aérodrome de Malakal, les Britanniques auraient sans doute été contraints de retirer des troupes de Libye où les Allemands devenaient dangereusement agressifs.

       Tout dépendait donc d'un unique bataillon Belge. Il fallait que, sans perdre de sa force combattive, il se déplaçât avec une vitesse record sur trois côtés d'un quadrilatère, bordé à l'E. par la frontière Ethiopienne, et ,à l'W. par le Nil Blanc.

       Il devait en outre s'avancer davantage vers l'Est, sur la mute torride de Gambela de manière à prévenir le général Italien Gazjera, qui alarmé par la chute d'Asosa, aurait pu foncer par cette même route sur le Soudan. Il n'y avait donc pas de temps à perdre. Les 700 hommes et quelques 400 porteurs du bataillon firent les 1400 km en 11 jours. C'est-à-dire 11 jours d'enfer pour les hommes tour à tour entassés dans les camions et forcés d'en descendre pour les dégager des sables. Et en cours de route on apprit qu'il ne fallait pas espérer prendre Gambela sans combats.

       Entretemps les King's African Rifles qui refoulaient les Italiens vers Ghidanni étaient arrêtés dans leur progression.

Assaut de Gambela :

       Tête de navigation sur le Baro, tributaire du Nil Blanc, Gambela est distant de 70 km de Saïo qui la domine de 4000 pieds.

       L'attaque fut menée vigoureusement contre une défense énergique, mais ne coûta aux Belges que trois fantassins, trois officiers blancs et 15 soldats noirs blessés. Sans souci les Belges repartent vers Saïo à travers un pays chaotique mêmement propre à la guerre d’embuscade, mais dont heureusement les Italiens ne pensant pas à tirer parti.

Opérations aux abords de Saïo :

       Renforcés d'une compagnie de mortiers de 80 et d'un second bataillon, les Belges commandés par le Lt. Colone1 Vander Meersch, attaquent le 15 avril. Ils sont 1500 et, 600 porteurs, contre 7000 Italiens. Mais le petit nombre des troupes et les difficultés de la position font échouer l'attaque. Une nouvelle tentative n'est pas plus fructueuse.

Situation critique :

       Sur ces entrefaites la saison des pluies (1 mai au 15 juin) transforme en marais la seule route qui traverse la plaine du Soudan. Pendant 6 semaines les communications sont interrompues et la situation devient si grave qu'on doit mettre les troupes à la demi-ration. La chaleur et les moustiques sont intolérable et la disette se fait même si pénible que les officiers ingénieurs utilisent les filets de camouflage pour pêcher dans les rivières.

       Enfin vers le début de juin, les routes étant encore impraticables, le niveau des rivières Sobat et Baro se relève assez pour permettre l'arrivée des renforts du Congo.

Plusieurs plans :

       Le premier projet fut de couper Saïo de Mogi, ville située à une certaine distance de la première et où se trouvait le parc de camions et le centre d'approvisionnement de l'armée italienne.

       Mais pour tenir simultanément le front de Saïo et investir Mogi, les 2.000 Belges opposés aux 8000 Italiens ne pouvaient distraire de leurs effectifs qu'une compagnie et demie, soit 250 hommes.

       Malgré leur nombre ridiculement faible ils attaquèrent le 9 juin, conduits par le commandant Pierre Bourameau leurs derniers étant couverts par l'arrivée d'un nouveau bataillon sous les ordres du Major Antoine Dupéroux.

       Mais de nouveau les effectifs plus nombreux... et la situation incomparablement plus avantageuse des Italiens font échouer l'attaque directe. En vrai chef humain, le commandant, ne voulant pas faire massacrer ses hommes sans résultat, s'embusque autour de la ville et envoie des patrouilles assaillir la route de Mogi à Saïo. Pour donner aux Italiens l’illusion du nombre, les officiers Belges changent fréquemment la position de leurs pièces d'artillerie.

       Le stratagème réussit à tel point que les Italiens pris de peur portent jusqu'à 9000 hommes les effectifs de Mogi.



Attaque et prise de Saïo :

       L'arrivée du général major Aug. Gilligert fait abandonner l'action contre Mogi. On décide de concentrer tout l’effort sur Saïo.

       Le général Gilligert, grand homme flegmatique, était connu de ses hommes sous le nom de « Kepi ». En préparant sur une vaste échelle l'attaque de Saïo, il lui arriva souvent d'aller avec le Col. Martens sur le front des lignes, sous le feu ennemi. Et un officier mitrailleur Italien, apprenant un peu plus tard que son feu avait failli faucher l'Etat-Major Belge, s’étonna que les chefs Congolais allassent jusqu'aux tranchées de premières lignes. « Chez nous, personne au-dessus du grade de capitaine ne vient si loin, dit-il ».

       Mais le plan fut préparé avec soin et le 3 juillet à l'aube, l'attaque déclenchée.... et à 1 h 40 de l'après-midi deux voitures italiennes arborant le drapeau blanc descendaient le chemin en lacet qui donnait accès au plateau de Saïo. Le général Gazzera capitulait, neuf généraux, 370 officiers, 2.575 soldats italiens, 3500 indigènes se rendaient à un général belge, 2 colonels et 3 majors commandant une armée que 2.000 porteurs faisaient monter péniblement à 5.000 hommes. Au cours de la campagne, la minuscule armée Belge avait fait 15.000 prisonniers. Ses pertes s'élevaient en tout à 462 hommes blancs et noirs, les trois quarts morts de maladies.

       Les détails manquent encore sur la manière dont fut organisée et menée l'expédition, mais ce que nous en savons est suffisant pour nous faire estimer l'énergie et la valeur des chefs civils et militaires qui servent en Afrique. Ils ont bien montré qu'un peuple ne doit pas mesurer son âme à l'exigüité de son territoire et qu'il n'est mesquin que s'il le veut bien. Puisse l'esprit de Ryckmans et de Gilligert se répandre en Belgique et faire passer un souffle de grandeur sur les cœurs timides et étroits de trop de nos compatriotes égoïstes ou stérilement indisciplinés.

 



[1] Tiré de « Le Blé qui lève » n° 10 du 25 juin 1945



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