Maison du Souvenir

L’abbé Peeters, curé de Comblain-au-Pont : un sourire  indéfectible en toute circonstance !

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L’abbé Peeters, curé de Comblain-au-Pont : un sourire indéfectible en toute circonstance !

point  [article]
Le vicaire d’Othée

Attitude familière du curé de Comblain

Monsieur le curé amuse les gosses

Cérémonie patriotique à Comblain

Monsieur le curé mène la ronde

Monsieur le curé sur « la fougueuse »

Monsieur le curé sourit toujours

Monsieur le curé sourit toujours

Monsieur le curé sourit toujours

La fausse carte d’identité du curé Peeters

L’hôtel de Remouchamps ou l’abbé fut arrêté

Bloc 24 de la Citadelle de Liège, cellules de condamnés à mort

Couloir du Bloc 24

Le dernier retour du curé de Comblain dans sa paroisse

L’abbé Peeters, curé de Comblain-au-Pont : un sourire  indéfectible en toute circonstance !

Introduction

       Le curé Peeters mérite certainement d’être rappelé à la mémoire des Belges. Patriote exemplaire, héroïque Flamand au service des Wallons et particulièrement  des paroissiens de Comblain-au-Pont, il fut aussi un homme sans peur et sans reproches et, n’hésitons pas à employer ces mots, un véritable saint ! Imaginez-vous en effet un instant sourire en toutes circonstances aux autres, quelque soit votre état d’âme et votre santé ! Combien de personnes peuvent parvenir à réaliser ce challenge ? L’abbé Peeters fut une de ces personnes. A force de volonté, de sagesse, et sans doute de prières, il put mettre sa devise en application sans défaillir : « la peine pour moi, le sourire pour les autres ». Toutes les innombrables personnes qui l’ont rencontré ont été impressionnées par le constant sourire qu’il affichait et qui l’accompagnera jusqu’au poteau d’exécution !

Joseph Peeters garde-civique condamné à mort en août 1914

       Joseph Peeters est né en Flandres à Brusthem. Quand la Grande Guerre éclate, Joseph fait partie de la garde civique. Le 9 août 14, il se trouve dans la campagne de Saint-Trond. En avant-garde, il est couché  avec cinq de ses camarades et  tiraille sur les soldats ennemis. Mais bientôt l’adversaire plus nombreux encercle le petit groupe et le fait prisonnier. Pour l’officier allemand qui ne reconnaît pas dans l’uniforme des gardes-civiques un uniforme de soldat belge, les six Belges sont des francs-tireurs et doivent être fusillés sur le champ. On aligne les Belges et un peloton d’exécution prend place devant eux. Un garde-civique demande un dernier répi, le temps de réciter un acte de contrition. L’officier accepte… au moment où la prière se termine, une auto s’arrête en trombe devant les condamnés à mort. Un général allemand en sort et s’enquiert de ce qui se passe ! Joseph Peeters lève alors la main pour demander la parole.  Contre toute attente, le général accepte et Joseph parvient à le convaincre  que les Belges qu’il a devant lui ne sont pas des francs-tireurs mais de véritables soldats. L’ordre est donné d’annuler l’exécution. Le peloton d’exécution se disloque et les gardes-civiques sont à présent considérés comme prisonniers. Mais qui est ce Joseph Peeters, le  « beau causeur »  venant de  sauver la vie de ses camarades ?  C’est un jeune étudiant qui vient de terminer au Petit-Séminaire de Saint-Trond sa rhétorique ! Sa nature fougueuse l’a poussé à s’engager dans les gardes-civiques  malgré son handicap physique : il porte en effet un corset de cuir en permanence et souffre de boiterie, séquelle probable d’une  tuberculose osseuse survenue dans sa tendre enfance.


Le vicaire d’Othée

       Joseph ne restera pas longtemps prisonnier. Il fausse rapidement compagnie aux Allemands et parvient à rejoindre l’armée belge où, à défaut d’être accepté comme soldat, il est embauché comme estafette au profit d’une unité de cavalerie ! Il se sert d’un vélo pour remplir ses missions et brave pluie et boue pendant plusieurs semaines jusqu’à la reddition de la place forte d’Anvers. L’armée belge s’en va vers l’Yser et n’a plus besoin de Joseph. L’officier belge pour qui il a travaillé le remercie des services prestés en lui offrant… un superbe révolver muni d’une crosse incrustée de nacre. Joseph, qui veut devenir prêtre, décide  de continuer ses études. Il rejoint le séminaire de Liège où, très rapidement, il acquiert une réputation de joyeux luron par sa bonhomie et sa bruyante gaieté ! Prêtre en 1920, il est d’abord nommé professeur de travaux manuels à l’école Normale de Theux. Le jeune professeur Peeters est un blagueur impénitent avec ses collègues mais il est aussi un professeur remarquable pour les futurs instituteurs car il adore bricoler ! Nous verrons plus loin qu’il conservera d’ailleurs ce goût pour les travaux manuels pendant tout son sacerdoce. En 1923, son professorat se termine et le voilà notre abbé envoyé à Othée comme vicaire  pour seconder le vieux curé malade.

Vicaire à Othée

       Il se présente à ses habitants avec humour : Je suis reconnaissable dit-il, facilement, j’ai deux signes distinctifs : « ma rossète tièsse et mes houlèyès djambes » ! Il commence par aménager sa maison vicariale de telle sorte qu’il puisse y accueillir sa maman ! Ensuite, il installe un atelier de menuiserie pour réparer lui-même la boiserie de la toiture et le mobilier du local des œuvres paroissiales. Les habitants d’Othée sont rapidement étonnés par le dynamisme de leur jeune vicaire qui quitte souvent sa soutane pour une salopette ! Joseph Peeters aime le travail bien fait ! Chacun peut s’en rendre compte en pénétrant dans son bureau qu’il a lui-même rénové  afin de le rendre confortable et accueillant. Une particularité étonnante de ce bureau attire le regard de tous les visiteurs : dans une encoignure se trouve rassemblé tout un arsenal : fusils de guerre et de chasse ! Joseph doit alors expliquer à ses visiteurs que l’on peut être vicaire et en même temps être passionné par le tir ! Ce goût pour le tir, Joseph l’avait reçu de son père qui l’emmenait souvent chasser dans la campagne de  Brusthem.

       En chaire de vérité, le vicaire excelle et parle avec grande aisance. Au catéchisme, il charme les enfants car il possède l’art du conteur qui sait rendre passionnantes les histoires saintes. Au patronage, le bonheur des gosses est de voir leur vicaire se transformer en un joyeux partenaire de jeux que ce soit autour d’une table ou au milieu du terrain de foot improvisé. Joseph a le don de ramener le sourire chez ceux qui l’on perdu. Un exemple parmi d’autres : ce petit infirme privé de l’usage de ses jambes et qu’il essaie de distraire chaque jour de la semaine par une visite qu’il rend drôle par une blague ou un jeu. Il y a cependant dans le village un autre handicapé auprès duquel Joseph  éprouve plus de difficultés à sourire. Il s’agit d’un jeune ouvrier immobilisé par une affreuse plaie purulente à la cuisse droite. L’odeur de sa plaie décourage les soignants mais pas le jeune vicaire qui vient deux à trois fois par jour la nettoyer. L’abbé Peeters soigna des mois le brave Nicolas et cela jusqu’au décès du malheureux qui hélas ne put se rétablir. Son amour des autres se traduit pour Joseph par son dévouement, son sourire mais aussi par la grande distribution des bénédictions qu’il aime à faire autour de lui ! Ce geste de bénir lui est précieux car il concrétise son amour pour ses semblables. Pas étonnant que l’abbé récite souvent  le poème de Guido Gezelle consacré à la petite croix  paternelle que les enfants reçoivent sur le front avant d’aller dormir :

‘T KRUISKE

‘T eerste dat mij moeder vragen
leerde, in lang verleden dagen,
als ik hakkelde, ongeriefd
nog van woorden, ‘t was, te gader
bei mijn’ handtjes doende: “Vader,
geeft me ‘en kruisken, als ‘t u belieft!”

‘k Heb een kruiske dan gekregen,

menig keer, en wierd geslegen
op mijn’ kake, zacht en zoet...
Ach, ge zijt mij, bei te gader,
afgestorven, moeder, vader,
‘t geen mij nu nog leedschap doet!

Maar, dat kruiske, ‘t is geschreven
diep mij in den kop gebleven,
teeken van mijn erfgebied:
die den schedel mij aan scherven
sloege, en hiete ‘t kruisken derven,
nog en hadd’ hij ‘t kruisken niet!

Traduction

La petite croix

Ce que maman m’apprit à demander

En premier lieu, en des jours

Depuis longtemps passés, quand

Pauvre en parole, je bégayais

Encore, ce fut, joignant mes deux

Petites mains : « Papa, fais-moi une

Petite-croix, s’il te plaît ! 

Et je reçus alors une petite croix,

µmaintes fois, et en une double caresse,

Elle me fut déposée sur la joue.

Hélas, tous deux vous m’avez

Quitté, papa, maman, et

J’en suis bien en peine.

Mais cette croix, elle est gravée,

Fixée profondément en ma tête ;

Signe de mon héritage :

Celui qui me briserait le cerveau

Pour me priver de cette croix

Il ne l’aurait pas encore cette croix

       Auguste avait l’art de scander ces vers avec tant de force que l’on avait l’impression d’entendre de véritables coups de clairon. L’abbé Peeters, avec tant de nobles qualités, pouvait cependant décevoir une catégorie de gens, celle qui juge par l’apparence.  Pas de grande taille, peu de prestance, nul air imposant et puis cet éternel sourire sur les lèvres qui pouvait être un signe de niaiserie ! Mais derrière son apparence bon enfant qui n’est pas sans faire penser à celle du «  Don Camillo » qui enchanta notre enfance, quelle abnégation, quelle volonté, quel dynamisme ! Nommé en 1915, aumônier de l’A. C. J. B. (Association Catholique de la Jeunesse belge),  sans relâche, il sillonne le soir les routes boueuses de Hesbaye pour animer et susciter les activités de cette association. Dans les villages, il se déplace souvent pour rien ou pour quelques jeunes, cependant après des semaines de labeur, il parviendra à ses fins et verra des effectifs de jeunes de plus en plus importants se réunir. C’est avec une immense joie et une toute aussi grande fierté, qu’il emmènera une importante cohorte de jeunes au congrès de Bruxelles de 1925. Là, sur la Grand-Place, les jeunes  assistent à la messe célébrée par le cardinal Mercier avant de défiler et de ripailler sous de tentes installées pour l’occasion ! L’abbé Peeters est un animateur exceptionnel qui aime assister à toutes les manifestations religieuses ou publiques parmi lesquelles celles qui marquèrent le centenaire de notre indépendance. Il organise d’ailleurs lui-même, en 1930,  pour les anciens combattants un mémorable verre de l’amitié dans sa maison vicariale.  Joseph est finalement toujours resté un vrai soldat malgré la soutane ! De temps en autre, il montre son adresse au tir en sortant sa carabine à répétition de 6 mm. Quant à son courage, il le montre rapidement aux villageois quand le tocsin alerte le village ! Cette fois-là, une grange venait de s’embraser ! Les habitants stupéfaits virent Joseph enfourcher son vélo et, sur les lieux du sinistre, grimper sur les plus hautes échelles pour enlever les tuiles faitières et ensuite  couper à la hache les chevrons et le faîtage afin d’empêcher le feu de se propager !  Quel exploit, tout cela avec une soutane et des mauvaises jambes ! Mais ses paroissiens continueront d’aller de surprise en surprise en observant leur vicaire. Un jour, on lui offre de faire un tour en moto ! Pour Joseph qui manque toujours de temps pour ses multiples occupations, c’est une véritable révélation : que de temps gagné quand on est motocycliste ! L’apprenti motard est doué et  très vite, l’on vit  le vicaire pétarader dans Othée !

       La vie réserve pourtant son lot de chagrin à Joseph. Il y eut d’abord la perte de son papa pendant qu’il était professeur à Theux, puis à Othée la mort de sa chère maman en 1930. Il lui restait alors ses deux frères et ses deux sœurs mais la plus jeune Maria fut emportée par la maladie en 1932. Un peu plus tard c’est Jules, le cadet qui est terrassé subitement. Les deuils successifs affectent Joseph profondément mais jamais sa tristesse ne transpira ! En dix ans, de 1923 à 1933, Joseph finalement remporte un important challenge : il  a gagné l’estime de tous les habitants qu’ils soient croyants ou non. C’est avec une grande consternation que les Othéens apprennent le 25 avril que leur vicaire est nommé curé à Comblain-au-Pont. Il y arrive sur sa moto par une belle matinée de mai 1933.


Attitude familière du curé de Comblain

Curé à Comblain-au-Pont

       A Comblain, Joseph va exactement réaliser le même exploit  qu’à Othée : croyants et non croyants vont rapidement l’apprécier. Il se fait connaître particulièrement des mouvements patriotiques, devient un camarade comme un autre des anciens combattants et réussit l’exploit de rassembler tous les villageois qu’elles que soient leurs croyances dans une grand-messe célébrée pour le repos du roi Albert. Voici l’invitation qu’il lança :

Comblain-au-Pont, le 22 février 1934

Chers paroissiens

       Un deuil cruel vient de frapper la Nation Belge. Notre Roi bien-aimé Albert le Grand est mort ! Nous n’en doutons pas, il a paru devant le tribunal du Maître Suprême pour recevoir la récompense promise à ceux qui feraient le bien ici-bas. Nous pleurons tous en Lui, le grand Chef, l’illustre Général, le diplomate avisé, le Protecteur des arts, l’ami des pauvres, le Chrétien éminent. Comme la Nation entière, la paroisse Saint-Martin de Comblain-au-Pont veut rendre à son Souverain tant regretté les derniers honneurs. Dimanche prochain, le 23 février, nous célébrerons solennellement à 10 heures, la Grand’messe pour le repos de son âme. Vous y assisterai tous, sans distinction de classes et d’opinions, vous surtout anciens combattants qui avez souffert à ses côtés et combattu sous ses ordres. Des chaises seront réservées aux Autorités Communales et Fabriciennes ainsi qu’aux anciens combattants.

Signé : Jos.Peeters, curé

       A l’école paroissiale, c’est la même joie pour les enfants qu’à Othée : le curé est disputé entre les enfants  pour partager leurs jeux y compris les séances de glisse en hiver. S’il tombe, c’est évidement l’allégresse générale. A la cure, Joseph est vite connu pour sa grande hospitalité et son art de bien recevoir. Les prêtres du doyenné de Sprimont le savent et se réjouissent des réunions chez Victor qui, ayant appris rapidement le patois, ose dire en présentant son étui à cigares : Un cigare ? C’è-st-on bon sav’ ! allé  prindez-l’, vos l’foumerez à m’santé !


Monsieur le curé amuse les gosses

       Le curé aussi à son aise à Comblain qu’à Othée continue de pétarader. Il est certainement  la personne la plus bruyante du village car ses anciens paroissiens d’Othée lui ont offert une puissante moto, une Saroléa de 500 cc, qu’il nommera « La fougueuse ».  Avec son sourire,  après quelques années, le curé Peeters arrive à ce que la plupart de ses paroissiens acceptent  qu’il les tutoie comme de véritables amis. Pas étonnant car son dévouement aux malades édifie toute la population. Ainsi, dans une roulotte entre Comblain-au-Pont et Comblain-la-Tour se trouvait un pauvre malheureux condamné par sa maladie à une complète solitude car même ses proches ne pouvaient supporter l’odeur émise par sa plaie profonde et purulente. Le curé Peeters vint tout les jours laver la plaie et apporter des gâteries. Après plusieurs semaines, le grand malade s’éteignit dans les bras du seul ami qui lui restait. Joseph paya de sa poche le cercueil !

       Dévoué, bienveillant avec tous, le curé de Comblain ne renonçait pas pour autant à employer ses autres qualités au profil de sa paroisse. Doué comme on le sait pour le travail manuel, il se lance dans de grands travaux de rénovation. Comblain lui devra l’agrandissement et embellissement de la chapelle de Mont, la construction de la chapelle du Pont de Sçay, la  restauration de l’église, l’érection d’une croix au cimetière et la création de l’école du Pont de Sçay !

L’exode en France

       La guerre vint interrompre le doux et profitable apostolat de Joseph. Le 10 Mai 40, le commandement des troupes françaises qui viennent d’arriver dans la localité ordonne aux habitants de quitter la localité. C’est l’exode qui commence et emporte vers la France les Comblinois. Le curé s’en va lui aussi et  sur « la Fougueuse » emmène sur son siège-arrière sa servante Lutgarde. Il finit par s’arrêter, après des jours et des jours de pérégrinations, à Toulouse où il se met au service des autorités religieuses. Il a le plaisir de retrouver des compatriotes prêtres qui ont trouvé refuge au séminaire de Toulouse.

       L’abbé Jacques Guyaux est l’un de ceux-ci et témoigne : « Nous allions causer un peu avec M. Peeters et, quelques instants plus tard nous étions redevenus gais et joyeux, confiants dans la divine Providence. Car si M. le Curé était ainsi, c’était peut-être par une disposition naturelle, mais c’était surtout par une orientation surnaturelle. On sentait en lui un prêtre vivant profondément sa foi… »

       A Toulouse, Joseph apprend qu’un groupe de flamands est réfugié à 50 km de là, à Cintegabelle. Il les rejoint en moto et les console. Son ministère en terre française, il l’interrompt le 11 août car il a décidé de reprendre sa place à Comblain.

De retour à Comblain.

       Le 14 août, le voilà de retour à Comblain. C’est un peu comme l’arrivée d’un général sur le champ de bataille : il réconforte partout où il passe. Bien vite, il prend son parti, celui d’être du côté des opprimés et des résistants… Avec son énergie, ses actions ne se font pas attendre ! Il manifeste sa foi patriotique dans ses sermons, organise « Les secours d’Hiver » pour nourrir les nécessiteux, en devient le secrétaire. Il n’hésite pas à montrer l’exemple en allant lui-même arracher les pommes de terre ou les carottes et en transportant dans la petite remorque de « La Fougueuse » des légumes et autres denrées. Plus dangereux, durant l’année 41, il va cacher chez lui deux proscrits. Des Juifs viennent aussi presque tous les jours au presbytère pour y demander des secours. Bientôt sa réputation lui vaut l’image d’un homme audacieux et sans peur. Voici le témoignage éloquent de son, ami, le commandant de brigade de gendarmerie de Comblain, Léon Quollin :

       L’abbé Peeters fut sur la brèche dès la première heure et fit bientôt figure de chef de la résistance. Grâce à lui, Comblain devint rapidement un centre de lutte active contre l’occupant. Son presbytère nous servit de quartier général ; c’est là que furent imprimés des milliers et des milliers de tracts clandestins. Sous sa direction, nous avons pratiqué toutes les formes de la résistance : diffusion de journaux non censurés, fabrication de fausses cartes d’identité, hébergement de patriotes traqués et de jeunes Malmédiens réfractaires de la Wehrmacht, aide aux juifs, achat d’armes et de munitions, recel d’explosifs enlevés des carrières de la région, distribution de timbres de ravitaillement aux hors-la-loi, mise à l’abri du matériel de roulage réquisitionné : autos, motos, pneus etc. ,sabotage du matériel de chemin de fer. Au début nos tâches furent modestes, mais grâce à notre brave curé, nous fûmes assez vite en liaison avec d’importants services de Liège et de Bruxelles. Je connaissais l’abbé Peeters depuis longtemps, c’était un homme qui ne pensait qu’au bonheur de ses semblables. Mais il faut l’avoir vu à l’œuvre dans la longue lutte silencieuse et obscure qu’il a menée contre l’occupant pour comprendre ce qu’il y avait de grand et d’exceptionnel en lui. Il a été l’âme de la résistance dans toute la vallée  de l’Ourthe.


Monsieur le curé sur « la fougueuse »

       Le 14 octobre 41, un bombardier s’écrase en feu à Oneux. Les habitants retrouvent cinq corps mutilés. Deux aviateurs ont pu s’échapper. Les allemands survinrent mais ne trouve aucuns documents sur les cadavres. Ceux-ci ont été cachés par les habitants. Le curé Peeters veut les ensevelir au cimetière de Comblain après une cérémonie religieuse mais les Allemands se méfient du zèle patriotique du curé et pour l’empêcher de dire la messe des funérailles emportent les corps. C’était mal connaître Joseph ; il fit annoncer partout un solennel service funèbre le 19 octobre pour les cinq héros. Ce jour là l’église fut comble pour entendre son sermon patriotique ! Décidément le curé de Comblain n’avait peur de rien !! Ce que l’on appela « l’affaire de l’avion anglais » révéla malheureusement qu’il y avait des mouchards à la solde de l’ennemi à Comblain. En effet, une lettre anonyme adressée à la Gestapo, fut interceptée au bureau des postes d’Esneux. Dans celle-ci se trouvaient dénoncés  plusieurs Comblinois. Ces hommes, se sentant menacés décidèrent alors de rejoindre l’Angleterre et c’est ainsi que le curé Peeters perdit trois collaborateurs précieux : le commandant Léon Quoilin, le maréchal des logis de gendarmerie Jean Levert et Omer Etiennne.

       Auguste Peeters resta lui à Comblain et devint le centre de la résistance. Pour un seul homme, c’était beaucoup ! Il cachait même à la cure un poste émetteur  que lui avait confié Emmanuel Jooris,  parachuté le 24 mai 1942 avec la  mission de constituer un vaste Service de Renseignements.  


La fausse carte d’identité du curé Peeters

       A cette époque, les journées du curé  sont donc  surchargées ; il est certainement l’homme le plus occupé de Comblain et on le voit sillonner sans arrêt la campagne sur « La fougueuse » emmenant avec lui des documents ou des objets parfois bien compromettants ! A tout moment, l’abbé Peeters peut être arrêté. Il en est conscient mais son sentiment patriotique domine son angoisse. Le moment tant redouté vint en août 42 avec l’hébergement par le curé d’un résistant, Jean Delville de Liège. Cet homme était un des collaborateurs du résistant  Félicien Van Dest, directeur de l’Ecole coloniale de Liège et qui venait d’être arrêté. En même temps que Jean Delville, un prisonnier polonais nommé Thaddée, trouve au même moment refuge chez le curé. Jean Delville tentera  de rejoindre la Suisse avec l’aide de l’agent Militis qui inaugure une nouvelle ligne d’évasion à partir de Virton. La tentative échoue  et voilà Jean Delville malencontreusement de retour à Comblain. Impatient, trop impatient, Jean  cherche aussitôt un nouveau réseau pour l’aider à  sortir de la Belgique. Il trouve un inconnu qui, dit-il possède un bon tuyau…. Quelques jours plus tard, il est mis en contact avec un soit disant passeur à Liège. Celui-ci non seulement lui promet de le faire sortir de Belgique mais promet un parachutage d’armes destiné à la résistance de Comblain ! Rentré à Comblain, Delville met le curé Peeters  au courant de cette opportunité sensationnelle. Jean possède une confiance totale envers ses mystérieux interlocuteurs. D’abord sceptique, Joseph accepte finalement de rencontrer l’un d’entre eux. En compagnie de Thaddée et de Jean Delville, le curé se rend au rendez-vous fixé  le 1er décembre  dans un hôtel de Remouchamps. Le curé Peeters et Jean se munissent chacun d’un révolver.  Le rendez-vous se révèle rapidement être  un guet-apens. A peine arrivés dans l’hôtel que sept hommes de la gestapo surgissent et arrêtent les trois hommes. Fait très grave, les Allemands trouvent les révolvers cachés dans les vêtements du curé et de Jean. L’arrestation du prêtre est vite connue à Comblain où de justesse on parvint à  cacher à la cure  tous les documents et tout le matériel  compromettants.


L’hôtel de Remouchamps ou l’abbé fut arrêté

       Le curé, Jean Delville et Thaddée, prisonniers, sont transportés à Bruxelles et interrogés dans les bâtiments de la G.F.P. avenue Rogier. Après la séance de questions, les voilà emmenés à la prison Saint-Léonard où l’abbé Peeters ressent en une fois un sentiment d’effroi et la tristesse envahir son âme. Mais, rapidement, il se découvre un nouveau champ d’action qui l’oblige à se ressaisir : le soutien à ses malheureux compatriotes emprisonnés comme lui. Il ne faut pas longtemps pour que son allure franche, son sourire, la façon qu’il a de saluer  en clignant de l’œil apportent espoir et consolation à  ses compagnons de détention.

A la prison de Saint-Gilles

       Le 17 décembre, les trois hommes sont transférés à Saint-Gilles. On l’autorise à célébrer la messe dans sa cellule. Un prisonnier, Maurice Biard, témoigne du caractère de Joseph Peeters : j’ai pu converser clandestinement avec l’abbé Peeters et j’ai gardé de ces entretiens un souvenir inoubliable. Son courage tranquille, sa sérénité, sa ferveur religieuse nous communiquaient à tous les plus grands espoirs. Rien n’altérait son stoïcisme. Au préau, bien des amis s’approchaient de lui, soit pour obtenir une bénédiction clandestine, soit pour un mot d’espérance et d’encouragement, car il excellait à rendre confiance aux plus déprimés. Il était en prison l’âme de la résistance.

       Victor Bamps un autre prisonnier est tout aussi admiratif :

       Au préau, nous étions étroitement surveillés mais malgré toutes les précautions des gardiens, M. le curé réussissait à s’entretenir avec ses compagnons les plus proches. Nous employions tous les trucs pour tromper la vigilance des allemands. Lorsque l’on était pris en flagrant délit de bavardage, on était conduit pour quelques heures, parfois pour quelques jours dans la cellule noire. Toutefois, M. le curé était si adroit qu’il ne se fit jamais pincer. Tous les jours après six heures, par un trou que nous avons pratiqué sous les tuyaux de chauffage, il engageait une longue conversation avec un vicaire occupant la cellule voisine.

       Le brave curé ne laissait pas de place à l’inaction. Partie de cartes, jeux d’échec et même séance de lutte corporelle avec ses camarades de cellule et cela malgré ses infirmités. C’est aussi lui qui présidait à la répartition judicieuse du tabac ! Jamais une plainte alors qu’il avait le torse enserré dans un corset de cuir et qu’il devait dormir sur une mince paillasse étendue sur le sol ! Et toujours cette bonhommie contagieuse dont le sourire était la pièce maîtresse ; un sourire dont il rappelait les bienfaits à ses camarades en entonnant souvent sa chanson fétiche justement nommée  « Le sourire » et  que  les écoliers de Comblain lui avaient apprise.

       L’hiver se passa à Saint-Gilles. Ces longs mois d’inaction sont seulement interrompus par des exécutions dramatiques. Ainsi, le curé Peeters s’était  lié d’amitié avec un jeune résistant de 18 ans, Julien Ferrant. Quelle cruelle déception, lorsque le 27 avril le jeune homme se vit appeler chez le commandant pour s’entendre signifier que son recours en grâce avait été refusé !  Le lendemain  28 avril, Julien est emmené au poteau d’un pas ferme et la tête haute comme lui a recommandé son ami Joseph. Quelques jours après, le 3 mai, c’est un autre compagnon du curé qui est emmené à son tour au poteau. Il s’agit de Gaston Lambert. Ses derniers moments nous sont connus par le témoignage d’un autre prisonnier, Victor Bamps :

       Quand on est venu le chercher, il était très pâle, mais il avait une attitude très courageuse. Il nous a fait ses dernières recommandations pour sa famille puis s’est mis à genoux et M. le curé lui a donné sa bénédiction. A ce moment il a pleuré tandis que de grosses larmes coulaient aussi sur les joues de M. le curé.


Bloc 24 de la Citadelle de Liège, cellules de condamnés à mort

Retour à Liège à la prison Saint Léonard.

       Jean Delville, le polonais Thaddée et Joseph Peeters sont transférés à Liège pour y être jugés. Joseph, aguerri par cinq mois de prison ne se laisse pas décontenancé. Il profite de toutes les occasions pour entrer en communication avec les cellules voisines. Plusieurs fois par jour, on entend sa voix lancer de sa lucarne des appels, des boutades ou des consignes. Lorsqu’il sent le cafard envahir les cellules, il se fait plus exubérant ! Mais bientôt, le premier juin, il comparaît devant le Conseil de Guerre pour apprendre sa condamnation : la mort et cinq ans de travaux forcés.

Prisonnier à la Citadelle, il assiste les condamnés à mort et chanta des dizaines de fois « Le sourire »…

       Il est alors transféré le jour même vers la Citadelle de Liège dans le bloc 24, celui des condamnés à mort !

       Hmm, dira-t-il à ses compagnons, la mort et cinq ans de travaux forcés, c’est plutôt embarrassant, je me demande par où je dois commencer !

       Sa bonhommie est mise à rude épreuve dans le bloc 24 où quelques jours auparavant sept condamnés à mort après un long séjour à la citadelle venaient d’être passés par les armes. Il s’agissait de très grands patriotes : le capitaine Henry de la Lindi, les avocats Paul Brouha et Joseph Renkin, l’avoué Malmendier, l’architecte Debouny, René Lorent et Pierre Thomas. Dans les cellules, les détenus ne faisaient que de parler de leurs derniers gestes, de leurs ultimes propos. C’est dans cette ambiance morose que l’on entendit Joseph, le nouvel arrivant,  chanter son chant favori qui résumait sa philosophie de vie : « Le Sourire ».

Le « sourire » chanté sur l’air de «  La lettre du  Gabier de Botrel »

Il est un moyen bien certain

De devenir bien vite un saint

Ce moyen sûr, c’est de sourire,

Point n’est besoin de grands discours

Si l’on répond à tout toujours,

« Par un sourire ».

 

 Si l’on, n’est pas toujours content

On sauve tout apparemment,

Par un très aimable sourire.

Voulez-vous aider, entraîner,

Faire grandir, faire monter,

« Sachez sourire »

 

Quand tout devient contrariant,

C’est juste le meilleur moment,

De tout accueillir d’un sourire.

Dieu le permet pour notre bien,

Tout est pour nous présent divin,

« Divin sourire »

 

Rien ne plaît davantage à Dieu,

Que de voir ses enfants heureux,

Et, quoi qu’il arrive, sourire.

Pour devise, prenons ce mot,

Qui nous élèvera bien haut :

« Toujours sourire »

 

Ici parfois dans la prison,

Entre copains nous nous disons

Où est donc le …sourire ?

Dans notre cœur la belle foi,

« Par le sourire. »

 

Pensons toujours à nos amis,

Avec lesquels souvent jadis,

Nous partagions le …sourire.

En attendant l’heureux retour,

Joyeux disons sans détour :

« Il faut sourire. »

 

Si le travail nous reprenons

Au cher Comblain de beau renom

Nous irons avec le sourire,

Mieux que jamais à nos enfants,

Nous donnerons à tout instant :

« Un bon sourire »

 

8°

Si le pays en ces moments,

Nous dit à tous, »soyez présents »,

Son appel exige le sourire

Dans un ultime, suprême effort,

Avec Jésus bravons la mort

« Dernier sourire »

 

Voilà que s’ouvriront les cieux,

Endroit béni où règne Dieu,

Avec son paternel sourire,

Venez ici, et pour toujours,

Gardez, heureux, par mon secours,

« Mon beau sourire »

       Ce chant avait paru dans la revue « Petits belges » et avait été exécuté avec mimiques le 19 mars 42, à l’occasion de sa fête et en l’honneur de son sourire, par les enfants des écoles. Il lui avait tellement plu qu’il l’avait appris par cœur pour le chanter à ses malades. Dans la prison de Saint-Gilles, il y avait ajouté  cinq couplets de circonstance.

       Un rescapé de la citadelle témoignera  que lorsque la journée était grise on disait au curé : « Allons, Monsieur le curé, chantez-nous « le Sourire ». Il s’exécutait alors de bonne grâce.


Couloir du Bloc 24

       Le bloc 24 à l’approche de la soirée devenait calme car ses hôtes se préparaient à la tragique surprise. C’est en effet entre cinq heures et huit heures du soir que les soldats venaient chercher les prisonniers qui devaient être exécutés le lendemain matin. Le rituel était à chaque fois le même, ils étaient emmenés dans le bureau du capitaine Haecke où ils étaient informés que leur recours en grâce était rejeté. Ensuite, ils étaient enfermés dans les cellules près de la sortie, les Ausgangszellen 13, 14 et 15.  Les condamnés n’avaient plus alors qu’à préparer leur mort. Pendant toute la nuit, ils parlent entre eux des êtres chers qu’ils vont laisser et s’encouragent l’un l’autre à garder la tête haute. Le matin fatidique, c’est souvent avec un vigoureux « Au revoir camarades » qu’ils quittent leurs cellules pour être exécutés.

       L’abbé Peeters devient bien vite un soutien précieux pour tous les condamnés du couloir de la mort. On l’entend rire, chanter, prier mais aussi parfois faire des sermons. Son thème favori, c’est la confiance en Dieu. Le lundi 14, Félicien Van Dest reçoit la visite de sa femme qui émue tombe en syncope au parloir !  Le capitaine Haecke lui avait dit auparavant qu’il serait fusillé le lendemain de cette visite. Il s’attend donc au pire. Un deuxième homme est désigné pour le poteau du lendemain : son voisin de cellule Marcel Beaufays. A l’annonce de l’exécution, le couloir prend un air encore plus lugubre. La prière s’élève  pendant des heures jusqu’à neuf heures du soir, moment où des soldats emmènent les deux hommes chez le capitaine. Par faveur on les laisse dans leur cellule et ils sont autorisés à circuler dans le couloir pour faire leurs adieux. Une messe de communion est célébrée le matin puis les deux hommes sont emmenés au poteau.

       Le lendemain de cette exécution, les condamnés sont changés de cellule et le curé de Comblain se retrouve avec son ami Jean Delville et Louis Piquemil. Les trois hommes passèrent trois jours ensemble jusqu’au 21 juin, date à laquelle trois condamnés, Braun Guillaume, Xhhayet Lambert et Mollers Jean furent appelés à leur tour chez le capitaine pour apprendre que leur exécution aurait lieu le lendemain. Ils sont conduits vers les cellules de sortie, les Augsgangszellen où l’aumônier allemand leur tient compagnie. Le lendemain de leur exécution, c’est Jean Delville qui est désigné pour le poteau. L’aumônier n’étant pas disponible, c’est l’abbé Peeters qui est chargé de préparer le condamné !  Un événement assez incroyable somme toute si l’on se rappelle les liens qui unissent les deux hommes depuis l’arrivée de Delville à Comblain.  A l’aube, la messe fut dite par l’aumônier avec Delville et le curé comme servants ! Puis Delville mangea de bon appétit et fut ensuite autorisé à circuler dans le couloir pour s’entretenir avec ses compagnons d’infortune. A 6 heures, les feldgendarmes l’emmenèrent. Il passa devant toutes les cellules et à travers l’ouverture des guichets serra les mains. Ce départ fut encore plus triste que d’habitude car il était extrêmement rare qu’un condamné parte seul au poteau !

       Le 26 juin, six autres hommes furent emmenés dans les ausgangszellen. Ce fut encore l’abbé Peeters qui prépara les condamnés en attendant l’arrivée de l’aumônier allemand. Les six hommes étaient Lambert Droixhe, Simon Vrancken, Jules Rigo, Célestin Stassen, Jacques Albert, Jules Guelen. Ils chantèrent « le Sourire ». L’aumônier allemand vient prendre le relais vers minuit. Le lendemain, les condamnés s’en allèrent avec calme et dignité.

       Au cours de cette même journée du 29 juin, le curé fut emmené dans la cellule 17 où il se retrouva avec Félix Doumen et Joseph Nols, deux  jeunes hommes d’une trentaine d’année et tous les deux mariés. La soirée fut assombrie par l’annonce pour le lendemain  de l’exécution de trois hommes : Joseph Blockx,  René Dorckens et Charles Sannen. Le 30 juin, le curé est autorisé à célébrer la messe dans sa cellule. Cette faveur lui fait énormément de bien, lui qui  a déjà vu partir 19 hommes vers le poteau…

       Juillet 43 : la petite communauté des condamnés à mort ne perdit qu’un seul membre, Oscar Delcour partit seul après avoir adressé un vibrant « Au Revoir ». Le mois d’août fût quant à lui plus néfaste. Le 2 août, sept condamnés furent appelés : les deux frères Gustin, Emile Blondeau, Fernand François, Charles Hebdrickx, Charles Moureaux, Martin Verviers. Leur départ vers le poteau se fit comme les autres sans incidents. Dans les cellules qu’ils ont quittées ne restaient que les pauvres paquets ficelés en toute hâte et contenant les menus objets à remettre à leurs familles. Le 3 août, dans le préau, les occupants du couloir de la mort arrêtent leurs exercices de gymnastique et pendant une minute de silence gardent le garde- à- vous en souvenir des fusillés du matin. La mort rode hélas toujours dans le bloc 24 malgré l’annonce d’un prochain débarquement allié à Dieppe. Le soir même, trois nouveaux condamnés sont appelés chez le capitaine : l’inspecteur de police Collignon, le receveur de l’enregistrement Joseph Henrotte et le facteur Nicolas Demortier. Le 9 août, trois hommes encore sont désignés pour être le lendemain exécutés. Il s’agit de Léon Demelenne, André Féchir et Nicolas Garot. Le curé Peeters garde encore un infime espoir comme le montre ces phrases écrites le 5 août : Voilà  déjà 29 ans que, pour la première fois, j’ai été condamné à mort et je vis toujours…. Voilà déjà deux mois que je le suis pour la deuxième fois, et… je vis encore... Et dire que depuis huit mois, je n’ai plus vu Comblain !  

       Dans sa cellule, le curé exerce un rayonnement extraordinaire. Ses compagnons l’appellent maintenant  « Papa Peeters ». Tous les soirs, après la prière, « Papa Peeters » bénit ses fils. Ses derniers compagnons partageant sa cellule sont l’abbé Désirant et Alphonse Possemiers. Le 17 août, c’est le tour de Marcel Lesuisse et de Lucien Horion… Ils partent comme les autres avant eux, la tête haute.

Les derniers moments de Joseph Peeters

       Le 30 août vers 6 heures, le brave curé est finalement appelé lui-aussi  chez le capitaine. Il n’est pas seul, il y a aussi Désirant, Possemiers et Simonet. « Papa Peeters » commençait pourtant à espérer sa survie car le bruit courait dans la prison qu’un prisonnier qui n’avait pas été exécuté 90 jours après sa condamnation obtenait la grâce ! Après un court moment de surprise, Joseph  reprit son attitude enjouée et se mit à écrire de nombreuses lettres d’adieux. Après s’être acquitté de ce devoir, il demeura longtemps en tête à tête avec l’aumônier allemand Amschler qui avait su conquérir, par ses grandes qualités de compassion, les cœurs des  condamnés belges.  Vers deux heures du matin, l’abbé Peeters sortit de sa cellule et s’en fut bavarder avec ses camarades du couloir. Pour chacun, il passa à travers les guichets un mot d’encouragement et de réconfort. Lorsqu’il eut passé devant toutes les cellules, il revint au milieu du couloir et entonna son chant favori « le sourire ». Il fit ensuite sa dernière messe puis assista à la messe dite par l’abbé Désirant puis à celle de l’aumônier Amschler. Vers 5 heures, l’aumônier allemand, encadré des deux prêtres condamnés à être fusillés à l’aube, distribuèrent la communion à tous les occupants des cellules du bloc. A 6h15, les condamnés furent emmenés vers les poteaux d’exécution. Joseph Peeters chanta alors le « magnificat ».  Les deux premiers à être liés aux deux poteaux de l’enclos furent Peeters et Simonet. On leur attacha les mains au poteau, on leur  mit le bandeau devant les yeux et on leur fixa sur le cœur une cible en étoffe. La salve fut déchargée pendant que le curé prononçait à voix forte  en latin « En vos mains, Seigneur je remets mon esprit. Vous nous avez rachetés, Seigneur, Dieu de vérité… Quelques minutes après l’abbé Désirant et Alphonse Possemiers arrivaient dans l’enclos pour y être  à leur tour fusillés.         

       Une heure après, quand les prisonniers du bloc 24 demandèrent aux gardiens comment « Papa Peeters » était mort, ils répondirent : « jusqu’au dernier moment, il a souri… »


Le dernier retour du curé de Comblain dans sa paroisse

       Deux ans plus tard, le 22 juillet 1945, au cours d’une émouvante cérémonie, le corps de Joseph Peeters est transféré à Comblain. Puissions-nous ne pas oublier l’exploit que cet homme réalisa : vivre, aimer, résister, souffrir… sans jamais se départir de son sourire ! 

Dr Loodts P.

Bibliographie : L’héroïque curé de Comblain-au-Pont, Laurent Lombard, 315 pages, Edition Vox Patriae, Liège 1946.



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